Le samedi 3 décembre 1887, la première édition du journal Saturday Night fait son apparition dans les rues de Toronto, juste avant la fermeture des bureaux. À cinq sous l’unité, les 10 000 exemplaires trouvent preneur. Véritable institution au Canada, le Saturday Night survit pendant 118 ans, atteignant le sommet de sa gloire et de son influence nationale sous la direction de Bernard Keble Sandwell, rédacteur en chef de 1932 à 1951.
|
Bernard Keeble Sandwell © M. O. Hammond. Archives publiques de l'Ontario, I0001771 |
Né en Angleterre en 1876, B.K. Sandwell immigre au Canada en 1888 et fait ses études classiques au Upper Canada College et à l’Université de Toronto. Pendant plus de 50 ans, cet homme instruit, intelligent, cultivé et modeste, poursuit avec succès une carrière dans les domaines de l’économie, de l’éducation, du journalisme (Montreal Herald, Montreal Financial Times, Canadian Bookman, Saturday Night, Financial Post), de la littérature en tant qu’éditeur, humoriste et auteur, en plus de se porter à la défense des droits de la personne.
Critique influent au Canada en matière de littérature et de théâtre, M. Sandwell encourage le soutien au théâtre local français et anglais et s’oppose vigoureusement à la main mise étrangère sur les compagnies canadiennes de théâtre. Ses critiques dans le Saturday Night permettent aux théâtres, aux dramaturges et aux artistes canadiens ainsi qu’au nouveau mouvement des petits théâtres du Canada de survivre et d’évoluer dans l’industrie canadienne des arts de la scène.
|
B.K. a écrit quelque 200 articles pour Saturday Night © St.Joseph Media | Sous sa direction progressiste, le Saturday Night devient au fil des ans un journal national d’opinion indépendante et un grand défenseur de la pensée libérale canadienne. Avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, le Saturday Night de M. Sandwell devient la conscience morale du Canada. Son ton rédactionnel très humain se démarque nettement de celui des autres journaux populaires, qui reprennent surtout les propos d’intolérance, courants à l’époque. Le Saturday Night insiste pour que le gouvernement du Canada accueille les réfugiés juifs, et plus tard, lorsque les résultats horrifiques de son inaction deviennent manifestes, M. Sandwell rappelle au Canada son échec. Pendant la controverse entourant la crise de la circonscription, les commentaires percutants du Saturday Night traduisent une compréhension profonde du sentiment exprimé par les Canadiens français. M. Sandwell fait également valoir que le traitement accordé par le Canada à ses citoyens japonais est inacceptable sur le plan moral et complètement indéfendable, et il réclame plus tard la création d’une Déclaration canadienne des droits.
Sandwell était très fier d’être Canadien. Tout au long de sa remarquable carrière, il s’est dévoué à établir et à renforcer la nouvelle identité nationale née des nombreux sacrifices imposés aux Canadiens pendant la Première Guerre mondiale et la période qui a suivi : une identité susceptible de neutraliser la diversité régionale du Canada. En reconnaissance de sa contribution au Canada en tant que « conscience morale » pendant qu’il dirigeait le Saturday Night, Bernard Keble Sandwell (1876‑1954) a été désigné personne d’importance historique nationale en 1955. |