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Guide de l'analyse avantages

BROUILLON juillet 1998

Table des matières

Préface

Gestionnaires

Analystes

Remerciements

1. Introduction

1.1 Les décisions de répartition des ressources nécessitent des choix

1.2 À qui le Guide est-il destiné?

1.3 Raison d'être de l'analyse avantages-coûts?

1.4 Place de l'analyse avantages-coûts dans le processus décisionnel

2. Modèle de l'analyse avantages-coûts

2.1 Introduction

2.2 Cadre de l'analyse avantages-coûts

2.3 Étapes de l'analyse avantages-coûts

2.4 Pourquoi le point de vue est-il important?

2.5 Éléments de l'analyse avantages-coûts

2.6 Construction des tableaux des coûts et des avantages

2.7 Conventions comptables

2.8 Contenu du rapport

3. Définition d'options valables

3.1 Pourquoi est-il difficile de définir des options valables?

3.2 Scénario de référence optimisé

3.3 Comment établir des options valables

3.4 Analyse des effets différentiels

4. Mesure et évaluation des coûts et des avantages

4.1 Introduction

4.2 Quelques concepts importants

4.3 Évaluation des coûts et des avantages
en fonction des prix du marché

4.4 Surplus du consommateur et du producteur
comme facteurs de la valeur

4.5 Évaluation des coûts et des avantages
en l'absence de prix du marché valables

4.6 Quelques exemples de valeurs difficiles à estimer

4.7 Mauvaise utilisation des multiplicateurs des avantages

5. Valeurs temporelles

5.1 Importance du facteur temps

5.2 Inflation, dollars historiques et dollars constants

5.3 Changements des prix relatifs

5.4 Valeurs futures et actualisées

5.5 Taux d'actualisation

5.6 Effets stratégiques de taux d'actualisation élevés ou faibles

5.7 Taux d'actualisation en tant que variable de risque

6. Règles de décision

6.1 Valeur actualisée nette

6.2 Deux règles de décision essentielles

6.3 Règles de décision peu fiables

7. Analyse de sensibilité

7.1 Qu'est-ce que la sensibilité?

7.2 Sensibilité brute

7.3 Qu'est-ce qui détermine la sensibilité?

7.4 Sensibilité et processus décisionnel

7.5 Analyse de sensibilité à deux variables

7.6 Analyse graphique de la sensibilité

7.7 Traitement de la sensibilité

8. Approches générales en matière d'incertitude et de risque

8.1 Approches pour quantifier le risque lié à l'incertitude

8.2 Valeurs attendues des scénarios

8.3 Taux d'actualisation ajustés au risque

8.4 Analyse de risque par simulation

9. Analyse de risque

9.1 Introduction

9.2 Étapes de l'analyse de risque

9.3 Fonctionnement de l'analyse de risque

9.4 Correction en fonction de la covariance de variables
de risque interreliées

9.5 Combien de fois faut-il exécuter le modèle?

9.6 Interprétation des résultats de l'analyse de risque

9.7 Règles de décision adaptées à l'incertitude

9.8 Évaluation du risque global

9.9 Avantages et limites de l'analyse de risque

10. Probabilités

10.1 Types de variables de risque

10.2 Utilisation de données historiques

10.3 Jugement des spécialistes

10.4 Distributions de probabilité courantes

10.5 Préférences en matière de risque

10.6 Risques communs des projets

11. Comparaison d'options de types différents en fonction
de critères différents

11.1 Questions d'équité

11.2 Objectifs multiples

12. Pratiques exemplaires à retenir

Annexe A : Glossaire

Annexe B : Questions à poser sur les analyses avantages-coûts

Aide-mémoire

Annexe C : Bibliographie choisie

Ouvrages généraux

Note : La présentation du Guide suit les étapes de l'analyse avantages-coûts, de la définition du problème et des comparaisons valables à la mesure des coûts et des avantages, au traitement de l'incertitude et du risque. Le dernier chapitre traite de la question de savoir quoi faire lorsque l'analyste doit sortir du cadre de l'analyse avantages-coûts pour examiner d'autres critères.

Chaque chapitre se termine par un bref résumé des pratiques exemplaires et le Guide lui-même se termine par un résumé de nature générale. Le Guide s'accompagne d'un glossaire et les mots ou expressions qui figurent en caractère gras dans le texte se trouvent dans le glossaire. Les termes ou expressions en italique sont définis la première fois qu'on les utilise. Enfin, le Guide se termine par une bibliographie choisie, présentée par thème.

Préface

Le présent Guide fournit un cadre pour l'analyse avantages-coûts. C'est le document à utiliser pour préparer les présentations au Conseil du Trésor qui portent sur des questions ayant une incidence sociale, économique ou environnementale importante. Une bonne analyse avantages-coûts devrait être un élément fondamental de toutes les études de rentabilisation présentées aux cadres supérieurs et aux ministres. Le nouveau Guide s'inscrit dans l'optique du gouvernement du Canada qui prône une prise de décision fondée sur une analyse et des faits.

Néanmoins, il ne dit pas tout de l'analyse avantages-coûts. Il a été préparé pour être un outil utile autant aux économistes qu'aux non-économistes. Il donne le cadre essentiel à suivre et, dans la mesure du possible, présente les meilleures pratiques à utiliser; toutefois, il ne remplace nullement la formation à acquérir afin de pouvoir évaluer les coûts et les avantages.

Gestionnaires

Les gestionnaires peuvent utiliser le Guide lorsqu'ils sont appelés à concevoir et à commander des analyses avantages-coûts et aussi pour mieux comprendre les résultats obtenus. Il est primordial d'appliquer les techniques exposées dans le Guide de façon uniforme. Les gestionnaires et le Conseil du Trésor doivent pouvoir comparer divers plans d'action en procédant d'une manière normalisée et rigoureuse pour optimiser les ressources rares dont ils disposent.

Analystes

Le Guide est un document faisant autorité qui présente la façon de s'y prendre pour effectuer des analyses avantages-coûts pour le gouvernement du Canada. Il remplace l'ancien Guide de l'analyse avantages-coûts du Conseil du Trésor dont la publication remontait à 1976. Il fournit un cadre logique pour les analyses comparatives sans toutefois couvrir tous les aspects de la mesure des avantages et des coûts. Il ne remplace pas non plus l'expertise professionnelle que l'analyste et le gestionnaire apportent à l'étude de chaque cas. Il n'existe pas de recettes pour une bonne prise de décision _ il faut un bon cadre d'analyse et, ce qui est tout aussi important, il faut posséder une bonne compréhension du domaine.

Remerciements

Le Guide a été préparé sous la direction de deux comités interministériels dirigés par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Un comité réunissait des spécialistes des sujets techniques et l'autre comité réunissait des gestionnaires généralistes et d'éventuels utilisateurs des analyses avantages-coûts. Son principal auteur est Kenneth Watson, Ph.D., de Conseils et Vérification Canada. Le personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor et de Conseils et Vérification Canada ont apporté une précieuse contribution, tout comme les membres des comités consultatifs. La réalisation du Guide n'aurait pas été possible sans la généreuse contribution intellectuelle de tous les intéressés.

1. Introduction

1.1 Les décisions de répartition des ressources nécessitent des choix

On demande souvent aux gestionnaires et aux analystes de la fonction publique de produire des analyses pour appuyer les décisions de répartition des ressources, car ces décisions ont des répercussions sur l'appareil gouvernemental et, peut-être de façon encore plus marquée, sur les ressources à l'extérieur de l'appareil gouvernemental.

Lorsque les ressources sont rares, des choix difficiles s'imposent. En outre, on est de plus en plus conscient que les gouvernements doivent agir avec prudence dans leur façon de faire appel aux ressources du secteur privé et d'en assurer la réglementation. Même face à l'alternative apparemment simple « faire » ou « ne pas faire », des arguments puissants militent pour l'option « ne pas faire ». Toute mesure qui accapare des ressources qui pourraient être consacrées à d'autres fins, voire à de meilleures fins, doit s'appuyer sur une solide justification. Bien souvent, il existe plusieurs solutions envisageables. Dans le passé, la décision de poursuivre un programme était habituellement fondée sur des critères théoriques d'utilisation des fonds. De nos jours, les gouvernements sont souvent contraints de financer de nouveaux programmes au détriment des programmes existants.

Parfois, les décisions à prendre sont renvoyées jusqu'au Cabinet; c'est le cas lorsqu'il s'agit de modifier une loi ou un règlement, ou lorsqu'une importante initiative en matière de programme est en jeu. Le plus souvent, c'est la haute direction du Ministère qui règle les questions comme la répartition des ressources au sein d'un même programme. Il arrive aussi que les décisions soient prises à des niveaux de gestion moins élevés, par les chefs responsables de programmes. Mais quel que soit le niveau auquel la décision est prise, les principes sur lesquels elle s'appuie doivent être les mêmes, le seul facteur variable étant le degré d'investissement dans l'analyse que les ressources en jeu imposent. Comme le titre du Guide le laisse entendre, les principes dont il est question sont ceux de l'analyse avantages-coûts.

1.2 À qui le Guide est-il destiné?

Le Guide est destiné à deux groupes :

  • les analystes qui réalisent les études sur lesquelles les décisions sont fondées;
  • les gestionnaires qui utilisent les résultats des études.

Dans la fonction publique, la plupart des analystes ne sont pas économistes, bien que la plupart d'entre eux possèdent une certaine formation en économie. Dans toute la mesure du possible, le Guide s'adresse à un vaste auditoire plutôt qu'à des spécialistes. Toutefois, les économistes devraient trouver le cadre normalisé qu'offre le Guide utile au sens où il facilite la comparaison de projets émanant de sources différentes ainsi que la communication des résultats aux gestionnaires qui sont familiers avec le cadre.

De façon générale, la terminologie utilisée dans le Guide est tirée de la science économique. Certains termes, utilisés dans d'autres disciplines, peuvent avoir un sens différent. Par exemple, dans le Guide, l'expression analyse de risquetraite normalement de l'incertitude quelle qu'elle soit; il peut s'agir de l'incertitude du facteur, à savoir s'il est négatif ou positif, de la probabilité que le risque se concrétise, de l'ampleur des effets ou encore de la valeur monétaire de l'effet. Par contre, dans certaines disciplines, le risque est défini de façon plus étroite et désigne un facteur néfaste, l'accent étant mis sur la probabilité de réalisation. En temps normal, le contexte éclairera le lecteur sur le type de risque. Tenter de couvrir de grands segments de la collectivité de l'analyse stratégique n'est pas exempt d'embûches, mais il est évident que le Guide n'atteindra le but escompté que s'il atteint un vaste lectorat. À cette fin, les auteurs ont défini les termes à mesure qu'ils se présentent et ont élaboré un glossaire, joint à l'annexe A.

En bref, le Guide a été préparé pour :

  • faire comprendre aux lecteurs comment l'analyse avantages-coûts peut faciliter le processus décisionnel;
  • établir un cadre général assurant l'uniformité des analyses, afin d'en faciliter la comparaison et d'assurer l'utilisation de bonnes pratiques, que les analyses soient menées à l'interne, par des spécialistes des ministères et organismes, ou par des consultants;
  • servir de manuel d'autoformation en donnant des conseils concrets et détaillés sur les éléments fondamentaux de l'analyse;
  • aider les analystes et les gestionnaires à savoir quand procéder à une analyse plus poussée que celle qui est possible avec les ressources internes et à normaliser les attentes quant au genre de travail que les spécialistes ministériels ou les consultants peuvent fournir.

1.3 Raison d'être de l'analyse avantages-coûts?

Certains considèrent l'analyse avantages-coûts comme un instrument financier d'utilité restreinte. Toutefois, cette façon de penser sous-estime la souplesse avec laquelle elle peut s'attaquer à des questions aux valeurs intangibles. Des méthodes récentes permettent en effet d'estimer la valeur que des avantages intangibles présentent pour les Canadiens. Nous pouvons au moins déterminer clairement le coût estimatif des divers moyens d'obtenir un avantage intangible, par exemple l'équité de notre programme d'immigration.

Les choix auxquels les décideurs font face doivent être faits. L'analyse quantitative des résultats probables de différentes solutions peut réduire l'incertitude et améliorer le processus décisionnel.

La conjoncture actuelle, dans laquelle les programmes semblent être constamment remis en question, va probablement durer un certain nombre d'années. Les paiements des intérêts de la dette nationale engloutissent désormais une si grande portion des recettes publiques que les fonds à consacrer aux dépenses de programme sont sérieusement à la baisse. De nombreux programmes qui continuent d'offrir des services et des extrants utiles sont réduits. Les ministres font face à des choix difficiles; c'est aux analystes de leur fournir la base la plus solide qui soit à l'appui de leurs décisions.

Sur quel critère se fonder?

Il suffit de réfléchir un peu à la question pour comprendre que les deniers publics devraient être consacrés aux programmes là où ils apporteront le plus grand bien étant donné les choix possibles. Ainsi, la démarche consistant à définir vers le plus grand bien possible et compte tenu des choix possibles se situe au coeur même de l'analyse avantages-coûts.

Les éléments fondamentaux sont les avantages, les coûts et les choix. Entre « faire le plus grand bien possible » et « apporter les plus grands avantages (nets) », la différence n'est pas grande. Les mêmes ressources peuvent être consacrées à des fins différentes. Lorsque le budget est limité, nous devons être sûrs que chaque projet choisi présente la plus grande valeur possible par dollar dépensé.

1.4 Place de l'analyse avantages-coûts dans le processus décisionnel

Les nouvelles initiatives, en particulier celles qui exigent des mesures législatives, sont renvoyées au Cabinet ou, plus fréquemment, à un comité du Cabinet. Il existe un guide de rédaction des mémoires au Cabinet qui précise le cadre global de l'analyse qui s'impose. Il met l'accent sur l'établissement des conséquences des décisions prises pour des segments précis de la société et sur l'analyse de chaque option. L'avantage net n'est pas le seul critère dont il faut tenir compte : souvent, les effets distributifs sont un élément important.

Le remaniement en profondeur des programmes exige la préparation d'une présentation au Conseil du Trésor, même lorsqu'elle n'entraîne pas de changements législatifs et que des fonds suffisants sont prévus dans le budget. Habituellement, l'autorisation de dépenser est liée au rendement de certaines activités (et pas seulement à des objectifs globaux), de sorte que les principales modifications doivent être renvoyées au Conseil pour approbation. Les grands projets de l'État (GPE) et les dépenses ministérielles qui dépassent les limites établies sont également soumis à l'approbation du Conseil. Le Guide des présentations au Conseil du Trésor et la politique sur les GPE soulignent la nécessité de présenter une justification qui s'appuie sur une analyse avantages-coûts. Le Guide est un ouvrage de référence qui, non seulement expose les principes de base d'une telle analyse, mais aussi définit les conventions à respecter pour assurer une plus grande comparabilité des programmes.

Le processus annuel d'approbation des plans de dépenses des ministères a subi d'importants changements. Au fil des années, le gouvernement du Canada a de plus en plus insisté sur l'évaluation du rendement. Au milieu des années 90, il a adopté de nouveaux instruments dont l'évaluation du rendement constitue un élément clé : les plans d'activités ministériels (présentés au Conseil du Trésor et au Cabinet); les rapports ministériels sur le rendement (présentés au Parlement); le rapport annuel au Parlement du président du Conseil du Trésor sur l'examen du rendement au sein de la fonction publique.

Les plans d'activités précisent les stratégies, les objectifs et les engagements en matière de rendement des ministères. Dans certains cas, les engagements amènent les ministères à faire des ajustements importants, en raison des changements qu'ils ont dû apporter en ce qui touche leur taille, la portée de leurs activités et leurs stratégies. En outre, les plans d'activités servent à définir les engagements des ministères en ce qui touche l'examen de leurs grands projets, de leurs programmes et des changements apportés à la structure ou aux ressources. Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada recommande que les ministères présentent ces examens sous la forme de l'analyse avantages-coûts exposée dans le Guide.

L'utilisation du Guide est souhaitable même pour la prise de décisions qui ne soulèvent pas de grandes questions stratégiques, s'inscrivent dans les pouvoirs délégués aux ministres ou encore peuvent être prises à des niveaux moins élevés (par exemple, par un sous-ministre adjoint). De nombreux ministères adoptent le langage des analyses de rentabilisation pour déterminer si le rendement escompté en vaut la peine (autrement dit si les avantages l'emportent sur les coûts).

2. Modèle de l'analyse avantages-coûts

2.1 Introduction

L'analyse avantages-coûts est simplement un processus décisionnel logique. Nous nous en servons tous les jours et elle existe depuis plus longtemps que l'histoire écrite. Et pourtant, notre compréhension naturelle des coûts et des avantages n'est pas toujours suffisante, lorsque les possibilités sont complexes ou les données, incertaines. Il nous faut alors des techniques structurées pour nous aider à penser clairement, systématiquement et logiquement. Ces techniques constituent un modèle de l'analyse avantages-coûts. Elles englobent diverses méthodes qui servent à :

  • déterminer les possibilités;
  • définir les possibilités d'une façon permettant d'en faire une comparaison valable;
  • refléter les coûts et les avantages à différents moments;
  • calculer la valeur pécuniaire d'éléments qui, habituellement, ne sont pas exprimés en dollars;
  • faire face au manque de fiabilité des données;
  • résumer un ensemble complexe de coûts et d'avantages pour orienter la prise de décision.

Il importe de ne pas perdre de vue que ces techniques ne sont que des outils, et non l'essentiel, qui résident dans la clarté avec laquelle l'analyse comprend les différentes options.

2.2 Cadre de l'analyse avantages-coûts

Même lorsque les mesures des coûts et des avantages sont complètes, elles ne se passent pas nécessairement d'explications à moins de s'inscrire dans un cadre. C'est l'analyse avantages-coûts qui fournit ce cadre, dont on peut se servir chaque fois qu'une décision doit être prise et qui ne se limite pas à une discipline comme l'économie ou la sociologie, pas plus qu'à un secteur donné d'activité, public ou privé. Elle s'inspire de plusieurs techniques empruntées aux domaines de la gestion, des finances et des sciences sociales.

Dans la mesure du possible, l'analyse avantages-coûts exprime les coûts et les avantages en unités normalisées (habituellement en dollars) afin qu'on puisse en faire une comparaison directe. Dans certains cas, il est difficile d'exprimer les avantages en dollars, et c'est pourquoi on a recours à l'analyse avantages-coûts, qui est une technique de minimisation des coûts. Par exemple, lorsqu'il existe deux options pour améliorer une intersection routière, permettant toutes deux de sauver le même nombre de vies, l'option retenue est celle qui coûte le moins cher.

L'analyse avantages-efficacité diffère principalement de l'analyse avantages-coûts par le fait que celle-ci fait absolument tout pour donner une valeur monétaire aux avantages et aux coûts. Il est toutefois rare qu'elle réussisse à les valoriser tous ... la distinction entre les deux analyses est donc plus quantitative que qualitative.

- Conseil du Trésor, Guide de l'analyse avantages-coûts , 1976

2.3 Étapes de l'analyse avantages-coûts

Il n'y a pas de recettes pour mener une analyse avantages-coûts. Chaque analyse est différente et exige à la fois réflexion et imagination. Néanmoins, il est utile de suivre une série d'étapes normalisée. C'est une façon d'assurer l'uniformité d'une analyse à une autre, qui facilite la vie des analystes qui font les études et des gestionnaires qui lisent les rapports.

Il est évident que l'analyste ne peut pas franchir seul toutes ces étapes; il devra consulter le décideur et d'autres personnes, recueillir une foule de renseignements et se servir d'un certain nombre de techniques d'analyse. Il importe que le décideur soit tenu au courant de l'évolution de l'analyse et qu'il soit d'accord avec l'analyste sur les hypothèses de ce dernier.

- Conseil du Trésor, Guide de l'analyse avantages-coûts, 1976

Voici une série d'étapes types à franchir. Chaque étape est expliquée dans le chapitre indiqué entre parenthèses.

  1. Examiner les besoins, tenir compte des contraintes, puis formuler des objectifs et des cibles. Préciser le point de vue selon lequel les coûts et les avantages seront évalués. (Chapitre 2)
  2. Définir les options d'une manière qui permette à l'analyste de les comparer de façon équitable. Lorsqu'une option est évaluée en fonction d'un scénario de référence, il faut veiller à ce que ce scénario soit optimisé. (Chapitre 3)
  3. Analyser les effets différentiels et réunir les données sur les coûts et les avantages, puis les exposer dans un tableau sur une période de calcul. (Chapitre 4)
  4. Exprimer les données sur les coûts et les avantages en une unité de mesure normalisée valable (par exemple, convertir les dollars historiques en dollars constants et se fonder sur des prix exacts, non déformés). (Chapitre 5)
  5. Exécuter le modèle déterministe (utilisant des valeurs uniques pour les coûts et les avantages, comme si les valeurs étaient certaines). Établir l'estimation déterministe de la valeur actualisée nette (VAN). (Chapitre 6)
  6. Faire une analyse de sensibilité pour déterminer quelle variable semble avoir le plus d'influence sur la VAN. Se demander s'il serait possible d'obtenir de meilleures indications sur les valeurs de ces variables pour limiter l'incertitude ou si des mesures pourraient la limiter (par exemple négocier un taux de rémunération). Ces améliorations seraient-elles réalisables à un coût suffisamment modique pour qu'elles soient justifiées? Dans l'affirmative, agir en conséquence. (Chapitre 7)
  7. Analyser le risque en se fondant sur ce que l'on sait des fourchettes et des probabilités des valeurs des coûts et des avantages, et en simulant les résultats escomptés de l'investissement. Quelle est la valeur actualisée nette attendue (VANA)? Appliquer les règles de décision normalisées. (Chapitres 8 et 9)
  8. Définir l'option qui donne la répartition du revenu souhaitable (selon le niveau, le sexe ou la région _ quelle que soit la catégorisation choisie). (Chapitre 10)
  9. Formuler une recommandation motivée en se fondant sur l'analyse quantitative et l'analyse qualitative des facteurs qu'il est impossible d'exprimer en dollars.

Cette succession d'étapes est celle que l'on préfère pour structurer le rapport d'analyse avantages-coûts.

2.4 Pourquoi le point de vue est-il important?

Une bonne façon d'amorcer la discussion sur l'analyse avantages-coûts consiste à souligner que l'analyste doit constamment travailler à partir d'un point de vue clair. Quels coûts et quels avantages doivent être évalués? L'analyste n'est pas limité à un seul point de vue. Le gouvernement peut adopter le point de vue strictement financier, ou un point de vue social plus large, ou encore les deux. Quel que soit le point de vue retenu, il doit être clairement précisé au début de l'analyse, et pour chaque analyse il faut adopter un seul point de vue.

Il est évident qu'un coût pour une personne peut être un avantage pour une autre. Toutefois, il se peut également que ce qui est évident au moment où on l'énonce peut ne pas être évident au beau milieu de l'analyse. Il n'est pas rare que des listes d'avantages ou de coûts s'apparentent à des pommes et des oranges pour autant que le point de vue soit cohérent. Les taxes et les impôts prélevés devraient-ils être considérés comme un avantage ou un coût? Les emplois créés devraient-ils être considérés comme un avantage ou un coût pour le projet? Tout dépend du point de vue.

Lorsqu'il n'y a qu'un décideur, l'analyse fondée sur un seul point de vue est bien souvent suffisante. Par contre, si les intérêts de plus d'une personne ou de plus d'un groupe sont en jeu, plusieurs analyses peuvent se révéler nécessaires. Tel est le cas lorsqu'il s'agit de construire des installations récréatives dans un parc national. L'analyste qui veut donner des conseils au ministre peut avoir besoin de connaître le point de vue social général que suscite le projet (soit l'ensemble des coûts et des avantages qu'il représente pour les Canadiens), du point de vue financier des autorités responsables du parc, du point de vue de la province intéressée et du point de vue des groupes environnementaux locaux.

Le point de vue sert à distinguer le « groupe intéressé » des « groupes exclus ». Le groupe intéressé réunit les personnes dont les coûts et les avantages doivent être pris en compte dans l'analyse. Supposons par exemple qu'il soit composé de tous les citoyens de la localité X. Si l'on consomme entièrement une partie des ressources de la ville X, il faut tenir compte du coût qui s'y rattache. Si une partie des ressources sont données à des personnes de l'extérieur de la localité X, il faut également tenir compte du coût qui s'y rattache. Par contre, si un habitant de la localité X donne des ressources à un autre habitant de la ville X sans que rien ne soit consommé, l'ensemble des ressources des habitants de la ville X ne change pas, et aucun coût ni avantage n'est calculé en conséquence. On parle alors de paiement de transfert (voir paragraphe 4.2.1).

Il faut non seulement définir les coûts et les avantages correctement, mais aussi choisir des paramètres qui sont compatibles avec le point de vue de l'analyse. Par exemple, le choix du taux d'actualisation approprié est fonction du point de vue retenu aux fins de l'analyse (voir partie 5.5.)

2.5 Éléments de l'analyse avantages-coûts

Toutes les décisions d'investissement de deniers publics peuvent être modélisées de la même façon normalisée, à l'aide du cadre général de l'analyse, dont les quatre composantes sont les suivantes :

  • un tableau des paramètres;
  • un modèle des effets différentiels;
  • un tableau des coûts et des avantages, répartis sur la période de calcul;
  • un tableau des résultats possibles de l'investissement, accompagné d'une analyse graphique et statistique de la VAN et du risque d'investissement.

 

La figure 2.5.1 fait état des composantes en question.

Figure 2.5.1 : Cheminement général de l'analyse avantages-coûts

Tableau des paramètres
Paramètre 1 : Taux de croissance démographique 2 % par an
Paramètre 2 : Taux d'actualisation social 10 % par an
Paramètre 3 : Augmentation du prix des pommes 5 % par an
Modèle des effets différentiels
 

Période

 

t0-t1

t1-t2

t2-t3

Activités

___

___

___

Conséquences

___

___

___

Tableau des coûts et des avantages sur la période (simplifié)
 

Coûts

Avantages

   

Période


Matériaux

Main-d'oeuvre


Ventes

Net
($ historique)

Net
($ constant)

Valeurs actualisées

t0-t1

(100 $)

(67 $)

40 $

(127 $)

(124 $)

(113 $)

t1-t2

(212 $)

(34 $)

90 $

(156 $)

(148 $)

(123 $)

t2-t3

(455 $)

(84 $)

600 $

67 $

57 $

43 $

VAN =

(193 $)

error-file:tidyout.log

Le premier élément du modèle d'investissement est le tableau des paramètres, qui consiste en une liste des variables qui servent à calculer les coûts et les avantages. Par exemple, les coûts et les avantages d'un projet peuvent être influencés, au fil des ans, par le taux de croissance démographique de la collectivité. Au lieu de retaper ce taux à chaque fois qu'il figure dans une formule du tableau des coûts et des avantages, il est préférable de l'inscrire dans le tableau des paramètres et, au besoin, de faire des renvois dans d'autres parties de la feuille de calcul. Bien qu'il ne soit pas absolument indispensable, le tableau des paramètres facilite toute sorte d'analyses « par simulation », notamment l'analyse de sensibilité et l'analyse de risque (voir les chapitres 7 à 9). Son utilisation simplifie la tâche de l'analyste lorsque celui-ci doit changer la valeur du paramètre, ce qui est essentiel pour l'analyse de risque. Plutôt que de devoir chercher dans tout le modèle les cas où le taux de croissance démographique a été utilisé (au risque d'en oublier quelques-uns), l'analyste peut modifier la valeur correspondante dans le tableau des paramètres, ce qui lui permet de changer automatiquement et simultanément toutes ses utilisations dans le modèle avantages-coûts.

Le deuxième élément est le modèle des effets différentiels. Dans le contexte commercial ou industriel, c'est ce qu'on appelle parfois le modèle de production. On s'en sert pour exprimer les activités prévues et les conséquences attendues au cours de la période envisagée. La nature des activités est fonction du projet _ la maladie (projet d'immunisation), les ventes (projet de stimulation des exportations), le tri du courrier (projet d'investissement dans le contexte postal). Étant donné l'incertitude qui entoure fréquemment ces activités, celles-ci sont reliées au tableau des paramètres de la même façon qu'au tableau des coûts et des avantages, comme nous allons le voir.

Le troisième élément du modèle est le tableau des coûts et des avantages, qui consiste en une liste de tous les coûts et de tous les avantages, la valeur de chacun étant précisée pour chaque période comprise dans la période de calcul. Il est préférable d'exprimer ces valeurs en dollars historiques de façon à pouvoir y apporter des corrections, normalement calculées elles aussi en dollars historiques (en fonction des taxes et impôts par exemple). Toutefois, il est impossible d'ajouter ou de soustraire des montants exprimés en dollars historiques, sur plusieurs périodes; c'est pourquoi il faut les convertir en dollars constants, puis en valeurs actualisées, afin de pouvoir les totaliser. (La partie 2.6 donne des détails sur la façon de s'y prendre pour créer un tableau des coûts et des avantages). Il y a deux façons de procéder. La première consiste à calculer l'ensemble du tableau des coûts et des avantages en dollars historiques, puis en dollars constants, et enfin en valeurs actualisées. La seconde est un peu plus facile et plus concise : l'analyste additionne tous les avantages et en soustrait tous les coûts, pour chaque période comprise dans la période de calcul, afin d'obtenir une seule et même valeur nette en dollars historiques pour chacune des périodes, après quoi les mouvements de trésorerie nets sont convertis en dollars constants et en valeurs actualisées. (Les conventions autorisent l'analyste à ajouter et à soustraire des dollars historiques au sein d'une même période, bien qu'il n'obtienne alors qu'une approximation des valeurs vraies puisque la valeur du dollar peut changer sur une période prolongée.) (La question des dollars historiques et des dollars constants est abordée plus en détail au chapitre 5.)

Le dernier élément du modèle est le tableau des résultats de l'investissement. Chaque fois que le modèle avantages-coûts est exécuté, il donne une estimation de la VAN de l'investissement. S'il s'agit d'un modèle déterministe, dans lequel tous les intrants ont des valeurs fixes, le résultat donne toujours la même VAN. S'il s'agit par contre d'un modèle d'analyse de risque, les valeurs des paramètres varient dans une fourchette préétablie en fonction des probabilités, de sorte que la VAN estimative varie elle aussi. On obtient alors une liste de VAN possibles, dont il faut faire une analyse statistique pour calculer la véritable VAN probable. L'analyse statistique révèle les valeurs maximale et minimale de la VAN ainsi que les probabilités que la VAN se situe dans différentes fourchettes. Muni de ces renseignements, l'analyste peut appliquer les règles de décision pour vérifier si le projet est valable et s'il constitue la meilleure solution de rechange.

