Programme canadien sur les crimes contre
l'humanité et les crimes de guerre
Historique du programme sur les crimes de guerre
Programme relatif à la Seconde Guerre mondiale
Après la Seconde Guerre mondiale, d'importants mouvements
migratoires se sont traduits par l'admission au Canada de personnes
qui ont ensuite été soupçonnées d'avoir été impliquées
dans la perpétration de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
En 1985, le gouvernement a créé la Commission d'enquête
sur les crimes de guerre, dirigée par le juge Jules Deschênes,
qui a dressé trois listes de suspects comptant 883 noms. La principale
recommandation du juge Deschênes était que la Gendarmerie
royale du Canada et le ministère de la Justice obtiennent le mandat
de faire enquête sur ces suspects.
En mars 1987, le gouvernement a réagi au rapport de la Commission
Deschênes en annonçant que les personnes présumées
avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité feraient
l'objet de poursuites pénales ou qu'on révoquerait
leur citoyenneté et qu'on les expulserait.
Conscient que les recherches nécessaires pour enquêter
et préparer ces causes en vue de poursuites sont très spécialisées
et très intenses, le ministère de la Justice a créé une
Section des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre
(connue sous le nom de Section des crimes de guerre du ministère
de la Justice).
La Section des enquêtes sur les crimes de guerre et les affaires
spéciales de la GRC, créée en 1985 pour aider la
Commission Deschênes et qui porte maintenant le nom de Section
des crimes de guerre, a poursuivi ses enquêtes sur toutes les personnes
soupçonnées d'avoir commis ce type de crimes. Ainsi
naissait la composante Programme relatif à la Seconde Guerre mondiale
du Programme sur les crimes de guerre.
Au début du Programme relatif à la Seconde Guerre mondiale,
il a fallu négocier des ententes avec plusieurs pays afin d'avoir
accès à leurs archives et d'obtenir la permission
de communiquer avec des témoins éventuels et de les interroger
de façon informelle ou dans le cadre de protocoles d'ententes
officiels. Des historiens, des enquêteurs de la GRC et des conseillers
juridiques du ministère de la Justice se sont rendus à l'étranger
pour consulter les archives, identifier des témoins éventuels
et effectuer des entrevues afin de pousser plus loin leur enquête.
De 1987 à 1992, après des enquêtes approfondies,
des accusations ont été portées en vertu du Code
criminel dans quatre cas. Il n'y a pas eu de condamnation.
La Couronne a porté en appel l'acquittement d'Imre
Finta devant la Cour suprême du Canada. En 1994, la Cour suprême
a confirmé l'acquittement, et il est devenu clair qu'il
serait impossible de poursuivre d'autres personnes en vertu des
dispositions alors en vigueur du Code criminel.
Pendant la même période, des démarches ont été entreprises
en vue de la révocation de la citoyenneté et de l'expulsion
de Jacob Luitjens en vertu de la Loi sur l'immigration.
Les procédures ont abouti à l'expulsion de Luitjens
et à son renvoi aux Pays-Bas, où il a immédiatement été incarcéré en
vertu d'une condamnation antérieure de collaboration.
En janvier 1995, le gouvernement annonçait qu'il changeait
sa façon de traiter les cas de criminels de guerre, optant pour
la révocation de la citoyenneté plutôt que pour des
poursuites pénales. Dans les faits, cela signifiait que le gouvernement
n'avait plus à prouver que l'intéressé était
un « criminel de guerre », mais qu'il devait
plutôt prouver qu'il était entré au Canada
ou avait obtenu la citoyenneté en faisant une déclaration
trompeuse, par des moyens frauduleux ou en dissimulant des faits essentiels.
Grâce à ce nouveau processus, un certain nombre de cas ont été examinés
par la Section des crimes de guerre du ministère de la Justice
afin que l'on puisse déterminer les cas dans lesquels il
y avait lieu d'intenter des procédures.
