Période
V (500 apr. J.-C. - Contacts avec les européens)
Il est très probable, bien que cela ne soit pas attesté,
que des contacts eurent lieu dans le golfe du Saint-Laurent, à la
fin du XVe siècle, entre pêcheurs et baleiniers autochtones
et européens; les premiers échanges connus eurent cependant
lieu au début du XVIe siècle à l'occasion des voyages
de Jacques Cartier. Dès le début du XVIIe siècle,
les contacts entre Autochtones et Européens devinrent de plus en
plus importants pour les deux groupes. Toutefois, les marchandises européennes
atteignirent les localités autochtones de l'intérieur bien
avant les Européens eux-mêmes en raison de l'excellent réseau
d'échanges autochtone. À cette époque, les cultures
archéologiques du Québec peuvent être identifiées
avec les cultures autochtones de la période historique que connurent
les premiers Européens. C'est une période où les documents
historiques peuvent jouer un rôle fondamental dans l'interprétation
archéologique. Pour cette période d'à peine plus de
1 000 ans, les peuples suivants feront l'objet de notre étude: les
Iroquoiens du Saint-Laurent, de la haute vallée du Saint-Laurent,
les Algonquiens des Maritimes, en Gaspésie; les Algonquiens du nord,
dans le Bouclier, et les Esquimaux thuléens, sur les côtes
septentrionales du Québec.
LES IROQUOIENS DU SAlNT-LAURENT:
Lorsque Jacques Cartier explora les rives du Saint-Laurent, il rencontra
des agriculteurs iroquoiens qui habitaient des villages permanents entre
Québec (les Stadaconiens) et Montréal (les Hochelagois).
Ceux-là étaient en guerre avec les Toudamans (les Micmacs
ou les Malécites ou les deux), et les Hochelagois parlaient d'«hommes
méchants» vivant à l'ouest, qui portaient des armures
de plaquettes de bois, et qui ne peuvent être que les Hurons de l'Ontario.
Nous n'en sommes pas certains, mais ces populations paraissent originaires
du haut Saint-Laurent entre Montréal et Cornwall, région
occupée dans la période précédente par les
Pointe-Péninsuliens. Dès le XIIe siècle, se frayant
un passage par les vallées du Saint-Laurent et du Richelieu, des
influences, venant de populations qui allaient devenir les peuples iroquois
de l'Ontario et de l'État de New York de la période historique,
se firent sentir. Probablement au XIIIe siècle, sinon plus tôt,
le maïs, la courge, le tournesol et, très probablement, des
variétés de tabac furent introduits, ainsi que, un peu plus
tard, le haricot (figure). Ces cultures, outre
les riches ressources animales du Saint-Laurent, particulièrement
l'anguille de l'Atlantique, qui venait frayer, entraîna une apparente
explosion de population et, enfin, la création de grands villages
permanents munis de palissades (figure). L'expansion
tardive des Iroquoiens du Saint-Laurent vers l'aval du fleuve, jusque dans
la région de Québec, peut avoir entraîné des
conflits avec les Algonquiens des Maritimes, car des témoignages
indiquent que ces derniers exploitaient les ressources des côtes
de Gaspésie. Ils nous ont laissé certaines des plus belles
poteries (figure) et pipes qu'on puisse trouver,
et ils utilisaient abondamment l'os pour produire des pointes de flèche,
des alênes, des crânes-trophées, des pipes en omoplates
de cerf, des perles et des instruments du genre houe (figure).
Les outils en pierre se limitaient essentiellement à des mortiers
et des pilons pour moudre le maïs, à quelques herminettes polies
et à des perles de stéatite. Peu après 1580, les Iroquoiens
du Saint-Laurent disparurent et, en 1603, lorsque Samuel de Champlain arriva
sur le Saint-Laurent, leur ancienne patrie faisait l'objet de luttes entre,
d'une part, la Ligue des Cinq-Nations iroquoises, et d'autre part, les
Hurons et les Algonquiens du nord, qui avaient conclu une alliance. Des
vestiges archéologiques attestent que les Hurons absorbèrent
ce qui restait des Iroquoiens du Saint-Laurent défaits.
LES ALGONQUIENS DES MARITIMES:
Les populations des provinces de l'Atlantique (les Micmacs, les Malécites
et les Passamaquoddys) avaient toutes facilement accès au Saint-Laurent,
soit en suivant la côte en partant de la baie des Chaleurs, soit
en remontant d'importants cours d'eau tels que la rivière Saint-Jean.
