La période
du Sylvicole initial (carte de distribution)
(1 000 av. J.-C. à 1 000
apr. J.-C.)
Cinq cultures principales appartenant au Sylvicole initial ont été
identifiées en Ontario: Meadowood, Pointe Péninsule, Saugeen
et Pointe Princesse dans le Sud de l'Ontario et les régions limitrophes
du Québec et de l'État de New York, et enfin, la culture
de Laurel dans le Nord de l'Ontario et les provinces et états voisins.
La culture de Meadowood semble s'être fixée au sud de l'Ontario
dans les régions frontalières à partir de son foyer
principal situé au Québec et dans l'État de New York.
Des récipients en poterie attribués à cette culture
furent trouvés dans presque tout le Sud de l'Ontario, mais généralement
en parallèle avec des vestiges appartenant aux cultures de Pointe
Péninsule et de Saugeen. Le peu que l'on sait de la culture de Meadowood
provient de sites du Québec et de l'État de New York, particulièrement
des cimetières découverts par accident. Les rites de sépulture
de la fin de la période archaïque se poursuivirent et se raffinèrent,
et l'incinération devint pratique courante. Les sépultures
renfermaient souvent un riche mobilier funéraire en pierre et en
cuivre et un nombre considérable de lames en silex triangulaires,
taillées avec soin, dans le seul but d'être placées
dans les tombes. En outre, des minéraux naturels tels que l'hématite,
la limonite et le graphite utilisés pour peindre le corps et certains
objets furent fréquemment retrouvés dans les sépultures.
La culture de Meadowood se développa de l'an 1000 à 500 av.
J.-C., puis se transforma progressivement pour s'intégrer à
la culture de Pointe Péninsule.
La culture de Pointe Péninsule (figure)
occupa le Sud de l'Ontario et s'étendit de Toronto vers l'est jusqu'au
Québec et à l'État de New York pendant environ 1 000
ans, soit de 700 av. J.-C. à 700 de notre ère. Plusieurs
villages et cimetières appartenant à la tradition de Pointe
Péninsule furent mis au jour. La plupart n'étaient que de
petits camps, sauf quelques-uns dont la superficie couvrait plusieurs acres.
Il s'agissait manifestement de campements saisonniers qui furent non seulement
occupés par des générations successives de la culture
de Pointe Péninsule, mais aussi par d'autres peuplades qui la précédèrent
et la suivirent. Ces lieux recelaient d'ordinaire d'abondantes ressources
alimentaires saisonnières, notamment d'esturgeons du printemps,
ce qui attira les pêcheurs pendant plusieurs millénaires.
Les populations de Pointe Peninsule fréquentèrent ainsi
les mêmes emplacements saisonniers que leurs ancêtres de la
culture archaïque. Ils apportèrent assurément des changements
internes, notamment dans la fabrication de leurs outils; on assista à
l'abandon de certaines pratiques et à l'adoption de nouvelles idées.
Mais dans l'ensemble, ils ne connurent pas de changements majeurs; on s'imagine
de petits groupes de chasseurs se déplaçant inlassablement
d'un campement à l'autre pour assurer leur subsistance sans se soucier
outre mesure des événements qui se déroulaient à
l'extérieur de leur territoire immédiat. Vers le début
de l'ère chrétienne, les populations de la culture de Pointe
Péninsule subirent l'influence d'idées nouvelles concernant
les rites funéraires. Originaires de la culture Hopewell dans la
région de l'Ohio, ces idées à caractère religieux
leur parvinrent via l'État de New York. Le changement le plus remarquable
emprunté au Sud fut la tradition des monticules funéraires.
Au cours de cette période, les pièces trouvées dans
les sépultures consistèrent principalement en objets de silex
provenant de l'Ohio, de la Pennsylvanie et de l'est de l'État de
New York. Les anciens réseaux d'échanges de conques du golfe
du Mexique et de la côte de l'Atlantique à l'est et de cuivre
natif du lac Supérieur, qui furent établis à la période
archaïque, demeurèrent inchangés. Des objets en catlinite
de l'Ohio et en argent de Cobalt (Ontario) apparaissent dans les sépultures.
D'autres, provenant de la vallée de l'Ohio, tels des boucles d'oreille
en cuivre, des pipes en pierre, des fragments ciselés de crânes
de loups et d'ours (probablement des éléments de coiffure)
et des «flûtes de Pan» en cuivre font également
leur apparition. La manifestation la plus impressionnante de ces nouvelles
pratiques funéraires est certes le monticule du Serpent, long de
194 pieds, découvert au lac Rice au sud-est de Peterborough. Cependant,
dans le Sud de l'Ontario, les sites où l'on a découvert des
tertres et des signes de cérémonial de Hopewell sont relativement
peu nombreux et confinés à la vallée du Saint-Laurent
et aux limites méridionales de la province.
La culture de Saugeen (figure) se développa
dans le Sud de l'Ontario, concurremment avec la culture de Pointe Péninsule,
ainsi que dans la région située entre les lacs Huron et Érié,
à l'ouest de Toronto. Cette culture, très proche de celle
de Pointe Péninsule, s'en distingua par une légère
différence dans l'ascendance archaïque et la situation géographique.