Influencé par le rapport du juge Deschênes, le gouvernement
du Canada est d'avis que toutes les avenues juridiques doivent être
envisagées, à savoir les recours disponibles en vertu du
droit de l'immigration, les poursuites pénales ou l'extradition.
Chaque cas étant unique, les faits particuliers, la nature et
qualité de la preuve disponible et les obligations internationales
du Canada doivent décider de la procédure à être
choisie.
Depuis 1995, il n'y a plus aucune différence quant à la
procédure et à la politique entre le Programme relatif à la
Seconde Guerre mondiale et le Programme sur les crimes de guerre contemporains.
Une description plus complète du Programme relatif à la
Seconde Guerre mondiale se trouve sous le titre Programme
relatif à la Seconde Guerre mondiale. Les mises à jour
annuelles font état des activités récentes.
Programme sur les crimes de guerre contemporains
À la fin des années 1980, le problème des crimes
de guerre contemporains et des crimes contre l'humanité est
devenu plus aigu. Les bouleversements politiques, les conflits ethniques
internes, le règlement de différends historiques de même
que les activités d'extrémistes religieux ou nationalistes
en Amérique latine, en Afrique et au Moyen-Orient ont provoqué des
vagues considérables de demandeurs d'asile. Parmi ces demandeurs,
se trouvaient un petit nombre de personnes soupçonnées
d'avoir participé à des crimes de guerre ou à des
crimes contre l'humanité.
En tant que signataire de la Convention des Nations Unies de 1951
relative au statut des réfugiés, le Canada
s'est engagé à offrir une protection aux personnes
qui craignent d'être victimes de persécution, tel
que défini par la Convention. Ainsi, les réfugiés
ne sont pas renvoyés dans le pays où ils ont été persécutés.
Par ailleurs, la Convention prévoit que ceux qui ont commis
des crimes contre la paix, des crimes de guerre ou des crimes contre
l'humanité n'ont pas droit à cette protection.
En janvier 1989, la Loi sur l'immigration a été modifiée
pour que puissent être exclues du processus de détermination
du statut de réfugié les personnes dont on a des motifs
raisonnables de croire qu'elles ont été complices
de crimes contre l'humanité. En plus de refuser à ces
personnes la protection de la Convention, cette exclusion a pour effet
de réduire le délai nécessaire à leur expulsion
du Canada.
En février 1993, un certain nombre de changements ont été apportés à la Loi
sur l'immigration afin que les catégories de personnes
non admissibles pour des motifs criminels soient harmonisées
avec l'évolution de la situation au Canada et à l'étranger,
dans ce domaine. Parmi ces modifications, notons une disposition qui
interdit l'admission au Canada des hauts dirigeants de régimes
désignés par le ministre de la Citoyenneté et
de l'Immigration comme s'étant livrés au
terrorisme ou ayant participé à des violations des droits
de la personne et à des crimes contre l'humanité systématiques
ou graves. Cette disposition a été adoptée en
réaction au traitement favorable de la demande d'immigration
déposée par l'ambassadeur d'Irak en poste
aux États-Unis. À ce moment-là, les motifs de
non-admissibilité qui existaient pouvaient être utilisés
pour refuser l'admission aux personnes qui avaient été directement
impliquées dans des crimes contre l'humanité. Toutefois,
les personnes qui faisaient partie du gouvernement et qui ne participaient
pas physiquement à la violation des droits de la personne, mais
qui avaient pris part aux décisions ayant mené à la
perpétration des atrocités, n'étaient pas
non admissibles aux termes de la Loi sur l'immigration.
Une autre modification apportée à la Loi donne le pouvoir
de refuser aux personnes décrites comme des criminels de guerre
ou des membres des régimes désignés le droit de
revendiquer le statut de réfugié si le ministre croit qu'il
serait contraire à l'intérêt public que la
revendication du statut de réfugié d'une telle personne
soit entendue. Cette situation survient pendant une enquête en
matière d'immigration, lorsque la personne se présente
devant un arbitre afin qu'il détermine si elle est admissible
au Canada, que ce soit pour y séjourner temporairement ou y rester.
