BROUILLON juillet 1998
Table des matières
Préface
Gestionnaires
Analystes
Remerciements
1. Introduction
1.1 Les décisions de répartition des
ressources nécessitent des choix
1.2 À qui le Guide est-il destiné?
1.3 Raison d'être de l'analyse
avantages-coûts?
1.4 Place de l'analyse avantages-coûts dans
le processus décisionnel
2. Modèle de l'analyse avantages-coûts
2.1 Introduction
2.2 Cadre de l'analyse avantages-coûts
2.3 Étapes de l'analyse
avantages-coûts
2.4 Pourquoi le point de vue est-il important?
2.5 Éléments de l'analyse
avantages-coûts
2.6 Construction des tableaux des coûts et des
avantages
2.7 Conventions comptables
2.8 Contenu du rapport
3. Définition d'options valables
3.1 Pourquoi est-il difficile de définir des
options valables?
3.2 Scénario de référence
optimisé
3.3 Comment établir des options valables
3.4 Analyse des effets différentiels
4. Mesure et évaluation des coûts et des
avantages
4.1 Introduction
4.2 Quelques concepts importants
4.3 Évaluation des coûts et des
avantages
en fonction des prix du marché
4.4 Surplus du consommateur et du producteur
comme facteurs de la valeur
4.5 Évaluation des coûts et des
avantages
en l'absence de prix du marché valables
4.6 Quelques exemples de valeurs difficiles à
estimer
4.7 Mauvaise utilisation des multiplicateurs des
avantages
5. Valeurs temporelles
5.1 Importance du facteur temps
5.2 Inflation, dollars historiques et dollars constants
5.3 Changements des prix relatifs
5.4 Valeurs futures et actualisées
5.5 Taux d'actualisation
5.6 Effets stratégiques de taux
d'actualisation élevés ou faibles
5.7 Taux d'actualisation en tant que variable de
risque
6. Règles de décision
6.1 Valeur actualisée nette
6.2 Deux règles de décision essentielles
6.3 Règles de décision peu fiables
7. Analyse de sensibilité
7.1 Qu'est-ce que la sensibilité?
7.2 Sensibilité brute
7.3 Qu'est-ce qui détermine la
sensibilité?
7.4 Sensibilité et processus décisionnel
7.5 Analyse de sensibilité à deux
variables
7.6 Analyse graphique de la sensibilité
7.7 Traitement de la sensibilité
8. Approches générales en matière
d'incertitude et de risque
8.1 Approches pour quantifier le risque lié
à l'incertitude
8.2 Valeurs attendues des scénarios
8.3 Taux d'actualisation ajustés au risque
8.4 Analyse de risque par simulation
9. Analyse de risque
9.1 Introduction
9.2 Étapes de l'analyse de risque
9.3 Fonctionnement de l'analyse de risque
9.4 Correction en fonction de la covariance de
variables
de risque interreliées
9.5 Combien de fois faut-il exécuter le
modèle?
9.6 Interprétation des résultats de
l'analyse de risque
9.7 Règles de décision adaptées
à l'incertitude
9.8 Évaluation du risque global
9.9 Avantages et limites de l'analyse de risque
10. Probabilités
10.1 Types de variables de risque
10.2 Utilisation de données historiques
10.3 Jugement des spécialistes
10.4 Distributions de probabilité courantes
10.5 Préférences en matière de
risque
10.6 Risques communs des projets
11. Comparaison d'options de types différents en
fonction
de critères différents
11.1 Questions d'équité
11.2 Objectifs multiples
12. Pratiques exemplaires à retenir
Annexe A : Glossaire
Annexe B : Questions à poser sur les
analyses avantages-coûts
Aide-mémoire
Annexe C : Bibliographie choisie
Ouvrages généraux
Note : La présentation du Guide suit les
étapes de l'analyse avantages-coûts,
de la définition du problème et des
comparaisons valables à la mesure des
coûts et des avantages, au traitement de
l'incertitude et du risque. Le dernier chapitre
traite de la question de savoir quoi faire lorsque
l'analyste doit sortir du cadre de l'analyse
avantages-coûts pour examiner d'autres
critères.
Chaque chapitre se termine par un bref
résumé des pratiques exemplaires et le
Guide lui-même se termine par un
résumé de nature
générale. Le Guide s'accompagne
d'un glossaire et les mots ou expressions qui
figurent en caractère gras dans le texte se
trouvent dans le glossaire. Les termes ou
expressions en italique sont définis la
première fois qu'on les utilise. Enfin,
le Guide se termine par une bibliographie choisie,
présentée par thème.
|
Préface
Le présent Guide fournit un cadre pour l'analyse
avantages-coûts. C'est le document à
utiliser pour préparer les présentations au
Conseil du Trésor qui portent sur des questions ayant
une incidence sociale, économique ou environnementale
importante. Une bonne analyse avantages-coûts devrait
être un élément fondamental de toutes les
études de rentabilisation présentées aux
cadres supérieurs et aux ministres. Le nouveau Guide
s'inscrit dans l'optique du gouvernement du Canada
qui prône une prise de décision fondée
sur une analyse et des faits.
Néanmoins, il ne dit pas tout de l'analyse
avantages-coûts. Il a été
préparé pour être un outil utile autant
aux économistes qu'aux non-économistes. Il
donne le cadre essentiel à suivre et, dans la mesure
du possible, présente les meilleures pratiques
à utiliser; toutefois, il ne remplace nullement la
formation à acquérir afin de pouvoir
évaluer les coûts et les avantages.
Gestionnaires
Les gestionnaires peuvent utiliser le Guide lorsqu'ils
sont appelés à concevoir et à commander
des analyses avantages-coûts et aussi pour mieux
comprendre les résultats obtenus. Il est primordial
d'appliquer les techniques exposées dans le Guide
de façon uniforme. Les gestionnaires et le Conseil du
Trésor doivent pouvoir comparer divers plans
d'action en procédant d'une manière
normalisée et rigoureuse pour optimiser les ressources
rares dont ils disposent.
Analystes
Le Guide est un document faisant autorité qui
présente la façon de s'y prendre pour
effectuer des analyses avantages-coûts pour le
gouvernement du Canada. Il remplace l'ancien Guide de
l'analyse avantages-coûts du Conseil du
Trésor dont la publication remontait à 1976. Il
fournit un cadre logique pour les analyses comparatives sans
toutefois couvrir tous les aspects de la mesure des avantages
et des coûts. Il ne remplace pas non plus
l'expertise professionnelle que l'analyste et le
gestionnaire apportent à l'étude de chaque
cas. Il n'existe pas de recettes pour une bonne prise de
décision _ il faut un bon cadre d'analyse
et, ce qui est tout aussi important, il faut posséder
une bonne compréhension du domaine.
Remerciements
Le Guide a été préparé sous la
direction de deux comités interministériels
dirigés par le Secrétariat du Conseil du
Trésor. Un comité réunissait des
spécialistes des sujets techniques et l'autre
comité réunissait des gestionnaires
généralistes et d'éventuels
utilisateurs des analyses avantages-coûts. Son
principal auteur est Kenneth Watson, Ph.D., de Conseils et
Vérification Canada. Le personnel du
Secrétariat du Conseil du Trésor et de Conseils
et Vérification Canada ont apporté une
précieuse contribution, tout comme les membres des
comités consultatifs. La réalisation du Guide
n'aurait pas été possible sans la
généreuse contribution intellectuelle de tous
les intéressés.
1.
Introduction
1.1 Les
décisions de répartition des ressources
nécessitent des choix
On demande souvent aux gestionnaires et aux analystes de la
fonction publique de produire des analyses pour appuyer les
décisions de répartition des ressources, car
ces décisions ont des répercussions sur
l'appareil gouvernemental et, peut-être de
façon encore plus marquée, sur les ressources
à l'extérieur de l'appareil
gouvernemental.