La plupart des villages et campements de la culture de Saugeen découverts
jusqu'à présent furent trouvés en bordure de rapides
ou à l'embouchure de rivières et de ruisseaux se déversant
dans les lacs Huron et Érié. Les ossements, vestiges alimentaires,
qui en furent exhumés consistaient surtout en arêtes de poissons
qui frayaient dans les rivières avoisinantes, du printemps au début
de l'été. Ces sites constituaient sans doute les emplacements
saisonniers où séjournaient périodiquement les populations
de Saugeen; il s'agissait de lieux de pêche privilégiés
où se réunissaient au printemps plusieurs familles pour former
une petite communauté. Ils saisissaient sans doute ces occasions
pour célébrer les mariages et les autres cérémonies
auxquelles était conviée toute la population. Ils occupaient
probablement ces villages pendant l'été et une partie de
l'automne. C'est sans conteste la première fois que des maisons
rectangulaires aussi grandes, munies de foyers et de fosses furent identifiées
à partir des traces laissées dans le sol par les murs et
les pieux intérieurs. Selon toute vraisemblance, ces villages étaient
abandonnés à la venue de l'hiver. C'est alors que les familles
se dispersaient pour regagner leur territoire de chasse respectif. Ces
migrations étaient essentielles à la survie, car faute de
réserves alimentaires, notamment de maïs, de nombreuses familles
ne pouvaient se nourrir pendant l'hiver et devaient se disperser à
travers le pays.
Bien que la naissance de la culture Saugeen, issue du peuple archaïque
aux alentours de 700 av. J.-C., soit bien documentée, son sort reste
un mystère. Il est possible qu'elle se soit peu à peu transformée
pour engendrer la culture de Pointe Princesse.
La culture de Pointe Princesse (figure) occupa
la rive nord du lac Érié et l'extrémité ouest
du lac Ontario entre 500 et 1 000 apr. J.-C. On connaît peu de choses
de ces populations, si ce n'est que leurs sites étaient petits et
souvent situés dans des vallées fluviales où les sédiments
déposés par les crues printanières finissaient par
les recouvrir. Un fait est cependant digne de mention: les populations
de la culture de Pointe Princesse furent les premières en Ontario
à cultiver le mais. Toutes les plantes cultivées par les
Autochtones furent d'abord domestiquées dans des contrées
très au sud, puis elles pénétrèrent progressivement
les régions du Nord. Ainsi, le maïs, qui était cultivé
dans le nord du Mexique il y a environ 5 000 ans, ne fut introduit en Ontario
que vers l'an 500 apr. J.-C., dans les régions de Windsor et de
Niagara. Ces diverses plantes ne s'adaptèrent que graduellement
aux saisons de croissance de plus en plus courtes et au climat de plus
en plus rigoureux à mesure qu'elles étendaient leur aire
de distribution vers le nord. Elles furent en outre introduites individuellement.
Ainsi, l'introduction d'une sorte de tabac dans l'est du Canada est antérieure
à celle du maïs d'à peu près 1 000 ans. En revanche,
la culture de celui-ci précéda d'environ 1 000 ans celle
du haricot.
Les archéologues ne font que commencer à se pencher sur
les changements qu'engendrèrent la culture du maïs et la sédentarisation
d'un peuple jusque-là nomade et chasseur.
Pendant que se déroulèrent dans le Sud de l'Ontario les
événements décrits ci-haut, la culture de Laurel (figure)
se répandit, de 700 av. J.-C. à l'an 1 000 de notre ère,
dans l'ouest du Québec, le centre du Manitoba jusqu'en Saskatchewan
ainsi que dans le nord du Minnesota.
Cette culture qui occupa la forêt boréale du Bouclier canadien
remplaça la tradition archaïque du Bouclier, avec en plus l'apport
de la céramique. La poterie de Laurel est très apparentée
à celles de Pointe Péninsule et de Laurel du Sud de l'Ontario,
ce qui porte à croire que les populations nordiques empruntèrent
à leurs voisins du sud leurs techniques de fabrication de la céramique.
Divers types de grattoirs en pierre pour apprêter les peaux, travailler
le bois ou façonner les os dominaient l'outillage des populations
de Laurel; l'usage des pointes de flèches, des lances, des couteaux,
des percuteurs et des plombées de filet était également
assez répandu. Les outils en os comprenaient des alênes, des
harpons, des couteaux faits d'incisives de castor, des aiguilles à
filet servant à fabriquer les raquettes, et des poinçons
à poterie. Parmi les objets en cuivre, on a trouvé des perles,
des bracelets, des alênes, des morceaux d'hameçons composites
et des ciseaux. Rien n'a subsisté de leurs objets en bois, en écorce
et en cuir qui pourtant constituaient les pièces les plus communes
et les plus raffinées de leur culture matérielle.
Il appert maintenant que ces chasseurs de l'âpre forêt boréale
n'ont pas entièrement vécu isolés du monde extérieur.
Des vestiges des cultures matérielles de Meadowood et de Saugeen
ont été trouvés dans des gisements de Laurel et vice
versa. Dans l'ouest, entre le lac Supérieur et la frontière
du Manitoba, plus particulièrement en bordure de la rivière
à la Pluie, les populations de Laurel ont construit nombre de tumulus,
hauts de 24 pieds sur, souvent, plus de 100 pieds de diamètre, qui
constituent les structures les plus imposantes de toute la préhistoire
ontarienne. Il n'y a aucun doute que le rituel des tertres funéraires
a été transmis à la culture de Laurel par la tradition
de Hopewell, du sud du Minnesota. Il semble cependant que ce rite funéraire
n'ait eu qu'une diffusion très restreinte, du moins chez les populations
de Laurel. En effet, ces tumulus ne se retrouvent que dans une petite partie
du Nord de l'Ontario et sont tout à fait absents dans les zones
limitrophes du Québec et du Manitoba.
Cette brève description de la culture de Laurel termine notre
survol de la période du Sylvicole initial. Comme vous le constaterez
à la lecture de la section suivante, les cultures qui lui ont succédé
sont, selon toute probabilité, directement issues de celles de cette
période.
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