2.6 Construction des tableaux des coûts et des avantages

Dans l'analyse avantages-coûts, c'est l'établissement des tableaux des coûts et des avantages sur la période de calcul qui prend le plus de temps. Pour construire ces tableaux, l'analyste définit toute la gamme des coûts et des avantages en jeu, fait une estimation quantitative de chacun d'eux pour chaque période comprise dans la période de calcul et détermine leurs valeurs en fonction de leurs prix pour chacune des périodes. C'est une tâche qui exige de la minutie, car la qualité de l'analyse avantages-coûts dépend de la qualité des données utilisées.

Il n'y a pas de raccourci. Il est rarement, pour ne pas dire jamais, possible d'établir les coûts et les avantages pour une année, puis de postuler que ces valeurs se répéteront 25 fois, en dollars constants, jusqu'à la fin de la période de calcul t25. La réalité est tout autre. Non seulement les prix, mais aussi les prix relatifs changent _ le coût des terrains augmente alors que celui de la puissance de calcul diminue, et le prix des biens de consommation est cyclique par exemple. Par ailleurs, l'analyste des coûts et des avantages ne possède pas toujours la compétence requise pour évaluer toutes les quantités et tous les coûts nécessaires aux fins de l'analyse, ce qui peut l'amener à recourir à d'autres spécialistes pour obtenir des données estimatives.

Dans certains cas, l'analyste utilise des états financiers pro forma pour un programme ou un projet proposé, ou encore des états des revenus et des dépenses liés aux activités, ce qui l'amène souvent à apporter des corrections aux données de ce genre pour qu'elles puissent correspondre au cadre de l'analyse. À ce propos, il n'y a pas de bons et de mauvais cadres. Ils ont tous leur propre cohérence interne, mais les données utilisées dans un cadre peuvent ne pas être utilisables dans un autre.

La principale différence entre les flux de trésorerie utilisés dans les analyses avantages-coûts et ceux qui sont utilisés pour les données commerciales résident dans le fait que dans le second cas les tableaux peuvent comprendre des valeurs cumulatives, notamment pour amortissement et des montants semblables. En analyse avantages-coûts, il n'y a pas de valeurs cumulatives, de montants pour amortissement ou d'autres postes « hors caisse ». Chacun des coûts et des avantages est entièrement calculé au moment où il se produit (sa valeur cumulative n'est pas calculée à l'avance); le facteur temps est établi grâce à l'actualisation et les changements de valeur des biens sont effectués par l'inscription de valeurs résiduelles à la fin de la période de calcul.

En outre, en analyse avantages-coûts, la valeur des comptes créditeurs et des comptes débiteurs n'est pas calculée avant que l'argent ait été effectivement reçu ou versé. Le fonds de roulement ne constitue pas un coût, même si sa fluctuation pendant une période donnée est considérée soit comme un coût (si le fonds de roulement baisse), soit comme un avantage (s'il augmente). Les coûts de production sont calculés intégralement lorsqu'ils sont engagés. Les variations de stock peuvent être considérées comme des coûts ou comme des avantages, mais leur évaluation est fonction des coûts de production et des ventes. En analyse avantages-coûts, les tableaux des rentrées et des sorties de fonds sont simples, au sens où chaque coût avantage est calculé au moment où il est supporté/obtenu. Le concept est simple, mais son application peut parfois gêner les agents financiers qui sont habitués à la comptabilité d'exercice.

2.7 Conventions comptables

Lorsqu'on a bien compris la forme générale du modèle d'analyse avantages-coûts, il est bon de réfléchir aux conventions utilisées pour l'établir de façon normalisée. Une convention n'est pas nécessairement meilleure qu'une autre, mais la normalisation s'impose pour que le modèle puisse être un instrument de comparaison générale. Les conventions sont importantes pour de nombreux aspects du modèle, comme la période de calcul, les hypothèses de concrétisation et le numéraire _ unité de mesure commune.

2.7.1 Période de calcul

La période de calcul se situe à la fin de la période sur laquelle les coûts et les avantages sont comparés pour déterminer si l'investissement en vaut la peine. S'il est possible d'établir les coûts et les avantages pour toute la durée économique du projet et que les incertitudes sont faibles, la durée économique totale est alors la période qui convient le mieux pour faire le calcul. Dans le cas contraire, il peut y avoir des points logiques, pendant la durée économique du projet, auxquels on peut mettre fin à l'analyse. Par exemple, il peut y avoir un point auquel des coûts et des avantages relativement certains sont soudainement remplacés par des valeurs beaucoup plus incertaines. Par exemple, la réfection d'un bâtiment tend à correspondre à des cycles de cinq à sept ans pour la peinture et la moquette, de 15 à 17 ans pour les systèmes de chauffage par exemple, et de 25 à 50 ans pour les principaux éléments de structure. Ces seuils, auxquels de nouvelles incertitudes d'envergure se manifestent, peuvent déterminer le choix d'une période de calcul approprié. Néanmoins, il est important de ne pas opter délibérément pour une période de calcul favorable au projet. Même si l'on envisage une seule option, il peut être souhaitable d'analyser le projet selon diverses périodes de calcul, pour savoir si le résultat dépend de la période de calcul choisie. Si l'on compare diverses solutions de rechange, il faut appliquer la même période de calcul pour l'analyse de chaque solution (voir paragraphe 3.3.1).

2.7.2 Hypothèses concernant la concrétisation des coûts et avantages

Les coûts et les avantages sont concrétisent à différents moments pendant la période normalisée envisagée (un an, par exemple). Il faut donc une convention pour établir le moment auquel les coûts et les avantages seront postulés au cours de la période. En temps normal, l'analyste a le choix entre trois possibilités : au début de la période, au milieu ou à la fin de celle-ci. Cette pratique s'appuie sur la nécessité de disposer d'un mode de répartition raisonnablement simple des coûts et des avantages au fil du temps, pour qu'il ne soit pas trop difficile de convertir les dollars historiques en dollars constants, puis en valeurs actualisées.

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On part du principe que si tous les avantages et les coûts sont transférés au même moment de chaque période comprise dans la période calcul, tout compte fait, le résultat global ne changera pas. C'est en général une hypothèse raisonnable, sauf lorsqu'un coût ou un avantage extrêmement important fait l'objet d'un gros transfert, disons du tout début d'une période donnée jusqu'à la fin de celle-ci. C'est souvent le cas lorsque l'investissement initial est de taille. L'analyste qui applique la comptabilité de fin de période suppose que l'investissement se produit à la fin de la première année (et par conséquent le corrige de l'inflation et l'actualise), alors qu'en fait il a eu lieu au début de l'année. Le rajustement artificiel d'un coût important peut influer très nettement sur le résultat de l'analyse, si aucun avantage correspondant n'est corrigé de la même façon dans le même modèle.

Ce genre de problème a mené à l'adoption de conventions hybrides. Par exemple, dans un tableau des coûts et des avantages, il est courant de supposer que les coûts et les avantages figurant dans la première colonne de chiffres se situent à un moment donné, appelé t0, plutôt que dans une période donnée. La colonne suivante correspond aux coûts et aux avantages pour la période t0-t1. Par conséquent, si t0 constitue le point de référence choisi, comme c'est généralement le cas, l'investissement initial n'est ni ajusté en fonction de l'inflation, ni actualisé. Nous recommandons cette façon de procéder lorsque l'investissement initial est important.

Il est important de savoir quelles conventions temporelles sont intégrées aux logiciels utilisés afin d'éviter des calculs erronés. Il conviendrait de préciser, dans chaque rapport d'analyse avantages-coûts, la convention temporelle utilisée.

2.7.3 Le numéraire _ une unité de mesure commune

Avant qu'on puisse les totaliser, tous les coûts et tous les avantages doivent être exprimés en une unité de valeur commune, ce qui suppose premièrement qu'ils soient exprimés sous la forme d'un numéraire commun (par exemple en dollars canadiens de fonds d'investissement), qu'ils soient corrigés en fonction de l'inflation au besoin (conversion en dollars constants) et qu'ils soient exprimés en valeurs actualisées (soit compte tenu des divers moments auxquels les coûts et les avantages se concrétisent).

Les coûts et les avantages doivent être calculés dans une unité monétaire commune avant de pouvoir être comparés. La plupart des analystes de l'investissement utilisent comme unité de mesure un dollar d'investissement. Néanmoins, certains modèles du secteur public ont comme numéraire un dollar de consommation ou un dollar de devises étrangères. Toutes ces unités sont acceptables, mais la clarté et l'uniformité sont essentielles. Si les distorsions de prix sont fréquentes dans une économie donnée, l'analyse avantages-coûts peut employer comme numéraire les prix à la frontière ou les prix mondiaux, autrement dit la meilleure mesure de la vraie valeur des coûts et des avantages. Pour la plupart des fins du gouvernement du Canada, le dollar d'investissement exprimé en prix canadiens est un numéraire satisfaisant, qui a l'avantage d'être facile à comprendre.

Les dollars constants et les valeurs actualisées (qui ne désignent pas les mêmes choses!) sont définis à un moment donné. On peut choisir n'importe quel moment, mais t0 correspond le plus souvent au moment auquel l'analyse est effectuée, c'est-à-dire au début du projet ou au début d'un nouvel exercice. Les coûts engagés avant t0 sont par conséquent rajustés à la hausse plutôt qu'à la baisse, pour correspondre à une valeur équivalente à t0.

2.8 Contenu du rapport

En général, les rapports d'analyse avantages-coûts doivent contenir au moins :

  • une description du besoin, du problème ou de la possibilité;
  • une description des options, accompagnée d'une explication des raisons pour lesquelles elles ont été choisies et celles pour lesquelles elles font l'objet d'une comparaison équitable;
  • un énoncé du point de vue de l'analyse;
  • un énoncé des hypothèses et des scénarios;
  • une analyse déterministe;
  • une analyse avantages-coûts et une analyse de risque;
  • un exposé sur les effets d'équité et sur d'autres effets non économiques;
  • une liste des options, classées dans un ordre de préférence.

Meilleure pratique _ Modèle général de l'analyse avantages-coûts

  • L'analyse avantages-coûts peut être appliquée à une vaste gamme de décisions du gouvernement du Canada.
  • Chaque analyse avantages-coûts doit préciser le point de vue à partir duquel les avantages et les coûts sont évalués.
  • Il n'y pas de recettes en analyse avantages-coûts; il est utile de commencer par une série d'étapes normalisée.
  • Chaque analyse avantages-coûts devrait normalement comprendre un tableau des paramètres, un modèle des effets différentiels, un tableau des coûts et des avantages, un tableau des résultats éventuels de l'investissement et une analyse graphique et statistique des VAN attendues et du risque d'investissement.

3. Définition d'options valables

La comparaison est rance.

- Shakespeare, Beaucoup de bruit pour rien

3.1 Pourquoi est-il difficile de définir des options valables?

Deux conditions doivent être remplies pour que la comparaison des solutions envisageables dans une analyse avantages-coûts soit impartiale. La première consiste à faire en sorte que toutes les solutions pertinentes soient étudiées. L'investissement envisagé doit être comparé aux meilleures autres possibilités d'utilisation des ressources. Au fond, il ne suffit pas de partir du principe qu'un projet est un rendement égal au taux d'actualisation pour être acceptable. D'autres projets pourraient avoir un meilleur rendement!

La deuxième condition, c'est que les solutions à comparer doivent toutes être définies d'une façon cohérente et juste. À cet égard, il ne suffit pas non plus de faire une comparaison simple entre deux possibilités d'investissement si leurs échelles, le moment choisi pour les concrétiser ou encore les propriétaires diffèrent. Ce n'est pas toujours évident à la lecture de certains textes, qui donnent l'impression que n'importe quelles solutions de rechange, quelle que soit la façon dont elles sont structurées, peuvent être comparées en se contentant de calculer leur VAN. C'est faux, car il se pourrait qu'une hypothèse ne soit pas valide.

Une hypothèse douteuse consiste à penser que les ressources inutilisées génèrent un taux de rendement normal (autrement dit équivalent au taux d'actualisation). Selon une telle hypothèse, la valeur actualisée des ressources est égale à zéro (par exemple, si le bien inutilisé a un rendement de 10 p. 100 par an et que son taux d'actualisation est lui aussi de 10 p. 100 par an, alors ça marche, du moins pour la VAN). En conséquence, ajouter ou soustraire les ressources inutilisées ne peut influer sur la valeur actualisée globale d'un investissement envisagé. Prenons l'exemple d'un investissement A, dont le coût est de 70 $ et la VAN de 30 $, et d'un investissement B, qui coûte 200 $ et dont la VAN est de 31 $. Selon la règle de décision fondée sur la VAN (voir partie 6.1), l'investissement B est meilleur. Toutefois, cela suppose que les 130 $ économisés, si on opte pour l'investissement A, aient une VAN de zéro et, par conséquent, n'influent pas sur la décision d'investissement. Cette hypothèse est implicite, en quelque sorte cachée, et elle pourrait ne pas être valide.

En réalité, les ressources restantes si l'on opte pour l'investissement le moins coûteux, ou si l'on décide d'investir plus tard, peuvent ne pas avoir un taux de rendement équivalent au taux d'actualisation. En fait, dans le contexte gouvernemental, il n'est pas rare que ces ressources aient un taux de rendement négatif à court terme, en raison des coûts de détention. Prenons par exemple le cas d'un ministère qui doit décider soit de rénover un vieux bâtiment dont il est déjà propriétaire, soit de louer un nouveau bâtiment. S'il opte pour la location, qu'advient-il du vieux bâtiment? La règle de décision classique fondée sur la VAN revient à postuler que les ressources immobilisées dans le vieux bâtiment (à toutes fins utiles sa valeur marchande actuelle) auront un taux de rendement égal au taux d'actualisation. Bien entendu, c'est peu probable. Il est beaucoup plus probable que le bâtiment restera inoccupé, en attendant qu'on l'utilise à d'autres fins, de sorte qu'un calcul de la VAN qui ne tient pas compte de la réalité risque fort d'induire les décideurs en erreur.

3.2 Scénario de référence optimisé

Il est important de déterminer l'ensemble des options les plus prometteuses, et c'est pourquoi le généraliste de l'analyse avantages-coûts collabore avec des spécialistes du domaine visé. Par exemple, si le gouvernement du Canada voulait améliorer le délai hivernal de franchissement de la Voie maritime du Saint-Laurent par les cargos, les options seraient essentiellement définies par des spécialistes du transport maritime, de l'établissement des conditions de la glace, des communications et des domaines techniques connexes. Il s'agit fondamentalement d'établir ce qui marchera ou ne marchera pas, en laissant temporairement de côté la question de l'attrait financier. À cette étape du processus, il ne conviendrait pas de rejeter des options pour des raisons de politique ou d'équité, avant que leurs valeurs économiques nettes soient connues.

Lorsqu'on décide de réaliser ou de rejeter un projet donné, il est important que le scénario de référence (sans projet) soit optimisé avant que les coûts et les avantages du projet envisagé soient calculés. On est fréquemment tombé dans l'erreur en négligeant de le faire. Le statu quo n'est pas nécessairement le scénario de référence optimal. Il est souvent possible d'améliorer les résultats sans faire de gros investissements. Lorsque c'est le cas, c'est le statu quo amélioré qui constitue le scénario de base auquel il faut comparer le projet envisagé. En d'autres termes, ce qui nous intéresse, ce n'est pas la situation « avant » ou « après », mais bien la situation la meilleure « avec » ou « sans » le projet.

Lorsqu'il vous faut définir les options à analyser, il ne faut pas perdre de vue que les décisions d'investissement public présentent trois caractéristiques importantes. Premièrement, elles sont dans une certaine mesure irréversibles, car les ressources engagées ne peuvent être récupérées. Deuxièmement, les résultats de l'investissement peuvent être incertains, en raison du caractère incertain des données d'entrée. Troisièmement, le décideur a une certaine marge de manoeuvre pour choisir le moment de l'investissement.

Nous reviendrons plus longuement sur la question de l'incertitude aux chapitres 7 à 9. Les questions de l'irréversibilité et du moment optimal, que les analystes connaissaient mais auxquels ils n'accordaient guère d'attention dans le passé, ont pris une grande importance dans les années 90. La possibilité d'attendre avant de faire un investissement irréversible est une option importante. C'est par exemple le cas lorsqu'un investissement initial apporte des avantages qui s'accroissent avec le temps, comme la construction d'une nouvelle route sur laquelle la circulation est appelée à s'intensifier. Investir immédiatement dans un tel projet pourrait avoir une VAN positive, mais cela pourrait aussi masquer une VAN négative au cours des premières années, puisque les avantages des dernières années prédominent. En pareil cas, il est important d'attendre le moment optimal pour investir. De façon générale, le fait de n'écarter aucune solution en attendant d'avoir de nouveaux renseignements qui pourraient influer sur votre décision est une démarche qui pourrait s'avérer utile.

3.3 Comment établir des options valables

Le seul moyen de vous assurer que les options dont on compare les valeurs actualisées sont vraiment valables consistent à les uniformiser selon les critères du temps, de l'échelle et des éléments appartenant déjà à l'investisseur.

3.3.1 Uniformisation du volet temporel des options

S'il existe deux possibilités d'investissement mais que la période dans laquelle elles s'inscrivent est différente, elles doivent être uniformisées en choisissant la plus longue période dans les deux cas. Si un projet commence plus tôt et que l'autre se termine plus tard, la période normalisée débute en général avec la date la plus rapprochée et se termine avec la date la plus lointaine. Il faut tenir compte de toutes les ressources, pour tous les projets ayant des délais d'exécution différents, et ce pour toute la durée d'exécution. Il arrive que des éléments indivisibles déterminent la façon de normaliser le délai d'exécution. Par exemple, si vous devez choisir entre la construction d'une route en gravier (durée de vie de six ans) ou asphaltée (durée de vie de 15 ans), quelle période de calcul faudrait-il choisir pour que la comparaison soit valable? Il y a deux possibilités :

Comparaison 1 : 2 revêtements d'asphalte pour 5 revêtements de gravier (période de calcul de 30 ans)
Comparaison 2 : 1 revêtement d'asphalte pour 3 revêtements de gravier (période de calcul de 18 ans)

La première comparaison semble valable : (2 ´ 15) = (5 ´ 6). La seconde ne l'est pas : (1 ´ 15) ¹ (3 ´  6). Qu'arrivera-t-il à la route asphaltée à la fin de la durée de vie de son revêtement (après 16 à 18 ans)?

3.3.2 Uniformisation de l'échelle des options

L'uniformisation de l'échelle des options se déroule de la même façon que l'uniformisation du volet temporel, comme nous venons de le faire. Si vous avez deux possibilités d'investissement qui exigent un niveau d'investissement différent, les ressources restantes dans le cadre de l'investissement le moins important devraient faire l'objet d'un calcul distinct, car il ne suffit pas de postuler qu'elles ont une VAN zéro.

3.3.3 Uniformisation des éléments appartenant déjà à l'investisseur

Si une option d'investissement exige une ressource qui appartient déjà au gouvernement, l'analyste doit montrer ce qu'il adviendrait de cette ressource pour chacune des possibilités d'investissement existantes. Par exemple, si le gouvernement est propriétaire d'un bâtiment et qu'une option consiste à le rénover, chacune des autres possibilités doit également prévoir ce qu'il adviendrait du bâtiment. Vous ne pouvez pas postuler aveuglement que le bâtiment aura un taux de rendement donné s'il n'est pas utilisé aux fins proposées. En fait, on commet fréquemment plusieurs erreurs. Une erreur consiste à supposer souvent sans le vérifier, que les ressources appartenant à l'investisseur ont un taux de rendement standard (égal au taux d'actualisation). Une autre erreur consiste à les traiter comme si elles ne coûtaient rien. Une troisième erreur consiste à les prendre en considération uniquement dans le scénario d'investissement où elles sont particulièrement pertinentes et de faire comme si elles n'existaient pas dans les autres scénarios. La règle est la suivante : si un bien appartenant déjà à l'investisseur figure dans l'évaluation d'une solution, il doit figurer dans l'évaluation de toutes les autres solutions, et le taux de rendement du bien doit être établi dans chaque cas.

La façon correcte de traiter les biens appartenant déjà à l'investisseur consiste à tenir compte (dans toutes les possibilités d'investissement) de leur coût d'option intégral au début et à la fin de la période d'investissement normalisée. La meilleure façon de mesurer ce coût, c'est de déterminer la valeur marchande nette du bien, compte tenu, le cas échéant, des coûts de vente, des frais de nettoyage du site et du temps consacré à la vente.

3.3.4 Diagrammes des options valables

Dans la pratique, il peut être difficile de conceptualiser les possibilités d'investissement en normalisant le facteur temps, l'échelle et les éléments appartenant déjà à l'investisseur. Un diagramme peut permettre de clarifier un ensemble complexe de possibilités d'investissement. Nous appelons ce genre de diagramme, un diagramme des options valables.

La figure 3.3.4 est un exemple donné pour trois options de locaux capables d'accueillir 350 personnes. Il est à noter que les options doivent avoir la même échelle et que la meilleure façon de mesurer celle-ci, c'est de voir à ce qu'ils puissent accueillir 350 personnes même si leur superficie diffère. Toutes les options couvrent la même période (quatre ans) et dans chaque cas il est précisé ce qui arrivera aux biens appartenant à l'investisseur.

Figure 3.3.4 : Exemple de diagramme des options valables

 

1996

1997

1998

1999

OPTION 1        
40, rue Pond  

1480 m2

151, rue Pond

3340 m2

243, rue Scotch

250 m2 temporaire

190 m2

380, rue Willis

1055 m2

     
         
OPTION 2        
40, rue Pond

1480 m2

     
151, rue Pond

3340 m2

Nouveau bâtiment  

1670 m2

         
OPTION 3        
40, rue Pond        
151, rue Pond        
Location à bail

5010 m2

         
 

Espace non utilisé

 

Espace utilisé

 
         

Les trois options ont été uniformisées de la façon suivante :

  • le délai d'exécution est le même pour chaque investissement (de 1996 à 1999);
  • l'envergure du projet est la même (locaux pour 350 personnes);
  • les locaux appartenant déjà à l'investisseur (40, rue Pond) figurent dans chacune des options;
  • il existe un plan plausible d'utilisation des locaux appartenant à l'investisseur, qui ne sont pas utilisés dans une option donnée.

3.3.5 Éléments non essentiels des options

Les options doivent être non seulement indépendantes, mais aussi valables. Autrement dit, elles doivent être à la fois complètes et économiques, ce qui signifie en l'occurrence qu'elles devraient se limiter à l'essentiel. Par exemple, supposons que le gouvernement fédéral possède des terrains près d'un aéroport, dont la valeur marchande devrait augmenter au cours des années à venir. Il se demande s'il doit construire un centre de formation. En pareil cas, le centre de formation pourrait être un mauvais investissement, mais la VAN globale du projet peut sembler intéressante en raison de la valeur croissante des terrains. Pareil raisonnement n'est pas valable. Vous devez vous assurer que tous les éléments d'une option sont bel et bien essentiels, faute de quoi les résultats de l'analyse avantages-coûts risquent d'être trompeurs.

3.4 Analyse des effets différentiels

Avant de pouvoir entreprendre l'analyse financière ou économique d'un projet ou d'un programme envisagé, vous devez clairement comprendre les effets différentiels et les conséquences auxquels ont doit s'attendre. En général, vous devrez avoir recours à des spécialistes du domaine. Si le projet consiste à réduire les risques de déversement de pétrole, l'équipe d'analyse devrait alors comprendre des ingénieurs et des scientifiques, qui pourront produire des estimations de la fréquence escomptée des déversements, évaluer les conséquences possibles des déversements pour les écosystèmes marins et déterminer la mesure dans laquelle le projet permettra de prévenir les déversements ou encore d'en réduire les conséquences néfastes. De même, si le projet consiste à construire une route d'évitement, c'est à des ingénieurs spécialisés qu'il faut confier l'estimation des améliorations différentielles de la sécurité et du temps de déplacement qui en résulteront. Par conséquent, en analyse avantages-coûts, deux aptitudes propres au domaine sont toujours nécessaires :

  • l'aptitude à évaluer la fréquence escomptée des faits;
  • l'aptitude à évaluer les conséquences possibles des faits.

L'analyste avantages-coûts emploie pour sa part deux aptitudes visant à interpréter les renseignements fournis par les spécialistes du domaine :

  • l'aptitude à évaluer les résultats en dollars;
  • l'aptitude à faire des comparaisons équitables entre les avantages et les coûts.

Il ne faudrait toutefois pas exagérer la différence entre ces deux ensembles d'aptitude, car les deux sont fondés sur les mêmes compétences en matière d'analyse. L'important, c'est que bien souvent une analyse en bonne et due forme exige un travail d'équipe.

Meilleure pratique _ définition des options valables

  • Pour tous les investissements publics, la comparaison des options les plus prometteuses s'impose.
  • Lorsqu'une seule proposition est envisagée, il faut la comparer à un scénario de référence, qui doit être optimisé.
  • La possibilité de retarder un projet en attendant d'obtenir de meilleurs renseignements, ou en attendant que les conditions s'améliorent pour amorcer le projet, peut avoir une valeur considérable.
  • Pour que la comparaison soit valable, il faut uniformiser les facteurs d'échelle et de temps et les éléments appartenant déjà aux investisseurs. Un diagramme des options valables peut clarifier un ensemble complexe de possibilités d'investissement.

4. Mesure et évaluation des coûts et des avantages

4.1 Introduction

Ce chapitre expose la façon de s'y prendre pour mesurer les coûts et les avantages de façon à obtenir l'information à intégrer au cadre d'analyse. Le cadre général de l'analyse avantages-coûts peut s'apprendre en une semaine, mais la mesure des coûts et des avantages est un sujet extrêmement vaste, qui fait appel à une très large gamme de compétences. Dans le présent Guide, nous ne pouvons en parler que brièvement; les analystes seront souvent appelés à consulter des documents plus spécialisés sur la question (voir le choix de lectures proposé à l'Annexe C).

Mesurer les coûts et les avantages, et les évaluer en dollars nécessitent de nombreuses compétences. Par exemple, dans le cas d'un projet de pollution des eaux d'effluent d'une usine, un chimiste industriel doit évaluer le changement différentiel de la quantité de matières polluantes déversées dans la rivière, un biologiste doit mesurer les effets de ce changement sur les bactéries présentes dans le cours d'eau, un spécialiste des sciences de la santé doit étudier les effets de ce changement sur la santé et sur les choix récréatifs de la population locale, après quoi un analyste avantages-coûts doit calculer en dollars la valeur des avantages que le projet apporte à la collectivité. Il est à noter que l'analyste avantages-coûts ne fait qu'un calcul, et pas nécessairement le plus difficile.

4.2 Quelques concepts importants

Même quand on sait compter en unités normalisées, il faut choisir ce qu'on compte avec prudence. En particulier, l'apport différentiel, les transferts, le coût d'option, le coût irrécupérable et la valeur résiduelle sont des concepts importants pour l'analyse avantages-coûts. Seuls les avantages et les coûts occasionnés par le projet doivent être comparés, et non ceux qui sont simplement associés d'une quelconque façon au projet. Par exemple, lorsqu'on fait une analyse avantages-coûts d'un programme gouvernemental de subventions visant à encourager les exportateurs, il faut connaître non seulement les ventes à l'exportation, mais tout particulièrement savoir quelles ventes n'auraient pas eu lieu en l'absence du programme.

Pour éviter le comptage double, il faut conserver le même point de vue pendant toute l'analyse, mais cela ne suffit pas. L'équipe d'analyse doit parfaitement comprendre l'investissement proposé pour être capable d'établir un ensemble cohérent des coûts et des avantages qui s'y rattachent, sans les compter deux fois. Par exemple, supposons qu'on aménage une nouvelle usine de traitement des eaux usées. La valeur récréative de la rivière s'accroît, celle des terrains des alentours également, et les problèmes de santé diminuent. Mais, si tous ces effets sont considérés comme des avantages, il y a probablement eu double comptage, car l'augmentation de la valeur des terrains est probablement un facteur de mesure des autres avantages, plutôt qu'un avantage en soi.

4.2.1 Comparaison des transferts aux véritables avantages-coûts

Dans le contexte de l'analyse avantages-coûts, il faut compter les ressources créées ou consommées. Celles qui passent tout simplement d'un point à un autre ne sont pas considérées comme des coûts ou des avantages. Par exemple, l'impôt sur le revenu est un transfert du point de vue de l'ensemble du pays. L'argent change de place mais n'est pas dépensé, si l'on fait exception des coûts administratifs et des coûts de dissuasion.

Le « point de vue » permet de déterminer si l'opération constitue un transfert ou non. C'est grâce à lui qu'on établit si les ressources sont passées d'un point à un autre (auquel cas on parle de transfert) ou si elles sont sorties du groupe ou encore ont été dépensées (auquel cas il s'agit d'un coût). Du point de vue de l'entreprise privée, l'impôt sur le revenu constitue bel et bien un coût.

Dans certains cas, les tarifs douaniers, les subventions, les taxes et les impôts, les prestations d'aide sociale et de nombreux autres paiements et cotisations peuvent être des transferts. L'important, c'est d'établir si les ressources ont été obtenues ou perdues par le ou les intervenants, du point de vue selon lequel l'analyse se déroule.

4.2.2 Coût d'option et coût irrécupérable

Dans le calcul des avantages de projets de l'État, la valeur à retenir est le prix que les consommateurs sont disposés à donner pour les produits, c'est-à-dire le prix du producteur plus les taxes moins les subventions. Dans le calcul des coûts, la réponse est plus complexe. Prenons le cas des facteurs de production intermédiaires. S'ils sont frappés d'une taxe, ceux qui s'en servent doivent les payer plus cher que ce qu'il en a réellement coûté pour les produire. S'ils sont subventionnés, l'effet est inverse. Pour calculer ce que coûtent les facteurs intermédiaires nécessaires au projet public, il faut à tout prix savoir si ces facteurs proviennent de nouveaux approvisionnements ou sont enlevés à d'autres usagers. Dans le premier cas, la mesure à retenir est la valeur des ressources réelles utilisées, qui est équivalente au prix payé par les autres utilisateurs moins les taxes plus les subventions. Dans le second, la mesure qui convient est la valeur des facteurs dans leur autre emploi, c'est-à-dire le prix du producteur plus les taxes moins les subventions.