Lorsque les ressources sont rares, des choix difficiles
s'imposent. En outre, on est de plus en plus conscient
que les gouvernements doivent agir avec prudence dans leur
façon de faire appel aux ressources du secteur
privé et d'en assurer la réglementation.
Même face à l'alternative apparemment
simple « faire » ou « ne pas
faire », des arguments puissants militent pour
l'option « ne pas faire ».
Toute mesure qui accapare des ressources qui pourraient
être consacrées à d'autres fins,
voire à de meilleures fins, doit s'appuyer sur
une solide justification. Bien souvent, il existe plusieurs
solutions envisageables. Dans le passé, la
décision de poursuivre un programme était
habituellement fondée sur des critères
théoriques d'utilisation des fonds. De nos jours,
les gouvernements sont souvent contraints de financer de
nouveaux programmes au détriment des programmes
existants.
Parfois, les décisions à prendre sont
renvoyées jusqu'au Cabinet; c'est le cas
lorsqu'il s'agit de modifier une loi ou un
règlement, ou lorsqu'une importante initiative en
matière de programme est en jeu. Le plus souvent,
c'est la haute direction du Ministère qui
règle les questions comme la répartition des
ressources au sein d'un même programme. Il arrive
aussi que les décisions soient prises à des
niveaux de gestion moins élevés, par les chefs
responsables de programmes. Mais quel que soit le niveau
auquel la décision est prise, les principes sur
lesquels elle s'appuie doivent être les
mêmes, le seul facteur variable étant le
degré d'investissement dans l'analyse que
les ressources en jeu imposent. Comme le titre du Guide le
laisse entendre, les principes dont il est question sont ceux
de l'analyse avantages-coûts.
1.2 À qui
le Guide est-il destiné?
Le Guide est destiné à deux groupes :
-
les analystes qui réalisent les études sur
lesquelles les décisions sont fondées;
-
les gestionnaires qui utilisent les résultats des
études.
Dans la fonction publique, la plupart des analystes ne sont
pas économistes, bien que la plupart d'entre eux
possèdent une certaine formation en
économie. Dans toute la mesure du possible, le
Guide s'adresse à un vaste auditoire plutôt
qu'à des spécialistes. Toutefois, les
économistes devraient trouver le cadre
normalisé qu'offre le Guide utile au sens
où il facilite la comparaison de projets
émanant de sources différentes ainsi que la
communication des résultats aux gestionnaires qui sont
familiers avec le cadre.
De façon générale, la terminologie
utilisée dans le Guide est tirée de la science
économique. Certains termes, utilisés dans
d'autres disciplines, peuvent avoir un sens
différent. Par exemple, dans le Guide,
l'expression analyse de risquetraite normalement
de l'incertitude quelle qu'elle soit; il
peut s'agir de l'incertitude du facteur, à
savoir s'il est négatif ou positif, de la
probabilité que le risque se concrétise, de
l'ampleur des effets ou encore de la valeur
monétaire de l'effet. Par contre, dans certaines
disciplines, le risque est défini de façon plus
étroite et désigne un facteur
néfaste, l'accent étant mis sur la
probabilité de réalisation. En temps normal, le
contexte éclairera le lecteur sur le type de risque.
Tenter de couvrir de grands segments de la
collectivité de l'analyse stratégique
n'est pas exempt d'embûches, mais il est
évident que le Guide n'atteindra le but
escompté que s'il atteint un vaste lectorat.
À cette fin, les auteurs ont défini les termes
à mesure qu'ils se présentent et ont
élaboré un glossaire, joint à
l'annexe A.
En bref, le Guide a été préparé
pour :
-
faire comprendre aux lecteurs comment l'analyse
avantages-coûts peut faciliter le processus
décisionnel;
-
établir un cadre général assurant
l'uniformité des analyses, afin d'en
faciliter la comparaison et d'assurer
l'utilisation de bonnes pratiques, que les analyses
soient menées à l'interne, par des
spécialistes des ministères et organismes,
ou par des consultants;
-
servir de manuel d'autoformation en donnant des
conseils concrets et détaillés sur les
éléments fondamentaux de l'analyse;
-
aider les analystes et les gestionnaires à savoir
quand procéder à une analyse plus
poussée que celle qui est possible avec les
ressources internes et à normaliser les attentes
quant au genre de travail que les spécialistes
ministériels ou les consultants peuvent fournir.
1.3 Raison
d'être de l'analyse
avantages-coûts?
Certains considèrent l'analyse
avantages-coûts comme un instrument financier
d'utilité restreinte. Toutefois, cette
façon de penser sous-estime la souplesse avec laquelle
elle peut s'attaquer à des questions aux valeurs
intangibles. Des méthodes récentes permettent
en effet d'estimer la valeur que des avantages
intangibles présentent pour les Canadiens. Nous
pouvons au moins déterminer clairement le
coût estimatif des divers moyens d'obtenir
un avantage intangible, par exemple
l'équité de notre programme
d'immigration.
Les choix auxquels les décideurs font face doivent
être faits. L'analyse quantitative des
résultats probables de différentes solutions
peut réduire l'incertitude et améliorer le
processus décisionnel.
La conjoncture actuelle, dans laquelle les programmes
semblent être constamment remis en question, va
probablement durer un certain nombre d'années.
Les paiements des intérêts de la dette nationale
engloutissent désormais une si grande portion des
recettes publiques que les fonds à consacrer aux
dépenses de programme sont sérieusement
à la baisse. De nombreux programmes qui continuent
d'offrir des services et des extrants utiles sont
réduits. Les ministres font face à des choix
difficiles; c'est aux analystes de leur fournir la base
la plus solide qui soit à l'appui de leurs
décisions.
Sur quel critère se fonder?
Il suffit de réfléchir un peu à la
question pour comprendre que les deniers publics devraient
être consacrés aux programmes là
où ils apporteront le plus grand bien étant
donné les choix possibles. Ainsi, la démarche
consistant à définir vers le plus grand bien
possible et compte tenu des choix possibles se
situe au coeur même de l'analyse
avantages-coûts.
Les éléments fondamentaux sont les avantages,
les coûts et les choix. Entre « faire le
plus grand bien possible » et
« apporter les plus grands avantages
(nets) », la différence n'est pas
grande. Les mêmes ressources peuvent être
consacrées à des fins différentes.
Lorsque le budget est limité, nous devons être
sûrs que chaque projet choisi présente la plus
grande valeur possible par dollar dépensé.
1.4 Place de
l'analyse avantages-coûts dans le processus
décisionnel
Les nouvelles initiatives, en particulier celles qui exigent
des mesures législatives, sont renvoyées au
Cabinet ou, plus fréquemment, à un
comité du Cabinet. Il existe un guide de
rédaction des mémoires au Cabinet qui
précise le cadre global de l'analyse qui
s'impose. Il met l'accent sur
l'établissement des conséquences des
décisions prises pour des segments précis de la
société et sur l'analyse de chaque option.
L'avantage net n'est pas le seul critère
dont il faut tenir compte : souvent, les effets
distributifs sont un élément important.