En mai 1997, des modifications ont été apportées
au règlement régissant la catégorie des demandeurs
non reconnus du statut de réfugié au Canada et la catégorie
des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution
différée. Ces modifications empêchent les personnes
qui avaient été exclues en vertu de l'article 1Fa)
de la Convention d'avoir accès à une révision
de leur cas pour des motifs humanitaires avant leur renvoi.
Comme les problèmes liés à l'entrée
des criminels de guerre contemporains étaient devenus plus nombreux
et plus complexes, il est devenu évident qu'un système
amélioré était nécessaire pour identifier
et trier les personnes visées. En avril 1996, trois employés
ont été affectés à la nouvelle Section des
crimes de guerre contemporains de CIC. En raison du nombre croissant
de cas et du besoin d'infrastructures de soutien, il était évident
que cette section avait besoin de plus de ressources. Au même moment,
des inquiétudes ont été soulevées concernant
l'augmentation du nombre de personnes se trouvant au Canada dont
le dossier n'était pas traité rapidement. On a reconnu
que la meilleure stratégie serait de repérer les cas de
crimes de guerre contemporains au tout début du processus d'immigration.
Une détection précoce, particulièrement par un examen
minutieux des visas à l'étranger, s'est révélée
considérablement plus efficace et plus efficiente que les mesures à prendre
pour renvoyer les personnes une fois qu'elles sont entrées
au Canada.
Approche renouvelée en 1998
À l'automne 1997, le gouvernement a mené l'examen
de son Programme sur les crimes de guerre. Dans un communiqué de
presse daté du 21 juillet 1998, on annonçait les mesures
suivantes pour en accroître l'efficacité :
- la mise en œuvre d'une initiative gouvernementale axée
sur une coordination interministérielle accrue et la coopération
dans des domaines comme l'établissement de l'ordre
de priorité des cas, le respect des obligations internationales,
les communications ainsi que l'échange d'information
et de compétences; ces mesures faciliteraient la réalisation
des initiatives ayant trait aux crimes de la Seconde Guerre mondiale
et aux crimes de guerre contemporains;
- des améliorations substantielles de la composante des crimes
de guerre contemporains afin de renforcer les activités d'exécution
de la loi en mettant davantage l'accent sur la prévention;
- au cours des trois prochaines années, on commencerait le
traitement de 14 cas supplémentaires relatifs à la Seconde
Guerre mondiale et on poursuivrait la préparation d'autres
cas;
- un montant de 46,8 millions de dollars serait affecté à ces
questions au cours des trois prochaines années, après
quoi le gouvernement examinerait les réalisations du Programme
avant de déterminer les fonds nécessaires pour les années
suivantes. Pour que cet examen des réalisations soit exhaustif,
un cadre d'évaluation du Programme serait élaboré en
1998-1999, et une évaluation complète du Programme
aurait lieu en 2000-2001.
Voici la répartition des ressources entre les organismes au
cours des trois années :
- le ministère de la Justice a reçu 16,5 millions de
dollars pour intenter, au nom de CIC, des procédures à l'égard
des 14 nouveaux cas relatifs à la Seconde Guerre mondiale et
de nouveaux cas relatifs aux crimes de guerre contemporains (5,038
millions de dollars la première année, 5,739 millions
de dollars la deuxième année et 5,739 millions de dollars
la troisième année);
- Citoyenneté et Immigration Canada a reçu la somme
de 28,2 millions de dollars pour augmenter sa capacité de
prévention dans les bureaux à l'étranger,
améliorer le traitement des cas au Canada et renforcer le soutien
au Programme sur les crimes de guerre (6,813 millions de dollars
la première année, 12,245 millions de dollars la deuxième
année et 9,179 millions de dollars la troisième année);
- la GRC a obtenu 2 millions de dollars pour enquêter sur les
cas de poursuites pénales relatives aux crimes de guerre contemporains
(682 000 $ pour chacune des trois années).