- Conseil du Trésor, Guide de l'analyse avantages-coûts, 1976

Le coût d'option est la valeur intrinsèque des ressources sacrifiées. Il doit être calculé même en l'absence de transactions au comptant explicites. Par exemple, si je pouvais vendre mon ordinateur 1 000 $, mais qu'au lieu de cela je m'en sers pour un projet, le coût d'option (à imputer sur le projet) est de 1 000 $, même s'il n'y a aucune transaction au comptant.

Le coût est « irrécupérable » s'il est supporté ou engagé de façon irrémédiable. Il ne faut pas en tenir compte dans l'analyse avantages-coûts car il ne peut être touché par la décision en question. Par exemple, si j'ai payé mon ordinateur 3 000 $, mais que sa valeur marchande au moment de l'analyse n'est que de 1 000 $, cette valeur de 1 000 $ représente le coût d'option si je décide de m'en servir pour réaliser un projet plutôt que de le vendre, tandis que les 2 000 $ représente un coût irrécupérable qui n'a plus aucune pertinence.

4.2.3 Externalités

Il faut bien chercher à tenir compte de tous les effets sensibles d'affectation des ressources dans l'évaluation de l'efficacité des dépenses de l'État, mais il reste que certaines de ces incidences peuvent être moins évidentes que d'autres [...] Ces effets implicites peuvent être soit internes (auquel cas ils s'exercent sur des intervenants directs dans le projet) soit externes (s'ils s'exercent alors sur des personnes qui n'interviennent pas directement dans le projet, mais qui font partie du groupe dont le point de vue est celui de l'analyse). Les revenus perdus pendant les cours sont un exemple des effets implicites internes pour les participants à un programme de formation, par exemple. Les effets externes (qu'on appelle aussi retombées, effets sociaux, etc.) s'entendent notamment de facteurs tels que la pollution ou la congestion [...] Il est évident que ne pas tenir compte des coûts ou des avantages implicites peut entraîner des erreurs graves dans l'analyse.

- Conseil du Trésor, Guide de l'analyse avantages-coûts, 1976

4.2.4 Valeur résiduelle

La valeur résiduelle est la valeur du bien à la fin de la période de calcul. Par exemple, supposons que vous investissiez dans une propriété locative. À la fin de la période de calcul, le terrain conserve une certaine valeur. La valeur résiduelle est donc un avantage dont il faut tenir compte dans l'évaluation d'un projet. La plupart du temps, elle correspond à la valeur marchande du bien. Toutefois, les gouvernements ont souvent des « installations à vocation spéciale » (comme les laboratoires de recherche) pour lesquelles la valeur marchande n'est peut-être pas un indicateur valable. La valeur de ces installations peut être aussi faible que la valeur marchande du terrain moins les coûts de démolition, mais elle peut aussi être aussi élevée que le coût de remplacement des bâtiments et du terrain.

Dans le contexte de l'analyse avantages-coûts, on distingue souvent le terrain des bâtiments pour calculer la valeur résiduelle. L'analyste utilise un indice pour calculer la valeur marchande escomptée du terrain. Ensuite, il estime la durée d'utilisation économique des bâtiments et leur valeur de remplacement est calculée au prorata en fonction du pourcentage de cette période qui se sera écoulée à la fin de la période de calcul. Par exemple, prenons le cas d'une installation qui, à t0, consiste en un terrain d'une valeur de un million de dollars et en des bâtiments d'une valeur de 2 millions de dollars. À t10 (c'est-à-dire à la fin de la période de calcul), la valeur du terrain devrait être passée à 1,5 million de dollars (dollars historiques) tandis que la valeur de remplacement des bâtiments devrait s'être établie à 3,5 millions de dollars (également en dollars historiques). Supposons aussi que 10 ans représentent 50 p. 100 de la période d'utilisation économique des bâtiments. Il s'ensuit que la valeur résiduelle de l'installation, à t10, serait d'environ 1,5 million de dollars (pour le terrain) plus 1,75 million de dollars (la moitié de la valeur de remplacement des bâtiments).

Divers problèmes peuvent surgir lorsqu'on utilise des valeurs résiduelles. Une erreur consiste à calculer la valeur résiduelle d'un bien appartenant déjà à l'investisseur sans tenir compte du coût d'option correspondant à t0. Que le bien appartienne déjà à l'investisseur ou pas, sa valeur totale doit être calculée comme un coût à t0, afin que l'on puisse considérer sa valeur résiduelle comme un avantage à tn.

Une autre erreur consiste à donner une valeur peu élevée au coût et une valeur élevée à l'avantage résiduel. La façon dont le coût est calculé à t0 doit être comparable à la façon dont l'avantage est calculé à tn.

Un troisième problème surgit si le projet lui-même est mal défini. Il arrive parfois qu'un élément non essentiel ait une bonne valeur résiduelle, qui masque la piètre valeur des éléments essentiels. Lorsque vous considérez une valeur résiduelle comme un avantage, vous devez vous assurer que le bien en question est véritablement un élément essentiel du projet (voir paragraphe 3.3.5).

4.2.5 Frais d'administration et frais généraux

Lorsqu'une grande organisation, comme un gouvernement, analyse de nombreuses possibilités d'investissement réparties au fil des années, il peut être difficile de décider comment traiter les frais généraux qui ne se rapportent pas précisément à un projet donné. Ces coûts sont ce qu'on appelle des frais généraux ou encore des frais administratifs. Ils correspondent plus ou moins aux coûts fixes. Un projet additionnel n'a guère d'incidence sur eux. En analyse avantages-coûts, la pratique courante consiste à adopter l'approche marginale ou différentielle pour calculer les coûts et les avantages, mais cette approche ne tient pas compte de la plupart des frais de programme et des frais généraux. L'inconvénient de cette pratique normalisée, c'est qu'elle est trop généreuse pour les investissements et qu'elle surestime le vrai rendement. À l'extrême, les frais généraux ne sont comptés nulle part dans le processus décisionnel de l'organisation.

Si l'organisation fait rarement de gros investissements, il peut être raisonnable de ne pas tenir compte des coûts des programmes et des frais généraux _ somme toute, en les laissant supporter par les opérations courantes. En pareil cas, il est raisonnable d'opter pour l'approche du calcul des coûts marginaux. Par contre, si l'organisation fait beaucoup d'investissements, il est préférable d'ajouter un poste de frais généraux « moyen » dans le calcul des coûts, même si aucun investissement n'influe nettement sur les frais généraux à la marge. Si toutes les possibilités d'investissement reflètent également les frais généraux, il est peu probable que ce facteur influe sur le choix d'une option plutôt que d'une autre. Néanmoins, il est préférable d'avoir une idée réaliste du rendement des investissements, frais généraux compris, plutôt que de pêcher par excès d'optimisme.

4.2.6 Coûts d'assurance et de prévoyance

L'assurance et les mesures de prévoyance ont pour objet de s'adapter au risque. Il ne faut pas inclure le coût ni de l'une ni des autres dans le tableau des coûts et des avantages, si l'on envisage une analyse de risque par simulation (voir chapitre 9). Dans une simulation, le risque est calculé à partir d'une fourchette des valeurs maximale et minimale de toutes les variables du modèle, auxquelles on attribue des probabilités. Tenir compte également des coûts d'assurance ou de prévoyance reviendraient à les compter deux fois et à surestimer le risque.

4.3 Évaluation des coûts et des avantages en fonction des prix du marché

En analyse avantages-coûts, on considère normalement les prix du marché comme de bonnes mesures des coûts et des avantages de l'investissement. (Lorsque les prix du marché n'existent pas dans une forme utilisable, l'analyse doit alors les établir.) Cela étant dit, bien souvent le prix du marché n'est qu'une indication approximative d'un coût ou d'un avantage. Si par exemple je paie une pomme un dollar, l'avantage qu'elle me procure représente une valeur d'au moins un dollar, autrement je ne l'aurais pas achetée. Toutefois, il est évident que la valeur de l'avantage pourrait être plus élevée. La pomme pourrait valoir 1,50 $ pour moi si j'étais disposé à la payer ce prix-là, au besoin. Si je la paie seulement un dollar, j'ai donc un avantage total de 1,50 $, au coût de un dollar, soit un excédent de 0,50 $. Par conséquent, l'utilisation des prix du marché comme mesures des avantages revient à ne pas tenir compte du surplus du consommateur, qui peut parfois être important.

4.4 Surplus du consommateur et du producteur comme facteurs de la valeur

Les concepts de surplus du consommateur et surplus du producteur sont un élément essentiel de l'analyse avantages-coûts moderne. Ils ont été clairement définis pour la première fois en 1844 par Jules Dupuit, un ingénieur français, qui a déclaré que le prix du marché équivalait en fait à l'avantage social minimum produit par les extrants d'un projet. En fait, certains consommateurs seraient disposés à payer des extrants plus cher qu'ils ne le font en réalité.

La figure 4.4.1 présente deux courbes de la demande de pommes (autrement dit, deux lignes illustrant le rapport entre le prix des pommes et la quantité de pommes demandée à chaque prix). Dans les deux cas, l'avantage total que la collectivité peut tirer de la production de pommes correspond à la partie de la figure située en bas de la courbe de la demande. Il est facile à calculer si les courbes de la demande sont représentées de façon approximative par des droites, comme dans cet exemple, parce que la zone située en bas de la courbe est un triangle délimité par les deux axes et par la courbe de la demande.

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Bien entendu, la collectivité ne tire en réalité des avantages que des pommes vendues et consommées, et cette quantité est limitée par le prix des pommes. L'avantage total pour la collectivité est représenté par la zone située en bas de la courbe, à gauche du point d'intersection de la droite des prix et de la courbe de la demande. À droite de ce point, il n'y a pas de demande effective, et il est donc impossible de réaliser des avantages.

La zone située en bas de la courbe de la demande A et à gauche de QA correspond exactement au rectangle « prix x quantité »qui, en temps normal, est censé représenter l'avantage total pour la collectivité (dans ce cas-ci, 9 $ x 1 boîte de pommes). Seul un petit triangle représentant le surplus du consommateur, au-dessus de la droite des prix, échappe au calcul.

Par contre, dans le cas de la courbe de la demande B, le triangle du surplus du consommateur est beaucoup plus gros. En général, plus la courbe de la demande est ouverte (autrement dit plus il y a de gens qui accordent une même valeur standard à une pomme), plus le rectangle « prix x quantité » correspond à l'avantage total pour la collectivité. Inversement, plus la courbe de la demande est pentue (autrement dit plus la valeur que l'on accorde à une pomme varie, moins la simplification « prix x quantité » représente de façon satisfaisante l'avantage total reçu par la collectivité, car il n'est pas tenu compte d'un surplus du consommateur beaucoup plus important).

Le surplus du producteur constitue un autre élément analogue. Si celui-ci est disposé à produire une certaine quantité de pommes à 6 $ la boîte et que le prix du marché est 9 $, il s'ensuit que, pour cette quantité de pommes au moins, il va réaliser un profit inespéré de 3 $ la boîte. Le surplus du producteur total correspond à la zone située entre la droite des prix et la courbe de l'offre, à gauche de leur point d'intersection (voir figure 4.4.2).

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L'analyste avantages-coûts doit déterminer si le prix multiplié par la quantité est une bonne approximation de la valeur; si la simplification est loin de la réalité, des calculs plus détaillés de la valeur s'imposent. C'est également le cas pour les surplus du consommateur et du producteur, lorsqu'il est impossible de se fonder sur le prix multiplié par la quantité, car il n'existe pas de prix, ou parce que les prix sont vraiment faussés.

4.4.1 Surplus du consommateur quand un investissement public fait changer le prix

Les investissements publics dans des projets de génération d'énergie, d'approvisionnement en eau, de services sanitaires et de télécommunications (pour n'en citer que quelques-uns) risquent de réduire le prix des extrants. Si c'est le cas, évaluer les avantages du projet en fonction du nouveau prix réduit sous-estime sa contribution au mieux-être de la société. Quand le prix d'un produit ou d'un service baisse, plus de consommateurs y ont accès, et ceux qui l'achetaient déjà le paient moins cher et consomment davantage. Cette règle générale donne un cas particulier lorsque l'offre est rationnée à un prix contrôlé inférieur à celui que les consommateurs seraient disposés à payer. C'est un phénomène peu fréquent au Canada (ce serait le cas, par exemple, du nombre de places pour les étudiants dans les facultés de médecine), mais passablement répandu dans certains autres pays. Dans une situation de ce genre, l'augmentation de l'offre au même prix contrôlé accroît le surplus du consommateur en plus de ce que celui-ci paie effectivement pour une plus grande quantité du produit ou pour un usage accru du service.

Dans certains cas, une partie du surplus du consommateur accru est neutralisée par une baisse des recettes des producteurs. Par exemple, un projet d'aménagement hydroélectrique qui réduirait le coût moyen de production d'électricité et accroîtrait la quantité d'énergie offerte pourrait faire tomber le prix du marché de l'électricité de P1 à P2 (figure 4.4.3). Les consommateurs qui achètent déjà de l'électricité économiseraient alors une somme équivalant à la zone ombragée A, mais ce surplus pour eux serait neutralisé, du point de vue de l'ensemble de l'économie, par la perte correspondante de recettes pour les producteurs établis. L'avantage net du changement ne correspond donc qu'à la zone ombrée B. (La figure 4.4.3 est une représentation correcte mais simplifiée de la réalité : les réactions des consommateurs sont compliquées par des substitutions de biens à d'autres quand les prix relatifs sont touchés.)

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Par contre, si l'électricité était auparavant importée et que le projet permettait de substituer de l'énergie produite au pays au courant importé, le gain pour les consommateurs correspondrait théoriquement au changement total du surplus du consommateur (zone A + zone B). Toutefois, en réalité, on aboutit souvent à quelque chose de différent. Les partisans de la substitution des produits intérieurs aux importations des années 60 et 70 ont sans doute constaté avec déception que de nombreux investissements publics produisaient des extrants à des prix supérieurs aux prix internationaux (à la frontière). Ces prix, alliés à des mesures protectionnistes visant à exclure les produits d'importation bon marché, ont abouti à des réductions sensibles du surplus du consommateur, sans pour autant générer d'avantages compensatoires pour les producteurs locaux pris collectivement.

4.4.2 Surplus du consommateur et perte de viabilité financière

Lorsque la viabilité d'un investissement public est fonction d'estimations du surplus du consommateur, et n'est pas viable sur un plan strictement commercial, l'analyste doit préciser clairement le montant manquant ainsi que la source des fonds nécessaires pour combler le manque. De plus, l'analyse doit permettre de calculer de façon explicite les avantages que le gouvernement qui assure le financement va tirer de l'arrangement, car ils peuvent jouer un rôle primordial pour la viabilité du projet.

Si des subventions s'imposent pour que le projet soit maintenu, le risque de ne pas avoir suffisamment de fonds pour assurer le déroulement convenable du projet pourrait être important, même s'il a une VAN économique élevée. Dans les pays en développement, où la situation financière des gouvernements est généralement plus précaire qu'au Canada, les cas de ce genre ont posé de sérieux problèmes.

4.5 Évaluation des coûts et des avantages en l'absence de prix du marché valables

Quand les prix du marché sont faussés pour une raison quelconque, l'analyste doit faire une estimation des prix en l'absence de distorsions et se fonder sur les prix du marché corrigés (parfois appelés prix sociaux ou vrais prix). Quand il n'y a pas de marché pour le bien ou le service en question, il n'y a pas non plus de prix du marché _ faussé ou pas. En pareil cas, l'analyste doit partir des principes fondamentaux, en se fondant sur les concepts de surplus du consommateur et de surplus du producteur dont nous venons de parler (voir partie 4.4) pour estimer la valeur des coûts et des avantages.

4.5.1 Estimation de la valeur des coûts et des avantages quand les prix du marché sont faussés

L'importance des distorsions des prix dépend du point de vue de l'analyse avantages-coûts (voir partie 2.4). La valeur intrinsèque n'a de sens que si l'on connaît ce point de vue. Par exemple, si une entreprise privée calcule ses coûts en fonction des prix du marché, ces prix sont un bon moyen de mesurer ses coûts véritables. Il importe peu à l'entreprise que les prix du marché soient faussés ou non, alors que pour l'analyste qui part du point de vue du Canada dans son ensemble, cela peut être important. Selon un point de vue, les prix sont un bon moyen de mesurer la vraie valeur; selon un autre point de vue, ils ne le sont pas.

Dans les analyses avantages-coûts menées pour le gouvernement du Canada, le point de vue du pays dans son ensemble est le plus important pour l'analyste. Il doit alors se fonder sur les prix sociaux (parfois appelés prix fictifs) plutôt que sur les prix du marché, si ceux-ci sont faussés. Les prix sociaux peuvent être très différents des prix du marché dans certaines situations, notamment :

  • quand la devise est mal évaluée, en raison des contrôles du taux de change;
  • quand les taux de rémunération sont maintenus artificiellement à des niveaux élevés par des règles syndicales ou par des lois, en dépit du chômage;
  • quand il existe des conditions défavorables à la concurrence, des monopoles ou des monopsones (un acheteur);
  • quand des taxes ou des tarifs s'appliquent directement au bien ou au service, par exemple des taxes sur la valeur ajoutée;
  • quand le gouvernement réglemente, contrôle ou subventionne les prix d'une façon quelconque.

4.5.2 Estimation de la valeur en l'absence de prix du marché

La vraie valeur des ressources utilisées ou générées par un investissement peut être difficile à déterminer en l'absence de prix du marché ou lorsque les mécanismes du marché sont indirects et difficiles à observer. La partie suivante explique la façon d'estimer ces valeurs en l'absence de prix du marché. Des exemples sont donnés pour :

  • la valeur des économies de temps de déplacement;
  • la valeur de la santé et de la sécurité;
  • la valeur de l'environnement;
  • la valeur des emplois créés;
  • la valeur des devises étrangères;
  • la valeur résiduelle des installations à vocation particulière;
  • les valeurs patrimoniales.

4.6 Quelques exemples de valeurs difficiles à estimer

4.6.1 Valeur des économies de temps de déplacement

On a souvent eu recours à l'analyse avantages-coûts pour des projets en matière de transport, dont le principal avantage est la réduction du temps de déplacement des voyageurs, tant pour leur travail que pour leur plaisir.

Les économies de temps de déplacement des personnes qui voyagent pour affaires sont généralement calculées en fonction du taux de rémunération brute avant impôt (voir tableau 4.6.1). Pour ce calcul, les chercheurs tiennent compte des différences des profils de rémunération des voyageurs types, qui empruntent différents modes de transport, ainsi que du temps de déplacement susceptible d'être consacré au travail (une partie du temps de transport, en train et en avion par exemple). La définition de la rémunération moyenne brute comprend généralement une allocation correspondant aux avantages sociaux et aux frais généraux. Les données sont collectées au moyen d'enquêtes comme l'Enquête sur les voyages des Canadiens. Transports Canada, qui réalise des analyses avantages-coûts des investissements dans le secteur des transports, a établi des normes sur les valeurs du temps de déplacement pour affaires.

Tableau 4.6.1 : Valeur moyenne des économies de temps de déplacement des passagers

Mode

Voyages pour affaires

Autres voyages

Automobile 27,30 $ 7,40 $
Avion 38,30 $ 7,40 $
Autocar, route et chemin de fer 27 $ 7,40 $

Source : Culley et Donkor (1993)
Note : Valeurs en dollars l'heure. Année de référence : 1998 (janvier).

Le consensus est moins évident sur la façon d'évaluer les économies de temps pour les personnes qui voyagent pour leur plaisir. En raison de l'incertitude accrue dans ce cas, Transports Canada évalue les économies de temps de déplacement de ces voyageurs en se fondant sur des principes généraux plutôt que sur des mesures précises. Ces principes consistent à fixer la valeur des économies de temps de loisir réalisées par les voyageurs adultes à 50 % du taux de rémunération national moyen, sans tenir compte des différences d'ordre démographique (ou relatives à la rémunération) entre les modes de transport.

On peut également établir la valeur des économies de temps réalisées dans le transport du fret. Elle est considérée comme une fonction de la valeur du fret et du taux d'actualisation. Ainsi, si 1 million de dollars de fret est en transit une semaine de moins et que le coût du capital est de 0,002 % par semaine, la valeur des économies réalisées est de 20 $. Il n'existe aucune méthode permettant d'établir une distinction entre le fret commercial et le fret non commercial dans ce contexte.

On tient compte de toutes les économies de temps de déplacement, même de cinq minutes. Cette approche est toutefois controversée. Certains analystes sont d'avis que les consommateurs n'accordent pas la même valeur moyenne aux petites économies qu'aux grandes économies de temps, ce qui revient à dire qu'une économie de 30 minutes pour un voyage pourrait être plus valable, pour un voyageur, qu'une économie d'une minute par voyage, pour 30 voyages. Certains maintiennent qu'une économie de temps d'une minute par voyage ne vaut rien, quel que soit le nombre de personnes visées. En outre, les analystes ne tiennent généralement pas compte des distinctions entre les valeurs des économies de temps de déplacement de différents groupes de personnes (ayant un emploi ou en chômage, retraitées ou travailleurs), bien que ce soit théoriquement possible de le faire.

4.6.2 Valeur de la santé et de la sécurité

Les théoriciens qui s'intéressaient aux coûts et aux avantages en matière de santé et de sécurité se sont interrogés pendant un certain temps sur la question de la « valeur de la vie ». Peut-on valoriser l'action d'éviter de mourir? Avec le temps, on s'est peu à peu rendu compte que ce n'était pas une façon logique de poser la question. La reine Élisabeth Ire aurait déclaré sur son lit de mort qu'elle aurait donné tout ce qu'elle possédait pour vivre un instant de plus. Il est préférable d'envisager la santé et la sécurité en fonction d'une échelle de risque. Les investissements du gouvernement dans les mesures de santé et de sécurité tendent à réduire un peu les risques auxquels font face d'importants segments de la population. C'est cette réduction des risques qu'on peut évaluer par l'analyse avantages-coûts.

Les chercheurs ont estimé de trois façons la valeur des réductions des risques pour la santé et la sécurité. La première méthode consiste à observer le comportement des gens qui payent pour éviter des risques ou qui acceptent d'être dédommagés pour assumer plus de risques. La deuxième méthode consiste à demander aux gens de déclarer quelle valeur ils accordent aux changements des risques auxquels ils sont exposés. Ces deux méthodes sont fondées sur la volonté de payer et le principe que les gens ont l'information et les aptitudes nécessaires pour évaluer les risques et déclarer correctement leurs préférences en matière de risques et de récompenses. Malheureusement, il est presque certain que cette hypothèse n'est pas fondée. En outre, on n'a pas démontré que les gens ont des préférences stables en matière de risques, même quand ils possèdent de l'information claire sur les coûts et les risques, et sont en mesure de les évaluer.

La troisième méthode consiste à faire une évaluation statistique du nombre et du type de blessures attendues, à partir de données historiques. En se fondant là-dessus, on peut calculer les coûts des traitements et de la perte de revenu, puis généraliser pour l'ensemble de la population touchée. C'est une approche rationnelle, car elle ne tient pas compte des préférences individuelles (qui sont subjectives et peuvent être jugées éclairées et logiques ou pas), en optant plutôt pour une estimation rigoureuse des coûts des traitements et de ceux de la perte de revenus évités grâce à l'investissement proposé. Cette troisième façon de procéder permet d'éviter les difficultés méthodologiques des deux premières, mais elle tend à sous-estimer la valeur du véritable avantage d'un investissement qui réduit les risques. Éviter des blessures est un avantage à coup sûr presque plus important que celui d'éviter des coûts de traitements médicaux et des pertes de revenu. Les intéressés évitent aussi la douleur et la souffrance, et peut-être aussi d'autres coûts associés à une invalidité. Il s'ensuit que la troisième méthode donne une estimation minimale des valeurs, mais on ne sait pas jusqu'à quel point la vraie valeur est sous-estimée.

Dans les textes de recherche, les estimations empiriques de la valeur d'une vie, par exemple, varient d'environ 200 000 $ à environ 3 millions de dollars, et certaines estimations extrêmes s'élèvent jusqu'à 50 millions de dollars. Transports Canada a utilisé, dans des études avantages-coûts récentes (1994), les valeurs suivantes : 2,5 millions de dollars pour un décès; 66 000 $ pour une blessure grave et 25 000 $ pour une blessure légère (en dollars de 1986). Les valeurs de ces paramètres sont toutefois incertaines.

4.6.3 Valeur de l'environnement

Les avantages et les coûts environnementaux sont souvent une combinaison de plusieurs facteurs : santé, esthétique, loisirs et respect de la nature. Nous venons d'étudier les aspects santé et sécurité. Le respect de la nature (compte non tenu des volets santé et esthétique) est une valeur quasi absolue, qu'il est extrêmement difficile de quantifier, et plus encore d'évaluer en dollars. Les aspects esthétiques sont eux aussi difficiles à traiter dans une analyse avantages-coûts. Premièrement, il est tout simplement difficile de quantifier les aspects esthétiques d'une situation et, deuxièmement, même lorsqu'on les quantifie, il n'existe pas de marché, du moins pas de marché direct, pour les avantages esthétiques environnementaux.

Cela dit, et bien que l'évaluation des extrants environnementaux présente des problèmes, les économistes ont conçu des techniques ingénieuses pour estimer la valeur que les gens accordent à des facteurs comme la qualité de l'eau et la protection de l'environnement. La plupart de ces techniques ont des applications spécialisées _ puisqu'elles donnent de bons résultats dans certaines situations, alors qu'elles sont peu efficaces, voire totalement inutiles, dans d'autres situations. Par exemple, même s'il existe une technique générale fondée sur la volonté de payer (évaluation conditionnelle), son utilisation dans le domaine environnemental est controversée car elle ne donne pas de résultats aussi fiables que d'autres techniques.

Dans cette partie, il nous est impossible de présenter plus qu'une synopsis succincte de certaines des principales techniques utilisées. Le lecteur devra se reporter à des ouvrages plus complets [voir par exemple Hanley et Splash (1993)].

On peut parfois déduire la valeur d'un avantage du coût des ressources (p. ex. l'argent ou le temps) que le consommateur est disposé à dépenser pour se le procurer. Deux techniques conçues pour estimer la valeur des avantages de cette façon sont celle du coût des voyages et la méthode hédonistique de fixation des prix pour l'évaluation des terrains. Ces méthodes sont clairement limitées à l'estimation des « valeurs d'utilisation » (comme la récolte ou la jouissance directe des ressources).

Comme nous l'avons dit, une technique d'évaluation générale peut être utilisée pour calculer les valeurs d'utilisation et les autres valeurs (par exemple la valeur psychique de la préservation de l'écosystème et la valeur liée à l'action de léguer aux générations à venir un écosystème viable). On l'appelle la méthode d'évaluation conditionnelle.

Il faut souvent avoir recours à une combinaison de techniques pour mesurer toutes les conséquences environnementales. C'est le cas notamment lorsqu'on tente de mesurer les pertes à la fois écologiques et commerciales associées à une ressource, comme la perte pour les pêcheries résultant d'un déversement de produits toxiques. Il faut alors éviter soigneusement de compter la même perte plus d'une fois.

4.6.3.1 Méthode du coût des voyages (CV)

La méthode du coût des voyages part des prix des produits vendus sur le marché pour déterminer la valeur des biens non commercialisés. Les biens non commercialisés sont généralement d'ordre récréatif. Les produits vendus sur le marché correspondent aux coûts supportés par l'intéressé pour se rendre à destination et s'adonner à l'activité désirée (le coût du voyage explique le nom de la méthode). Les coûts de pourvoirie (à domicile ou sur place), ceux de la location d'équipement, les droits d'accès, etc., sont habituellement compris dans le coût du voyage.

Cette méthode établit une valeur minimum du bien recherché fermement fondée sur les principes d'analyse économique. Quelle que soit la vraie valeur de l'expérience elle-même, elle ne peut pas être inférieure à ce que le voyageur a payé pour la vivre. L'application de la méthode CV est limitée au calcul de certaines valeurs d'utilisation de l'environnement, particulièrement à l'égard d'activités propres à un endroit donné.

Le principal inconvénient de la méthode est sans doute qu'elle ne produit pas d'information sur les non-participants et sur la valeur qu'ils peuvent accorder à l'endroit visé. Le traitement de la valeur du temps de déplacement est controversé, parce que les vacanciers peuvent être convaincus que « le trajet fait partie du plaisir », de sorte que des coûts d'option élevés (ou relativement élevés) pour le temps de déplacement peuvent être hors de propos (voir le paragraphe 4.6.1).

4.6.3.2 Méthode hédonistique de fixation des prix et évaluation des terrains (ET)

La méthode hédonistique de fixation des prix et de l'ET est une autre technique permettant d'établir un rapport entre une valeur marchande et l'accès à des produits environnementaux qu'il est impossible d'acheter sur le marché. Il s'agit en l'occurrence de trouver des extrants qui se distinguent seulement selon un facteur (p. ex. la valeur d'un chalet au bord de l'eau par rapport à celle d'un chalet identique non situé au bord de l'eau), puis de comparer leurs valeurs marchandes. Les voisinages envisagés diffèrent toutefois à de nombreux points de vue : proximité des centres commerciaux et culturels, qualité de l'air, taxes, etc., sans parler des différences de qualité des logements (p. ex. la taille, la disposition, le confort). Des difficultés méthodologiques peuvent être liées aux distorsions imputables aux variables omises ou à la multicolinéarité (quand deux variables sont étroitement liées, il est impossible de déterminer laquelle « explique » les résultats). Il s'ensuit qu'il est souvent difficile d'extraire des résultats utilisables.

4.6.3.3 Méthode d'évaluation conditionnelle (EC)

Cette méthode consiste essentiellement à demander aux gens la valeur qu'ils accordent à une ressource (valeurs d'utilisation et autres). On peut demander aux gens ce qu'ils sont prêts à payer pour éviter une mesure dommageable ou, à l'inverse, quel dédommagement ils exigeraient pour accepter d'y être soumis. L'aspect conditionnel est introduit par une question « hypothétique » décrivant un changement des conditions actuelles, habituellement un fait nouveau. Le principal avantage de cette approche, c'est qu'on peut l'appliquer à n'importe quel problème, y compris ceux pour lesquels il existe d'autres méthodes.

La méthode présente toutefois des problèmes : les nombres figurant dans les questions peuvent fausser les réponses; les répondants peuvent obtenir une grande partie de leur information sur le sujet de l'interviewer, (ce qui entraîne des distorsions); ils peuvent être influencés par leur intérêt personnel tel qu'ils le perçoivent (distorsion stratégique), et la nature (habituellement) hypothétique de la démarche peut inciter les répondants à la paresse. Par conséquent, les résultats des études de ce genre sont souvent contestés.