Le remaniement en profondeur des programmes exige la
préparation d'une présentation au Conseil
du Trésor, même lorsqu'elle
n'entraîne pas de changements législatifs
et que des fonds suffisants sont prévus dans le
budget. Habituellement, l'autorisation de
dépenser est liée au rendement de certaines
activités (et pas seulement à des objectifs
globaux), de sorte que les principales modifications doivent
être renvoyées au Conseil pour approbation. Les
grands projets de l'État (GPE) et les
dépenses ministérielles qui dépassent
les limites établies sont également soumis
à l'approbation du Conseil. Le Guide des
présentations au Conseil du Trésor
et la politique sur les GPE soulignent la
nécessité de présenter une justification
qui s'appuie sur une analyse avantages-coûts. Le
Guide est un ouvrage de référence qui, non
seulement expose les principes de base d'une telle
analyse, mais aussi définit les conventions à
respecter pour assurer une plus grande comparabilité
des programmes.
Le processus annuel d'approbation des plans de
dépenses des ministères a subi
d'importants changements. Au fil des années, le
gouvernement du Canada a de plus en plus insisté sur
l'évaluation du rendement. Au milieu des
années 90, il a adopté de nouveaux
instruments dont l'évaluation du rendement
constitue un élément clé : les
plans d'activités ministériels
(présentés au Conseil du Trésor et au
Cabinet); les rapports ministériels sur le rendement
(présentés au Parlement); le rapport annuel au
Parlement du président du Conseil du Trésor sur
l'examen du rendement au sein de la fonction publique.
Les plans d'activités précisent les
stratégies, les objectifs et les engagements en
matière de rendement des ministères. Dans
certains cas, les engagements amènent les
ministères à faire des ajustements importants,
en raison des changements qu'ils ont dû apporter
en ce qui touche leur taille, la portée de leurs
activités et leurs stratégies. En outre, les
plans d'activités servent à définir
les engagements des ministères en ce qui touche
l'examen de leurs grands projets, de leurs programmes et
des changements apportés à la structure ou aux
ressources. Le Secrétariat du Conseil du Trésor
du Canada recommande que les ministères
présentent ces examens sous la forme de l'analyse
avantages-coûts exposée dans le Guide.
L'utilisation du Guide est souhaitable même pour
la prise de décisions qui ne soulèvent pas de
grandes questions stratégiques, s'inscrivent dans
les pouvoirs délégués aux ministres ou
encore peuvent être prises à des niveaux moins
élevés (par exemple, par un sous-ministre
adjoint). De nombreux ministères adoptent le langage
des analyses de rentabilisation pour déterminer si le
rendement escompté en vaut la peine (autrement dit si
les avantages l'emportent sur les coûts).
2. Modèle de l'analyse
avantages-coûts
2.1 Introduction
L'analyse avantages-coûts est simplement un
processus décisionnel logique. Nous nous en servons
tous les jours et elle existe depuis plus longtemps que
l'histoire écrite. Et pourtant, notre
compréhension naturelle des coûts et des
avantages n'est pas toujours suffisante, lorsque les
possibilités sont complexes ou les données,
incertaines. Il nous faut alors des techniques
structurées pour nous aider à penser
clairement, systématiquement et logiquement. Ces
techniques constituent un modèle de
l'analyse avantages-coûts. Elles englobent
diverses méthodes qui servent à :
-
déterminer les possibilités;
-
définir les possibilités d'une
façon permettant d'en faire une comparaison
valable;
-
refléter les coûts et les avantages à
différents moments;
-
calculer la valeur pécuniaire
d'éléments qui, habituellement, ne sont
pas exprimés en dollars;
-
faire face au manque de fiabilité des
données;
-
résumer un ensemble complexe de coûts et
d'avantages pour orienter la prise de
décision.
Il importe de ne pas perdre de vue que ces techniques ne sont
que des outils, et non l'essentiel, qui résident
dans la clarté avec laquelle l'analyse comprend
les différentes options.
2.2 Cadre de l'analyse
avantages-coûts
Même lorsque les mesures des coûts et des
avantages sont complètes, elles ne se passent pas
nécessairement d'explications à moins de
s'inscrire dans un cadre. C'est l'analyse
avantages-coûts qui fournit ce cadre, dont on peut se
servir chaque fois qu'une décision doit
être prise et qui ne se limite pas à une
discipline comme l'économie ou la sociologie, pas
plus qu'à un secteur donné
d'activité, public ou privé. Elle
s'inspire de plusieurs techniques empruntées aux
domaines de la gestion, des finances et des sciences
sociales.
Dans la mesure du possible, l'analyse
avantages-coûts exprime les coûts et les
avantages en unités normalisées (habituellement
en dollars) afin qu'on puisse en faire une comparaison
directe. Dans certains cas, il est difficile d'exprimer
les avantages en dollars, et c'est pourquoi on a recours
à l'analyse avantages-coûts, qui est
une technique de minimisation des coûts. Par exemple,
lorsqu'il existe deux options pour améliorer une
intersection routière, permettant toutes deux de
sauver le même nombre de vies, l'option retenue
est celle qui coûte le moins cher.
L'analyse avantages-efficacité diffère
principalement de l'analyse avantages-coûts par
le fait que celle-ci fait absolument tout pour donner une
valeur monétaire aux avantages et aux coûts.
Il est toutefois rare qu'elle réussisse
à les valoriser tous ... la distinction entre
les deux analyses est donc plus quantitative que
qualitative.
- Conseil du Trésor, Guide de l'analyse
avantages-coûts , 1976
2.3 Étapes de l'analyse
avantages-coûts
Il n'y a pas de recettes pour mener une analyse
avantages-coûts. Chaque analyse est différente
et exige à la fois réflexion et imagination.
Néanmoins, il est utile de suivre une série
d'étapes normalisée. C'est une
façon d'assurer l'uniformité
d'une analyse à une autre, qui facilite la vie
des analystes qui font les études et des gestionnaires
qui lisent les rapports.
Il est évident que l'analyste ne peut pas
franchir seul toutes ces étapes; il devra consulter
le décideur et d'autres personnes, recueillir
une foule de renseignements et se servir d'un certain
nombre de techniques d'analyse. Il importe que le
décideur soit tenu au courant de
l'évolution de l'analyse et qu'il
soit d'accord avec l'analyste sur les
hypothèses de ce dernier.
- Conseil du Trésor, Guide de l'analyse
avantages-coûts, 1976
Voici une série d'étapes types à
franchir. Chaque étape est expliquée dans le
chapitre indiqué entre parenthèses.
-
Examiner les besoins, tenir compte des contraintes, puis
formuler des objectifs et des cibles. Préciser le
point de vue selon lequel les coûts et les avantages
seront évalués. (Chapitre 2)
-
Définir les options d'une manière qui
permette à l'analyste de les comparer de
façon équitable. Lorsqu'une option est
évaluée en fonction d'un
scénario de référence, il faut
veiller à ce que ce scénario soit
optimisé. (Chapitre 3)
-
Analyser les effets différentiels et
réunir les données sur les coûts et
les avantages, puis les exposer dans un tableau sur une
période de calcul. (Chapitre 4)
-
Exprimer les données sur les coûts et les
avantages en une unité de mesure normalisée
valable (par exemple, convertir les dollars
historiques en dollars constants et se fonder
sur des prix exacts, non déformés).
(Chapitre 5)
-
Exécuter le modèle
déterministe (utilisant des valeurs uniques
pour les coûts et les avantages, comme si les
valeurs étaient certaines). Établir
l'estimation déterministe de la valeur
actualisée nette (VAN). (Chapitre 6)
-
Faire une analyse de sensibilité pour
déterminer quelle variable semble avoir le plus
d'influence sur la VAN. Se demander s'il serait
possible d'obtenir de meilleures indications sur les
valeurs de ces variables pour limiter l'incertitude
ou si des mesures pourraient la limiter (par exemple
négocier un taux de rémunération).