Des vestiges archéologiques indiquent que la Gaspésie faisait
également partie de leur territoire de chasse et de pêche
(figure). En fait, les Algonquiens des Maritimes
peuvent fort bien avoir exploité cette région dès
l'époque maritimienne de l'Archaïque, mais les preuves d'une
telle occupation ne sont que très fragmentaires. Des formes distinctives
de céramique ainsi que des pointes de flèche et des couteaux
en pierre taillée leur étaient caractéristiques. Il
est possible qu'on découvre des vestiges archéologiques dans
la région sud-est de la province, qui nous est pratiquement inconnue,
et que ces vestiges suggèrent une exploitation de cette région
par d'autres Algonquiens des Maritimes, comme ce fut le cas dans les États
adjacents de Nouvelle-Angleterre.
LES ALGONQUIENS DU NORD:
Au Québec, les populations algonquiennes du nord comprennent
les Cris, les Montagnais et les Algonquins. Les Naskapis du nord du Québec
font partie de l'ensemble montagnais. Pendant cette période, la
technologie était presque identique partout, avec cependant des
variantes occidentale et orientale. La variante occidentale était
très semblable à ce qu'on trouvait dans des régions
adjacentes de l'Ontario (figure), y compris
par l'utilisation courante de la céramique et par la peinture d'art
chamaniste sur des falaises. À l'est, dans le territoire occupé
à l'époque historique par les Montagnais, une technologie
un peu différente avait cours, et dans cette région l'art
rupestre était absent et le style des pointes de flèche était
différent (figure). C'est également
cette variante orientale de la culture algonquienne du nord qui occupa
la côte du Labrador jusqu'à l'arrivée tardive des Esquimaux
du Labrador (culture thuléenne). On retrouve un peu de céramique
le long de la côte nord du golfe du Saint-Laurent, ce qui, paradoxalement,
atteste un lien très étroit avec le nord de l'État
de New York; le Richelieu aurait alors été une voie d'arrivée
importante des influences culturelles méridionales. La culture des
Montagnais, des Cris de l'est et des Algonquins semble issue soit de la
culture bouclérienne de l'Archaïque, soit de la culture laurellienne,
qui lui est très étroitement apparentée. Toutefois,
tout au long de cette période, les Algonquins de la vallée
de l'Outaouais furent très influencés par l'évolution
culturelle qui toucha surtout les Iroquois de l'Ontario (les Hurons, les
Tionontatis, les Neutres et les Ériés).
LE THULÉEN:
Les Thuléens sont les ancêtres des actuelles populations
inuit du Canada et du Groenland (figure). Il
y a environ 1 000 ans, ils se répandirent vers l'est depuis leur
patrie située dans le nord de l'Alaska. Ils pouvaient, grâce
à une technologie de chasse aux mammifères marins, exploiter
les grosses baleines qui peuplaient en abondance les eaux arctiques. En
moins de 400 ans, ils avaient occupé la plus grande partie de l'Arctique
canadien et du Groenland, remplaçant les populations du Paléo-esquimau
récent, dont les ancêtres avaient habité la région
pendant près de 3 500 ans. Il n'y a guère de preuves d'une
possible absorption par les populations thuléennes de ces populations
antérieures; il se peut qu'elles les aient repoussées dans
des régions marginales où leur race en vint à disparaître.
Néanmoins, certaines communautés paléo-esquimaudes
et thuléennes furent contemporaines dans le nord du Québec
et le long de la côte est de la baie d'Hudson entre le XIIIe et le
XVe siècle (figure). Peu avant les contacts
avec les Européens, la culture thuléenne avait occupé
la côte est de la baie d'Hudson jusqu'au point où celle-ci
atteint la baie James, toute la côte septentrionale du Québec
et la plus grande partie de la côte du Labrador. À l'époque
historique, les Thuléens se répandirent plus au sud le long
de la côte du Labrador et atteignirent la côte nord du golfe
du Saint-Laurent. Les attaques réunies des Montagnais et des Micmacs
forcèrent peut-être leur retrait de la région du détroit
de Belle Îsle. La culture thuléenne put maintenir l'importante
tradition de chasse à la baleine sur la côte du Labrador longtemps
après son abandon dans d'autres parties de l'Arctique. «Thulé»
est le nom d'une localité du nord-ouest du Groenland, où
cette culture fut attestée pour la première fois.
Avec l'arrivée des Européens et des documents écrits,
la préhistoire des peuples autochtones du Québec cède
la place à l'histoire (figure). Il faut
cependant observer que plus de 95 pour 100 du temps pendant lequel l'homme
occupa la province appartient à cette lointaine et brumeuse préhistoire
que nous connaissons encore bien peu.
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