Cela veut-il dire que la méthode EC n'en vaut pas la peine? L'une de ses utilisations les plus anciennes et les mieux connues a porté sur la construction proposée d'une grande centrale d'électricité alimentée au charbon; les vents dominants en auraient poussé la fumée dans le Grand Canyon. Le projet a été réalisé en dépit des protestations des répondants qui attachaient une valeur importante à la préservation de la région. De nos jours, il est rare que le temps soit dégagé dans le Grand Canyon, de sorte que la qualité de l'expérience que des millions de visiteurs par année y vivent est nettement appauvrie. Cela montre que la méthode de l'évaluation conditionnelle peut donner certains éléments d'information utiles.

4.6.3.4 Autres considérations en matière d'évaluation

Il arrive que des problèmes surgissent lorsque les analystes déterminent des valeurs marchandes indirectes à partir des mesures de leurs effets. Par exemple, un changement d'ordre esthétique à l'environnement peut être mesurable en fonction des prix plus élevés des terrains qui découlent de l'attrait accru de la localité, mais il faut prendre garde de ne rien compter en double. Il est arrivé que des analystes aient compté un avantage environnemental en plus d'un avantage comme l'expansion du tourisme, alors qu'il ne s'agit là que d'un seul avantage et non de deux.

 

4.6.4 Valeur des emplois créés

Ceux qui parlent des répercussions sur l'emploi plutôt que sur le consommateur ne sont pas des économistes, mais des politiciens.

- Peter Drucker, The New Realities, 1989

Le public et le vérificateur général du Canada se méfient à juste titre des statistiques sur la « création d'emplois ». L'analyste devrait donc prendre grand soin de calculer les données de ce genre avec précision, en les justifiant comme il se doit. Toutes les statistiques sur la création d'emplois que l'on avance devraient être fondées sur les effets nets des programmes conçus à cette fin. Si une région du Canada est imposée pour favoriser les investissements dans une autre région, les effets nets sur l'emploi à l'échelle du pays pourraient êtres neutres, voire négatifs, si l'on tient compte du coût de l'imposition elle-même. Malheureusement, l'avantage des emplois créés par des dépenses du secteur public a souvent été considéré comme un avantage sans qu'on reconnaisse le coût correspondant (les emplois perdus), qui résulte de l'imposition nécessaire pour financer l'investissement public. Du point de vue local, il est possible de tenir compte seulement des emplois créés localement, en oubliant ceux qui ont été perdus ou déplacés ailleurs au Canada, mais ce point de vue n'est pas acceptable pour le gouvernement du Canada.

Le présent Guide recommande que, en règle générale, l'analyste suppose le plein-emploi des ressources utilisées dans le projet. Cela vaut particulièrement dans le cas du personnel qualifié, qui est relativement mobile... Si toutefois l'analyste est d'avis que des circonstances spéciales justifient l'attribution d'un prix fictif à l'emploi de ressources autrement inutilisées, il lui faut bien expliquer et défendre le pourquoi de ces corrections .

- Conseil du Trésor, Guide de l'analyse avantages-coûts, 1976

En général, les prétentions de création d'emplois ne sont légitimes du point de vue national que si l'investissement nécessaire peut être fait avec une efficacité égale dans deux régions où les taux de chômage sont nettement différents. Il peut alors être justifié d'utiliser un coût de la main-d'oeuvre inférieur à celui du marché dans la région où le taux de chômage est élevé. En principe, cette partie de la main-d'oeuvre n'aurait pas eu d'emploi sans l'investissement, de sorte que son coût d'option est faible, du point de vue de l'économie dans son ensemble.

Pour savoir comment le prix de la main-d'oeuvre devrait être établi, il faut se demander ce que les travailleurs feraient en l'absence du projet d'investissement. S'ils étaient tous en chômage et ne renoncent qu'à leurs loisirs pour participer au projet, le taux de rémunération fictif peut être faible. Nous pouvons dégager de l'exposé sur les valeurs du temps de déplacement (voir paragraphe 4.6.1) un ordre de grandeur de l'écart attendu entre les prix du temps rémunéré et du temps de loisir _ à peu près 4:1. Du point de vue social, les travailleurs qui seraient en chômage si le projet d'investissement n'avait pas existé pourraient ne « coûter » que 20 % de leur taux de rémunération apparent.

Cela dit, les analystes doivent être sûrs que les travailleurs auraient vraiment été en chômage avant de corriger aussi radicalement le taux de rémunération fictif. Dans certains cas, les analystes sont tombés dans l'erreur en partant du taux de chômage global d'une région pour calculer ce taux fictif. C'est particulièrement trompeur dans le contexte des projets de développement régional industriel, pour lesquels il faut souvent faire appel à des travailleurs qualifiés introuvables dans la région, surtout chez les chômeurs. S'il faut importer des travailleurs qualifiés pour le projet, le taux de rémunération global peut ne pas être le seul coût; il peut y avoir d'autres coûts connexes, comme ceux du déplacement des travailleurs, des nouveaux logements et services.

La situation de la main-d'oeuvre peut être encore plus complexe dans les pays en développement qu'au Canada, où il y a deux marchés du travail, pour les travailleurs qualifiés et pour les autres. Dans certains pays, le chômage déguisé sous la forme du sous-emploi est un phénomène très répandu, particulièrement dans les secteurs ruraux. Par conséquent, le retrait des travailleurs excédentaires de ces secteurs n'a guère de conséquences pour le rendement agricole, qu'ils aient été employés jusque-là ou pas. En pareil cas, le coût d'option de la main-d'oeuvre non qualifiée peut être égal à zéro ou, tout au plus, légèrement supérieur aux coûts de subsistance, si l'on part du principe que les coûts de déplacement et de réinstallation, et les autres coûts connexes sont calculés ailleurs dans l'analyse.

Il est acceptable aussi d'utiliser des prix fictifs de la main-d'oeuvre inférieurs à ceux du marché quand l'analyse est fondée sur le seul point de vue financier du gouvernement. Dans cette optique, les économies correspondant aux prestations d'aide sociale ou de chômage non versées sont de vraies économies (pas simplement des transferts). Elles peuvent donc être traitées comme des facteurs distincts ou se refléter dans des prix fictifs moins élevés de la main-d'oeuvre.

4.6.5 Valeur des devises étrangères

Dans certains cas, une importante partie des avantages est tirée du fait que le projet récolte des devises étrangères grâce aux exportations. Par exemple, l'Office national de l'énergie réglemente l'exportation du gaz naturel canadien, et la valeur des devises ainsi générées est un important élément dans ce contexte. En l'occurrence, l'idée maîtresse, c'est que le dollar canadien peut être sous-évalué ou surévalué par rapport aux monnaies étrangères. Ces distorsions peuvent se produire en l'absence d'un marché libre pour la monnaie du pays étranger, ou lorsqu'il existe d'importantes distorsions de son économie intérieure en raison des taxes et impôts, des subventions ou de la réglementation.

Au Canada, le ministère des Finances a parfois autorisé divers niveaux de primes sur les gains nets à l'exportation afin de refléter la vraie valeur des devises étrangères pour le pays, selon les circonstances. En 1995, Industrie Canada a calculé que cette prime se situait entre 3,5 % et 4,5 %. Dans d'autres pays, dont les économies sont plus fermées que celle du Canada, la différence entre le prix du marché des devises étrangères et leur prix fictif ou véritable peut être beaucoup plus élevée. Dans certains cas, la valeur de la monnaie nationale est si dénaturée que les prix exprimés en fonction d'elle sont presque inutilisables comme mesures de la vraie valeur des ressources pour l'ensemble du pays. Il va sans dire que le calcul du prix fictif des devises étrangères est une tâche réservée aux spécialistes.

4.6.6 Valeur résiduelle des installations à vocation particulière

Pour une grande partie de ses projets, le gouvernement du Canada fait appel à des installations à vocation particulière, comme des laboratoires ou des centres de formation (voir paragraphe 4.2.4). À la fin de la période de calcul, ces installations ont une valeur résiduelle qui peut être positive ou négative. Au minimum, elle peut correspondre simplement à la valeur du terrain, moins les coûts de démolition et de nettoyage. Au maximum, elle peut être suffisamment élevée pour refléter les avantages résultant des opérations courantes de l'installation. L'évaluateur en chef du Canada a établi des procédures d'évaluation de ces installations.

4.6.7 Valeurs patrimoniales

Les décisions relatives aux propriétés qui ont une valeur patrimoniale sont assujetties à la Politique sur les édifices fédéraux du patrimoine. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a diffusé une pratique optimale sur les biens immobiliers (datée du 1er juin 1993) où les applications de cette politique sont décrites.

4.7 Mauvaise utilisation des multiplicateurs des avantages

Lorsque de nouvelles ressources sont générées (ou consommées) par une collectivité, leur effet total peut être plus important que la transaction initiale ne peut le laisser entendre. Par exemple, supposons que Jean Drouin, de la ville de X, reçoit un legs de 1 000 $ d'une vieille tante. Son revenu net augmente de 1 000 $. Il met 600 $ de côté et achète à Pierre Martin un costume de 400 $. Le revenu net de Pierre Martin a augmenté, du profit réalisé sur la vente du costume, disons de 100 $. M. Martin met 70 $ de côté et dépense le reste, soit 30 $. De toute évidence, quand cette cascade d'économies et de dépenses se terminera, l'augmentation totale des revenus de la population de X dépassera les 1 000 $ du legs inespéré de Jean Drouin.

La proportion dans laquelle l'effet total est plus important que le gain initial de revenu (ou moins important que la perte initiale de revenu _ puisque le calcul se fait symétriquement dans les deux sens) est ce qu'on appelle le multiplicateur ou le multiplicateur du revenu. L'importance du multiplicateur varie d'une collectivité à l'autre. Comme l'exemple du paragraphe précédent le montre, plus les économies sont faibles et plus la séquence des nouvelles transactions est rapide, plus le multiplicateur est important. La fourchette plausible des multiplicateurs dans les différentes régions du Canada se situe entre 1,1 et environ 2,5.

Malheureusement, on s'est plus souvent servi des multiplicateurs à tort que judicieusement. Par exemple, certains analystes ont eu recours à des multiplicateurs pour calculer les avantages d'un projet en ne tenant nul compte du fait qu'ils auraient dû en faire autant pour les coûts (d'option). Cette approche est justifiée seulement dans les cas où l'analyse est entreprise d'un point de vue local, les coûts étant assumés intégralement par un organisme de l'extérieur, comme le gouvernement fédéral. Sauf dans ce cas particulier, les multiplicateurs doivent être également appliqués aux coûts et aux avantages.

Quand le projet est analysé d'un point de vue social (celui de tout le Canada), l'utilisation judicieuse des multiplicateurs tend plutôt à infirmer la viabilité du projet qu'à la confirmer. Si le capital d'investissement est obtenu grâce à l'imposition des régions prospères (où le multiplicateur du revenu tend à être élevé) et qu'il est placé dans des régions éloignées (où le multiplicateur tend à être faible, puisque de nombreux biens et services sont achetés à l'extérieur), l'inclusion des multiplicateurs dans l'équation rendrait le projet moins séduisant qu'il ne le serait en réalité.

Il convient rarement d'appliquer des multiplicateurs aux fins des analyses pour le gouvernement fédéral. Il est par conséquent recommandé de ne pas inclure de multiplicateurs à moins que leur application ne soit clairement justifiée.

Pratique exemplaire _ Mesure

  • Il est possible de maîtriser en peu de temps le cadre de l'analyse avantages-coûts. Par contre, la mesure des coûts et des avantages est un sujet illimité. En général, l'équipe doit être composée de spécialistes de diverses disciplines, en plus de l'analyste avantages-coûts.
  • Quand les prix du marché sont faussés ou inexistants, les principales techniques d'estimation de la valeur des coûts et des avantages sont fondées sur la volonté de payer.
  • De façon générale, il convient de ne pas appliquer de multiplicateurs du revenu; lorsqu'on y a recours, ils doivent être appliqués également aux coûts et aux avantages.
  • La littérature peut parfois fournir des valeurs approximatives de facteurs difficiles à mesurer comme la valeur d'un environnement naturel non pollué, celle des économies de temps pour les voyageurs, celle des emplois créés et celle des devises étrangères. Les paramètres et les critères normalisés du gouvernement du Canada devraient être utilisés dans toute la mesure du possible.

5. Valeurs temporelles

5.1 Importance du facteur temps

N'oubliez jamais que le temps, c'est de l'argent.

- Benjamin Franklin, "Advice to a Young Tradesman," 1743

Le fait que les coûts et les avantages sont répartis dans le temps a son importance, et ce pour deux raisons. Premièrement, les gens préfèrent payer plus tard et obtenir des avantages plus tôt. Notre système financier est d'ailleurs fondé sur cette préférence intertemporelle fondamentale. Il s'ensuit que, si les revenus sont reportés à une date ultérieure ou que les coûts sont payés tôt, la capacité bénéficiaire est réduite. Deuxièmement, la valeur de l'unité de mesure elle-même change avec le temps, en raison de la baisse du pouvoir d'achat de la devise sous l'effet de l'inflation.

Ces deux facteurs, l'inflation et la préférence intertemporelle, sont indépendants. Même si le pouvoir d'achat du dollar ne changeait pas, les gens préféreraient quand même recevoir les avantages plus tôt et supporter les coûts plus tard. L'analyste avantages-coûts doit donc faire deux corrections distinctes de ces flux de trésorerie répartis dans le temps pour les convertir en unités de valeur normalisées pouvant être additionnées ou soustraites. La première correction vise à refléter les variations du pouvoir d'achat du dollar, et la deuxième sert à actualiser ces valeurs afin de refléter la préférence intertemporelle.

5.2 Inflation, dollars historiques et dollars constants

Pour toutes les périodes envisagées, les coûts et les avantages devraient au départ être exprimés en dollars historiques, pour les trois raisons suivantes : premièrement, c'est la forme dans laquelle les données financières sont habituellement établies; deuxièmement, il est facile d'introduire correctement les corrections, les redressements fiscaux par exemple, en dollars historiques et, troisièmement, l'utilisation de ces dollars permet à l'analyste de brosser un tableau réaliste sous l'aspect temporel, compte tenu des variations des prix relatifs.

Les dollars historiques n'ont pas un pouvoir d'achat uniforme. On les appelle souvent dollars de l'exercice ou dollars courants. Ils correspondent simplement à la valeur nominale de la devise payée ou reçue au cours de cette période. S'ils sont payés ou reçus à des moments différents, ils ne peuvent pas être totalisés, parce qu'ils ne sont pas exprimés en unités normalisées de pouvoir d'achat. À proprement parler, on ne peut les additionner ou les soustraire que s'ils sont payés ou reçus au même instant. Dans la pratique, il est acceptable de les additionner et de les soustraire au cours d'une même période, à condition que celle-ci soit courte (habituellement un an), mais il n'est pas acceptable de les additionner ou de les soustraire d'une période à l'autre.

Une fois certain que les tableaux des coûts et des avantages exprimés en dollars historiques sont complets et exacts, il vaut la peine de convertir tous les montants, ou du moins ceux de la ligne des flux de trésorerie nets, en dollars constants avant de poursuivre les calculs. (Les dollars constants ont un pouvoir d'achat constant.) Pour faire cette conversion, il faut choisir un point de référence temporel auquel les valeurs en dollars constants sont exprimées. Ce point peut être situé n'importe où dans le temps, mais il est souvent pratique d'opter pour le point t0, qui correspond au début de la période de calcul. Il est préférable, mais pas indispensable, de choisir le même point de référence temporel pour les conversions en dollars constants et pour l'établissement des valeurs actualisées. À propos, la conversion en dollars constants ne devrait pas faire oublier à l'analyste ses tableaux des coûts et des avantages en dollars historiques, qui doivent toujours être visibles dans son rapport.

Si l'analyse avantages-coûts est rétrospective, la conversion des dollars historiques aux dollars constants est simple et précise, parce que le taux d'inflation réel est connu. Par contre, si elle est prospective, il faut se fonder sur des projections du taux d'inflation. Ces projections ne sont pas faciles à trouver et tendent rapidement à devenir de plus en plus incertaines, à mesure que la période de projection se prolonge. Dans une situation comme celle-là, comme d'ailleurs chaque fois que les valeurs des données sont incertaines, les analyses de sensibilité et de risque deviennent des outils importants.

Il faut aussi se demander, pour déterminer quel indice d'inflation employer pour la conversion en dollars à « pouvoir d'achat constant » : un pouvoir d'achat constant pour qui? Tous les indices d'inflation sont fondés sur les changements de prix d'un panier donné de biens et de services, et ce panier est normalement défini par les achats habituels d'un groupe de personnes précis. L'indice devrait être aussi large que possible. Au Canada, c'est l'Indice implicite de prix (IIP) qui se rapproche le plus de l'indice des prix général englobant tous les biens et services. Pourtant, même l'IIP ne donne pas une idée absolument réaliste du pouvoir d'achat, parce que les Canadiens achètent de grandes quantités de biens et de services à des sources étrangères. Les analystes avantages-coûts se fondent souvent sur l'Indice des prix à la consommation de Statistique Canada pour convertir les dollars historiques en dollars constants. C'est acceptable si le groupe de référence approprié se compose des consommateurs en général, mais ce n'est pas toujours le cas. Les organisations qui font des analyses financières en vue d'un investissement auront besoin d'un indice d'inflation reflétant leurs achats typiques. Par exemple, le ministère de la Défense nationale a élaboré son propre indice pour convertir les dollars historiques en dollars constants, parce que la composition très particulière de ses achats ne se reflète dans aucun indice standard. Une fois l'indice approprié choisi, le calcul en dollars constants est simple.

Les spécialistes de l'analyse prospective postulent souvent un taux d'inflation constant (en utilisant un taux moyen pour en avoir une approximation). Ce n'est pas souhaitable dans les premières années de l'investissement, quand l'inflation peut être raisonnablement bien prédite. Toutefois, après quelques années, les projections du taux d'inflation deviennent largement inutiles (en raison de leur volatilité, constatée au cours des trois dernières décennies), de sorte qu'un taux d'inflation moyen devient l'hypothèse optimale à cet égard. L'estimation d'un taux d'inflation moyen pour l'avenir devrait être réservée aux spécialistes.

Le calcul de conversion des valeurs futures en valeurs actualisées, et vice versa, est simple, car les valeurs sont reliées par des intérêts composés. Les intérêts sont composés quand l'intérêt gagné sur le principal initial est ajouté au principal au début de la seconde période de calcul. Par exemple, si Jacques Leblanc investit 100 $ à 9 % d'intérêt composé annuellement, à la fin de la première année, son investissement vaudra 100 $ x (1+0,09) = 109 $. À la fin de la deuxième année, t2, il vaudra 100 $ x (1+0,09) x (1+0,09). Le facteur figurant entre parenthèses est répété une fois pour chaque période écoulée. Globalement, après n ans, tn, l'investissement vaudra 100 $ x (1+0,09)n.

Le rapport entre les dollars constants et les dollars historiques est le même. Quand on commence avec une somme en dollars constants à t0 et qu'on veut calculer le montant équivalent en dollars historiques à tn, on utilise la formule :

H = C (1 + i)n [1]

H désigne le montant en dollars historiques, C le même montant en dollars constants, i le taux d'inflation annuel (%) et n le nombre de périodes entre t0 et le moment où le coût est payé ou avantage reçu, à tn. Toutefois, en analyse avantages-coûts, on travaille souvent en sens inverse _puisque le montant exprimé en dollars historiques pour un coût ou un avantage existe à un moment donné dans l'avenir et qu'il faut calculer l'équivalent en dollars constants à un moment qui le précède, comme t0. On utilise alors la formule suivante :

C = H (1 + i)n [2]

C est le montant en dollars constants, H le même montant en dollars historiques, i le taux d'inflation annuel (%), et n le nombre de périodes entre t0 et le moment où le coût est payé ou l'avantage reçu, à tn. Bien entendu, les taux d'intérêt ne sont pas toujours exprimés en fonction de la période utilisée dans les calculs. Par exemple, l'intérêt peut être composé quotidiennement, mensuellement ou trimestriellement. La formule qu'on utilise pour calculer le taux d'intérêt effectif annuel réel à partir d'un taux donné pour une période inférieure à un an est la suivante :

TEA= (1 + r/m)m - 1[3]

où TEA et le taux d'intérêt effectif annuel (%), r le taux d'intérêt donné (%) et m le nombre de fois par année que les intérêts sont composés.

Le TEA figure aussi dans des tableaux normalisés, et il est une fonction dans de nombreux programmes de calcul électronique.

5.3 Changements des prix relatifs

Il est hélas fréquemment arrivé qu'on ne tienne pas compte, dans les analyses avantages-coûts, des changements des prix relatifs pendant la durée d'un projet. À l'extrême, c'est ce qui arrive quand l'analyste établit une « année type » de flux de trésorerie en se contentant d'augmenter toutes les valeurs des intrants et des extrants d'un pourcentage uniforme pour chacune des années suivantes. Ce raccourci non seulement ne tient pas compte des changements des prix relatifs, mais change la composition des intrants et des extrants d'une année à l'autre. En général, ce n'est pas une façon acceptable de procéder.

Le traitement conséquent de l'inflation et des changements des prix relatifs consiste à :

  1. estimer les changements à venir des prix relatifs pour chaque intrant et chaque extrant, et ce pour chaque période pendant la durée du projet;
  2. estimer le prix fictif des devises étrangères, s'il y a des importations et des exportations en jeu;
  3. obtenir des estimations des changements annuels attendus du niveau général des prix (ce qu'on appelle communément l'inflation);
  4. à partir de ces deux estimations, calculer le prix nominal de chaque intrant et de chaque extrant, pour chacune des années du projet;
  5. établir le premier tableau complet des coûts et des avantages, en dollars historiques, à partir des prix estimés conformément à la démarche ci-dessus;
  6. apporter des corrections aux flux de trésorerie qui doivent être calculés en dollars historiques (comme les redressements fiscaux, les remboursements d'emprunts et les rajustements des réserves de liquidités, qu'on appelle parfois le fonds de roulement). C'est ainsi qu'on établit le tableau pro forma des flux de trésorerie;
  7. corriger en fonction de l'inflation tous les postes de l'état pro forma des flux de trésorerie pour chaque année, à l'aide de l'indice des prix, pour obtenir les tableaux en dollars constants des avantages et des coûts , qui serviront de base aux analyses qui suivront.

5.4 Valeurs futures et actualisées

Même quand les tableaux des coûts et des avantages sont exprimés en dollars constants, ils ne le sont pas encore en unités normalisées. Les dollars constants ont un pouvoir d'achat uniforme, mais les résultats ne sont pas les mêmes si ce pouvoir est exercé maintenant ou plus tard. Pour que les coûts et les avantages soient pleinement comparables, leurs valeurs doivent être converties à différents moments, en valeurs à un seul moment donné. Les valeurs actualisées sont des valeurs en dollars uniformisées non seulement pour que le pouvoir d'achat soit constant, mais aussi en fonction du moment auquel on les applique.

Pour faire la conversion en valeurs actualisées, il faut utiliser un taux d'actualisation reflétant la préférence intertemporelle du groupe de référence. Quelle est la valeur d'obtention d'un avantage maintenant plutôt qu'à une date ultérieure? Dans les analyses avantages-coûts menées pour l'administration fédérale, le choix du taux d'actualisation n'a pas fait l'unanimité. Les promoteurs d'un projet ont eu tendance à rejeter les taux d'actualisation élevés, qui donnent une impression défavorable des projets (puisque les avantages se concrétisent généralement plus tard que les coûts, de sorte que les taux d'actualisation élevés tendent en général à réduire les avantages plus que les coûts).

Une fois le taux d'actualisation choisi, la conversion des valeurs futures en valeurs actualisées et vice versa est simple. La formule est la même que celle de l'équation [2] pour correction en fonction de l'inflation :

VA = VF/(1 + k)n [4]

où VA est la valeur actualisée à t0 ($),VF la valeur future à tn ($), k le taux d'actualisation (%) et n le nombre de périodes entre t0 et tn.

5.5 Taux d'actualisation

Il est important de bien comprendre que le taux d'actualisation convenable dépend entièrement du point de vue de l'analyse, et que ce point de vue doit être exprimé de façon explicite. Par exemple, s'il est celui d'un groupe de personnes donné, le taux d'actualisation convenable devrait refléter les préférences intertemporelles de ces personnes. Si les membres du groupe sont pauvres, la recherche a montré que le taux d'actualisation qui reflète leur préférence intertemporelle sera vraisemblablement élevé _ ils accorderont une plus grande valeur aux avantages immédiats, parce qu'ils ont des besoins fondamentaux insatisfaits. Le coût d'emprunt peut ne pas correspondre très bien à leur taux d'actualisation (alors que c'est généralement le cas pour une entreprise) si leur accès au crédit est limité ou faussé.

Contrairement à la plupart des individus et des organisations, les gouvernements ont fréquemment deux points de vue différents pour évaluer leurs possibilités d'investissement : le point de vue financier (le projet est-il valable selon le point de vue strictement financier de l'État?) et le point de vue social (le projet est-il valable pour le pays?). Les taux d'actualisation peuvent être très différents dans les deux cas.

5.5.1 Taux d'actualisation financier

(Point de vue strictement financier du gouvernement)

Le taux d'actualisation financier correspond au coût d'emprunt du gouvernement. Il est acceptable que l'analyste se serve du coût d'emprunt réel quand il se fonde sur le strict point de vue financier du gouvernement et que les fonds marginaux de l'investissement sont empruntés plutôt que générés par une augmentation du fardeau fiscal. Le taux d'actualisation financier tend à être faible, parce que les gouvernements sont généralement des emprunteurs privilégiés (en raison du fait que les taxes et impôts sont une garantie de remboursement).

Cela dit, se fonder sur le point de vue financier et utiliser le taux d'actualisation financier ne se justifient que lorsque l'investissement proposé a très peu de répercussions sociales, à supposer qu'il en ait. C'est le cas, par exemple, des décisions d'acheter des ordinateurs ou de louer de petits locaux. Si le projet a suffisamment d'envergure pour avoir une incidence sur l'économie globale, ou s'il présente des aspects d'intérêt pour le public, le strict point de vue financier est probablement inacceptable.

5.5.2 Taux d'actualisation social

(Vaste point de vue social du gouvernement)

Le taux d'actualisation social équivaut somme toute au coût d'option du capital, pondéré en fonction de la source des capitaux d'investissement. Pour le gouvernement du Canada, cela veut dire l'emprunt à l'étranger, la renonciation à investir dans le secteur privé et la renonciation à consommer. Quand on sait à quelles utilisations le gouvernement renonce en décidant d'investir et qu'on connaît les taux de rendement de ces utilisations, on peut calculer le coût d'option. Fondamentalement, le gouvernement doit tirer de son investissement un taux de rendement au moins équivalent à celui des utilisations auxquelles il a renoncé afin de pouvoir justifier une décision d'imposer le secteur privé pour financer les investissements dans le secteur public. Autrement, il serait préférable pour le Canada que cet argent reste dans le secteur privé, et ne soit pas imposé.

Depuis 1976, le Conseil du Trésor exige que les analystes avantages-coûts utilisent un taux d'actualisation social réel de 10 % par an, ce qui revient à dire que ce taux d'actualisation s'applique à des dollars réels (constants, après correction en fonction de l'inflation). Ce taux est stable, car il reflète un coût d'option dans le secteur privé, où le taux moyen de rendement des investissements (dans l'ensemble de l'économie) change tout au plus très lentement au fil des ans. L'estimation gouvernementale du taux d'actualisation social a tenu le coup, même si elle a été contestée au fil des années. Des économistes ont proposé et défendu des taux d'actualisation sociaux aussi faibles que 7,5 % et aussi élevés que 12 % (réels dans les deux cas). Néanmoins, les estimations répétées réalisées par le ministère des Finances ont toujours confirmé la validité de l'estimation du taux d'actualisation social réel de 10 %.

À l'heure actuelle, la seule contestation sérieuse du taux d'actualisation social de 10 % vient de ceux pour qui des taux d'actualisation élevés reviennent à dévaluer indûment les avantages destinés aux générations futures, qui ont tout aussi droit que la génération actuelle à des éléments fondamentaux comme de l'eau propre et de l'air pur. Toutefois, cet argument favorable à des taux d'actualisation peu élevés pour les projets du secteur public n'est pas fondé, car les projets dont le taux de rendement est élevé compte tenu de tous leurs coûts et de tous leurs avantages sont préférables et pour la génération actuelle, et pour les générations futures, si on décide d'y réinvestir. C'est uniquement lorsque les avantages sont non renouvelables et consommés plutôt que réinvestis qu'il y a des conflits entre générations, l'une assumant les coûts et l'autre bénéficiant des avantages. Or, ce conflit ne saurait être atténué par une manipulation du taux d'actualisation. La seule façon de le régler, c'est de s'y attaquer directement grâce à l'analyse de la consommation intergénérationnelle.

5.5.3 Taux de préférence intertemporelle

(Point de vue des consommateurs)

La confusion extrême en analyse avantages-coûts est imputable à l'utilisation de numéraires (unités de valeur) différents. Pour éviter toute confusion, on devrait utiliser un « dollar d'investissement » comme numéraire, avec un taux d'actualisation social réel de 10 % par année. C'est conforme à l'approche commune en matière d'investissement et de taux de rendement bien connue des économistes et des non-économistes.

Par ailleurs, il est possible (et peut-être théoriquement plus précis) d'utiliser un dollar de consommation comme numéraire. Après tout, l'investissement n'est pas une valeur finale, alors que la consommation l'est. Le taux social de préférence intertemporelle en matière de consommation est normalement réputé être d'environ 4 %, ce qui est manifestement bien inférieur à un taux d'actualisation de 10 %, et à première vue, il pourrait sembler plus intéressant pour ceux qui estiment que les avantages qui se feront attendre longtemps (p. ex. des avantages environnementaux généraux) ne devraient pas être actualisés à un taux trop élevé.

Toutefois, si l'on utilise le numéraire de consommation et le taux social de préférence intertemporelle en matière de consommation comme taux d'actualisation, (pour que l'analyse soit équitable et conséquente), il faut calculer le prix fictif des fonds d'investissement en fonction de la consommation à laquelle on renonce. Les économistes qui ont calculé le prix fictif du dollar d'investissement au Canada et aux États-Unis ont constaté qu'il équivaut à environ 2,50 $, en « dollars de consommation ».