Ces améliorations seraient-elles réalisables
à un coût suffisamment modique pour
qu'elles soient justifiées? Dans
l'affirmative, agir en conséquence. (Chapitre
7)
-
Analyser le risque en se fondant sur ce que l'on sait
des fourchettes et des probabilités des
valeurs des coûts et des avantages, et en simulant
les résultats escomptés de
l'investissement. Quelle est la valeur
actualisée nette attendue (VANA)? Appliquer les
règles de décision
normalisées. (Chapitres 8 et 9)
-
Définir l'option qui donne la
répartition du revenu souhaitable (selon le niveau,
le sexe ou la région _ quelle que soit la
catégorisation choisie). (Chapitre 10)
-
Formuler une recommandation motivée en se fondant
sur l'analyse quantitative et l'analyse
qualitative des facteurs qu'il est impossible
d'exprimer en dollars.
Cette succession d'étapes est celle que l'on
préfère pour structurer le rapport
d'analyse avantages-coûts.
2.4 Pourquoi le
point de vue est-il important?
Une bonne façon d'amorcer la discussion sur
l'analyse avantages-coûts consiste à
souligner que l'analyste doit constamment travailler
à partir d'un point de vue clair. Quels
coûts et quels avantages doivent être
évalués? L'analyste n'est pas
limité à un seul point de vue. Le gouvernement
peut adopter le point de vue strictement financier, ou un
point de vue social plus large, ou encore les deux. Quel que
soit le point de vue retenu, il doit être clairement
précisé au début de l'analyse, et
pour chaque analyse il faut adopter un seul point de vue.
Il est évident qu'un coût pour une personne
peut être un avantage pour une autre. Toutefois, il se
peut également que ce qui est évident au moment
où on l'énonce peut ne pas être
évident au beau milieu de l'analyse. Il
n'est pas rare que des listes d'avantages ou de
coûts s'apparentent à des pommes et des
oranges pour autant que le point de vue soit cohérent.
Les taxes et les impôts prélevés
devraient-ils être considérés comme un
avantage ou un coût? Les emplois créés
devraient-ils être considérés comme un
avantage ou un coût pour le projet? Tout dépend
du point de vue.
Lorsqu'il n'y a qu'un décideur,
l'analyse fondée sur un seul point de vue est
bien souvent suffisante. Par contre, si les
intérêts de plus d'une personne ou de plus
d'un groupe sont en jeu, plusieurs analyses peuvent se
révéler nécessaires. Tel est le cas
lorsqu'il s'agit de construire des installations
récréatives dans un parc national.
L'analyste qui veut donner des conseils au ministre peut
avoir besoin de connaître le point de vue social
général que suscite le projet (soit
l'ensemble des coûts et des avantages qu'il
représente pour les Canadiens), du point de vue
financier des autorités responsables du parc, du point
de vue de la province intéressée et du point de
vue des groupes environnementaux locaux.
Le point de vue sert à distinguer le
« groupe intéressé » des
« groupes exclus ». Le groupe
intéressé réunit les personnes dont les
coûts et les avantages doivent être pris en
compte dans l'analyse. Supposons par exemple qu'il
soit composé de tous les citoyens de la
localité X. Si l'on consomme entièrement
une partie des ressources de la ville X, il faut tenir compte
du coût qui s'y rattache. Si une partie des
ressources sont données à des personnes de
l'extérieur de la localité X, il faut
également tenir compte du coût qui s'y
rattache. Par contre, si un habitant de la localité X
donne des ressources à un autre habitant de la ville X
sans que rien ne soit consommé, l'ensemble des
ressources des habitants de la ville X ne change pas, et
aucun coût ni avantage n'est calculé en
conséquence. On parle alors de paiement de
transfert (voir paragraphe 4.2.1).
Il faut non seulement définir les coûts et les
avantages correctement, mais aussi choisir des
paramètres qui sont compatibles avec le point de
vue de l'analyse. Par exemple, le choix du taux
d'actualisation approprié est fonction du
point de vue retenu aux fins de l'analyse (voir
partie 5.5.)
2.5 Éléments de
l'analyse avantages-coûts
Toutes les décisions d'investissement de deniers
publics peuvent être modélisées de la
même façon normalisée, à
l'aide du cadre général de l'analyse,
dont les quatre composantes sont les suivantes :
-
un tableau des paramètres;
-
un modèle des effets différentiels;
-
un tableau des coûts et des avantages,
répartis sur la période de calcul;
-
un tableau des résultats possibles de
l'investissement, accompagné d'une
analyse graphique et statistique de la VAN et du risque
d'investissement.
La figure 2.5.1 fait état des composantes en question.
Figure 2.5.1 : Cheminement général de
l'analyse avantages-coûts
Tableau des paramètres
|
Paramètre 1 : Taux de croissance
démographique
|
2 % par an
|
Paramètre 2 : Taux d'actualisation
social
|
10 % par an
|
Paramètre 3 : Augmentation du prix des
pommes
|
5 % par an
|
Modèle des effets
différentiels
|
|
Période
|
|
t0-t1
|
t1-t2
|
t2-t3
|
Activités
|
___
|
___
|
___
|
Conséquences
|
___
|
___
|
___
|
Tableau des coûts et des avantages sur
la période (simplifié)
|
|
Coûts
|
Avantages
|
|
|
Période
|
Matériaux
|
Main-d'oeuvre
|
Ventes
|
Net
($ historique)
|
Net
($ constant)
|
Valeurs
actualisées
|
t0-t1
|
(100 $)
|
(67 $)
|
40 $
|
(127 $)
|
(124 $)
|
(113 $)
|
t1-t2
|
(212 $)
|
(34 $)
|
90 $
|
(156 $)
|
(148 $)
|
(123 $)
|
t2-t3
|
(455 $)
|
(84 $)
|
600 $
|
67 $
|
57 $
|
43 $
|
VAN =
|
(193 $)
|
Le premier élément du modèle
d'investissement est le tableau des
paramètres, qui consiste en une liste des
variables qui servent à calculer les coûts et
les avantages. Par exemple, les coûts et les avantages
d'un projet peuvent être influencés, au fil
des ans, par le taux de croissance démographique de la
collectivité. Au lieu de retaper ce taux à
chaque fois qu'il figure dans une formule du tableau des
coûts et des avantages, il est préférable
de l'inscrire dans le tableau des paramètres et,
au besoin, de faire des renvois dans d'autres parties de
la feuille de calcul. Bien qu'il ne soit pas absolument
indispensable, le tableau des paramètres facilite
toute sorte d'analyses « par
simulation », notamment l'analyse de
sensibilité et l'analyse de risque (voir les
chapitres 7 à 9). Son utilisation simplifie la
tâche de l'analyste lorsque celui-ci doit changer
la valeur du paramètre, ce qui est essentiel pour
l'analyse de risque. Plutôt que de devoir chercher
dans tout le modèle les cas où le taux de
croissance démographique a été
utilisé (au risque d'en oublier quelques-uns),
l'analyste peut modifier la valeur correspondante dans
le tableau des paramètres, ce qui lui permet de
changer automatiquement et simultanément toutes ses
utilisations dans le modèle avantages-coûts.
Le deuxième élément est le
modèle des effets différentiels. Dans le
contexte commercial ou industriel, c'est ce qu'on
appelle parfois le modèle de production. On s'en
sert pour exprimer les activités prévues et les
conséquences attendues au cours de la période
envisagée. La nature des activités est fonction
du projet _ la maladie (projet d'immunisation), les
ventes (projet de stimulation des exportations), le tri du
courrier (projet d'investissement dans le contexte
postal). Étant donné l'incertitude qui
entoure fréquemment ces activités, celles-ci
sont reliées au tableau des paramètres de la
même façon qu'au tableau des coûts et
des avantages, comme nous allons le voir.
