Usnea
Une histoire fascinante
Les gens qui voient des lichens pousser sur des arbres, des roches ou du bois dépérissant croient souvent qu'il s'agit de plantes, mais ils ont tort. En fait, les lichens ne relèvent pas de la famille des plantes, laquelle comprend surtout des plantes vasculaires et des mousses. Les lichens ne sont pas faciles à classer, car ils sont le fruit d'un « partenariat » biologique particulier qui unit deux entités possédant par ailleurs leur propre classification.
Ils forment l'élément végétatif stable d'une relation symbiotique mutuellement avantageuse entre un champignon et un autre organisme capable de produire de la nourriture par photosynthèse. (La photosynthèse utilise la lumière du soleil pour transformer le bioxyde de carbone et l'eau en sucres et en d'autres formes de glucides.) Leur principale caractéristique tient à leur mode d'acquisition de l'énergie alimentaire dont ils ont besoin pour croître. Voilà donc un domaine où les êtres se définissent par leur façon de s'alimenter, si l'on peut dire.
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Cette Usnea trichodea a été trouvée dans une région marécageuse du parc national Fundy, au Nouveau-Brunswick. |
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Les champignons sont incapables de produire leur propre nourriture. Dans un lichen, un champignon se nourrit d'algues vertes ou de cyanobactéries. Ces éléments nutritifs contiennent la chlorophylle, ou matière colorante verte, nécessaire à la photosynthèse et portent le nom de symbiontes photosynthétiques ou de « photobiontes », par contraction. Le champignon partage l'énergie alimentaire que le photobionte génère pour subvenir à ses propres besoins alimentaires. Le lichénologue Trevor Goward a décrit les lichens comme étant des « champignons qui auraient découvert l'agriculture ».
Cette Usnea scabrata poussait sur une épinette à une altitude d'environ 1 500 m dans la partie nord des Rocheuses, près de Wokkpash Lake, en Colombie-Britannique. |
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Quand les deux éléments (champignon et photobionte) s'associent, ils subissent une transformation physique étonnante. Le lichen qui en résulte n'a pas l'apparence d'un champignon, mais celui-ci exerce tout de même une influence décisive sur l'apparence du lichen. Il existe environ 14 000 espèces de champignons capables de s'associer aux photobiontes et les lichens produits sont extrêmement variés. Des pressions sélectives exercées par certaines habitudes et certains habitats ont une incidence sur l'apparence des lichens, de sorte que deux espèces d'apparence similaire ne sont pas nécessairement proches l'une de l'autre.
Contrairement aux plantes, les lichens ne possèdent pas d'hydrofuges, éléments de surface qui permettent de conserver l'eau, de sorte qu'un lichen peut absorber directement l'eau et les nutriments qu'elle contient par la surface, plutôt que par les racines, comme les plantes le font. Certains lichens du genre Usnea peuvent poursuivre leur croissance même quand ils sont détachés du thalle originaire et qu'ils recouvrent une branche ou un fil. |
La capacité surprenante des lichens du genre Usnea à absorber les minéraux contenus dans l'air a des conséquences importantes pour les êtres humains. Les usnées comptent parmi les organismes les plus sensibles aux polluants atmosphériques, ce qui en fait de précieux indicateurs naturels de la qualité de l'air. Les polluants absorbés peuvent fausser suffisamment l'équilibre délicat de la relation symbiotique du lichen pour le détruire. Les régions polluées ne comptent pas autant de sortes de lichens, car les plus sensibles meurent. La présence ou l'absence d'usnées dans des endroits où on devrait normalement en trouver constitue un indicateur très valable des niveaux de pollution.
Passablement répandu jadis dans les régions humides de l'Europe, l'Usnea longissima a pratiquement disparu de ce continent à cause de la pollution. On peut analyser en laboratoire les tissus végétaux du lichen pour déterminer les polluants absorbés. Étant donné que les usnées accumulent efficacement certains polluants, elles peuvent servir de système d'avertissement rapide pour mesurer la qualité de l'air.
Les lichens produisent des composés secondaires qui n'interviennent pas directement dans leur métabolisme primaire. Les usnées génèrent de l'acide usnique, qui leur confère une couleur jaune pâle distinctive. Ceci les protège d'une trop grande exposition à la lumière et des invertébrés fouineurs, qui n'apprécient pas leur goût.
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Dans la réserve naturelle du Parc provincial de Quetico, en Ontario, ce lichen du genre Usnea recouvre presque toutes les branches d'un arbre. |
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L'acide usnique est utile à des fins médicales et commerciales. Au quatorzième siècle, les gens croyaient qu'à cause de la ressemblance avec la texture des cheveux, l'usnée pouvait renforcer les cheveux. Ses propriétés antibiotiques ont été reconnues par de nombreuses cultures.
La Paruline à collier creuse son nid à même un amas d'usnées suspendues, souvent sans y ajouter de revêtement, sinon quelques brindilles, quelques végétaux ou quelques poils. Illustration de John A. Crosby. |
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Des espèces d'usnée sont utilisées sur tous les continents : en médecine chinoise, en médecine homéopathique contemporaine, ainsi que dans la médecine traditionnelle des îles du Pacifique et de la Nouvelle-Zélande. On retrouve souvent des extraits de lichen dans les savons et les désodorisants, en partie à cause de leurs propriétés antibiotiques. Les autochtones du Mexique l'utilisent aussi pour fabriquer une boisson fermentée à base de maïs.
Les qualités fibreuses de l'usnée, plus évidentes, sont appréciées autant par les animaux sauvages que par les humains. On retrouve de l'usnée dans les matériaux de nidification des écureuils volants et de plus de cinquante espèces d'oiseaux; la Paruline à collier l'utilise presque exclusivement. Les qualités absorbantes de l'usnée en font un matériau de choix pour les goudrons végétaux, les couches de bébé et les serviettes hygiéniques. |
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