L'important est que le taux utilisé selon la première approche (taux d'actualisation de 10 % des coûts et des avantages, exprimés en numéraire d'investissement) et le taux utilisé selon la deuxième approche (taux d'actualisation de 4 % des coûts et des avantages, exprimés en dollars de consommation, avec des coûts exprimés à un prix fictif de 2,50 $ au dollar), on arrive à peu près à la même chose. Comme les résultats des deux approches sont à peu près les mêmes, si les calculs sont bien faits, il est logique de rester fidèle au concept plus facile à comprendre du numéraire exprimé en dollars d'investissement, avec un taux d'actualisation de 10 % (car c'est sur cela que l'approche habituelle en matière d'investissement et de taux de rendement est fondée). Ce qui est inacceptable, c'est de confondre les deux approches : il est inadmissible d'utiliser un taux d'actualisation de 4 % sans établir le prix fictif des fonds d'investissement.

5.6 Effets stratégiques de taux d'actualisation élevés ou faibles

Le choix du taux d'actualisation est extrêmement important. Il a une influence marquée (bien qu'invisible) sur l'orientation de l'organisation.

Un faible taux d'actualisation favorise :

  • un programme d'investissement énergique, puisque le capital semble peu coûteux;
  • l'achat d'actifs;
  • des projets et programmes nombreux et d'envergure;
  • les projets dont les avantages peuvent être à long terme.

Un taux d'actualisation élevé favorise :

  • la prudence en matière d'investissement, puisque les capitaux semblent coûteux;
  • la location et d'autres types d'options à paiement reporté;
  • une planification souple, à court terme;
  • les solutions exigeant une main-d'oeuvre importante plutôt que de gros capitaux.

5.7 Taux d'actualisation en tant que variable de risque

L'ancien Guide de l'analyse avantages-coûts du Conseil du Trésor, qui date de 1976, recommandait un taux d'actualisation social réel de 10 % et des taux de 5 % à 15 % par an pour l'analyse de sensibilité. Toutefois, l'expérience a révélé que cette fourchette de taux est trop large. La plupart des projets sont alléchants à un taux d'actualisation de 5 % et rebutants à un taux de 15 %. Il serait plus crédible et plus utile d'opter pour une fourchette de taux d'actualisation sociaux réels d'environ 8 % à 12 % par année (pour l'analyse de risque), le taux le plus vraisemblable étant de 10 % par an.

Comme la valeur optimale du taux d'actualisation est incertaine, il conviendrait de l'ajouter en tant que variable de risque dans le tableau des paramètres d'une analyse des avantages-coûts et d'une analyse de risque par simulation. Il est alors moins important de déterminer une valeur précise du taux d'actualisation, car on privilégie la détermination de la fourchette la plus vraisemblable de ces taux, puis l'interprétation des résultats de la simulation financière (voir chapitre 9).

Pratique exemplaire _ Correction en fonction
de l'inflation et actualisation

  • Pour s'assurer qu'il est convenablement tenu compte des changements des prix relatifs, les tableaux des coûts et des avantages devraient être d'abord établis en dollars historiques, et les flux de trésorerie indiqués pour chaque période comprise dans la période de calcul. Les conversions en dollars constants ou en valeurs actualisées ne devraient avoir lieu que lorsque tous les coûts et les avantages sont établis en dollars historiques.
  • La correction en fonction de l'inflation et l'actualisation des valeurs sont deux procédés différents, qui devraient être indépendants l'un de l'autre.
  • Le choix du taux d'actualisation optimal est fonction du point de vue de l'analyse ainsi que du choix de numéraire.
  • Le gouvernement du Canada emploie un taux d'actualisation financier (fondé sur un strict point de vue « interne » qui convient essentiellement pour les petits projets) et un taux d'actualisation social (fondé sur un point de vue national). Lorsque le dollar d'investissement normal est utilisé comme numéraire, le taux d'actualisation social approprié (selon le ministère des Finances et le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada) est d'environ 10 % réel par année. La fourchette plausible des taux d'actualisation pour l'analyse de risque se situe entre 8 % et 12 %.

6. Règles de décision

Rien n'est aussi pratique qu'une bonne théorie.

- Kurt Lewin, Field Theory in Social Science: Selected Theoretical Papers, 1951

Les règles de décision servent à déterminer la mesure dans laquelle un investissement est valable et préférable à un autre. Dans ce chapitre, on va voir comment on utilise les règles de décision avec des données déterministes, en ne tenant temporairement pas compte de l'incertitude des données. Dans la partie 9.7, nous verrons comment les mêmes règles de décision peuvent être appliquées lorsque les données sont incertaines.

6.1 Valeur actualisée nette

La valeur actualisée nette (VAN) est la valeur actualisée de tous les avantages convertis au taux d'actualisation optimal, moins la valeur actualisée de tous les coûts convertis au même taux. Elle correspond toujours à un moment donné, généralement ta, celui de l'analyse, ou t0, c'est-à-dire le début du projet.

La valeur actualisée nette est calculée selon la formule suivante :

VAN = coûts de l'investissement initial + somme des valeurs actualisées des coûts et des
avantages pour chaque période comprise dans la période de calcul. [5]

La VAN peut être calculée de plusieurs façons. Il est évident que la VAN des avantages et celle des coûts pourraient être calculées séparément, puis soustraites, mais plus souvent l'analyste soustrait les coûts des avantages pour chaque période, de façon à avoir les valeurs nettes des flux de trésorerie sur une seule et même ligne, après quoi il actualise les flux de trésorerie nets pour obtenir la VAN. Ce calcul est un peu plus simple, mais, ce qui est plus important, c'est que les flux de trésorerie nets sont une donnée très utile pour les gestionnaires. En effet, bien des projets ou des entreprises dont la VAN était positive ont fait faillite à cause de problèmes de liquidités.

Par exemple, si l'investissement initial était de 100 $, et que les avantages se montaient à 70 $ et les coûts à 25 $ pour chacune des trois années envisagées, avec un taux d'actualisation est de 10 % par année, la VAN serait :

VAN = - 100 $ + (70 $ - 25 $)/(1 + 0,1)1 + (70 $ - 25 $)/(1 + 0,1)2 + (70 $ -  25 $)/(1 + 0,1)3
= - 100 $ + 40,91 $ + 37,19 $ + 33,81 $
= 11,91 $

Cette formule respecte la convention comptable expliquée au chapitre 2, selon laquelle tous les coûts et les avantages sont réputés se concrétiser à la fin de la période visée, sauf dans le cas des grandes dépenses de lancement effectuées à t0, qui ne sont pas actualisées.

6.1.1 Valeur actualisée nette et seuil de rentabilité

Une VAN de zéro n'équivaut pas au « seuil de rentabilité » comme on l'entend normalement, à savoir des coûts équivalant aux avantages. La VAN s'apparente davantage aux bénéfices excédentaires qu'aux bénéfices proprement dits. Si le projet a une VAN de zéro, il a un taux de rendement normal (égal au taux d'actualisation, bien entendu). Par exemple, lorsqu'un projet a un taux de rendement de 10 % par année et que ses flux de trésorerie sont actualisés à 10 % par année, la VAN est égale à zéro.

Si nous accordons tant d'importance à la VAN, ce n'est pas parce qu'elle nous permet d'établir si le projet est rentable, mais bien s'il vaut la peine de le réaliser plutôt que de laisser les fonds là où ils sont en temps normal (en rapportant 10 % par an).

6.2 Deux règles de décision essentielles

Dans bien des cas, la répartition des coûts et des avantages des projets évolue de façon complexe avec le temps, de sorte qu'il est impossible de déterminer quel projet est préférable sans avoir recours à des règles de décision. On a proposé beaucoup de règles de ce genre; certaines donnent de bons résultats seulement dans des situations particulières et d'autres comportent des risques d'erreur. Seulement deux donnent des résultats généralement corrects et fiables. Il s'agit de celles-ci :

Cas no 1 : Projet unique, budget illimité, décision d'aller de l'avant ou pas

Règle de décision 1 : Ne jamais entreprendre de projets dont la VAN est inférieure à zéro, à moins d'être disposé à « perdre de l'argent » pour atteindre un objectif non économique.

Exemple 6.2.1

VAN

Décision

Projet A

+ 3 $

Acceptation

Projet B

+ 0 $

Indifférence

Projet C

- 1 $

Rejet


Cas no 2 : Choix de projets, budget limité, opter pour la solution optimale

Règle de décision 2 : S'il y a plusieurs projets envisageables, maximiser la VAN totale.

6.2.1 Problème de l'indépendance par rapport à l'importance de l'investissement

Les gens n'ont généralement aucune difficulté à accepter l'idée qu'un projet ayant une VAN de -27 $ est inacceptable, mais il leur est plus difficile d'admettre le projet B, dont la VAN est de +3 $, reste préférable au projet A, dont le VAN est de +2 $, quel que soit l'investissement dans chacun des deux. Pour bien comprendre ce phénomène, il faut se rappeler, comme nous l'avons précisé, que la VAN serait davantage un excédent de bénéfices qu'un bénéfice proprement dit.

Un petit exemple portant sur une seule période devrait démontrer pourquoi il faut toujours préférer la VAN la plus élevée. L'essentiel est de se rendre compte de ce qui arrive quand on uniformise le niveau d'investissement - autrement dit quand on tient compte des conséquences pour le capital restant lorsqu'on décide d'investir une somme moins élevée.

Exemple 6.2.2

Supposons que le projet A nécessite un investissement de 100 $ et le projet B un investissement de 150 $. Investir dans le premier plutôt que dans le deuxième signifie qu'on obtient le taux de rendement normal en investissant les 50 $ restants ailleurs. Toutefois, ces 50 $ ont une VAN de zéro (leur taux de rendement est le même, mettons 10 %, que leur taux d'actualisation). Par conséquent, si nous choisissons d'investir dans le projet A, nous avons un total de 100 $, avec un taux de rendement de 10 %, plus une VAN de 2 $, et les 50 $ restants rapportent le taux de rendement normal. Par contre, si nous optons pour le projet B, 150 $ rapportent le taux de rendement normal, plus une VAN de 3 $.

Projet A rapporte (10 % de 100 $ + 10% de 50 $) + 2 $
Projet B rapporte (10 % de 150 $) + 3 $

Les chiffres entre parenthèses sont les mêmes pour le projet A et le projet B, quelle que soit l'importance de l'investissement, de sorte que les différences ne se manifestent que dans les VAN. L'importance de l'investissement dans les deux cas ne devrait donc avoir aucune influence sur notre décision, une fois que nous savons quelles sont les VAN. La bonne décision est toujours d'opter pour la VAN la plus élevée. Voici une autre façon d'interpréter le même calcul .

Exemple 6.2.3

Rendement de base

VAN

Rendement total

Projet A
Investissement de 100 $

10 $

2 $

12 $

Reste de 50 $

5 $

0 $

5 $

17 $

Projet B
Investissement de 150 $

15 $

3 $

18 $

Il est important que les décideurs comprennent bien ce concept pour pouvoir se servir utilement des VAN. Une VAN de zéro n'équivaut pas au seuil de « rentabilité » : elle signifie tout simplement que le projet a un taux de rendement normal, disons de 10 %. Une VAN négative, de -300 $, par exemple, ne signifie pas nécessairement que le projet accuse une perte au sens familier du terme, mais simplement qu'il a le taux de rendement normal de 10 % moins 300 $.

Les projets peuvent être classés en fonction de leur VAN quelle que soit leur envergure. Par contre, ils ne peuvent pas l'être en fonction de leur taux de rendement interne sans qu'on ne tienne compte de leur envergure (voir paragraphe 6.3.1). C'est contraire à l'intuition de bien des gestionnaires.

6.3 Règles de décision peu fiables

6.3.1 Taux de rendement interne

Le taux de rendement interne (TRI) est le taux d'actualisation auquel la VAN du projet est égale à zéro. Un TRI plus élevé que le taux d'actualisation normalisé signifie que le projet devrait être réalisé; quand on choisit de réaliser un projet plutôt qu'un autre, il faut opter pour celui dont le TRI est le plus élevé. Par exemple, si le projet A a un TRI de 15 % alors que celui des projets ordinaires est de 10 %, il vaut la peine qu'on y investisse.

Le TRI présente trois grands inconvénients (précisés ci-dessous), faisant qu'il est mauvais de le substituer à la VAN comme règle de décision. Néanmoins, de nombreux gestionnaires le trouvent intuitivement séduisant, contrairement à la VAN. Ils tendent à penser que sa signification est transparente, mais c'est faux. Quand on calcule un TRI, il faut l'interpréter avec prudence.

Fondamentalement, la formule de calcul du TRI est la même que celle de la VAN. Si le taux d'actualisation est connu, il est possible de calculer la VAN, et vice versa. Néanmoins, le calcul du TRI n'est pas basé sur une preuve et une formule. L'analyste se sert d'un ordinateur pour calculer le TRI par tâtonnements. À partir d'une hypothèse de TRI vraisemblable, l'ordinateur introduit des valeurs plus élevées et moins élevées de i dans la formule jusqu'à ce qu'il arrive à une VAN de zéro.

La plupart des programmes de calcul électronique couramment utilisés prévoient un nombre limité d'itérations. Si l'ordinateur ne trouve pas de taux d'actualisation équivalant à une VAN de zéro après un nombre limité d'itérations, il affiche un message d'erreur, auquel cas l'analyste doit recommencer, en postulant une valeur de TRI différente. De plus, outre cette lourdeur du processus de calcul, le TRI présente deux autres inconvénients qui en rendent l'utilisation douteuse.

Inconvénient 1 : Les comparaisons simples de TRI peuvent être trompeuses si les projets ne sont pas de la même envergure. Un projet ayant un TRI de 7 % n'est pas nécessairement préférable à un autre ayant un TRI de 6 %. L'envergure de chaque projet et le taux d'actualisation peuvent aider à déterminer quel est le meilleur projet.
Exemple 6.3.1

Projet A

Projet B

Coût total

100 $

10 000 $

TRI

7 %

6 %

Taux d'actualisation

5 %

5 %

Avec le projet A, un investissement de 100 $ a un taux de rendement de 7 %; les 9 900 $ restants ont un taux de rendement de 5 % (rendement total = 7 $+495 $=502 $). Par contre, avec le projet B, les 10 000 $ ont un rendement de 6 % (600 $). Le projet B est préférable, même si son TRI est inférieur à celui du projet A.

Inconvénient 2 : Dans bien des cas, l'équation admet plus d'une valeur du TRI, et il n'est pas toujours évident pour l'analyste que d'autres valeurs tout aussi acceptables existent puisque l'ordinateur s'arrête dès qu'il trouve une valeur acceptable.

Des valeurs multiples du TRI (certaines négatives et d'autres positives) sont particulièrement vraisemblables si le flux de trésorerie annuel du projet a des valeurs tantôt positives, tantôt négatives, ce qui est fréquent en raison des besoins cycliques de refinancement des projets, des fluctuations des prix des intrants et des extrants, ou de ces deux facteurs à la fois. Dans certains cas, les analystes font « entorse » aux règles comptables pour obtenir une configuration des flux de trésorerie correspondant à une valeur unique pour le TRI, mais ce n'est pas une solution satisfaisante. Au mieux, l'existence de multiples valeurs possibles du TRI sape sa crédibilité; au pire, elle peut mener au choix d'un mauvais projet.

6.3.2 Ratio avantages-coûts, période de récupération et coûts actualisés

Il arrive parfois qu'on utilise correctement des règles de décision autres que celles qui sont fondées sur la VAN, et dont il est question dans la partie 6.2, mais, dans l'ensemble, aucune n'est satisfaisante. Les trois plus répandues sont celles du ratio avantages-coûts, de la période de récupération et des coûts actualisés.

Ratios avantages-coûts

Le ratio avantages-coûts est le rapport de la valeur actualisée des avantages sur la valeur actualisée des coûts. La règle de décision consiste à rejeter tout projet ayant un ratio avantages-coûts inférieur à l'unité, les projets étant classés dans l'ordre de leurs ratios avantages-coûts. La première partie de cette règle est valable, mais la seconde risque de ne pas l'être, parce qu'il est possible de modifier nettement le ratio avantages-coûts en modifiant artificiellement la façon de calculer les avantages et les coûts (bien qu'il soit impossible de faire passer un ratio inférieur à l'unité à un ratio supérieur à l'unité, et vice versa _ il suffit d'essayer pour en avoir la preuve). À cet égard, rappelons qu'un avantage positif est l'équivalent d'un coût négatif; presque tous les coûts ou tous les avantages pourraient servir d'exemples. Prenons le cas des dépenses de construction d'une route d'accès à un nouveau parc. Elles pourraient être ajoutées aux coûts du parc ou soustraites des avantages. Les deux façons de procéder sont acceptables, mais le ratio avantages-coûts pourrait être artificiellement accru ou réduit en raison de cette décision arbitraire.

Exemple 6.3.2

Avantages

Coûts

Ratio avantages-coûts

Projet A

100 $

60 $

100/60 = 1,66

Projet A (le même projet, mais en soustrayant 30 $ des avantages au lieu de les inscrire comme un coût)

70 $

30 $

70/30 = 2,33

Période de récupération

La période de récupération est celle qui doit s'écouler pour que la valeur actualisée des avantages s'élève au point d'égaler la valeur actualisée cumulative des coûts. En général, cette période doit être la plus courte possible. Néanmoins, une règle de décision fondée sur ce facteur peut être trompeuse, parce qu'on ne tient pas compte de ce qui se passe après la fin de la période de récupération, alors qu'il est très possible qu'un projet ait une VAN plus élevée et une période de récupération plus longue (voir la figure 6.4.1). Le projet A présente une période de récupération plus courte, mais le projet B aboutit à une VAN plus élevée.

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Coûts actualisés

Lorsque les avantages de deux solutions envisageables sont exactement les mêmes, le choix peut être basé sur les coûts actualisés les plus bas. Néanmoins, il ne s'agit pas d'une règle de décision fiable car on ne peut se fonder sur ce facteur pour dire si le projet devrait être réalisé ou pas. En outre, le postulat selon lequel les avantages sont constants est généralement une simplification et risque souvent de ne pas être valable. Par exemple, une installation construite est rarement l'équivalent exact, qualitativement et quantitativement, d'une installation louée. Certaines des différences peuvent être très importantes. Qui plus est, les coûts actualisés peuvent faire l'objet de manipulations du genre de celles que nous avons décrites à l'égard du ratio avantages-coûts. La façon de calculer les coûts et les avantages (les avantages pouvant être considérés comme des coûts négatifs) peut modifier artificiellement la valeur apparente des coûts actualisés.

Pratique exemplaire _ Règles de décision

La meilleure règle de décision est celle de la VAN. Les autres devraient être utilisées avec une extrême prudence.

Les deux règles de décision essentielles sont les suivantes :

  1. Ne jamais entreprendre de projets dont la VAN est inférieure à zéro, à moins d'être disposé à « perdre de l'argent » pour atteindre un objectif non financier.
  2. S'il y a plusieurs projets envisageables, maximiser la VAN totale.

7. Analyse de sensibilité

La baleine qui erre autour du pôle n'est pas faite pour être mangée. Elle est trop grosse pour être cuite ou servie entière dans une assiette.

- Hilaire Belloc, "The Whale," The Bad Child's Book of Beasts, 1896

7.1 Qu'est-ce que la sensibilité?

Dans les analyses avantages-coûts, plusieurs facteurs incertains influent habituellement sur les résultats. C'est vrai dans des domaines aussi différents que la santé, l'éducation, l'emploi ou le développement économique. Il est important de savoir dans quelle mesure les résultats sont « sensibles » aux changements de ces facteurs d'incertitude. Il est utile de le savoir pour déterminer s'il vaut la peine d'engager des dépenses pour obtenir des données plus précises, ou si des mesures peuvent être prises pour limiter l'incertitude (p. ex. en remaniant les éléments du projet ou simplement en assurant une gestion particulièrement vigilante du projet), et pour communiquer aux décideurs l'ampleur de l'incertitude et du risque inhérents au programme.

L'analyse de sensibilité est toutefois un instrument limité. Elle traite les variables une par une, toutes les autres restant constantes dans chaque cas. Elle ne tient pas compte des actions simultanées et des interactions entre les variables pourtant inévitables dans la réalité. Il peut être trompeur d'accorder trop d'importance aux résultats, puisqu'une variable pouvant sembler cruciale lorsqu'elle est étudiée isolément peut être ou ne pas être fondamentale lorsqu'on l'étudie parallèlement à d'autres variables, qui en renforcent ou en réduisent l'influence sur le résultat du projet. Seule l'analyse de risque (Hertz et Thomas, 1983, 1984) peut déterminer avec précision l'influence de chaque variable.

Néanmoins, l'analyse de sensibilité est une étape utile (bien que limitée) pour étudier le modèle déterministe. C'est la deuxième des trois phases de l'analyse générale, qui consiste à :

  1. construire un modèle déterministe fondé sur des valeurs uniques « optimales » (valeurs de référence) des variables d'intrants;
  2. déterminer la sensibilité des résultats à chacune de ces variables et prendre des mesures pour réduire le risque d'incertitude, si possible;
  3. faire une analyse complète des risques, en étudiant les probabilités de nombreuses variables simultanément.

L'analyse de sensibilité permet de mieux comprendre le modèle. À mesure que l'on acquiert cette compréhension, on peut prendre les mesures qui s'imposent. Dans certains cas, la seule chose à faire, c'est obtenir de meilleures données. Par exemple, les résultats d'une décision d'acheter ou de ne pas acheter un poumon artificiel sont sensibles à la « probabilité d'une épidémie de grippe », laquelle n'est pas contrôlable. Dans d'autres cas, on peut être en mesure de déterminer ou de limiter la valeur d'une variable donnée. Par exemple, si les résultats sont particulièrement sensibles au taux de rémunération d'un opérateur, celui-ci peut être négocié au préalable. S'il est préétabli, les résultats sont beaucoup moins sensibles à son influence. Plus la sensibilité peut être minimisée, plus l'estimation du résultat peut être précise.

7.2 Sensibilité brute

Dans sa forme la plus simple, que nous pourrions appeler la sensibilité brute, l'analyse de sensibilité consiste à calculer (une variable à la fois) la mesure dans laquelle la VAN change si la variable qui influe sur elle est modifiée d'un pourcentage uniforme, disons de 10 %. Revenons à l'exemple de la décision d'acheter ou de ne pas acheter un poumon artificiel, dont la VAN est fonction de quatre variables, à savoir les coûts d'assurance, les coûts de fonctionnement, le prix d'achat et le taux d'utilisation. Il suffit de jeter un coup d'oeil au tableau 7.2.1 pour constater que la décision est très sensible à trois des quatre variables.

Tableau 7.2.1 : Exemple de sensibilité brute de la VAN aux variables d'intrants


Variable

Changement de la VAN par suite d'un changement de 10 % de la variable

Coûts d'assurance

15 %

Coûts de fonctionnement

21 %

Prix de la machine

7 %

Taux d'utilisation

19 %

7.3 Qu'est-ce qui détermine la sensibilité?

L'interprétation superficielle du tableau 7.2.1 peut induire en erreur. La « sensibilité effective » du résultat à une variable donnée est déterminée par quatre facteurs, les suivants :

  • le degré de réactivité de la VAN aux changements de la variable;
  • la fourchette de valeurs plausibles de la variable;
  • la volatilité de la valeur de la variable (soit la probabilité que la valeur de la variable s'inscrive dans la fourchette de valeurs plausibles);
  • la mesure dans laquelle la fourchette ou la volatilité des valeurs de la variable sont contrôlables.

Le premier de ces facteurs, la réactivité de la VAN aux changements de la variable, comprend deux volets, correspondant à l'influence directe et à l'influence indirecte de la variable sur la VAN. Son influence indirecte est exercée en fonction de ses rapports avec d'autres variables, elles-mêmes reliées à la VAN. S'il y a des corrélations positives entre la variable envisagée et les autres variables influentes, l'influence effective des deux est amplifiée, alors que c'est le contraire si elles ont des corrélations négatives. La seule façon de déterminer intégralement les influences consiste à construire un modèle de simulation capable de traiter les interactions simultanées de nombreuses variables.

7.4 Sensibilité et processus décisionnel

Les sensibilités qui nous intéressent le plus sont celles qui pourraient transformer une décision favorable en une décision défavorable au projet, et vice versa. Quatre calculs peuvent nous aider à estimer la probabilité d'un tel changement.

  1. Quelle est la fourchette d'influence? Autrement dit, jusqu'à quel point la VAN change-t-elle quand la variable passe de la plus faible à la plus élevée de ses valeurs plausibles?
  2. Cette fourchette d'influence contient-elle une VAN de zéro? Dans l'affirmative, la variable a une valeur critique _ à laquelle notre estimation du projet, jusque-là positive, devient négative.
  3. Quel est le ratio critique de la variable? Autrement dit, de quel pourcentage doit-elle changer pour atteindre une valeur critique?
  4. Quelle est la probabilité critique, c'est-à-dire la probabilité que la variable atteigne la valeur critique?

Si nous ajoutons ces calculs à celui de la sensibilité brute du tableau 7.2.1, nous obtenons une assez bonne idée de la sensibilité probable à une variable donnée dans les limites naturellement imposées par l'obligation de ne traiter qu'une variable à la fois (voir tableau 7.4.1).

Tableau 7.4.1 : Exemple de plusieurs indicateurs de la sensibilité de la VAN aux variables d'intrants

Variables d'intrants

Indicateurs de sensibilité

Coûts d'assurance

Coûts de fonctionnement

Prix de la machine

Taux d'utilisation

Sensibilité brute

15 %

21 %

7 %

19 %

Fourchette d'influence

10 %

17 %

5 %

35 %

Valeur critique

Non

Oui

Non

Oui

Ratio critique

-

9 %

-

63 %

Probabilité critique

-

40 %

-

42 %

L'examen du tableau 7.4.1 montre clairement que la VAN n'est sensible ni aux coûts d'assurance, ni au prix de la machine. Ni l'une ni l'autre de ces variables ne peut faire changer la VAN suffisamment pour qu'une valeur critique soit atteinte. Par contre, la VAN est sensible aux coûts de fonctionnement et au taux d'utilisation. Le taux d'utilisation est la variable la plus volatile, puisque la valeur critique a à peu près autant de chances d'être atteinte (42 % comparativement à 40 %), même si le pourcentage de changement doit être beaucoup plus élevé pour y parvenir. C'est la volatilité de cette variable qui fait qu'elle a autant de chances que l'autre de causer un changement crucial de la VAN. Par conséquent, nous tendrions à conclure que ces deux variables clés ont une influence égale.

7.5 Analyse de sensibilité à deux variables

Jusqu'à présent, nous avons analysé la sensibilité une variable à la fois. La prochaine étape en vue d'arriver à une véritable analyse de risque consiste à analyser deux variables à la fois. Les scénarios définis en fonction de deux variables interactives ne sont toujours pas des indicateurs exhaustifs et réalistes de la sensibilité, mais ils demeurent préférables à ceux basés sur l'analyse d'une seule variable à la fois. L'influence combinée de deux variables d'intrants sur la VAN peut être décrite dans une matrice comme celle du tableau 7.5.1.

Tableau 7.5.1 : Influence des combinaisons de deux variables d'intrants sur la valeur actualisée nette

Taux d'actualisation

Taux d'utilisation

500

475

450

425

400

0 10

16 814 $ 

12 987 $ 

9 161 $ 

5 335 $

1 509 $ 

0 11

14 923 $ 

11 200 $ 

7 476 $ 

3 753 $

29 $ 

0 12

13 082 $ 

9 459 $ 

5 835 $ 

2 212 $

(1 411 $)

0 13

11 288$ 

7 763 $ 

4 238 $ 

713 $

(2 812 $)

0 14

9 541 $

6 112 $ 

2 683 $ 

(746 $)

(4 175 $)

0 15

7 840 $ 

4 505 $ 

1 170 $ 

(2 165 $)

(5 500 $)

0 16

6 185 $ 

2 941 $ 

(302 $)

(3 545 $)

(6 788 $)

0 17

4 573 $ 

1 420 $ 

(1 734)

(4 887 $)

(8 040 $)

0 18

3 004 $ 

(61 $)

(3 127 $)

(6 192 $)

(9 257 $)

0 19

1 478 $ 

(1 501 $)

(4 481 $)

(7 460 $)

(10 440 $)

0 20

(6 $)

(2 902 $)

(5 798 $)

(8 693 $)

(11 589 $)

L'examen du tableau révèle quel taux d'utilisation il faut atteindre pour que la machine soit économique, et ce pour chaque taux d'actualisation. On constate qu'il serait possible de tracer une diagonale (du point inférieur gauche au coin inférieur droit) contenant toutes les combinaisons du taux d'actualisation et du taux d'utilisation qui donneraient une VAN de zéro. La diagonale divise le tableau en deux « régions stratégiques » (définies par les combinaisons des taux d'actualisation et des taux d'utilisation). Dans l'une de ces régions stratégiques, toutes les valeurs de la VAN sont négatives, (chiffres en gras) alors qu'elles sont toutes positives dans l'autre.

Si dans le modèle établi la sensibilité découle principalement de deux variables clés, ce genre d'analyse est très révélateur. Même s'il y a plus de deux variables clés, l'analyse par paire de variables nous fait comprendre un peu mieux comment le modèle se comporte, dans un contexte réaliste.

7.6 Analyse graphique de la sensibilité

Nous avons tenté jusqu'à présent d'évaluer la sensibilité en interprétant les tableaux. Dans la pratique, on tend davantage à utiliser des graphiques, car l'interaction entre la variable étudiée et le résultat est visible dans une fourchette raisonnable de valeurs. L'analyse de sensibilité est une démarche d'exploration et elle n'est pas définitive, de sorte qu'il faut commencer par dégager les tendances des données.

7.6.1 Courbes de sensibilité

On utilise un graphique aussi simple qu'utile pour illustrer les changements des VAN résultant de ceux de la variable de risque. Il est facile d'identifier les valeurs critiques pour avoir une idée de la sensibilité des résultats aux changements de la variable. Si les changements de la variable sont présentés sur le graphique en pourcentages (autrement dit normalisés), il est possible d'inscrire les courbes de deux variables, ou plus (calculées une à la fois, bien sûr) sur le même graphique. C'est utile parce que la sensibilité relative de chaque variable est révélée par la pente de la courbe. Plus la VAN change à cause d'un changement d'une variable, plus elle est sensible à cette variable, à volatilité égale.

Si le changement en pourcentage de la VAN est inscrit sur l'axe des x et le changement en pourcentage de la variable de risque sur l'axe des y, les courbes ouvertes révèlent une sensibilité marquée. Comme on peut le voir dans la figure 7.6.1, la VAN du projet donné à titre d'exemple est plus sensible à la variable B qu'à la variable A. Un changement de 10 % de la variable B entraîne un changement beaucoup plus important de la VAN qu'un changement du même ordre de la variable A.