Le troisième élément du modèle
est le tableau des coûts et des avantages, qui
consiste en une liste de tous les coûts et de tous les
avantages, la valeur de chacun étant
précisée pour chaque période comprise
dans la période de calcul. Il est
préférable d'exprimer ces valeurs en
dollars historiques de façon à pouvoir y
apporter des corrections, normalement calculées elles
aussi en dollars historiques (en fonction des taxes et
impôts par exemple). Toutefois, il est impossible
d'ajouter ou de soustraire des montants exprimés
en dollars historiques, sur plusieurs périodes;
c'est pourquoi il faut les convertir en dollars
constants, puis en valeurs actualisées, afin de
pouvoir les totaliser. (La partie 2.6 donne des
détails sur la façon de s'y prendre pour
créer un tableau des coûts et des avantages). Il
y a deux façons de procéder. La première
consiste à calculer l'ensemble du tableau des
coûts et des avantages en dollars historiques, puis en
dollars constants, et enfin en valeurs actualisées. La
seconde est un peu plus facile et plus concise :
l'analyste additionne tous les avantages et en soustrait
tous les coûts, pour chaque période comprise
dans la période de calcul, afin d'obtenir une
seule et même valeur nette en dollars historiques pour
chacune des périodes, après quoi les mouvements
de trésorerie nets sont convertis en dollars constants
et en valeurs actualisées. (Les conventions autorisent
l'analyste à ajouter et à soustraire des
dollars historiques au sein d'une même
période, bien qu'il n'obtienne alors
qu'une approximation des valeurs vraies puisque la
valeur du dollar peut changer sur une période
prolongée.) (La question des dollars historiques et
des dollars constants est abordée plus en
détail au chapitre 5.)
Le dernier élément du modèle est le
tableau des résultats de l'investissement.
Chaque fois que le modèle avantages-coûts est
exécuté, il donne une estimation de la VAN de
l'investissement. S'il s'agit d'un
modèle déterministe, dans lequel tous les
intrants ont des valeurs fixes, le résultat
donne toujours la même VAN. S'il s'agit par
contre d'un modèle d'analyse de risque, les
valeurs des paramètres varient dans une fourchette
préétablie en fonction des probabilités,
de sorte que la VAN estimative varie elle aussi. On obtient
alors une liste de VAN possibles, dont il faut faire une
analyse statistique pour calculer la véritable VAN
probable. L'analyse statistique révèle les
valeurs maximale et minimale de la VAN ainsi que les
probabilités que la VAN se situe dans
différentes fourchettes. Muni de ces renseignements,
l'analyste peut appliquer les règles de
décision pour vérifier si le projet est valable
et s'il constitue la meilleure solution de rechange.
2.6
Construction des tableaux des coûts et des
avantages
Dans l'analyse avantages-coûts, c'est
l'établissement des tableaux des coûts et
des avantages sur la période de calcul qui prend le
plus de temps. Pour construire ces tableaux, l'analyste
définit toute la gamme des coûts et des
avantages en jeu, fait une estimation quantitative de chacun
d'eux pour chaque période comprise dans la
période de calcul et détermine leurs valeurs en
fonction de leurs prix pour chacune des périodes.
C'est une tâche qui exige de la minutie, car la
qualité de l'analyse avantages-coûts
dépend de la qualité des données
utilisées.
Il n'y a pas de raccourci. Il est rarement, pour ne pas
dire jamais, possible d'établir les coûts
et les avantages pour une année, puis de postuler que
ces valeurs se répéteront 25 fois, en
dollars constants, jusqu'à la fin de la
période de calcul t25. La
réalité est tout autre. Non seulement les prix,
mais aussi les prix relatifs changent _ le coût
des terrains augmente alors que celui de la puissance de
calcul diminue, et le prix des biens de consommation est
cyclique par exemple. Par ailleurs, l'analyste des
coûts et des avantages ne possède pas toujours
la compétence requise pour évaluer toutes les
quantités et tous les coûts nécessaires
aux fins de l'analyse, ce qui peut l'amener
à recourir à d'autres spécialistes
pour obtenir des données estimatives.
Dans certains cas, l'analyste utilise des états
financiers pro forma pour un programme ou un projet
proposé, ou encore des états des revenus et des
dépenses liés aux activités, ce qui
l'amène souvent à apporter des corrections
aux données de ce genre pour qu'elles puissent
correspondre au cadre de l'analyse. À ce propos,
il n'y a pas de bons et de mauvais cadres. Ils ont tous
leur propre cohérence interne, mais les données
utilisées dans un cadre peuvent ne pas être
utilisables dans un autre.
La principale différence entre les flux de
trésorerie utilisés dans les analyses
avantages-coûts et ceux qui sont utilisés pour
les données commerciales résident dans le fait
que dans le second cas les tableaux peuvent comprendre des
valeurs cumulatives, notamment pour amortissement et
des montants semblables. En analyse avantages-coûts, il
n'y a pas de valeurs cumulatives, de montants pour
amortissement ou d'autres postes « hors
caisse ». Chacun des coûts et des avantages
est entièrement calculé au moment où il
se produit (sa valeur cumulative n'est pas
calculée à l'avance); le facteur temps est
établi grâce à
l'actualisation et les changements de valeur des
biens sont effectués par l'inscription de
valeurs résiduelles à la fin de la
période de calcul.
En outre, en analyse avantages-coûts, la valeur des
comptes créditeurs et des comptes débiteurs
n'est pas calculée avant que l'argent ait
été effectivement reçu ou versé.
Le fonds de roulement ne constitue pas un coût,
même si sa fluctuation pendant une période
donnée est considérée soit comme un
coût (si le fonds de roulement baisse), soit comme un
avantage (s'il augmente). Les coûts de production
sont calculés intégralement lorsqu'ils
sont engagés. Les variations de stock peuvent
être considérées comme des coûts ou
comme des avantages, mais leur évaluation est fonction
des coûts de production et des ventes. En analyse
avantages-coûts, les tableaux des rentrées et
des sorties de fonds sont simples, au sens où chaque
coût avantage est calculé au moment où il
est supporté/obtenu. Le concept est simple, mais son
application peut parfois gêner les agents financiers
qui sont habitués à la comptabilité
d'exercice.
2.7 Conventions comptables
Lorsqu'on a bien compris la forme générale
du modèle d'analyse avantages-coûts, il est
bon de réfléchir aux conventions
utilisées pour l'établir de façon
normalisée. Une convention n'est pas
nécessairement meilleure qu'une autre, mais la
normalisation s'impose pour que le modèle puisse
être un instrument de comparaison
générale. Les conventions sont importantes pour
de nombreux aspects du modèle, comme la période
de calcul, les hypothèses de concrétisation et
le numéraire _ unité de mesure
commune.
2.7.1 Période de calcul
La période de calcul se situe à la fin de la
période sur laquelle les coûts et les avantages
sont comparés pour déterminer si
l'investissement en vaut la peine. S'il est
possible d'établir les coûts et les
avantages pour toute la durée économique du
projet et que les incertitudes sont faibles, la durée
économique totale est alors la période qui
convient le mieux pour faire le calcul. Dans le cas
contraire, il peut y avoir des points logiques, pendant la
durée économique du projet, auxquels on peut
mettre fin à l'analyse. Par exemple, il peut y
avoir un point auquel des coûts et des avantages
relativement certains sont soudainement remplacés par
des valeurs beaucoup plus incertaines. Par exemple, la
réfection d'un bâtiment tend à
correspondre à des cycles de cinq à
sept ans pour la peinture et la moquette, de 15 à
17 ans pour les systèmes de chauffage par
exemple, et de 25 à 50 ans pour les principaux
éléments de structure. Ces seuils, auxquels de
nouvelles incertitudes d'envergure se manifestent,
peuvent déterminer le choix d'une période
de calcul approprié. Néanmoins, il est
important de ne pas opter délibérément
pour une période de calcul favorable au projet.
