La longue lutte de l'Angleterre, aidée d'une série de pays européens aux alliances mouvantes, contre l'Empire français et européen de Napoléon constitue l'arrière-plan de la guerre de 1812 entre l'Angleterre et les États-Unis. Dans la première décennie du XIXe siècle, chacun des belligérants interdit aux nations neutres de faire affaire avec l'adversaire, mais seuls les Britanniques, grâce à la supériorité de la Royal Navy, peuvent imposer ces restrictions à une marine marchande américaine florissante qui commence à commercer dans le monde entier. Les Britanniques arraisonnent les navires américains pour, en plus de pourchasser la contrebande, y recruter les marins qu'ils considéraient comme des sujets britanniques -- sans cesse à la recherche d'une main-d'œuvre entraînée pour servir dans les longues guerres contre la France -- et les pousser à entrer dans la Royal Navy. Certains capitaines britanniques ne prennent pas la peine de s'assurer que ces marins sont vraiment des citoyens britanniques, et non pas des citoyens américains.
Les États-Unis et l'Angleterre passent à deux doigts de la guerre en 1807 lorsque le navire britannique HMS Leopard arraisonne la frégate américaine USS Chesapeake juste à l'extérieur des eaux territoriales américaines. Comme le capitaine du navire américain refuse que le bateau soit inspecté, les Britanniques tirent sur la frégate, l'abordent et enlèvent quatre marins que le capitaine britannique prétend être des déserteurs. Même si les Britanniques s'excusent, ils n'arrêtent pas pour autant leurs pratiques d'arraisonnement et de recherche.
Pendant ces mêmes années, les Américains entrent progressivement en conflit tant avec les Britanniques qu'avec les Autochtones des « anciens territoires du Nord-Ouest » des bassins de l'Ohio et du haut Mississippi. Au départ, la Grande-Bretagne n'avait pas remis aux Américains certains postes occidentaux comme Fort Niagara, Detroit et Fort Michilimackinac, tel que le stipule le traité de Paris de 1783, qui a mis fin à la Révolution américaine. Les Premières nations de la région, qui se réunissent régulièrement à ces postes de traite, comptent sur les Britanniques pour les aider à endiguer la marée envahissante de la colonisation américaine, mais l'assistance concrète ne vient pas. Toutefois, les « faucons de guerre » expansionnistes du Congrès américain accusent la Grande-Bretagne de porter assistance aux Autochtones. En juin 1812, le président James Madison lui déclare la guerre, persuadé que c'est le seul moyen d'exercer des pressions sur les Britanniques pour qu'ils s'occupent des griefs maritimes des Américains, et pour apaiser les « faucons ». Durant un mois, rien ne se passe, jusqu'à ce que le brigadier général américain William Hull traverse la rivière Detroit pour occuper le village de Sandwich, avant-poste à l'extrême ouest du Haut-Canada.
Au début du XIXe siècle, l'Amérique du Nord britannique se compose d'une collection de colonies ou de provinces séparées : le Haut et le Bas-Canada, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, St. John's Island (l'Île-du-Prince-Édouard) et Terre-Neuve, unies par le fait d'avoir le même gouverneur général. Sauf pour les fonds votés par les législatures coloniales pour ce qui est de la protection locale, la défense et les relations extérieures relèvent de la Grande-Bretagne. Le gouverneur en chef de l'Amérique du Nord britannique, le lieutenant général sir George Prevost, et les lieutenants-gouverneurs coloniaux sont les véritables commandants militaires et concepteurs de la stratégie locale. Une pénurie de troupes régulières et la nécessité d'exercer un contrôle maritime sur les Grands Lacs amènent les commandants de l'Amérique du Nord britannique à adopter d'abord une stratégie défensive pendant les deux premières années de la guerre. La défaite de Napoléon et son abdication au début de 1814 permettent à la Grande-Bretagne de transférer un plus grand nombre de soldats d'Europe vers l'Amérique du Nord. Pendant que les négociations pour mettre fin à la guerre se poursuivent, les deux camps lancent des assauts qui, bien qu'ils soient infructueux pour tous les deux, donnent lieu aux combats les plus intenses de la guerre.
La guerre affecte très différemment les diverses régions de l'Amérique du Nord britannique. Parce que les États de la Nouvelle-Angleterre s'opposent en général à la guerre, les Maritimes concluent rapidement un arrangement pacifique avec les Américains. Les colonies britanniques servent principalement de bases pour le blocus du littoral américain par la Royal Navy et pour les croisières corsaires contre les navires marchands américains.