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7.6.2 Diagrammes à pattes d'araignée

On peut regrouper les courbes de sensibilité pour illustrer de nombreuses variables d'intrants sur un seul et même graphique. Ce type de graphique combiné s'appelle un diagramme à pattes d'araignée (figure 7.6.2). Le centre du diagramme correspond à la VAN quand la valeur de chacune des variables correspond à sa valeur de référence. Les courbes du diagramme montrent comment la VAN change à mesure que change celle de chaque variable, toutes les autres demeurant égales.

La longueur des lignes peut varier, parce que chaque variable a sa propre fourchette de valeurs plausibles à l'intérieur de laquelle elle peut changer. Les valeurs d'une variable peuvent fluctuer de seulement 10 % à la hausse ou à la baisse par rapport à sa valeur de référence, tandis qu'une autre variable peut être extrêmement incertaine, avec une fourchette pouvant aller de +170 % à -60 %.

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L'espace d'interprétation posé sur le diagramme à pattes d'araignée est destiné à faciliter l'interprétation. Le haut et le bas de la case correspondent à des changements de +5 % et de -5 %, respectivement, des variables. Chaque fois qu'une des « pattes » du diagramme à pattes d'araignée dépasse le haut ou le bas de la case, elle indique la VAN résultant d'un changement de 5 % de la variable d'intrant visée.

Le côté gauche de la case correspond à une VAN de zéro; par conséquent, les pattes d'araignée le franchissent à la valeur critique des variables. Le côté droit de la case, lui, correspond à une VAN de 60, pour des raisons de symétrie (la VAN du scénario de référence est 30). Ces dimensions sont raisonnables dans le cas de cette analyse-ci, mais elles diffèrent dans d'autres analyses (la case n'étant rien d'autre qu'un moyen pratique de lire le diagramme). En fait, le diagramme à pattes d'araignée montre la mesure dans laquelle chaque variable devrait changer, toutes choses égales par ailleurs, pour que la VAN égale zéro (le ratio critique).

7.6.3 Graphiques en tornade

Les graphiques en tornade brossent eux aussi un tableau rapide, quoique partiel, de la sensibilité relative. Chacune des barres montre la fourchette des VAN lorsque chaque variable passe (une à la fois) de sa valeur la plus élevée à sa valeur la plus faible. Un coup d'oeil à la figure 7.6.3 révèle pourquoi on parle de graphique en tornade (les variables étant disposées en ordre d'influence décroissant, de haut en bas). Bien sûr, l'ampleur de la fourchette des valeurs plausibles n'est pas le seul facteur qui détermine la sensibilité. La volatilité _ soit la probabilité que la valeur de la variable change dans cette fourchette _ importe également pour déterminer la sensibilité. Il est cependant impossible de constater la volatilité d'une variable sur un graphique en tornade.

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La longueur de chaque barre indique la mesure dans laquelle la variable peut influencer la VAN. L'ombrage change à la VAN qui correspond à la valeur déterministe de la variable.

7.7 Traitement de la sensibilité

Une fois qu'on a établi les sensibilités clés parmi les variables de risque, une par une (toutes choses égales par ailleurs), on peut commencer à penser à gérer le risque.

  • Y a-t-il dans le modèle des variables d'intrants corrélatives, dont l'influence individuelle est par conséquent atténuée ou amplifiée?
  • La diversification est-elle souhaitable? Pourrait-on faire en même temps d'autres investissements pour lesquels l'influence de la même variable serait inversée?
  • La valeur de la variable clé peut-elle être déterminée avec plus de certitude si l'on recueille plus de renseignements et, dans l'affirmative, vaut-il la peine de payer pour les obtenir?

Une fois qu'on a répondu à ces questions, on peut formuler un plan d'action pour minimiser l'incertitude et, partant, limiter le risque.

Pratique exemplaire _ Analyse de sensibilité

  • L'analyse de sensibilité est une technique utile pour déterminer l'importance de chaque variable dans le modèle d'analyse avantages-coûts.
  • L'analyse de sensibilité ne révèle pas grand-chose sur le degré de risque du projet, parce qu'elle ne peut traiter plus de deux variables à la fois. Il est impossible de savoir si les effets individuels des variables sur le risque sont amplifiés ou s'ils s'annulent tant qu'on n'a pas fait une analyse dans laquelle toutes les variables varient simultanément.
  • Quatre facteurs contribuent à la sensibilité : le degré de réactivité de la VAN aux changements de la variable; l'importance de la fourchette des valeurs plausibles de la variable; la volatilité de la valeur de la variable (soit la probabilité que la valeur de la variable change dans les limites de la fourchette des valeurs plausibles) et la mesure dans laquelle la fourchette ou la volatilité de la valeur de la variable est contrôlable.
  • L'analyse graphique de la sensibilité est souvent utile; elle se fait à l'aide de courbes de sensibilité, de graphiques à pattes d'araignée et de diagrammes en tornade.
  • La valeur critique d'une variable de risque peut être un facteur important aux fins d'une prise de décision en matière d'investissement, car elle peut aider le décideur à pondérer le risque.

8. Approches générales en matière d'incertitude et de risque

Des caractéristiques du risque plus complètes, plus subtiles et fondées sur davantage de données aideraient les décideurs à prendre des décisions plus équilibrées, plus subtiles et plus éclairées.

- National Academy of Public Administration, Setting Priorities, Getting Results, 1995

Le traitement de données incertaines est un trait caractéristique de l'analyse avantages-coûts pratique. Aux chapitres 3 et 4, il a été question d'incertitude dans le contexte des effets différentiels d'un programme ou d'un projet. Au chapitre 8, nous allons étudier les moyens de traiter l'incertitude dans l'analyse financière et économique globale. Une grande partie des outils utilisés sont les mêmes.

8.1 Approches pour quantifier le risque lié à l'incertitude

Il y a trois approches pour traiter le risque financier et économique dans le contexte de l'analyse avantages-coûts. Il s'agit de celles-ci :

  • les valeurs attendues (équivalents certains) des scénarios;
  • les taux d'actualisation ajustés au risque;
  • l'analyse du risque par simulation.

Dans l'état actuel des connaissances, l'application des deux premières approches est limitée. Seule la troisième, celle de la simulation, offre une technique pratique permettant d'analyser le risque global d'un projet.

8.2 Valeurs attendues des scénarios

Si un investissement a deux résultats possibles _10 $ et 100 $ _ qui présentent respectivement 30 % et 70 % de chances de se concrétiser, la valeur attendue ou l'équivalent certain de l'investissement est (0,3 x 10 $) + (0,7 x 100 $) = 3 $ + 70 $ = 73 $. Sur un plan strictement logique face au risque, faire l'investissement ou accepter 73 $ devrait laisser l'intéressé indifférent.

Rares sont les analyses avantages-coûts pour lesquelles on adopte cette approche car, dans la plupart des cas, le nombre de résultats possibles est trop grand pour qu'on puisse envisager clairement les probabilités de chacun séparément. Toutefois, les scénarios peuvent parfois donner des renseignements utiles sur le risque. Par exemple, prenons une société pétrolière qui cherche à savoir si elle devrait construire un nouvel oléoduc dans un détroit où pullulent les icebergs. La construction de l'oléoduc coûterait 100 millions de dollars (valeur actualisée à t0). Le dirigeant de la société envisage trois scénarios et chacun a un aboutissement prévisible pour la société.

Scénario 1 : L'oléoduc n'est pas heurté par un iceberg.

Résultat : Recettes de la société tirées de l'oléoduc : 135 millions de dollars, t0.

Scénario 2 : L'oléoduc est heurté par un iceberg, mais reste réparable.

Résultat : Recettes de la société tirées de l'oléoduc : 93 millions de dollars, t0.

Scénario 3 : L'oléoduc est heurté par un iceberg et est irréparable.

Résultat : Recettes de la société tirées de l'oléoduc : 9 millions de dollars, t0.

Passons maintenant à la partie difficile de l'analyse. Supposons que le dirigeant de la société commande une étude à des spécialistes du risque de collision avec un iceberg; ils lui disent qu'il y a 60 % de chances que l'oléoduc ne soit jamais heurté par un iceberg, 30 % de chances qu'il soit heurté, mais reste réparable et 10 % de chances qu'il soit heurté par un iceberg et ne soit pas réparable. La valeur attendue de l'investissement de 100 millions de dollars est donc de (0,6 x 135 M $) + (0,3 x 93 M $) + (0,1 x 9 M $) = (81 M $ + 27,9 M $ + 0,9 M $) = 109,8 millions de dollars. La société décide de construire l'oléoduc, car les avantages escomptés (109,8 millions de dollars) sont supérieurs aux coûts (100 millions de dollars). Un iceberg heurte l'oléoduc, mais celui-ci est réparable. La société perd 7 millions de dollars. Pourtant, son dirigeant a pris la bonne décision, en s'appuyant sur les renseignements dont il disposait.

La principale différence entre cette façon de procéder et la simulation recommandée réside dans la fiabilité des estimations des probabilités effectuées. Les spécialistes du risque de collision avec un iceberg possédaient-ils la compétence requise pour déterminer les probabilités qu'une collision se produise? Il n'y a avait pas de données. En fait, poser des probabilités subjectives dans des scénarios aussi généraux revient à toutes fins utiles à deviner. Par contre, il est plausible qu'un spécialiste de l'établissement du prix des pommes puisse prédire les prix des pommes dans une fourchette de prix raisonnable un an à l'avance, en se fondant sur les données des prix historiques, les tendances de la demande et les facteurs susceptibles de modifier ces variables. Même s'il y a un élément subjectif ou une part de jugement dans la projection des prix des pommes, il existe des données. Des spécialistes reconnus ont fait preuve d'un bon jugement à cet égard, pour exprimer les prix dans une fourchette de prix et arriver à une distribution des probabilités avec une confiance raisonnable. L'analyse du risque est à la fois une science et un art. Une partie de l'art consiste à savoir où et quand faire appel à des données probabilistes dans le modèle d'analyse avantages-coûts.

8.3 Taux d'actualisation ajustés au risque

La pratique qui consiste à tenir compte de l'incertitude dans l'évaluation d'un projet au moyen du taux d'actualisation ne présente qu'une valeur relative. En effet, elle suppose que l'incertitude se compose à un taux fixe au fil des ans. Cette éventualité est peu probable. Lorsqu'il est possible d'attribuer divers degrés d'incertitude aux valeurs futures des variables, il est préférable de laisser les estimations des avantages et des coûts annuels futurs traduire ces différents degrés d'incertitude et d'additionner les valeurs actuelles à l'aide d'un taux d'actualisation sûr.

- Conseil du Trésor, Guide de l'analyse avantages-coûts, 1976

Une autre approche censée traiter le risque de façon analytique est celle des taux d'actualisation ajustés au risque. Fondamentalement, le principe est le suivant : dans un marché parfait, tous les investissements ont le même taux de rendement, sinon les capitaux seraient siphonnés dans les domaines à rendement élevé, faisant baisser les rendements moyens jusqu'à ce que les taux s'égalisent. Il s'ensuit que des taux de rendement nettement différents doivent être composés du même taux de base plus une prime de risque pour qu'à long terme l'investisseur ne touche que le taux de rendement de base. Si c'est le cas, le taux d'actualisation indiqué (coût du capital) correspond donc au taux de base plus une prime de risque. C'est ce qu'on appelle le taux d'actualisation ajusté au risque.

Malheureusement, cette approche présente plusieurs inconvénients. D'abord, les marchés ne sont pas parfaits, de sorte que les écarts observés entre les taux de rendement peuvent être attribuables à d'autres facteurs systématiques ou aléatoires plutôt qu'au risque inhérent à un projet. En outre, cela revient à confondre le risque du prêteur qui avance des capitaux à l'investisseur avec le risque inhérent au projet envisagé, alors qu'ils sont différents.

Qui plus est, l'ajout d'une prime de risque au taux d'actualisation (qui est un taux d'intérêt composé) peut produire des résultats bizarres. Quand on ajoute une prime de risque au taux d'actualisation, la valeur absolue de la prime, en dollars, augmente au fil des années, ce qui serait insensé, dans le cas de bien des investissements incertains durant la période initiale, mais tendant à finir par correspondre à une combinaison connue de coûts et de recettes, présentant moins de risques, (dans le secteur de l'immobilier, par exemple).

Néanmoins, ce sont là des objections plutôt abstraites à une théorie elle aussi abstraite. Dans la pratique, il n'existe aucun moyen connu de calculer la prime de risque dans un cas précis. La meilleure approximation qu'on puisse faire à cet égard, c'est quand des données relatives à un grand nombre de transactions se prêtent à l'analyse statistique, comme sur le marché boursier. Là, la variabilité du prix d'une valeur peut raisonnablement être assimilée à un type de risque, mais personne n'a encore démontré une façon d'utiliser ce « risque de volatilité » pour corriger les taux d'actualisation lorsqu'il s'agit d'investissement dans un seul projet. Sauf dans un nombre limité de cas particuliers, le risque ne se limite pas à la volatilité (voir partie 9.8).

Bref, il n'est pas indiqué de faire des estimations subjectives de la prime de risque, d'abord pour la raison que nous venons d'expliquer, c'est-à-dire qu'il n'y a généralement pas de données ni de compétences évidentes en la matière, ensuite parce qu'ajouter une telle prime au taux d'actualisation occulte le résultat de l'analyse. L'influence des estimations du risque exprimées par l'ajout d'une prime au taux d'actualisation est trop complexe pour être compréhensible intuitivement. Somme toute, les rajustements du taux d'actualisation ne sont donc pas un bon moyen de traiter les probabilités et le risque.

8.4 Analyse de risque par simulation

Mon expérience m'amène à dire que ceux qui paient pour des analyses avantages-coûts ont une patience limitée (car ils payent pour une étude de tous les risques à faible probabilité d'un projet, même si certaines des incertitudes entraînent des pertes catastrophiques s'ils se concrétisent). La triste conclusion est que s'il faut penser aux éventualités malheureuses, il faudra presque à coup sûr le faire vite, approximativement et à peu de frais. Quant aux moyens pratiques de faire en sorte que les profils du projet dans le monde réel soient plus représentatifs des valeurs escomptées, je suis de plus en plus enclin à préconiser, de façon générale, l'utilisation de techniques de simulation (Monte Carlo) ... tout en prônant leur application avec une grande simplicité et de façon très rentable.

Arnold Harberger, 1997

La seule méthode pratique d'analyse financière et économique du risque est la simulation, qui sert à prévoir les résultats éventuels du modèle d'analyse avantages-coûts, compte tenu des variables qui influent sur ces résultats. Elle permet à l'analyste de conseiller le gestionnaire de façon plus réaliste et compréhensible. Avec la méthode déterministe plus ancienne, l'analyste produisait une seule VAN, mais la probabilité de ce résultat unique n'était jamais claire. Le décideur ne savait pas quelle confiance accorder à cette valeur, (surtout compte tenu des calculs passablement ésotériques employés pour y arriver), de sorte qu'il tendait à s'en remettre à son jugement subjectif.

La simulation établit la fourchette des VAN possibles compte tenu des facteurs susceptibles de varier, avec un aperçu des probabilités dans cette fourchette. Les décideurs savent que chaque décision comporte un risque; il n'y a pas de garanties. Parfois, la bonne décision ne donne pas de bons résultats parce que les facteurs variables prennent une tournure défavorable. L'important, c'est que l'analyste donne au décideur une idée aussi complète et exacte que possible du risque éventuel et des récompenses envisageables. Les outils de simulation utilisables pour l'analyse de risque sont étudiés au chapitre 9.

Pratique exemplaire _ L'analyse de l'incertitude

  • Le risque résulte de l'incertitude des données. L'analyse des effets différentiels et l'analyse économique de l'investissement contribuent à l'évaluation du risque.
  • Il y a trois méthodes d'analyse du risque financier et économique : celle des valeurs attendues des scénarios; celle des taux d'actualisation ajustés au risque et enfin la simulation, qui est la seule des trois à être fondée sur une technique fiable d'évaluation du risque global.

9. Analyse de risque

Celui qui commence par des certitudes finit par des doutes, mais s'il se contente de commencer par des doutes, il finit par aboutir à des certitudes.

- Sir Francis Bacon, The Advancement of Learning, 1605

9.1 Introduction

L'analyse de risque financière et économique est une technique grâce à laquelle nous pouvons déterminer le risque inhérent à l'acceptation ou au rejet d'un projet. Elle nous permet aussi de comparer les résultats possibles de plusieurs projets. Elle est importante en analyse avantages-coûts, parce qu'elle nous permet d'utiliser des données incertaines et d'obtenir des résultats qui nous donnent une bonne idée de ce qui va vraisemblablement se produire. Elle tient compte des variations éventuelles des coûts et des avantages dont nous pouvons avoir connaissance mais dont nous ne tenons pas compte quand nous nous fondons sur des valeurs uniques les plus vraisemblables, dans une démarche d'analyse où tout doit fonctionner conformément aux prévisions.

Chaque modèle d'analyse avantages-coûts comporte généralement plusieurs variables susceptibles d'être incertaines. Lorsqu'on utilise le modèle d'analyse de risque, on a besoin d'un programme informatique pour les simulations. À chaque fois qu'on exécute le modèle, on choisit une valeur pour chaque variable. Ce n'est pas difficile; il faut simplement donner à l'ordinateur d'instruction de choisir une valeur dans une fourchette donnée et, à l'intérieur de cette fourchette, de choisir une valeur en fonction des probabilités établies. Par exemple, s'il y a trois valeurs possibles pour une variable donnée dans la fourchette - 3 (probabilité de 50 %), 4 (probabilité de 30 %) et 5 (probabilité de 20 %) - et que le modèle informatique est exécuté 1000 fois, l'ordinateur retient la valeur « 3 » dans 50 % des cas, « 4 » dans 30 % des cas et « 5 » dans 20 % des cas.

La simulation par ordinateur a le grand avantage de pouvoir traiter plusieurs variables (risques) incertaines simultanément, compte tenu des fourchettes et des probabilités de chacune. Il est donc possible de modéliser le résultat probable de l'analyse avantages-coûts d'une façon passablement réaliste. Au chapitre 7, nous avons dit que l'analyse de sensibilité était une technique limitée car elle ne peut traiter qu'au plus deux variables à la fois, les autres facteurs devant rester constants. Ce n'est pas le cas de l'analyse de risque, au sens où toutes les variables peuvent fluctuer en même temps. Leur influence et leurs interactions sont donc simultanées, tout comme dans le monde réel.

9.2 Étapes de l'analyse de risque

Il est toujours préférable de traiter l'analyse avantages-coûts comme une analyse de risque, parce que les données présentent toujours une certaine incertitude. Les étapes de l'analyse de risque sont les suivantes :

  1. Construire le modèle de base servant à calculer la VAN. On parle parfois de modèle déterministe, parce qu'une valeur déterministe unique est utilisée pour chaque variable (voir chapitres 2 et 6).
  2. Joindre aux variables incertaines de l'information sur leurs valeurs maximum et minimum (fourchette) et sur les probabilités de diverses valeurs dans ces fourchettes.
  3. Exécuter le modèle à maintes reprises de façon à obtenir un grand nombre de VAN (pour voir toutes les possibilités) _ c'est-à-dire construire un tableau des résultats (voir partie 2.5).
  4. Déterminer la fréquence de diverses VAN dans les résultats et, à partir de là, prédire la fourchette probable des VAN ainsi que les probabilités de différentes VAN dans cette fourchette.
  5. Interpréter ces renseignements conformément aux règles de décision pour déterminer la meilleure possibilité d'investissement ou, s'il n'y en a qu'une, pour déterminer si l'investissement sera vraisemblablement valable ou pas (voir partie 9.7).

9.3 Fonctionnement de l'analyse de risque

Nous ne saurions trop insister sur l'importance de construire un bon modèle déterministe avant même de penser au risque. L'analyse de risque ne peut être substituée à une préparation méticuleuse et détaillée de tableaux des coûts, des avantages et des paramètres.

Les logiciels d'analyse de risque sont fondés sur le modèle avantages-coûts sous-jacent. Ils servent à réaliser deux opérations supplémentaires, une fois que le modèle déterministe fonctionne convenablement. Ces opérations consistent à :

  • choisir des ensembles de valeurs des variables incertaines à utiliser à chaque exécution du modèle d'analyse avantages-coûts, selon des probabilités établies;
  • calculer les résultats possibles en fonction de ces ensembles de valeurs, puis à analyser ces résultats.

La première opération, la sélection d'ensembles de valeurs des variables incertaines, fait appel à l'échantillonnage. La plupart des programmes d'analyse de risque utilisent la méthode Monte-Carlo (échantillonnage aléatoire simple, en fonction d'une distribution des probabilités préétablie) et celle de la grille hypercubique (échantillonnage stratifié). Certaines utilisent les deux. Généralement, la seconde recrée avec exactitude les distributions des probabilités préétablies en un moins grand nombre d'itérations que la première, de sorte qu'elle est préférable quand le logiciel permet à l'analyste d'utiliser l'une ou l'autre. Chaque exécution du programme implique un échantillonnage complet de toutes les variables de risque et de nouveaux calculs électroniques. C'est ce qu'on appelle une itération. L'ensemble du procédé est une simulation. Le programme établit par simulation la fourchette des valeurs et les probabilités des résultats de l'investissement dans le monde réel.

Les procédures des différents logiciels varient, mais les opérations fondamentales qui exigent une intervention sont les mêmes. Il faut :

  • établir un rapport entre les variables incertaines du modèle et les données des fourchettes de valeurs et de probabilités;
  • préciser le « bilan » du modèle d'analyse avantages-coûts (la case correspondant à la VAN), pour que le logiciel d'analyse de risque puisse le relier au tableau des résultats.

Toutes les autres opérations sont automatiques, ce qui signifie que le logiciel d'analyse de risque calcule la VAN un grand nombre de fois (pour vérifier toutes les possibilités) et analyse les résultats statistiquement et graphiquement.

9.4 Correction en fonction de la covariance de variables de risque interreliées

Il ne faut jamais oublier que certaines variables de risque peuvent être interreliées. Par exemple, si une exécution du modèle donne une VAN fondée sur une valeur élevée du « total des prises de la saison de pêche » et sur une valeur elle aussi élevée du « prix moyen du poisson », la VAN peut être à l'extérieur de la fourchette des valeurs plausibles dans le monde réel. Normalement, quand les prises sont nombreuses, le prix du poisson est bas, et vice versa. Si nous voulons que le résultat de l'analyse soit réaliste, il faut tenir compte de ces corrélations.

Pour cela, on ordonne à l'ordinateur de choisir des valeurs des variables incertaines à chaque exécution, tout en respectant les corrélations préétablies entre les variables. Par exemple, si l'ordinateur choisit une valeur élevée pour le total des prises, il doit choisir une valeur du prix du poisson compatible avec la corrélation préétablie. L'ordinateur choisit la valeur qui convient à chaque variable de façon séquentielle. La valeur retenue pour le prix du poisson est fondée non seulement sur la fourchette probable des prix du poisson et la distribution des probabilités dans cette fourchette, mais aussi sur la valeur du total des prises qu'il a déjà choisie pour cette exécution, compte tenu de la corrélation entre les deux variables.

Si l'on ne tient pas compte des covariances, on peut se retrouver avec de grosses erreurs d'évaluation du risque. Par exemple, dans son étude pionnière de l'analyse de risque dans l'évaluation des projets, Pouliquen (1975) a signalé un cas où le risque d'échec du projet était de 15 % quand on traitait indépendamment les variables relatives à la productivité de la main-d'oeuvre et à la capacité portuaire, alors qu'elle était d'environ 40 % lorsqu'on tenait compte de leur corrélation positive.

Les logiciels adoptent des approches différentes dans leur utilisation de l'information sur la covariance des variables de risque. Parfois, mesurer les coefficients de corrélation est une tâche à réserver aux spécialistes (voir Chatterjee, 1994). Toutefois, il n'est souvent pas indispensable d'avoir recours à des descriptions exhaustives des interrelations statistiques dans les travaux d'analyse de projets. Les méthodes pragmatiques grâce auxquelles on précise le rang approximatif des coefficients de corrélation des paires clés de variables de risque sont généralement suffisantes.

9.5 Combien de fois faut-il exécuter le modèle?

Chaque fois que le modèle des avantages et des coûts est exécuté, il génère une VAN. On finit par obtenir suffisamment de chiffres pour avoir une idée exhaustive et précise du résultat probable de l'investissement. Le nombre d'exécutions dépend de l'ampleur des fourchettes de valeurs des variables du modèle et du degré de prédictibilité de ces valeurs dans les fourchettes (autrement dit de la mesure dans laquelle elles gravitent autour d'une valeur centrale).

Après un certain nombre d'exécutions, le tableau des résultats se stabilise; poursuivre les exécutions ne modifie alors pas beaucoup la distribution des VAN. Certains programmes d'analyse de risque ont un régulateur intégré : ils continuent à fonctionner jusqu'à ce qu'une nouvelle exécution modifie le résultat de moins de 1 %, par exemple. En l'absence d'un régulateur de ce genre, c'est l'analyste qui doit juger si le nombre d'exécutions est raisonnable, en vérifiant si la distribution de la probabilité des résultats n'accuse pas de vides manifestes et si la fourchette des valeurs et leur distribution se sont stabilisées. C'est très important, parce qu'il est manifestement possible d'obtenir une idée erronée des résultats éventuels de l'investissement si le nombre d'exécutions du modèle est insuffisant.

9.6 Interprétation des résultats de l'analyse de risque

L'analyse de risque produit une liste de VAN, une pour chaque exécution du modèle d'analyse avantages-coûts. Ces VAN peuvent ensuite être analysées statistiquement et graphiquement, de façon à vérifier leur probabilité. La distribution de la probabilité des VAN donne deux types de graphiques. Le premier est un graphique de densité de probabilité, qui indique la probabilité de chaque VAN (voir figure 9.6.1) et le second, un graphique de distribution cumulative, qui montre la probabilité d'obtention d'une VAN inférieure à une valeur préétablie (voir figure 9.6.2). Les deux sont utiles pour communiquer avec les décideurs.

En plus de créer les graphiques illustrant la distribution des résultats, les logiciels de simulation calculent normalement des données utiles telles que la fourchette probable des VAN (du minimum au maximum), les probabilités clés (p. ex. la probabilité d'une VAN supérieure à zéro) et la valeur attendue de l'investissement. Ces données combinées sont utiles à la prise de décision en matière d'investissement.

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Dans l'exemple ci-dessus (figures 9.6.1 et 9.6.2), la fourchette des VAN possibles se situe entre environ -2,4 millions de dollars et +4 millions de dollars. Le résultat le plus vraisemblable (le mode de distribution) est une valeur de +1,3 million de dollars (plus facile à constater dans le graphique de distribution de la densité de probabilité, la figure 9.6.1). La probabilité d'une perte (VAN < 0) est d'environ 20 % (plus facile à constater sur la courbe de distribution de probabilité cumulative, figure 9.6.2), et la valeur attendue (la somme de tous les résultats, multipliée par leurs probabilités) est de plus 0,997 million de dollars. Il vaut la peine de souligner que la valeur la plus importante pour le décideur est la valeur attendue, et non la valeur la plus vraisemblable, autrement dit la valeur la plus susceptible de se réaliser. Elles sont très différentes. Par exemple, dans la distribution suivante _ 6 (probabilité 0,4), 7 (probabilité 0,3) et 8 (probabilité 0,3) _ la valeur la plus probable sera : (6 x 0,4) + (7 x 0,3) + (8 x 0,3) = 6,9.

9.7 Règles de décision adaptées à l'incertitude

Au chapitre 5, nous avons envisagé les règles de décision dans le contexte des modèles déterministes des avantages et des coûts. Une fois qu'on a constaté l'incertitude des données, les décisions deviennent moins évidentes, quoique les principes restent les mêmes. La règle générale consiste à choisir le projet ayant la valeur actualisée nette attendue (VANA) la plus élevée. Il faut veiller à ce que le risque soit visible pour le décideur. Par exemple, deux projets d'investissement de fonds publics peuvent avoir la même VANA, tout en présentant des profils de risque très différents. Le projet A peut avoir des gains et des pertes élevés et le projet B peut offrir une gamme moins vaste de résultats possibles. Dans la mesure où ils ont la même VANA, il n'y a à première vue aucune raison d'opter pour l'un plutôt que l'autre. Par contre, si on possède un portefeuille d'investissements, le projet A ou le projet B peut alors présenter l'avantage d'améliorer le portefeuille dans son ensemble. La théorie des portefeuilles dépasse les limites du présent guide, et le fait de l'omettre est sans conséquences, car le gouvernement fédéral gère un portefeuille d'investissements tellement vaste dans des projets et des programmes que la neutralité rationnelle à l'égard du risque est la meilleure stratégie à adopter pour faire un choix entre le projet A et le projet B. Cela revient à choisir le meilleur résultat pour un important portefeuille.

Les règles qui dictent une prise de décision rationnelle sont illustrées par les scénarios qui suivent. Chacun s'accompagne d'un graphique de distribution cumulative et d'un graphique de densité de probabilité pour fins de comparaison. La distribution de probabilité cumulative de la VAN est préférable lorsque la décision consiste à choisir entre différents projets, alors que la densité de probabilité l'est pour révéler le mode des résultats d'un projet unique, ou pour faire comprendre les concepts liés à la VANA.

Règle de décision 1 : Si la valeur actualisée nette minimale possible est supérieure à zéro, (voir figure 9.7.1) accepter le projet.

Figure 9.7.1 : Courbes de distribution de la probabilité pour un projet unique (valeur actualisée nette positive)

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Dans la figure 9.7.1, la VAN du projet est positive même dans le pire scénario. La probabilité de rendement négatif est nulle; le projet est manifestement acceptable.

Règle de décision 2 : Si la valeur actualisée nette maximale possible est inférieure à zéro (voir figure 9.7.2), rejeter le projet.

Figure 9.7.2 : Courbes de distribution de la probabilité pour un projet unique (valeur actualisée nette positive)

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Dans la figure 9.7.2, la VAN du projet est négative même dans le scénario le plus optimiste. Le projet devrait manifestement être rejeté.

Règle de décision 3 : Si la valeur actualisée nette maximale est supérieure à zéro et que sa valeur minimale est inférieure à zéro (voir figure 9.7.3), accepter le projet si la valeur actualisée nette attendue (la somme de tous les résultats possibles, chacun étant multiplié par sa propre probabilité) est supérieure à zéro. (Ne pas oublier le risque de perte.)