Même si l'on envisage une seule option, il peut
être souhaitable d'analyser le projet selon
diverses périodes de calcul, pour savoir si le
résultat dépend de la période de calcul
choisie. Si l'on compare diverses solutions de rechange,
il faut appliquer la même période de calcul pour
l'analyse de chaque solution (voir paragraphe 3.3.1).
2.7.2 Hypothèses concernant la
concrétisation des coûts et avantages
Les coûts et les avantages sont concrétisent
à différents moments pendant la période
normalisée envisagée (un an, par exemple). Il
faut donc une convention pour établir le moment auquel
les coûts et les avantages seront postulés au
cours de la période. En temps normal, l'analyste
a le choix entre trois possibilités : au
début de la période, au milieu ou à la
fin de celle-ci. Cette pratique s'appuie sur la
nécessité de disposer d'un mode de
répartition raisonnablement simple des coûts et
des avantages au fil du temps, pour qu'il ne soit pas
trop difficile de convertir les dollars historiques en
dollars constants, puis en valeurs actualisées.
On part du principe que si tous les avantages et les
coûts sont transférés au même
moment de chaque période comprise dans la
période calcul, tout compte fait, le résultat
global ne changera pas. C'est en général
une hypothèse raisonnable, sauf lorsqu'un
coût ou un avantage extrêmement important fait
l'objet d'un gros transfert, disons du tout
début d'une période donnée
jusqu'à la fin de celle-ci. C'est souvent le
cas lorsque l'investissement initial est de taille.
L'analyste qui applique la comptabilité de fin de
période suppose que l'investissement se produit
à la fin de la première année (et par
conséquent le corrige de l'inflation et
l'actualise), alors qu'en fait il a eu lieu au
début de l'année. Le rajustement
artificiel d'un coût important peut influer
très nettement sur le résultat de
l'analyse, si aucun avantage correspondant n'est
corrigé de la même façon dans le
même modèle.
Ce genre de problème a mené à
l'adoption de conventions hybrides. Par exemple, dans un
tableau des coûts et des avantages, il est courant de
supposer que les coûts et les avantages figurant dans
la première colonne de chiffres se situent à un
moment donné, appelé t0,
plutôt que dans une période donnée. La
colonne suivante correspond aux coûts et aux avantages
pour la période
t0-t1. Par
conséquent, si t0 constitue le point
de référence choisi, comme c'est
généralement le cas, l'investissement
initial n'est ni ajusté en fonction de
l'inflation, ni actualisé. Nous recommandons
cette façon de procéder lorsque
l'investissement initial est important.
Il est important de savoir quelles conventions temporelles
sont intégrées aux logiciels utilisés
afin d'éviter des calculs erronés. Il
conviendrait de préciser, dans chaque rapport
d'analyse avantages-coûts, la convention
temporelle utilisée.
2.7.3 Le numéraire _ une
unité de mesure commune
Avant qu'on puisse les totaliser, tous les coûts
et tous les avantages doivent être exprimés en
une unité de valeur commune, ce qui suppose
premièrement qu'ils soient exprimés sous
la forme d'un numéraire commun (par exemple en
dollars canadiens de fonds d'investissement),
qu'ils soient corrigés en fonction de
l'inflation au besoin (conversion en dollars
constants) et qu'ils soient exprimés en valeurs
actualisées (soit compte tenu des divers moments
auxquels les coûts et les avantages se
concrétisent).
Les coûts et les avantages doivent être
calculés dans une unité monétaire
commune avant de pouvoir être comparés. La
plupart des analystes de l'investissement utilisent
comme unité de mesure un dollar d'investissement.
Néanmoins, certains modèles du secteur public
ont comme numéraire un dollar de consommation ou un
dollar de devises étrangères. Toutes ces
unités sont acceptables, mais la clarté et
l'uniformité sont essentielles. Si les
distorsions de prix sont fréquentes dans une
économie donnée, l'analyse
avantages-coûts peut employer comme numéraire
les prix à la frontière ou les prix mondiaux,
autrement dit la meilleure mesure de la vraie valeur des
coûts et des avantages. Pour la plupart des fins du
gouvernement du Canada, le dollar d'investissement
exprimé en prix canadiens est un numéraire
satisfaisant, qui a l'avantage d'être facile
à comprendre.
Les dollars constants et les valeurs actualisées (qui
ne désignent pas les mêmes choses!) sont
définis à un moment donné. On peut
choisir n'importe quel moment, mais t0
correspond le plus souvent au moment auquel l'analyse
est effectuée, c'est-à-dire au
début du projet ou au début d'un nouvel
exercice. Les coûts engagés avant
t0 sont par conséquent
rajustés à la hausse plutôt
qu'à la baisse, pour correspondre à une
valeur équivalente à t0.
2.8 Contenu du rapport
En général, les rapports d'analyse
avantages-coûts doivent contenir au moins :
-
une description du besoin, du problème ou de la
possibilité;
-
une description des options, accompagnée d'une
explication des raisons pour lesquelles elles ont
été choisies et celles pour lesquelles elles
font l'objet d'une comparaison équitable;
-
un énoncé du point de vue de l'analyse;
-
un énoncé des hypothèses et des
scénarios;
-
une analyse déterministe;
-
une analyse avantages-coûts et une analyse de
risque;
-
un exposé sur les effets
d'équité et sur d'autres effets
non économiques;
-
une liste des options, classées dans un ordre de
préférence.
Meilleure pratique _ Modèle
général de l'analyse
avantages-coûts
-
L'analyse avantages-coûts peut
être appliquée à une
vaste gamme de décisions du
gouvernement du Canada.
-
Chaque analyse avantages-coûts doit
préciser le point de vue à
partir duquel les avantages et les
coûts sont évalués.
-
Il n'y pas de recettes en analyse
avantages-coûts; il est utile de
commencer par une série
d'étapes normalisée.
-
Chaque analyse avantages-coûts
devrait normalement comprendre un tableau
des paramètres, un modèle des
effets différentiels, un tableau des
coûts et des avantages, un tableau
des résultats éventuels de
l'investissement et une analyse
graphique et statistique des VAN attendues
et du risque d'investissement.
|
3. Définition d'options valables
La comparaison est rance.
- Shakespeare, Beaucoup de bruit pour rien
3.1 Pourquoi est-il difficile de
définir des options valables?
Deux conditions doivent être remplies pour que la
comparaison des solutions envisageables dans une analyse
avantages-coûts soit impartiale. La première
consiste à faire en sorte que toutes les
solutions pertinentes soient étudiées.
L'investissement envisagé doit être
comparé aux meilleures autres possibilités
d'utilisation des ressources. Au fond, il ne suffit pas
de partir du principe qu'un projet est un rendement
égal au taux d'actualisation pour être
acceptable. D'autres projets pourraient avoir un
meilleur rendement!
La deuxième condition, c'est que les solutions
à comparer doivent toutes être définies
d'une façon cohérente et juste. À
cet égard, il ne suffit pas non plus de faire une
comparaison simple entre deux possibilités
d'investissement si leurs échelles, le
moment choisi pour les concrétiser ou encore les
propriétaires diffèrent. Ce n'est pas
toujours évident à la lecture de certains
textes, qui donnent l'impression que n'importe
quelles solutions de rechange, quelle que soit la
façon dont elles sont structurées, peuvent
être comparées en se contentant de calculer leur
VAN. C'est faux, car il se pourrait qu'une
hypothèse ne soit pas valide.
