Éléments de contact culturel :
Interactions dorsétiennes-nordiques
dans l'Arctique de l'Est canadien
Patricia D. Sutherland
Conservatrice, Commission archéologique du Canada
Musée canadien des civilisations
Prière de ne pas citer sans autorisation écrite préalable de l'auteur.
Publié à l'origine dans Martin Appelt, Joel Berglund et Hans Christian Gulløv (éd.), Identities and Cultural Contacts in the Arctic: Proceedings from a Conference at the Danish National Museum, Copenhagen, November 30 to December 2, 1999, Copenhague, Danish National Museum et Danish Polar Center, 2000, avec des révisions de l'auteur. Reproduit avec permission.
- Introduction
- Découvertes antérieures connues
- Nouvelles preuves de Nunguvik, nord de l'île de Baffin
- Baguettes dorsétiennes et autres images faciales de type européen
- Le Dorset récent dans l'Extrême-Arctique de l'Est
- Conclusions
- Addenda
- Remerciements
- Références
Introduction
Les débats archéologiques sur l'interaction entre les peuples qui ont occupé l'Arctique de l'Est au cours des siècles entourant 1000 apr. J.-C. ont porté sur les contacts entre les Inuits et les Paléoesquimaux du Dorset et ceux entre les Inuits et les Nordiques du Groenland.
Au cours des dernières années, une accumulation croissante de preuves facilite le débat sur les interactions entre les Inuits et les Nordiques. Des découvertes importantes dans l'Arctique canadien, réalisées au cours des deux dernières décennies, suggèrent que les relations entre ces deux peuples ne se limitent pas à des rencontres hostiles et au pillage par les Inuits du Thulé des fermes nordiques abandonnées (figure 1). La plus grande concentration de découvertes - rivets de navire, pièces de baril, morceau de boîte en chêne, rabot de menuisier, cotte de mailles, étoffe de laine et fragments de métal de fonte - vise les objets récupérés dans des villages de la phase dite de « l'île aux Ruines » dans la partie est de l'île d'Ellesmere remontant au milieu du XIIIe siècle (Schledermann, 1980). Ces découvertes sont très semblables à celles faites par Holtved (1944) à des sites de la phase de l'île aux Ruines dans le nord-ouest du Groenland, et pourraient être reliées au même épisode de contact. Des fragments de fer, de cuivre et de bronze fondu découverts dans des sites thuléens partout dans l'Arctique de l'Est, de même qu'un objet de la côte de l'Arctique centrale qui pourrait être d'origine nordique, indiquent un vaste réseau de commerce autochtone et constituent une preuve de la valeur élevée des matériaux nordiques au sein de l'économie inuite. Parmi les autres découvertes, mentionnons un fragment de balance en bronze de commerçant provenant d'un site thuléen de la côte ouest de l'île d'Ellesmere et datant d'environ la même période que les découvertes mises au jour dans la région est de l'île d'Ellesmere (Sutherland et McGhee, 1983; Sutherland, 1993) ainsi qu'une figurine sculptée de tenue vestimentaire européenne, exhumée dans un site thuléen du XIIIe-XIVe siècle dans le sud de l'île de Baffin (Sabo et Sabo, 1978). Les découvertes de ce genre laissent entendre qu'il pourrait y avoir eu des interactions plus complexes entre les Nordiques et les Inuits impliquant un contact direct et qu'ils se seraient probablement livrés à un commerce sporadique le long des côtes est de l'Arctique canadien (McGhee, 1984; Schledermann, 1993; Arneborg, 1996; Gulløv, 1997).
Figure 1 : Emplacement des matériaux nordiques associés à des sites autochtones de l'Arctique canadien et du nord du Groenland. Source : Patricia Sutherland, Musée canadien des civilisations |
En revanche, très peu de sites dorsétiens ont donné lieu à la découverte d'artefacts d'origine nordique et on s'est donc peu penché sur la nature de l'interaction entre ces deux groupes (Sutherland, 2000). Le débat a également été entravé par la croyance générale voulant que le peuple dorsétien ait abandonné la plupart des régions de l'Arctique de l'Est par le moment de l'établissement des colonies nordiques à la fin du Xe siècle apr. J.-C. Le présent article présente de nouvelles preuves suggérant qu'il pourrait maintenant être utile d'examiner la nature de l'interaction dorsétienne-nordique.