Figure 9.7.3 : Courbes de distribution de la probabilité pour un projet unique
(présentant des valeurs actualisées nettes positives et négatives)

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Dans la figure 9.7.3, les courbes indiquent la probabilité d'un gain et la probabilité d'une perte. Par conséquent, la décision dépend de la VANA et de la prédisposition au risque de l'investisseur. Le décideur rationnel (qui ne recherche ni ne fuit le risque), devrait accepter le projet si la VANA est positive et le rejeter si elle est négative.

Règle de décision 4 : Si les courbes de distribution de la probabilité cumulative de deux projets s'excluant mutuellement ne se croisent pas (figure 9.7.4, côté gauche), opter pour l'option dont la distribution de probabilité est le plus à droite.

Figure 9.7.4 : Courbes de distribution de la probabilité pour deux projets

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Dans la figure 9.7.4, la probabilité qu'un résultat positif quelconque soit excédé est toujours plus élevée pour le projet B que pour le projet A. Par conséquent, le décideur doit toujours préférer le projet B au projet A.

 

Règle de décision 5 : Si les courbes de distribution de la probabilité cumulative de deux projets s'excluant mutuellement se croisent (voir figure 9.7.5), la décision doit être fondée sur la valeur actualisée nette attendue. Si les VANA sont identiques, se fonder sur le profil de risque de chacun des projets.

Figure 9.7.5 : Courbes de distribution de la probabilité pour deux projets, dont l'un présente une plus grande fourchette de VAN possibles

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Les décideurs qui aiment le risque pourraient être séduits par la possibilité d'un taux de rendement élevé (en dépit de la possibilité que les pertes soient aussi plus élevées), et opter pour le projet B (figure 9.7.5). Ceux qui fuient le risque seraient au contraire attirés par la possibilité que les pertes soient faibles, et, partant, enclins à opter pour le projet A.

9.8 Évaluation du risque global

Il existe deux indices particulièrement utiles du degré global de risque d'un investissement public : le ratio des pertes prévues et le coefficient d'exposition au risque.

9.8.1 Ratio des pertes prévues

Le ratio des pertes prévues correspond à la valeur absolue des pertes prévues (toutes les pertes possibles, pondérées en fonction de leurs probabilités) en proportion de la valeur attendue totale de tous les résultats possibles. La figure 9.8.1 illustre tous les résultats possibles, chacun pondéré selon sa probabilité. La zone A sous la courbe de distribution des VAN y correspond. De même, la zone B de la figure 9.8.2 correspond à la valeur attendue de toutes les pertes. Le risque peut être considéré comme le rapport entre B et A (soit la zone B divisée par la zone A). Si la zone B est de 15 unités et la zone A de 100 unités, le ratio des pertes prévues est 0,15. Si B correspond à une importante partie de A, le projet est risqué.

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9.8.2 Coefficient d'exposition au risque

Dans bien des cas, le ratio des pertes prévues peut être un bon indicateur du risque, quoique ce facteur ne tienne pas compte de tous les aspects du risque. Deux projets peuvent avoir un ratio des pertes prévues identique avec des niveaux de risque différents, parce que les résultats de l'un sont davantage répartis dans le temps que ceux de l'autre, ou parce qu'une grande partie de cette répartition est dans la zone de la VAN négative. Les figures 9.8.3 et 9.8.4 représentent des projets dont les ratios des pertes prévues sont les mêmes, mais dont les niveaux de risque sont très différents en fonction d'autres critères.

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Nous devons examiner deux autres aspects du risque :

  • la mesure dans laquelle les résultats possibles sont répartis (dispersés) (en fonction de l'écart type);
  • la proportion des résultats possibles qui se situe du côté des pertes de la distribution des résultats, (autrement dit à gauche du point où la VAN=0).

Quand on ajoute ces deux facteurs à celui du ratio des pertes prévues, on obtient un coefficient d'exposition au risque (CER), qui est une mesure plus complète du risque :.

CER = LE (SD)(DL/D) [6]

où LE est le ratio des pertes prévues; SD l'écart type de la distribution des résultats; DL la distance de la valeur minimale à zéro sur l'axe des VAN et D la distance sur le même axe de la valeur minimale à la valeur maximale de la VAN. Le coefficient d'exposition au risque peut être une notion mathématique trop complexe pour être intuitivement séduisante lorsqu'on doit prendre une décision relativement simple _ aller de l'avant ou pas _ pour un seul projet. En pareil cas, le ratio des pertes prévues peut sembler plus utile. Toutefois, si l'on compare au moins deux solutions et que ces solutions supposent l'investissement de ressources importantes, il vaut la peine de calculer le coefficient d'exposition au risque afin de pouvoir classer les projets selon le risque qu'ils présentent.

 

9.9 Avantages et limites de l'analyse de risque

L'analyse de risque présente certains avantages.

  • Elle peut sauver une analyse avantages-coûts déterministe en difficulté à cause d'incertitudes non résolues de variables importantes.
  • Elle peut contribuer à combler le manque de communication entre l'analyste et le décideur. Une gamme de résultats possibles, assortis de leurs probabilités est intrinsèquement plus plausible pour le décideur qu'une seule et unique VAN déterministe. L'analyse de risque lui fournit plus de renseignements de meilleure qualité pour fonder sa décision.
  • Elle détermine où les mesures susceptibles de réduire le risque pourraient avoir le plus d'effet.
  • Elle contribue à la reformulation des projets pour qu'ils correspondent davantage aux préférences de l'investisseur, notamment en matière de risque.
  • Elle favorise la réflexion sur les variables de risque et utilise l'information existante sur les fourchettes et les probabilités afin d'enrichir les données sur les avantages et les coûts. En outre, elle facilite le recours intégral aux spécialistes.

L'analyse de risque présente aussi des limites.

  • S'il n'est pas bien contrôlé, le problème des variables corrélatives peut faire aboutir l'analyse à des conclusions trompeuses.
  • L'utilisation des fourchettes et des probabilités des valeurs des variables d'intrants met l'incertitude en évidence et peut par conséquent inquiéter certains gestionnaires.
  • Si le modèle déterministe des avantages et des coûts n'est pas valable, l'analyse de risque pourrait le faire oublier, en créant une série supplémentaire de calculs probabilistes, donnant par conséquent une fausse impression d'exactitude.

Pratique exemplaire _ Analyse du risque financier et économique

L'expression résultat le plus vraisemblable s'entend d'au moins trois façons : « la valeur déterministe de la VAN » (le résultat quand on postule la valeur de l'hypothèse optimale pour chaque intrant); le « mode de distribution de la probabilité des VAN » et la « valeur attendue » (la somme des résultats possibles, chacun multiplié par sa probabilité). La dernière définition est celle qu'il faut retenir lorsqu'il s'agit de choisir un projet d'investissement.

  • Les techniques de simulation donnent une idée réaliste du risque global du projet. Le ratio des pertes prévues et le coefficient d'exposition au risque sont des mesures utiles du risque global.
  • Des logiciels commerciaux font de l'analyse de risque une tâche relativement simple, quand le modèle des avantages et des coûts de base (déterministe) est établi et que l'information sur les fourchettes et les probabilités des valeurs des variables est recueillie.
  • Dans les situations où l'incertitude est grande, les règles de décision suivantes s'appliquent à l'analyse avantages-coûts.
  1. Si la valeur minimale possible de la VAN est supérieure à zéro, accepter le projet.
  2. Si la valeur maximale possible de la VAN est inférieure à zéro, rejeter le projet.
  3. Si la valeur maximale de la VAN est supérieure à zéro et que sa valeur minimale y est inférieure, calculer la VANA. Si la VANA est supérieure à zéro, accepter le projet.(Ne pas oublier le risque de perte.)
  4. Si deux projets s'excluant mutuellement ont des courbes de distribution de la probabilité cumulative qui ne se croisent pas, opter pour celui dont la courbe de distribution est le plus à droite.
  5. Si les courbes de distribution de la probabilité cumulative de deux projets s'excluant mutuellement se croisent, il faut se fonder sur la VANA. Si les VANA sont identiques, il faut alors tenir compte du profil de risque de chacun des projets.

10. Probabilités

La chance, ce grand arbitre, gouverne tout.

- John  Milton, Le Paradis perdu, Livre deux, 1667

Au chapitre 4, nous avons décrit certains intrants difficiles à mesurer du modèle d'analyse avantages-coûts. Dans ce chapitre, nous allons reprendre cet examen en étudiant certains aspects généraux de la collecte des données. Cela dit, rappelons-nous que ce Guide décrit le cadre de l'analyse avantages-coûts, mais ne donne qu'un aperçu de ce qu'il faut faire dans des cas précis pour mesurer les coûts et les avantages à comparer.

10.1 Types de variables de risque

En analyse avantages-coûts, on utilise trois types de variables de risque.

Variables applicables à l'ensemble de la période de calcul - Certaines variables sont les mêmes pour chacune des périodes comprises dans la période de calcul; une fois choisie, la même valeur est utilisée dans tout le modèle d'analyse avantages-coûts. À chaque exécution du modèle, le programme informatique d'analyse de risque choisit une valeur différente dans la fourchette des valeurs plausibles, mais une seule valeur est utilisée pour chaque exécution. Le taux d'actualisation social est un exemple de ce genre de variable. Nous savons qu'il reste stable au fil des années.

Variables utilisées pour une seule des périodes comprises dans la période de calcul - La valeur de certaines variables change au fil des années dans une fourchette de valeurs connue, et la vraie valeur pour chaque période est indépendante des valeurs pour toutes les autres périodes comprises dans la période de calcul. En pareil cas, la façon la plus simple de procéder consiste à utiliser une variable distincte pour chacune des périodes de l'analyse. Par exemple, nous savons que, dans un endroit donné, les précipitations annuelles fluctuent entre 73 cm et 116 cm, et que les probabilités qu'elles correspondent à une valeur particulière dans cette fourchette coïncident approximativement avec une courbe normale. Nous savons aussi que les précipitations d'une année sont fondamentalement indépendantes de celles de l'année précédente. Par conséquent, dans un modèle des avantages et des coûts dont la période de calcul est de 25 ans, le tableau des paramètres devrait contenir 25 valeurs pour la variable des précipitations.

Variables de voies - Certaines variables changent de façon prévisible avec les années; leur valeur dans une période donnée est systématiquement liée à la valeur correspondante dans la période précédente. Par exemple, le taux d'inflation d'une année tend à s'inscrire dans une certaine fourchette (en plus ou en moins) relativement au taux constaté l'année précédente; une fois la tendance établie, la règle veut qu'elle se maintienne un certain temps. Bien entendu, le taux d'inflation initial est connu _ c'est le taux de l'année en cours. Nous devrions avoir 25 taux d'inflation dans notre modèle d'analyse avantages-coûts (comme dans l'exemple des précipitations). De plus, il faudrait que le modèle soit programmé de façon à choisir une voie différente de taux d'inflation pour la période d'investissement choisie, conformément aux règles de comportement de cette variable. Ce genre de programmation n'est pas difficile, mais il nous est impossible de le décrire de façon détaillée dans ce Guide.

10.2 Utilisation de données historiques

Pour faire une analyse de risque, il faut connaître la fourchette des valeurs possibles de chaque variable (du minimum au maximum) et la distribution probable de ces valeurs dans la fourchette. Par exemple, si le prix du pétrole fluctue entre 12 $ et 32 $ le baril et que la probabilité d'une valeur quelconque dans cette fourchette est décrite par une distribution de probabilité uniforme (toutes les valeurs étant également probables), l'ordinateur a toute l'information qu'il lui faut pour l'échantillonnage des valeurs du prix du pétrole dans ses itérations du modèle d'analyse avantages-coûts.

Avec des données historiques, on peut utiliser les valeurs maximale et minimale constatées dans le passé pour établir une fourchette valable des valeurs de la variable. Il est plus difficile de déterminer la distribution de probabilités dans cette fourchette, mais les logiciels peuvent nous faciliter la tâche. Supposons que vous ayez des données mensuelles sur le prix du pétrole pour les dix dernières années. Afin de déterminer la distribution de probabilité de ces prix, il faut commencer par grouper les données brutes. À quelle fréquence divers prix reviennent-ils? Pour le savoir, il faut grouper les données brutes dans un histogramme de fréquence.

Dans certains cas, il peut être souhaitable de filtrer les données brutes avant d'étudier la configuration des fréquences. Les logiciels nous permettent de filtrer toutes les données au-delà d'une fourchette de valeurs absolues ou relatives préétablie _ par exemple au-delà de deux écarts types de la moyenne. C'est utile quand il y a des données aberrantes résultant de circonstances exceptionnelles peu susceptibles de se reproduire. Nous ne serons pas étonnés de constater que la courbe qui correspond le mieux aux données (figure 10.2.4) est symétrique, avec une grande densité près de la moyenne - distribution normale, de Poisson ou triangulaire, par exemple.

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Vous pouvez demander aux logiciels d'essayer toutes les distributions typiques de leurs répertoires et d'en établir une liste, dans l'ordre d'adéquation de la distribution, en se fondant sur le test X2 pour classer les courbes dans cet ordre. Vous pouvez ensuite choisir la meilleure courbe de distribution pour les prix du pétrole dans votre analyse avantages-coûts. Ce choix est facilité par un graphique de la différence (figure 10.2.2), qui illustre les écarts entre la valeur attendue des prix du pétrole (en fonction de la courbe de distribution de probabilité) et le prix réel historique. Plus ces écarts sont petits, plus la courbe correspond aux données historiques.

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10.3 Jugement des spécialistes

Quand les données historiques sur lesquelles une estimation de la fourchette et des probabilités des valeurs d'une variable quelconque sont insuffisantes, il faut s'en remettre au jugement (parfois subjectif) des spécialistes. Par exemple, le taux « d'adhésion » (de participation) à un nouveau programme pourrait être crucial pour ses résultats, mais il pourrait n'exister aucune expérience directe sur laquelle se fonder pour prédire ce que ce taux pourrait être. Le gouvernement du Canada a décidé un jour d'offrir aux universités des subventions équivalentes aux fonds que celles-ci auraient obtenus du secteur privé pour financer la recherche. Pour réaliser l'analyse avantages-coûts du programme envisagé, il fallait obtenir une estimation des sommes que les universités réussiraient vraisemblablement à recueillir. Il n'existait pas de données sur ce sujet, mais il y avait des spécialistes du domaine _ des gens ayant beaucoup d'expérience de la levée de fonds en général et des campagnes de financement universitaire dans le secteur privé en particulier.

On a donc demandé à un comité de spécialistes de faire des estimations des valeurs des variables à utiliser dans l'analyse avantages-coûts. Le comité a utilisé la méthode Delphi, qui consiste fondamentalement à amener chacun des membres du comité à fournir des estimations initiales fondées sur l'information dont ils disposent. Ces estimations sont alors communiquées à tous les membres du comité, puis, après discussion, chacun d'eux fait une deuxième estimation. On répète le processus jusqu'à ce que les estimations convergent.

10.4 Distributions de probabilité courantes

On peut avoir recours à des méthodes plus ou moins complexes pour préciser les distributions de probabilité des variables d'intrants du modèle d'analyse avantages-coûts. Le plus souvent, une approche relativement simple et directe suffit; elle consiste à choisir les formes des distributions de probabilité de l'une des deux façons suivantes :

  1. une forme statistique normalisée, distribution plate, normale, triangulaire ou de Poisson;
  2. une distribution en escalier, les probabilités pour chaque segment de la fourchette des valeurs de la variable étant notées.

Si vous avez des données historiques pour la variable, sans toutefois être sûr de la distribution de probabilité convenable, il existe des logiciels capables d'analyser les données et de la trouver.

10.5 Préférences en matière de risque

Dans notre examen des valeurs attendues (voir partie 9.7) nous sommes partis du principe que le décideur a une attitude parfaitement logique et neutre à l'égard du risque. Par exemple des chances égales _ 50/50 _ d'aboutir à une valeur de 10 $ équivalent à 5 $. C'est une hypothèse raisonnable lorsque le décideur n'a pas de contrainte de budget - autrement dit quand la valeur de l'investissement qu'il envisage est petite en comparaison de sa richesse.

Ce n'est toutefois pas le cas pour de nombreux décideurs du gouvernement canadien, soumis à des contraintes budgétaires, qui envisagent 50 % de chances de gagner ou de perdre 1 milliard de dollars avec une inquiétude beaucoup plus vive que s'il s'agissait de gagner ou de perdre 5 millions de dollars, même si la VAN de l'investissement est la même dans les deux cas. Si le décideur craint le risque ou aime le risque (c'est-à-dire ne reste pas neutre à l'égard du risque), il existe des techniques pour déterminer la fonction d'utilité. Cette fonction consiste simplement à représenter mathématiquement la valeur des préférences du décideur pour divers résultats éventuels et elle peut être utilisée pour modifier les règles de décision fondées sur la VAN, de façon à mieux refléter ces préférences.

Dans la plupart des cas, l'attitude des gouvernements à l'égard du risque est neutre, ce qui revient à dire qu'ils sont des décideurs rationnels. Les gouvernements ont un vaste portefeuille de projets et de programmes, et peuvent donc agir de façon entièrement rationnelle en étant sûrs, en moyenne, que tout ira bien si les règles de décision sont appliquées rigoureusement. Toutefois, la question d'une contrainte de budget pourrait se poser dans le cas d'un projet unique d'une grande envergure ou politiquement délicat.

10.6 Risques communs des projets

Les projets d'investissement sont soumis à une diversité de risques. Certains des risques les plus communs sont les suivants :

  •  
  • Indivisibilité de l'investissement _ Peut-on procéder par étapes ou est-ce tout ou rien?
  •  
  • Moment opportun _ Qu'arrivera-t-il si le projet est retardé ou s'il faut plus longtemps que prévu pour que le projet fonctionne à plein rendement? Y a-t-il un meilleur moment pour lancer le projet?
  •  
  • Récupérabilité _ Dans quelle mesure l'investissement peut-il être récupéré si les choses tournent mal?
  •  
  • Effet différentiel incertain _ Quels seront les extrants du projet?
  •  
  • Valeurs incertaines des paramètres _ Quels sont les taux d'actualisation et d'inflation qui conviennent?
  •  
  • Volatilité des préférences _ Les besoins ou les préférences du bénéficiaire visé sont-ils instables?

Une décision d'investissement est à haut risque quand il faut investir une forte somme sans pouvoir vérifier les chances de succès à l'avance, quand un report de la décision est très dommageable, quand on ne peut pas récupérer grand-chose si le projet tourne mal, quand les extrants réalisables sont incertains, quand une partie des paramètres de mesure clés sont incertains et quand les préférences du bénéficiaire sont instables.

Pratique exemplaire _ Traitement des données liées aux probabilités

  • Fonder les estimations des probabilités sur des données historiques, dans la mesure du possible, en ayant recours au besoin à des estimations subjectives structurées faites par des spécialistes.
  • Traiter les trois types de variables de risque (ensemble de la période de calcul, une seule période, une voie) avec tout le soin nécessaire dans le modèle d'analyse avantages-coûts.
  • Opter pour la simplicité, sans laisser la technique écraser les données.

11. Comparaison d'options de types différents en fonction de critères différents

Les économistes qui veulent limiter l'analyse avantages-coûts aux seules questions d'efficacité paraissent mal saisir le rôle de l'analyste dans la formulation des politiques; certains de leurs arguments reposent, semble-t-il, sur l'hypothèse que l'économiste n'a pas la compétence voulue pour fixer le prix des effets de répartition. Nous sommes parfaitement d'accord que l'analyste ne doit pas faire d'évaluation personnelle de ces effets. Il ne s'ensuit pas pour autant que l'analyse avantages-coûts ne doit pas prendre en compte la question de l'équité ni que le décideur ne puisse pas valoriser les effets de répartition si on lui fournit tous les renseignements nécessaires. En fait, l'analyste qui ne mesurerait ni ne décrirait les effets non monétaires qui peuvent influer sensiblement sur la décision donnerait l'impression de se dérober à son devoir. De plus [...], la mesure des effets de répartition n'est pas une mince tâche : il peut arriver qu'elle exige autant de travail que la mesure des effets d'efficacité.

- Conseil du Trésor, Guide de l'analyse avantages-coûts, 1976

11.1 Questions d'équité

Comme le fumier, l'argent ne sert à rien s'il n'est répandu.

- Sir Francis Bacon, The Essayes or Counsels, Civill or Morall, 1625

Dans le contexte de l'analyse avantages-coûts, les questions d'équité sont parmi les plus difficiles à trancher. C'est une difficulté majeure, essentiellement imputable à l'existence d'une multitude de critères. Les analystes postulent généralement que tous les membres du groupe de référence ont le même point de vue. C'est parfait quand il n'y a qu'un seul investisseur, mais pour le moins douteux quand le groupe de référence est toute une économie.

Le problème tient au fait que le gouvernement du Canada poursuit à la fois des objectifs d'équité et des objectifs d'efficacité, et que les deux sont fréquemment incompatibles. En effet, s'il veut maximiser la richesse et les revenus des Canadiens, il tient aussi à ce que la répartition des avantages nets de ses projets et de ses programmes soit équitable. Souvent, il lui est impossible d'atteindre les deux objectifs de façon optimale en même temps.

À cela s'ajoute la possibilité d'une perte économique causée par la redistribution du revenu ou de la richesse. Cette perte est attribuable en partie aux coûts administratifs de perception des taxes et impôts et d'exécution des programmes, et en partie aux effets de dissuasion des taxes et des impôts, qui freinent l'activité économique. Si l'on y ajoute les pertes d'efficacité imputables aux projets eux-mêmes, qui peuvent se produire quand les projets sont justifiés en fonction de leurs effets distributifs, le transfert du revenu risque d'être coûteux. Par exemple, enlever 100 $ à A pour améliorer la situation de B de 25 $ n'est ni logique ni équitable.

Toutefois, la plupart des Canadiens ne sont toutefois pas convaincus qu'un dollar d'avantages pour les riches devrait avoir la même valeur qu'un dollar d'avantages pour les pauvres. D'une certaine façon, ils accordent une plus grande valeur à un dollar d'avantages pour les pauvres. Néanmoins, il est bien difficile d'en tenir compte dans l'analyse avantages-coûts.

D'abord, le fait d'avoir un faible revenu ne signifie pas qu'on soit dans le besoin. Par exemple, bien des étudiants, des retraités nantis possédant des biens immobilisés substantiels et des ruraux ayant des frais de subsistance minimes peuvent avoir des revenus relativement faibles sans pourtant être dans le besoin au point de justifier des transferts spéciaux du gouvernement. Il est peu probable que se fonder simplement sur le revenu du ménage soit un critère fiable pour déterminer la nécessité de transferts sociaux. Les gouvernements le savent, et ils ont réagi de diverses façons, notamment en reconnaissant l'universalité de certains services fondamentaux (le droit à l'éducation aux niveaux primaire et secondaire, par exemple), ou en créant une série de filtres que les ménages doivent franchir pour être jugés admissibles à divers services (l'accès au logement subventionné, par exemple). Toutefois, aucune de ces mesures n'a créé de moyen à la fois clair et simple de corriger le calcul des avantages et des coûts en fonction de l'équité.

11.1.1 Première approche en matière d'équité : Ne pas tenir compte des problèmes de répartition

D'après une école de pensée, la meilleure façon d'assurer la redistribution du revenu consiste à faire des transferts explicites, pécuniaires et autres, plutôt qu'à fausser les investissements afin qu'ils favorisent artificiellement des groupes en particulier. Le principe est de faire en sorte que les investissements efficaces créent un maximum d'avantages qui peuvent ensuite être répartis comme la société le désire, à l'aide d'instruments qui n'entraînent pas de coûts de transaction élevés ni d'inefficience économique. Au Canada, où le gouvernement a traditionnellement été fort et stable, cet argument est très séduisant. Par contre, dans certains autres pays, les investissements de capitaux peuvent être un des rares instruments plausibles de redistribution du revenu.

Au Canada, lorsqu'un projet ou un programme est recommandé pour des raisons d'équité, son coût à ce titre devrait être évident pour le décideur et pour le public. Le coût d'équité est l'écart entre la VAN du projet ou du programme et celle de la solution de rechange la plus efficace. Assurer la visibilité de ce coût est la meilleure protection qui soit contre les exigences déraisonnables de groupes d'intérêts spéciaux.

11.1.2 Deuxième approche en matière d'équité : Utiliser des coefficients de distribution

Dans les années 60 et 70, bien des analystes avantages-coûts utilisaient des coefficients de distribution. Le concept était tout simple : il s'agissait d'ajouter un coefficient de pondération aux coûts et aux avantages pour les groupes à faible revenu. Par exemple, des avantages d'une valeur de 1 $ pour un groupe à faible revenu pouvaient être comptabilisés comme s'ils valaient 2 $.

L'utilisation de ce genre de coefficient a achoppé sur deux écueils. Premièrement, les coefficients étaient arbitraires et deuxièmement, leur utilisation rendait l'analyse opaque. Aucun décideur ne pouvait faire confiance aux analyses car il ignorait la mesure dans laquelle ses résultats avaient été faussés par l'inclusion de coefficients de pondération subjectifs pour modifier les valeurs des coûts et des avantages.

On a tenté à quelques reprises de déduire des coefficients de pondération à partir des décisions stratégiques de l'heure et du passé, particulièrement à l'égard des échelles de l'impôt sur le revenu. Toutefois, comme ces échelles sont établies en fonction de critères d'efficience et d'incitation aussi bien que d'équité et de distribution, il s'est révélé impossible de séparer un facteur d'un autre dans ce contexte.

Néanmoins, quelques tentatives sérieuses ont été faites pour mettre en oeuvre des coefficients de distribution. Par exemple, la Banque mondiale en a utilisé dans ses évaluations de projets pendant deux décennies. Ce n'est que tout récemment, en 1995, qu'elle a renoncé à cette approche, la jugeant inapplicable. Les analystes de la Banque avaient souvent postulé que l'utilité marginale du revenu baisse de façon exponentielle à mesure que le revenu augmente, ce qui implique un changement extrêmement rapide du coefficient de pondération attribué au dollar marginal d'avantages à mesure qu'on s'élève dans l'échelle du revenu ou de la richesse.

L'un des inconvénients de cette approche, c'est qu'elle laisse supposer que les avantages devraient être retirés à ceux qui occupent le haut de l'échelle du revenu pour être transférés à ceux qui se situent aux trois quarts supérieurs, de même qu'à ceux qui se trouvent dans la moitié inférieure de la fourchette de revenus, pour être redistribués dans ce cas à ceux qui sont tout au bas de l'échelle. Ce n'est généralement pas ce que les gens ont en tête quand ils pensent à la redistribution du revenu.

La plupart des décideurs sont plus à l'aise avec un système de pondération dans lequel on accorde une valeur accrue aux avantages destinés aux gens qui se situent dans une tranche étroite du bas de l'échelle du revenu (peut-être au-dessous d'un seuil de pauvreté). Par exemple, on pourrait opter pour des coefficients de pondération commençant à 2,0 pour un revenu nul, puis diminuer assez rapidement jusqu'à 1,0 autour du 25e percentile, peut-être avec une correction pour tenir compte de la taille du ménage.

11.1.3 Troisième approche en matière d'équité : Insister sur les besoins fondamentaux

L'idée de concentrer la redistribution sur le quintile (20 %) le plus pauvre des ménages est séduisante, mais, en général, le genre d'investissements de capitaux importants susceptible de venir en aide à ce groupe est peu réaliste car les plus pauvres du groupe tendent à avoir peu d'aptitudes ou à vivre dans des régions isolées ou éloignées, où l'investissement n'est pas efficace. Il s'ensuit qu'il est rarement efficace de réaliser des projets dans des endroits où ils n'auraient pas eu lieu dans d'autres circonstances, d'imposer des contingents de main-d'oeuvre locale et d'autres mesures analogues.

La meilleure façon de répondre aux besoins fondamentaux de ces gens-là consiste probablement à le faire directement et en nature (éducation et soins de santé gratuits, par exemple) plutôt qu'indirectement via les retombées des immobilisations du gouvernement du Canada. Néanmoins, dans le cas des projets ou des programmes d'envergure, il est possible d'établir un indice du bien-être des ménages d'une région ou d'une localité qui fonctionnerait à peu près comme un système de pondération. Ce serait une combinaison d'indices de l'accès à l'éducation, de l'accès aux soins médicaux et aux services d'hygiène publique, par exemple définis par le groupe spécial sur les besoins fondamentaux de l'ONU ainsi que de la qualité de la nutrition et du logement. La moyenne nationale pourrait correspondre à 100 sur un indice comme celui-là. Il n'est pas techniquement difficile d'en établir un, mais c'est quand même une tâche qui doit être réservée aux spécialistes plutôt que confiée aux généralistes de l'analyse avantages-coûts.

Cela dit, même avec un indice, on se retrouve avec le même problème qu'avec d'autres coefficients de pondération : quelle inefficience économique faut-il tolérer pour modifier l'indice d'un point? La mesure dans laquelle la société est disposée à payer n'est pas connue. Bref, cette approche devrait probablement être limitée aux projets dont la principale raison d'être consiste à combattre la pauvreté ou à répondre à un ou plusieurs besoins fondamentaux (éducation, santé, nutrition, etc.).

La modernisation des méthodes de traitement des problèmes de distribution est une grande priorité pour l'analyse avantages-coûts. Prenons un exemple intéressant, qui serait impossible à transposer simplement au Canada, mais qui montre bien l'innovation possible : la carte de l'extrême pauvreté élaborée au Chili dans les années 70. L'approche chilienne est fondée sur l'étude de la pauvreté des quartiers plutôt que des ménages. L'indice ainsi créé sert à aiguiller les dépenses sociales vers les plus pauvres ainsi qu'à tenter de surmonter les partis pris classiques faisant que les gens à revenu moyen sont les principaux bénéficiaires des programmes gouvernementaux.

11.1.4 Quatrième approche en matière d'équité : Insister sur la visibilité et la transparence

La meilleure façon de traiter les problèmes de ce genre dans le contexte de l'analyse avantages-coûts est de laisser les décideurs décider. La distribution est une question essentiellement politique. Si l'analyse avantages-coûts compare les meilleures solutions à l'aide d'une technique valable, les décideurs peuvent évaluer les améliorations apportées à la distribution du revenu en fonction des pertes d'efficacité économique.