Une hypothèse douteuse consiste à penser que
les ressources inutilisées génèrent un
taux de rendement normal (autrement dit
équivalent au taux d'actualisation). Selon une
telle hypothèse, la valeur actualisée des
ressources est égale à zéro (par
exemple, si le bien inutilisé a un rendement de
10 p. 100 par an et que son taux
d'actualisation est lui aussi de 10 p. 100 par
an, alors ça marche, du moins pour la VAN). En
conséquence, ajouter ou soustraire les ressources
inutilisées ne peut influer sur la valeur
actualisée globale d'un investissement
envisagé. Prenons l'exemple d'un
investissement A, dont le coût est de 70 $
et la VAN de 30 $, et d'un
investissement B, qui coûte 200 $ et
dont la VAN est de 31 $. Selon la règle de
décision fondée sur la VAN (voir
partie 6.1), l'investissement B est
meilleur. Toutefois, cela suppose que les 130 $
économisés, si on opte pour
l'investissement A, aient une VAN de zéro
et, par conséquent, n'influent pas sur la
décision d'investissement. Cette hypothèse
est implicite, en quelque sorte cachée, et elle
pourrait ne pas être valide.
En réalité, les ressources restantes si
l'on opte pour l'investissement le moins
coûteux, ou si l'on décide d'investir
plus tard, peuvent ne pas avoir un taux de rendement
équivalent au taux d'actualisation. En fait, dans
le contexte gouvernemental, il n'est pas rare que ces
ressources aient un taux de rendement négatif à
court terme, en raison des coûts de détention.
Prenons par exemple le cas d'un ministère qui
doit décider soit de rénover un vieux
bâtiment dont il est déjà
propriétaire, soit de louer un nouveau bâtiment.
S'il opte pour la location, qu'advient-il du vieux
bâtiment? La règle de décision classique
fondée sur la VAN revient à postuler que les
ressources immobilisées dans le vieux bâtiment
(à toutes fins utiles sa valeur marchande actuelle)
auront un taux de rendement égal au taux
d'actualisation. Bien entendu, c'est peu probable.
Il est beaucoup plus probable que le bâtiment restera
inoccupé, en attendant qu'on l'utilise
à d'autres fins, de sorte qu'un calcul de la
VAN qui ne tient pas compte de la réalité
risque fort d'induire les décideurs en erreur.
3.2 Scénario de
référence optimisé
Il est important de déterminer l'ensemble des
options les plus prometteuses, et c'est pourquoi le
généraliste de l'analyse
avantages-coûts collabore avec des spécialistes
du domaine visé. Par exemple, si le gouvernement du
Canada voulait améliorer le délai hivernal de
franchissement de la Voie maritime du Saint-Laurent par les
cargos, les options seraient essentiellement définies
par des spécialistes du transport maritime, de
l'établissement des conditions de la glace, des
communications et des domaines techniques connexes. Il
s'agit fondamentalement d'établir ce qui
marchera ou ne marchera pas, en laissant temporairement de
côté la question de l'attrait financier.
À cette étape du processus, il ne conviendrait
pas de rejeter des options pour des raisons de politique ou
d'équité, avant que leurs valeurs
économiques nettes soient connues.
Lorsqu'on décide de réaliser ou de rejeter
un projet donné, il est important que le
scénario de référence (sans projet) soit
optimisé avant que les coûts et les avantages du
projet envisagé soient calculés. On est
fréquemment tombé dans l'erreur en
négligeant de le faire. Le statu quo n'est pas
nécessairement le scénario de
référence optimal. Il est souvent possible
d'améliorer les résultats sans faire de
gros investissements. Lorsque c'est le cas, c'est
le statu quo amélioré qui constitue le
scénario de base auquel il faut comparer le projet
envisagé. En d'autres termes, ce qui nous
intéresse, ce n'est pas la situation
« avant » ou
« après », mais bien la
situation la meilleure « avec » ou
« sans » le projet.
Lorsqu'il vous faut définir les options à
analyser, il ne faut pas perdre de vue que les
décisions d'investissement public
présentent trois caractéristiques importantes.
Premièrement, elles sont dans une certaine mesure
irréversibles, car les ressources
engagées ne peuvent être
récupérées. Deuxièmement, les
résultats de l'investissement peuvent être
incertains, en raison du caractère incertain
des données d'entrée.
Troisièmement, le décideur a une certaine marge
de manoeuvre pour choisir le moment de
l'investissement.
Nous reviendrons plus longuement sur la question de
l'incertitude aux chapitres 7 à 9. Les
questions de l'irréversibilité et du
moment optimal, que les analystes connaissaient mais auxquels
ils n'accordaient guère d'attention dans le
passé, ont pris une grande importance dans les
années 90. La possibilité d'attendre
avant de faire un investissement irréversible est une
option importante. C'est par exemple le cas
lorsqu'un investissement initial apporte des avantages
qui s'accroissent avec le temps, comme la construction
d'une nouvelle route sur laquelle la circulation est
appelée à s'intensifier. Investir
immédiatement dans un tel projet pourrait avoir une
VAN positive, mais cela pourrait aussi masquer une VAN
négative au cours des premières années,
puisque les avantages des dernières années
prédominent. En pareil cas, il est important
d'attendre le moment optimal pour investir. De
façon générale, le fait de
n'écarter aucune solution en attendant
d'avoir de nouveaux renseignements qui pourraient
influer sur votre décision est une démarche qui
pourrait s'avérer utile.
3.3 Comment établir des options
valables
Le seul moyen de vous assurer que les options dont on compare
les valeurs actualisées sont vraiment valables
consistent à les uniformiser selon les critères
du temps, de l'échelle et des
éléments appartenant déjà
à l'investisseur.
3.3.1 Uniformisation du volet temporel
des options
S'il existe deux possibilités
d'investissement mais que la période dans
laquelle elles s'inscrivent est différente, elles
doivent être uniformisées en choisissant la plus
longue période dans les deux cas. Si un projet
commence plus tôt et que l'autre se termine plus
tard, la période normalisée débute en
général avec la date la plus rapprochée
et se termine avec la date la plus lointaine. Il faut tenir
compte de toutes les ressources, pour tous les projets ayant
des délais d'exécution différents,
et ce pour toute la durée d'exécution. Il
arrive que des éléments indivisibles
déterminent la façon de normaliser le
délai d'exécution. Par exemple, si vous
devez choisir entre la construction d'une route en
gravier (durée de vie de six ans) ou asphaltée
(durée de vie de 15 ans), quelle période
de calcul faudrait-il choisir pour que la comparaison soit
valable? Il y a deux possibilités :
Comparaison 1 : 2 revêtements d'asphalte pour 5
revêtements de gravier (période de calcul de
30 ans)
Comparaison 2 : 1 revêtement d'asphalte pour 3
revêtements de gravier (période de calcul de
18 ans)
La première comparaison semble valable : (2 ´ 15) = (5 ´ 6). La seconde ne
l'est pas : (1 ´ 15) ¹ (3 ´ 6).
Qu'arrivera-t-il à la route asphaltée
à la fin de la durée de vie de son
revêtement (après 16 à 18 ans)?
3.3.2 Uniformisation de
l'échelle des options
L'uniformisation de l'échelle des options se
déroule de la même façon que
l'uniformisation du volet temporel, comme nous venons de
le faire. Si vous avez deux possibilités
d'investissement qui exigent un niveau
d'investissement différent, les ressources
restantes dans le cadre de l'investissement le moins
important devraient faire l'objet d'un calcul
distinct, car il ne suffit pas de postuler qu'elles ont
une VAN zéro.