Après l'annonce du gouvernement, un certain nombre d'initiatives
ont été mises en œuvre pour le reste de l'exercice
1998-1999.
Une description plus détaillée du Programme sur les crimes
de guerre contemporains se trouve sous le titre Programme
sur les crimes de guerre contemporains. Les mises à jour annuelles
font état des activités récentes.
Les partenaires
Les trois partenaires initiaux du Programme canadien sur les crimes
de guerre étaient Citoyenneté et Immigration Canada, le
ministère de la Justice et la Gendarmerie royale du Canada. Dans
un communiqué du 21 juillet 1998, le gouvernement annonçait
la prise de mesures visant à assurer une collaboration plus étroite
que par le passé des trois organismes participant au Programme
sur les crimes de guerre. À cette fin, on a constitué un
comité des opérations (le Groupe interministériel
des opérations, qui sera décrit plus en détail),
chargé d'assurer une communication efficace entre les trois
organismes et la coordination de leurs activités. Le 12 décembre 2003,
grâce au transfert du Programme sur les crimes de guerre contemporains
de CIC à l'Agence des services frontaliers du Canada, cette
agence est maintenant le troisième partenaire du comité des
opérations.
Évaluation officielle du Programme canadien sur les crimes de guerre
En approuvant le financement du Programme sur les crimes de guerre
en 1998, le Conseil du Trésor avait exigé l'exécution
d'une évaluation pendant la troisième année
du Programme, soit 2000-2001. À cette fin, un cadre d'évaluation
du Programme, définissant les questions à évaluer
et une série d'indicateurs servant à mesurer les
résultats du Programme, a été terminé en
mai 1999.
Le rapport final de l'évaluation officielle du Programme
canadien sur les crimes de guerre a été déposé le
28 septembre 2001. L'évaluation visait à mesurer
l'efficacité du Programme canadien sur les crimes contre
l'humanité et les crimes de guerre et à en vérifier
les résultats internes et externes en répondant à des
questions d'évaluation précises touchant sa pertinence,
sa conception, son exécution et les niveaux de succès du
Programme.
Un certain nombre de conclusions ont été présentées,
et le Groupe interministériel des opérations les a examinées.
L'évaluation officielle du Programme canadien sur les
crimes de guerre a confirmé que, depuis que le gouvernement a
affecté en 1998 des ressources importantes à la préparation
d'un programme intégré sur les crimes de guerre,
les trois organismes, par l'intermédiaire du GIO, ont pris
et continuent de prendre des mesures efficaces pour veiller à ce
que le Canada ne devienne pas un refuge pour les personnes qui ont commis
des crimes de guerre ou d'autres atrocités.
Il faut reconnaître que, malgré les efforts acharnés
des responsables du ministère de la Justice pour traduire devant
les tribunaux davantage de cas relatifs à la Seconde Guerre mondiale,
la réalité est que cela demeure un défi de taille
en raison de l'âge et de la santé déclinante
des suspects et des témoins. En dépit de cela, nous continuerons à enquêter
sur ces allégations tant et aussi longtemps qu'il restera
des voies d'enquête utilisables. Lorsque ces cas seront réglés,
les ressources affectées à ces enquêtes seront dirigées
vers les crimes de guerre contemporains.
La politique du gouvernement du Canada selon laquelle le Canada ne
constitue pas un refuge s'applique aux personnes se trouvant au
Canada, qui auraient commis des actes répréhensibles en
temps de guerre, peu importe l'époque ou le lieu. Les enquêtes
ne portent pas sur une époque ou un conflit particulier. Toutes
les allégations font l'objet d'une enquête,
peu importe l'époque ou le lieu.
Un examen plus exhaustif du rapport d'évaluation figure
dans le
cinquième rapport annuel du Programme canadien sur les
crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, qui couvre
la période 2001-2002.