Dans une large mesure, cela revient simplement à rendre visibles les coûts et les avantages selon différents points de vue. L'analyste devrait établir un graphique ou une matrice de distribution, qui indiquerait les gains ou les pertes sur un axe et les groupes intéressés sur l'autre. Ce genre de graphique devrait figurer dans toutes les analyses avantages-coûts, à moins que les effets distributifs soient négligeables (même en pareil cas, le texte du rapport d'analyse devrait consacrer une partie à ces effets).

Avec une approche comme celle-là, la matrice risque de devenir très compliquée si le nombre de groupes en jeu est élevé. Alors, il est souvent acceptable d'éliminer des détails afin que le tableau reste compréhensible pour le décideur.

11.2 Objectifs multiples

Opter pour la simplicité sans tomber dans le simplisme.

- Albert Einstein, cité dans Readers Digest, oct. 1977

L'analyste avantages-coûts s'efforce d'exprimer la valeur de toutes les solutions possibles en fonction d'un seul et même critère ayant un seul et même coefficient de pondération - autrement dit en fonction de l'avantage économique net. Dans ces conditions, la décision d'investir est simple. Toutefois, même après avoir réduit tous les facteurs possibles à l'avantage économique net, l'analyste peut ne pas avoir tenu compte d'autres facteurs importants, soit parce qu'ils ne peuvent être quantifiés, soit parce qu'ils ne peuvent être évalués en dollars. Dans certains cas, ces facteurs sont si différents du critère économique que le décideur est contraint de choisir entre des pommes et des oranges.

Il est facile de choisir une solution parmi d'autres quand elles sont du même type et que le contexte est le même dans tous les cas. Néanmoins, dans le monde réel des décideurs, rien n'est aussi simple _ il faut dans la plupart des cas répartir les crédits entre différents types d'investissement; le contexte de chaque investissement diffère suffisamment pour que la pondération des critères varie elle aussi; il peut arriver que les points accordés à différents critères ne puissent être exprimés en dollars ou sous la forme d'une unité de mesure (numéraire), etc. Lorsque les options d'investissement sont vraiment des pommes et des oranges, il devient très difficile de faire des comparaisons. Trois facteurs peuvent alors varier :

  • les critères appliqués à chaque projet;
  • la pondération des critères;
  • les numéraires (unités de valeur utilisées pour mesurer les coûts et les avantages).

Un gouvernement investit dans divers programmes et projets au moyen d'un seul budget. Par exemple, un ministère peut devoir décider s'il doit construire une nouvelle route ou un nouvel immeuble à bureaux; il ne s'agit pas seulement d'investissements différents, mais bien d'investissements différents dans des catégories différentes. Pour surmonter cette difficulté, on peut scinder la décision en deux parties, la première consistant à décider combien investir dans la construction de routes et combien dans celle d'immeubles à bureaux, et la seconde à déterminer les routes auxquelles le budget de construction routière doit être consacré et les bâtiments auxquels allouer l'autre partie du budget. Souvent, la première décision (combien investir dans la construction routière) est subjective ou politique; la seconde (investir dans la construction d'une route en particulier) fait l'objet d'une analyse avantages-coûts.

11.2.1 : Attribution de notes et de coefficients de compromis

Lorsque diverses options d'investissement se présentent dans diverses catégories, les critères applicables et leurs poids varient selon la possibilité envisagée. Néanmoins, les différences ne sont parfois pas assez importantes pour qu'on écarte totalement la possibilité de faire des comparaisons directes. Par exemple, supposons qu'il faille établir une série de critères et de coefficients de pondération des critères à l'intention des agriculteurs, qui s'en serviraient pour acheter des bêtes. Certains critères ne seraient applicables qu'à un type d'animal : un bon chien est gentil; un bon porc prend du poids rapidement; un bon cheval est rapide et a le pied sûr. Par contre, d'autres critères seraient d'application générale, comme l'âge, la santé et les bénéfices probables. En outre, l'importance d'un critère donné peut être variable selon le contexte. Par exemple, si l'agriculteur a de jeunes enfants, il peut être particulièrement important pour lui que le chien soit gentil.

L'agriculteur ne voudrait sûrement pas se retrouver avec un gentil porc, un chien au pied sûr et un cheval gras. Il ne veut pas non plus se retrouver avec cinq chiens, mais sans cheval et sans porc. S'il utilise un ensemble invariable de critères à tous les animaux, c'est pourtant à cela qu'il s'expose.

Autrement dit, confronté à de multiples objectifs, vous devriez prendre la décision en deux étapes : d'abord prévoir des ressources en vue d'atteindre chaque objectif, puis choisir les investissements susceptibles de maximiser les chances de réaliser chaque objectif, compte tenu des ressources affectées. Si c'est impossible et que tous les investissements doivent être envisagés et évalués ensemble, la meilleure façon (à peu près correcte) de procéder consiste à établir les critères et leurs coefficients de compromis, à normaliser les notes attribuées pour chaque critère, puis à se fonder sur les notes et les coefficients pour classer les options.

Si vous évaluez les possibilités d'investissement en fonction de critères multiples, dont certains sont impossibles à quantifier en dollars, la meilleure façon d'évaluer les options en fonction de chaque critère consiste à définir la fourchette de réalisation à l'aide d'une unité de mesure logique quelconque, puis à normaliser les notes accordées relativement aux critères en les exprimant sous forme de pourcentages des réalisations possibles (voir tableau 11.2.1).

Tableau 11.2.1 : Exemple de notes normalisées pour des critères variables,
avec coefficients de pondération

Note normalisée*

Coefficient de pondération *

Note normalisée pondérée

Solution 1
Critère A

0,3

0,7

0,3 × 0,7 = 0,21

Critère B

0,5

0,3

0,5 × 0,3 = 0,15

1,0

0,36

Solution 2
Critère A

0,4

0,7

0,4 × 0,7 = 0,28

Critère B

0,7

0,2

0,7 × 0,2 = 0,14

Critère C

0,9

0,1

0,9 × 0,1 = 0,09

1,0

0,51

* Chaque note normalisée et chaque coefficient doit se situer entre 0 et 1,0; en outre, le total des coefficients pour chaque solution doit être 1,0.

Supposons que différents projets d'aménagement de locaux à bureaux doivent être évalués en fonction des quatre critères suivants : VAN (dollars); emplacement (temps de déplacement moyen pour le personnel); disponibilité (première date d'occupation) et pureté de l'air (fréquence de renouvellement de l'air dans le bâtiment).

Prenons le critère de l'emplacement, lequel correspond au temps de déplacement moyen pour le personnel. Supposons un temps minimum moyen de 10 minutes et un temps maximum moyen acceptable de 45 minutes, toutes circonstances confondues. Supposons aussi que, dans cette fourchette, les préférences du personnel sont une fonction linéaire - autrement dit, l'avantage découlant de la réduction du temps de parcours d'une minute est le même, que la réduction soit de 4 minutes à 3 minutes, de 17 minutes à 16 minutes, etc. L'avantage maximum possible pour l'emplacement serait obtenu en ramenant un temps de déplacement moyen de 45 minutes à 10 minutes, soit un gain de 35 minutes (note de 100). Vous pouvez normaliser un temps de déplacement moyen, disons de 20 minutes, en l'exprimant en un pourcentage de l'avantage maximum possible : un temps de déplacement de 20 minutes représente un gain de 25 minutes, ce qui donnerait une note normalisée de (25/35) x 100 = 0,714.

Pour compléter l'exemple, supposons que l'emplacement vaut 6 000 $ (ou 6 000 points, s'il est impossible d'exprimer le coefficient de pondération en dollars). Si le temps de déplacement moyen est ramené de 45 minutes à 10 minutes, ce qui correspond au gain réalisable maximum, la valeur de l'avantage est de 6 000 unités. Dans notre exemple, l'avantage au titre de l'emplacement a donc une note normalisée pondérée de 0,714 x 6 000 = 4 284. Une fois déterminées les notes normalisées pondérées pour chaque critère, nous pouvons les additionner afin d'obtenir une note normalisée globale pour le projet, puis comparer les projets sur cette base.

11.2.2 Limites du poids des facteurs non économiques

Pour les projets et les programmes dont la principale raison d'être est économique, les facteurs non économiques ne devraient pas recevoir plus de 15 % du poids total.

Pratique exemplaire _ Analyse de l'équité

  • Les questions de distribution du revenu sont importantes pour le gouvernement du Canada, et elles devraient être étudiées de façon approfondie dans chaque analyse avantages-coûts. Même une simple analyse indiquant ceux qui bénéficient d'un projet et ceux qui le payent peut souvent être utile aux décideurs.
  • Il n'y a pas de façon incontestable de combiner les objectifs d'efficacité et d'équité dans un même ensemble de données, bien qu'on ait tenté d'utiliser divers types de coefficients de pondération à cette fin.
  • Les questions de distribution devraient être traitées dans toutes les analyses avantages-coûts, tout en restant distinctes de l'analyse d'efficacité économique. Si la recommandation d'approuver une solution donnée repose sur des objectifs d'équité, le coût net de la recommandation fondée sur l'équité doit être évident pour les décideurs.

Pratique exemplaire - Classement en fonction d'objectifs multiples

  • Il est parfois impossible d'exprimer en dollars des facteurs importants, si ingénieux et habile que soit l'analyste. En pareil cas, le décideur doit faire appel à d'autres techniques pour être en mesure de comparer les solutions envisagées en fonction de critères multiples.
  • Si les critères ne s'appliquent pas tous à toutes les solutions envisagées ou s'ils revêtent une importance différente (un poids différent) selon le cas, la tâche de l'analyste est particulièrement ardue. La meilleure façon de choisir une solution en fonction de critères multiples consiste généralement à procéder en deux étapes (répartir le budget entre les catégories, puis, dans chaque catégorie, entre les divers scénarios). Si c'est impossible, l'approche de la note pondérée est la meilleure; elle fait appel à des coefficients de compromis et à des notes normalisées au regard des divers critères. Les facteurs non économiques ne devraient pas compter pour plus de 15 % du poids total lorsque la principale raison d'être des projets et des programmes envisagés est économique.

  1. Pratiques exemplaires à retenir

Une bonne analyse avantages-coûts satisfait aux critères suivants :

  • les objectifs et les priorités sont formulés de façon claire;
  • les meilleures façons de s'y prendre pour atteindre les objectifs sont précisées aux fins de l'analyse;
  • les diverses options sont définies d'une manière de telle sorte qu'elles se prêtent à une comparaison équitable;
  • le « point de vue » de l'analyse est précisé;
  • les hypothèses et les calculs sont évidents au lecteur, à chaque étape de l'analyse;
  • les avantages et les coûts sont estimés en détail pour chaque période comprise dans la période de calcul, sans raccourci;
  • l'analyse technique est bien faite (au regard des taux d'actualisation, des rajustements en fonction de l'inflation, du choix de la règle de décision, etc.);
  • il est tenu compte comme il se doit de l'incertitude et du risque;
  • les effets de répartition sont précisés de façon claire (qui paie, qui en profite?);
  • la recommandation s'appuie sur des arguments logiques et toutes les options possibles sont examinées convenablement.

 

Annexe A : Glossaire

Actualisation. Transformation des valeurs futures en une valeur équivalente à un moment donné, par l'application d'un taux d'actualisation.

Amortissement. Ce terme n'est pas utilisé en analyse avantages-coûts. Dans d'autres contextes financiers, il s'entend de l'étalement du coût d'un bien sur une période donnée, ce qui est nécessaire si l'on veut faire une estimation des coûts de production, mais, comme les taux d'amortissement sont habituellement déterminés essentiellement en fonction d'exigences juridiques et comptables, ils n'ont souvent qu'un rapport limité avec le taux réel d'utilisation ou le coût de remplacement.

Analyse avantages-coûts. Méthode d'évaluation du caractère indésirable d'un programme ou d'un projet, par comparaison des avantages et des coûts.

Analyse coût-efficacité. Type d'analyse communément utilisée pour comparer des projets ou des concepts de projets envisagés quand la valeur des extrants (avantages) ne peut être mesurée convenablement en dollars. Si l'on peut postuler que les avantages sont les mêmes pour toutes les solutions envisagées, cette analyse sert à en minimiser le coût. Synonyme d'analyse de moindre coût.

Analyse de risque. Analyse avantages-coûts tenant compte de la variation simultanée des valeurs de plusieurs intrants, pour des fourchettes de valeurs et des probabilités données, et déterminant la variabilité du bilan qui en résulte.

Analyse de sensibilité. Examen de l'incidence du changement d'une variable (paramètre, coût ou avantage) sur le résultat d'un projet.

Bien. Tout ce qui a de la valeur, tout particulièrement les biens matériels, tels que des machines ou des terres agricoles, ou les biens monétaires (pouvant être utilisés pour financer l'achat de biens matériels).

Capital. Ressources rapportant graduellement des profits au fil des années. Lié à l'investissement (contrairement à la consommation). Peut être réparti en capacité d'exploitation et en capital nominal, en capital fixe et en fonds de roulement, etc. On le définit parfois plus largement en y incluant le capital humain (par exemple dans le contexte de l'éducation, qui génère des avantages au fil des années).

Coefficient de pondération (poids). Facteur qui, multiplié par la valeur à pondérer, la modifie pour tenir compte de certaines considérations.

Compromis. Concessions mutuelles pour en arriver à un compromis ou conclure une entente; inconvénients accompagnant les avantages et vice versa.

Coût. Dépense consacrée à l'achat d'intrants, y compris des biens d'équipement, des immeubles, des matériaux, de la main-d'oeuvre et des services publics. Les coûts tels que les dommages environnementaux ou les atteintes à la santé sont parfois qualifiés d'externalités négatives.

Coût d'option. Valeur d'une chose à laquelle on renonce. Par exemple, le coût d'option direct d'une journée-personne de travail équivaut à ce que la personne aurait produit si elle n'avait pas été retirée de son autre tâche optimale pour être affectée à un projet.

Coût d'option du capital. Rendement optimal auquel on a renoncé en affectant l'actif au projet.

Coûts d'exploitation et d'entretien. Coûts récurrents d'exploitation et d'entretien supportés pour maintenir la valeur des biens matériels.

Coûts fixes. Coûts, comme la rémunération des cadres, les intérêts et les remboursements d'emprunts à éponger, au moins à court terme, sans égard au volume de production.

Demande. Besoin ou désir exprimé à l'égard d'un bien ou d'un service. Varie selon le consommateur, le prix et les circonstances, aussi la demande est-elle habituellement exprimée en quantités demandées à différents prix. La courbe de la demande a généralement une pente descendante, ce qui signifie que la demande est plus importante quand les prix sont bas que quand ils sont élevés. Comparer avec offre.

Différentiel. Additionnel ou marginal.

Distorsion. Différence entre les prix du marché et les vraies valeurs (prix économiques).

Distribution de probabilité(s). Représentation graphique de la probabilité que quelque chose se produise.

Dollars constants. Dollars au pouvoir d'achat constant. Les unités de pouvoir d'achat sont fixées en fonction de l'année de référence, qui est précisée, par exemple, 100 en dollars constants de 1995. Unités de pouvoir d'achat constant. Il est préférable de parler de dollars réels.

Dollars de l'exercice. Dollars à valeur nominale du pouvoir d'achat variable (selon le moment où une transaction est effectuée). Synonyme de dollars historiques et dollars courants.

Dollars historiques, prix historiques. Prix pratiqués lors d'une année donnée. Synonyme de dollars de l'exercice.

Dollars réels, prix réels. Unités normalisées de pouvoir d'achat, définies en fonction d'une année de référence.

Écart type. Mesure statistique de la distance entre les valeurs d'une distribution.

Échelle. Envergure d'un projet.

Économique. Relatif à l'économie nationale, particulièrement en ce qui concerne la valeur économique. Valeur d'un bien ou d'un service pour l'ensemble du pays, plutôt que sa valeur privée ou commerciale.

Effet distributif. Changement survenant dans le revenu ou la richesse des gens du point de vue desquels l'analyse avantages-coûts est effectuée.

Équivalent certain. Voir valeur attendue.

Estimation. Évaluation préalable (ex ante).

État des flux de trésorerie. État financier d'un projet ou d'une entité financière. Synonyme d'état de la provenance et de l'utilisation des fonds.

Évaluation conditionnelle. Méthode de déduction de la valeur des avantages et des coûts en l'absence d'un marché. Ce que les gens sont disposés à payer pour obtenir un avantage (ou à accepter en dédommagement d'une perte) s'il existe un marché pour le bien.

Exportable. Bien qui pourrait être exporté en l'absence de politiques commerciales restrictives.

Externalité. Avantage ou coût pour des tiers qui, en temps normal, ne peuvent normalement pas le payer ou en être dédommagés par un mécanisme du marché. Un avantage externe est une externalité positive et un coût externe est une externalité négative. Les externalités ne sont pas reflétées dans les comptes financiers. Par exemple, un projet peut nuire à l'environnement, consister à former des travailleurs ou à faciliter la tâche à d'autres entreprises désireuses de se lancer dans des activités connexes, mais ces effets ne figurent pas dans les états financiers liés au projet. Toutefois, aux fins de l'analyse économique, il faut en tenir compte et leur attribuer une valeur.

Extrant. Ce qui est produit. S'entend habituellement du produit matériel du projet. D'autres effets, comme le logement des travailleurs, l'emploi, la formation de la main-d'oeuvre ou les économies de devises étrangères, sont habituellement appelés des externalités.

Facteur de correction. Pourcentage selon lequel le prix financier d'un intrant ou d'un extrant doit être accru ou réduit pour refléter sa vraie valeur économique. Synonyme de facteur de conversion .

Financier. Fondé sur les prix du marché et sur un point de vue commercial.

Flux de trésorerie. Rentrées et sorties de fonds d'un projet. Ces mouvements reflètent les coûts et les avantages au fil des années, d'un point de vue donné.

Indice des prix. Valeur marchande d'un panier fixe de biens et de services à une date donnée, divisée par la valeur marchande du même panier à une date de référence. En soustrayant 1,0 de l'indice, on obtient l'équivalent décimal du pourcentage d'augmentation des prix entre les deux périodes. Instrument utile pour mesurer les taux d'inflation.

Indice numérique. Tout indice calculé pour comparer une somme dans une période avec une autre somme dans une autre période, p. ex. l'augmentation de la production, la croissance démographique. Voir indice des prix.

Inflation. Augmentation générale des prix du marché (baisse du pouvoir d'achat de l'unité monétaire).

Intrant. Ce qui est consommé par le projet (par opposition aux extrants). S'entend habituellement des intrants matériels utilisés par le projet, c'est-à-dire le matériel, le capital, la main-d'oeuvre et les services publics. Les intrants comme la qualité de l'environnement, le change et l'état de santé des travailleurs sont habituellement appelés des externalités.

Marginal. Dernier, au sens de dernière unité ajoutée. Par exemple, l'avantage marginal correspond à la valeur d'une unité d'extrant de plus (ou de moins). Synonyme de différentiel.

Méthode Delphi. Technique consistant à obtenir des valeurs subjectives fondées sur le jugement grâce à des estimations itératives effectuées par un groupe de spécialistes.

Modèle déterministe. Modèle des avantages et des coûts faisant appel à des valeurs uniques fixes pour chaque intrant (plutôt qu'à une fourchette de valeurs et de probabilités).

Modèle. Représentation ou simulation d'un système ou d'un procédé montrant comment les paramètres, les avantages et les coûts se recoupent pour produire un bilan d'après lequel le projet peut être jugé.

Multiplicateur. Ratio d'un changement du revenu total de la collectivité au changement initial des dépenses qui l'a provoqué.

Non exportable. Bien ne pouvant être exporté (p. ex. fondations de bâtiments, coiffure).

Non exporté. Bien intrinsèquement non exportable ou bien exportable qui, pour des raisons économiques ou stratégiques, n'est ni importé ni exporté.

Numéraire. Unité de valeur normalisée grâce à laquelle il est possible d'additionner et de soustraire des coûts et des avantages qui seraient autrement exprimés en unités dissemblables. Par exemple, chacun sait qu'il est impossible d'additionner des pommes et des oranges, mais, si elles sont exprimées en quantités d'un numéraire commun, en fruits, en kilos ou en dollars, il est alors possible de dire, par exemple, que nous en avons 20, trois kilos ou pour 4 $. Les numéraires communément employés en analyse avantages-coûts sont les dollars d'investissement, les dollars de consommation ou les dollars de devises étrangères.

Offre Ce qu'on est disposé à produire. Comme l'offre dépend du fournisseur, du prix et des circonstances, elle est habituellement exprimée en fonction des quantités qui seraient fournies à différents prix. La courbe de l'offre résultante a habituellement une pente ascendante, ce qui signifie que les fournisseurs offrent davantage quand les prix sont élevés que quand ils sont bas. Toutefois, lorsqu'il y a des économies d'échelle, le prix de l'offre peut baisser à mesure que l'échelle s'accroît dans la fourchette où ces économies se concrétisent. Comparer à demande.

Option. Possibilité d'investir dans un programme, un projet ou une mesure donnés.

Paiements de transfert. Paiements servant à redistribuer la richesse sans consommer de ressources ou sans en créer.

Paramètre national. Prix fictif (ou comptable) identique pour tous les projets envisagés dans le pays. Dans plupart des cas, le prix fictif des devises étrangères et la prime accordée aux économies de consommation sont des paramètres nationaux.

Période de calcul. Période sur laquelle les avantages et les coûts sont comparés.

Période de récupération. Période nécessaire pour que la valeur actualisée cumulative des avantages corresponde à la valeur actualisée cumulative des coûts.

Perte ou gain distributifs. Changement survenant dans la distribution de la richesse ou du revenu.

Point d'intersection. Valeur à laquelle les valeurs actualisées nettes des avantages et des coûts sont égales.

Pondéré. Affecté d'un coefficient proportionnel à l'importance relative.

Prix comptable. Reflète la valeur économique des intrants et des extrants plutôt que leur valeur financière ou marchande. Synonyme de prix fictif et prix social.

Prix constant. Prix ajusté d'après l'inflation et ramené à une valeur réelle au moyen d'un indice de prix.

Prix du marché. a) Prix d'un bien sur le marché intérieur (voir financier); par opposition au prix économique, au prix fictif ou au prix social; b) coût d'un bien, y compris les taxes et impôts indirects et les subventions.

Prix économique. Prix reflétant la valeur relative qui devrait être attribuée aux intrants et aux extrants si l'économie devait produire de façon efficiente des extrants matériels d'une valeur maximale. Ce prix ne tient pas compte de la distribution du revenu ou d'autres objectifs incommensurables.

Prix fictif. Valeur économique ou vraie valeur d'un bien (contrairement au prix du marché, qui peut être faussé). Synonyme de prix comptable et de prix social.

Prix social. Prix reflétant la vraie valeur des intrants et des extrants du projet pour le pays. Synonyme de prix comptable et de prix fictif.

Probabilité. Vraisemblance quantifiée d'un événement futur.

Productivité marginale du capital. Productivité de la dernière unité d'investissement qui serait approuvée si toutes les possibilités d'investissement étaient classées en ordre de rentabilité économique descendant et que les fonds disponibles étaient affectés jusqu'à ce qu'ils soient épuisés. Plus généralement, cette expression désigne la rentabilité du projet marginal, (c'est-à-dire celui dans lequel on investirait le dernier dollar disponible).

Ratio avantages-coûts. Rapport des avantages sur les coûts. Il devrait être calculé à l'aide des valeurs actualisées de chacun d'eux, à l'aide d'un taux comptable approprié. Le ratio devrait être d'au moins 1,0 pour que le projet soit acceptable. Il peut exister des ratios avantages-coûts illogiques, car ils sont fonction de conventions comptables arbitraires.

Règle de décision. Critère d'acceptation ou de rejet d'un projet ou de classement d'investissements selon leur caractère désirable.

Rendement de la première année. Flux de trésorerie nets d'une année de la vie d'un projet, y compris le coût pour un an du capital investi. Mesure susceptible d'indiquer le moment optimal du début d'un projet.

Risque. Mesure dans laquelle les résultats sont incertains. Étendue de la variation possible du résultat.

Risque du marché. Risque auquel toutes les entreprises sont exposées en raison du caractère cyclique de l'économie. Contrairement à d'autres risques, il ne peut être éliminé grâce à la diversification.

Scénario. Aperçu ou tableau d'un avenir possible; non statique; présente habituellement le déroulement des événements.

Scénario de référence. Scénario optimisé, sans projet. Pas synonyme de ne rien faire ou de statu quo.

S'excluant mutuellement. S'entend d'options impossibles à mettre en oeuvre simultanément : si une option est suivie, l'autre ne peut l'être. Les options peuvent s'exclure mutuellement parce qu'elles correspondent à différents moments pour le lancement d'un même projet, parce que les fonds sont limités, ou parce que, si l'une est mise en oeuvre, l'autre ne sera plus nécessaire (p. ex. construction d'une centrale thermique ou d'une centrale hydroélectrique).

Simulation. Modèle mathématique établissant un système de paramètres, de coûts et d'avantages qui se combinent pour prédire le résultat probable d'un investissement.

Surplus du consommateur. Valeur que les consommateurs obtiennent en sus du prix qu'ils doivent payer. Varie selon le consommateur, en fonction de la volonté de payer.

Surplus du producteur. Valeur que le producteur obtient en sus du paiement minimum dont il a besoin pour continuer à offrir un bien.

Taux d'actualisation. Taux d'intérêt auquel les valeurs futures sont actualisées, et vice versa. Correspond soit au coût d'option du capital (appliqué aux dollars d'investissement), soit à la préférence intertemporelle pour la consommation (appliquée aux dollars de consommation).

Taux de rendement. Rentabilité d'un projet. Terme abrégé habituellement appliqué en analyse économique au taux de rendement économique interne et en analyse financière au taux de rendement annuel des biens immobilisés nets ou au taux de rendement financier interne (il est important de préciser de quel taux il s'agit).

Taux de rendement économique. Taux de rendement interne fondé sur les prix économiques.

Taux de rendement financier. Rentabilité financière d'un projet. Désigne habituellement le rendement annuel de l'actif immobilisé net ou d'un investissement, mais peut aussi s'entendre du taux de rendement interne, lequel est déterminé grâce à l'analyse des flux de trésorerie actualisés.

Taux de rendement interne (TRI). Rendement ou rentabilité d'un projet, calculé par l'analyse des flux de trésorerie actualisés. Le TRI est le taux d'actualisation qui, appliqué à l'ensemble des avantages et des coûts reflétés dans le flux de trésorerie d'un projet, donne une valeur actualisée nette de zéro.

Taux de rendement minimal. Taux de rendement que le projet doit atteindre pour être acceptable.

Valeur actualisée. Valeur future actualisée au moyen du taux d'actualisation approprié.

Valeur actualisée des flux de trésorerie. Montant obtenu par l'actualisation des coûts et des avantages (flux de trésorerie) afin de pouvoir les comparer sur une base commune.

Valeur actualisée nette (VAN). Valeur nette d'un investissement une fois additionnés tous les coûts et avantages, exprimés en unités de valeur normalisées (numéraires).

Valeur actualisée nette attendue (VANA). Somme de toutes les valeurs actualisées nettes possibles, multipliée par leurs probabilités.

Valeur actualisée nette sociale. Valeur actualisée nette d'un projet, calculée à partir des valeurs vraies ou économiques (prix sociaux ou prix fictifs).

Valeur attendue. Somme de tous les résultats possibles, tous multipliés par leur probabilité. Par exemple, s'il y a deux résultats possibles, 100 $ et 200 $, assortis de probabilités respectives de 0,3 et de 0,7, la valeur attendue est (100 $ x 0,3) + (200 $ x 0,7) = 170 $. Synonyme d'équivalent certain.

Valeur de récupération. Valeur résiduelle d'un bien à la fin de la période de calcul.

Valeur résiduelle. Valeur marchande d'un bien à la fin de la période de calcul.

Valeur seuil (ou critique). Valeur d'un intrant à laquelle le classement de deux projets envisageables est inversé. Par exemple, le projet A produirait des chaussures en faisant appel à de l'équipement moderne perfectionné et à une main-d'oeuvre très réduite, tandis que le projet B ferait appel à un réseau de petits ateliers employant de nombreux artisans pauvres et utilisant très peu d'équipement. Jusqu'à concurrence d'un coefficient de pondération de 1,5 du revenu des pauvres, le projet A aurait un taux de rendement plus élevé. Toutefois, si le revenu des pauvres a un coefficient de pondération supérieur à 1,5, c'est le projet B qui aurait le taux de rendement le plus élevé. Par conséquent, la valeur critique est 1,5.

Variable de risque.Variable utilisée pour l'analyse de risque et choisie en raison de l'importance qu'elle aura vraisemblablement pour le résultat de l'analyse.

Volonté de payer. Ce que les consommateurs sont disposés à payer pour un bien ou un service. Les consommateurs disposés à payer nettement plus cher que le prix du marché, bénéficient d'un surplus du consommateur (montant qu'ils paieraient moins montant réellement payé).

Annexe B : Questions à poser sur les analyses avantages-coûts

Aide-mémoire

  1. Le problème ou la possibilité sont-ils clairement définis? Une raison convaincante justifie-t-elle l'intervention du gouvernement fédéral dans cette situation? Les objectifs sont-ils clairs et cohérents?
  2. L'analyse est-elle exposée séparément du point de vue de chacune des parties importantes?
  3. Les solutions sont-elles définies de façon juste et comparable? Les solutions importantes sont-elles analysées?
  4. L'analyse est-elle franche et transparente? Ses étapes sont-elles toutes exposées de manière à pouvoir suivre le raisonnement et comprendre les chiffres?
  5. Les effets différentiels probables des options du projet ou du programme sont-ils bien analysés?
  6. Les coûts et les avantages de ces effets sont-ils bien mesurés et exposés de façon détaillée pour toute la durée du projet? Est-il tenu compte des changements probables des prix relatifs, ou l'analyste a-t-il brûlé des étapes?
  7. La correction en fonction de l'inflation et l'actualisation ont-elles été faites séparément? L'indice des prix et le taux d'actualisation sont-ils acceptables?
  8. L'analyse tient-elle compte de l'incertitude des données et du risque de l'investissement?
  9. L'analyse précise-t-elle qui assume les coûts et qui bénéficie des avantages?
  10. L'analyse comporte-t-elle une recommandation logique, tout en présentant équitablement les solutions qu'elle ne recommande pas?

 

Annexe C : Bibliographie choisie

Ouvrages généraux

Australie, ministère des Finances. 1991. Handbook of Cost-Benefit Analysis. Canberra, Australie.

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-- 1993. Value for Your IT Dollar: Guidelines for Cost-Benefit Analysis of Information Technology Proposals. Canberra, Australie.

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Être clair sur le point de vue

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