Au Bas-Canada, le Québec d'aujourd'hui, la population canadienne-française s'est réconciliée avec l'autorité britannique vers 1812 et sert dans la milice lorsqu'on le lui ordonne. Prevost, gouverneur en chef de l'Amérique du Nord britannique, admet que le Bas-Canada, particulièrement la ville de Québec, est essentiel à une défense efficace. En fin de compte, les Américains ne lancent cependant qu'une seule attaque importante contre la colonie, que repousse une combinaison de territoriaux britanniques (troupes régulières recrutées pour la seule défense locale) et de miliciens canadiens-français à la bataille de Châteauguay en 1813.
Le Haut-Canada est le théâtre de plusieurs des opérations militaires de la guerre. Au départ, l'appui à l'administration britannique ne va pas de soi. Une bonne partie de la colonie n'a été peuplée que depuis peu, et ce, par des colons provenant des États-Unis; bon nombre d'entre eux peuvent être charitablement qualifiés de « loyalistes de la dernière heure ». La cause américaine suscite de la sympathie tant au sein des législatures coloniales qu'en campagne. Déterminé à ramener l'appui populaire du côté de l'Amérique du Nord britannique, le major général Isaac Brock, commandant au Haut-Canada, lance une attaque préventive sur Detroit. Ses victoires, à Detroit et à Queenston Heights, convainquent de nombreux colons que la province peut être défendue et qu'ils doivent remplir leur devoir de milicien dans le combat qui s'est poursuit pendant plus de deux ans et demi.
Même à l'intérieur du Haut-Canada, la guerre affecte différemment divers secteurs. La partie est de la colonie fait face à une longue frontière ouverte avec les Américains. Chaque côté fait continuellement des raids de l'autre côté tout au long de la guerre, mais les Américains ne font ici qu'une seule offensive sérieuse. À l'automne 1813, une avancée en direction de Montréal est contrecarrée à Crysler's Farm, près de ce qui est aujourd'hui Morrisburg. Les Américains font des tentatives d'invasion plus sérieuses durant toute la guerre le long de la frontière du Niagara, où se tiennent plusieurs combats acharnés. Le major général Henry Procter perd l'avantage initial de la prise de Detroit par Brock, qui abandonne la limite occidentale de la colonie après la défaite de l'escadron britannique sur le lac Érié. Quoique Procter subisse une défaite décisive et que Tecumseh, son allié shawnee, soit tué à Moraviantown, sur la rivière Thames, aux mains du major général William Henry Harrison, futur président américain, les Américains n'en profitent pas et se retirent à leur base de Detroit.
Les pourparlers de paix commencent à l'été 1814. L'Angleterre a envahi la France et Napoléon a abdiqué, permettant le transfert de troupes britanniques d'Europe en Amérique du Nord. Pendant que les pourparlers se poursuivent, une expédition attaque et brûle Washington. La nouvelle que le lieutenant général Prevost a renoncé à son expédition sur Plattsburg, dans l'État de New York, en septembre 1814, à la suite de la destruction de son petit escadron naval sur le lac Champlain, réconforte les négociateurs américains. Le traité de Ghent, signé la veille de Noël 1814, restitue toutes les conquêtes faites par chacune des parties, mais oblige les Britanniques à abandonner leurs tribus alliées dans le Nord-Ouest. Le traité ne fait aucune allusion en fin de compte aux causes maritimes du conflit, la chute de Napoléon ayant oblitéré le problème.
Andrew Jackson, autre président américain à venir, défait enfin l'expédition britannique qui a débarqué à l'embouchure du Mississippi et tenté de prendre la Nouvelle-Orléans, le 8 janvier 1815, avant que la nouvelle de la signature du traité de paix ait atteint l'Amérique. Comme cette expédition était sans rapport avec le Canada, et qu'elle n'a eu aucun effet sur l'issue de la guerre, ce guide n'en tiendra plus compte.
Ce guide n'est d'aucune façon une bibliographie exhaustive sur la guerre. Il ne cherche qu'à familiariser le lecteur avec les principales questions et interprétations suscitées, et à fournir des références sur la documentation la plus récente, aussi bien que la plus ancienne. La littérature pour la jeunesse sur la guerre, qui pourrait être une catégorie à part, n'est pas prise en compte.
Notes
Les ouvrages marqués d'un astérisque (*) sont disponibles en français et en anglais. La plupart des titres que comprend ce guide se trouvent dans la collection de Bibliothèque et Archives Canada. Il est aussi possible de s'en procurer plusieurs par prêt entre bibliothèques, tant au Canada qu'à l'étranger.
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