3.3.3 Uniformisation des
éléments appartenant déjà
à l'investisseur
Si une option d'investissement exige une ressource qui
appartient déjà au gouvernement,
l'analyste doit montrer ce qu'il adviendrait de
cette ressource pour chacune des possibilités
d'investissement existantes. Par exemple, si le
gouvernement est propriétaire d'un bâtiment
et qu'une option consiste à le rénover,
chacune des autres possibilités doit également
prévoir ce qu'il adviendrait du bâtiment.
Vous ne pouvez pas postuler aveuglement que le bâtiment
aura un taux de rendement donné s'il n'est
pas utilisé aux fins proposées. En fait, on
commet fréquemment plusieurs erreurs. Une erreur
consiste à supposer souvent sans le vérifier,
que les ressources appartenant à l'investisseur
ont un taux de rendement standard (égal au taux
d'actualisation). Une autre erreur consiste à les
traiter comme si elles ne coûtaient rien. Une
troisième erreur consiste à les prendre en
considération uniquement dans le scénario
d'investissement où elles sont
particulièrement pertinentes et de faire comme si
elles n'existaient pas dans les autres scénarios.
La règle est la suivante : si un bien appartenant
déjà à l'investisseur figure dans
l'évaluation d'une solution, il doit figurer
dans l'évaluation de toutes les autres solutions,
et le taux de rendement du bien doit être établi
dans chaque cas.
La façon correcte de traiter les biens appartenant
déjà à l'investisseur consiste
à tenir compte (dans toutes les possibilités
d'investissement) de leur coût
d'option intégral au début et à
la fin de la période d'investissement
normalisée. La meilleure façon de mesurer ce
coût, c'est de déterminer la valeur
marchande nette du bien, compte tenu, le cas
échéant, des coûts de vente, des frais de
nettoyage du site et du temps consacré à la
vente.
3.3.4 Diagrammes des options valables
Dans la pratique, il peut être difficile de
conceptualiser les possibilités d'investissement
en normalisant le facteur temps, l'échelle et les
éléments appartenant déjà
à l'investisseur. Un diagramme peut permettre de
clarifier un ensemble complexe de possibilités
d'investissement. Nous appelons ce genre de diagramme,
un diagramme des options valables.
La figure 3.3.4 est un exemple donné pour trois
options de locaux capables d'accueillir
350 personnes. Il est à noter que les options
doivent avoir la même échelle et que la
meilleure façon de mesurer celle-ci, c'est de
voir à ce qu'ils puissent accueillir
350 personnes même si leur superficie
diffère. Toutes les options couvrent la même
période (quatre ans) et dans chaque cas il est
précisé ce qui arrivera aux biens appartenant
à l'investisseur.
Figure 3.3.4 : Exemple de diagramme des options
valables
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
OPTION
1
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|
|
|
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40, rue Pond
|
|
1480 m2
|
151, rue Pond
|
3340 m2
|
243, rue Scotch
|
250 m2
temporaire
|
190 m2
|
380, rue Willis
|
1055 m2
|
|
|
|
|
|
|
|
|
OPTION
2
|
|
|
|
|
40, rue Pond
|
1480 m2
|
|
|
|
151, rue Pond
|
3340 m2
|
Nouveau bâtiment
|
|
1670 m2
|
|
|
|
|
|
OPTION
3
|
|
|
|
|
40, rue Pond
|
|
|
|
|
151, rue Pond
|
|
|
|
|
Location à bail
|
5010 m2
|
|
|
|
|
|
|
Espace non utilisé
|
|
Espace utilisé
|
|
|
|
|
|
|
Les trois options ont été uniformisées
de la façon suivante :
-
le délai d'exécution est le même
pour chaque investissement (de 1996 à 1999);
-
l'envergure du projet est la même (locaux pour
350 personnes);
-
les locaux appartenant déjà à
l'investisseur (40, rue Pond) figurent dans chacune
des options;
-
il existe un plan plausible d'utilisation des locaux
appartenant à l'investisseur, qui ne sont pas
utilisés dans une option donnée.
3.3.5
Éléments non essentiels des options
Les options doivent être non seulement
indépendantes, mais aussi valables. Autrement dit,
elles doivent être à la fois complètes et
économiques, ce qui signifie en
l'occurrence qu'elles devraient se limiter à
l'essentiel. Par exemple, supposons que le gouvernement
fédéral possède des terrains près
d'un aéroport, dont la valeur marchande devrait
augmenter au cours des années à venir. Il se
demande s'il doit construire un centre de formation. En
pareil cas, le centre de formation pourrait être un
mauvais investissement, mais la VAN globale du projet peut
sembler intéressante en raison de la valeur croissante
des terrains. Pareil raisonnement n'est pas valable.
Vous devez vous assurer que tous les éléments
d'une option sont bel et bien essentiels, faute de quoi
les résultats de l'analyse avantages-coûts
risquent d'être trompeurs.
3.4
Analyse des effets différentiels
Avant de pouvoir entreprendre l'analyse
financière ou économique d'un projet ou
d'un programme envisagé, vous devez clairement
comprendre les effets différentiels et les
conséquences auxquels ont doit s'attendre. En
général, vous devrez avoir recours à des
spécialistes du domaine. Si le projet consiste
à réduire les risques de déversement de
pétrole, l'équipe d'analyse devrait
alors comprendre des ingénieurs et des scientifiques,
qui pourront produire des estimations de la fréquence
escomptée des déversements, évaluer les
conséquences possibles des déversements pour
les écosystèmes marins et déterminer la
mesure dans laquelle le projet permettra de prévenir
les déversements ou encore d'en réduire
les conséquences néfastes. De même, si le
projet consiste à construire une route
d'évitement, c'est à des
ingénieurs spécialisés qu'il faut
confier l'estimation des améliorations
différentielles de la sécurité et du
temps de déplacement qui en résulteront. Par
conséquent, en analyse avantages-coûts, deux
aptitudes propres au domaine sont toujours
nécessaires :
-
l'aptitude à évaluer la
fréquence escomptée des faits;
-
l'aptitude à évaluer les
conséquences possibles des faits.
L'analyste avantages-coûts emploie pour sa part
deux aptitudes visant à interpréter les
renseignements fournis par les spécialistes du
domaine :
-
l'aptitude à évaluer les
résultats en dollars;
-
l'aptitude à faire des comparaisons
équitables entre les avantages et les coûts.
Il ne faudrait toutefois pas exagérer la
différence entre ces deux ensembles d'aptitude,
car les deux sont fondés sur les mêmes
compétences en matière d'analyse.
L'important, c'est que bien souvent une analyse en
bonne et due forme exige un travail d'équipe.
Meilleure pratique _
définition des options valables
-
Pour tous les investissements publics, la
comparaison des options les plus
prometteuses s'impose.
-
Lorsqu'une seule proposition est
envisagée, il faut la comparer
à un scénario de
référence, qui doit
être optimisé.
-
La possibilité de retarder un projet
en attendant d'obtenir de meilleurs
renseignements, ou en attendant que les
conditions s'améliorent pour
amorcer le projet, peut avoir une valeur
considérable.
-
Pour que la comparaison soit valable, il
faut uniformiser les facteurs
d'échelle et de temps et les
éléments appartenant
déjà aux investisseurs. Un
diagramme des options valables peut
clarifier un ensemble complexe de
possibilités d'investissement.
|
4.
Mesure et évaluation des coûts et des avantages
4.1 Introduction
Ce chapitre expose la façon de s'y prendre pour
mesurer les coûts et les avantages de façon
à obtenir l'information à intégrer
au cadre d'analyse. Le cadre général de
l'analyse avantages-coûts peut s'apprendre en
une semaine, mais la mesure des coûts et des avantages
est un sujet extrêmement vaste, qui fait appel à
une très large gamme de compétences. Dans le
présent Guide, nous ne pouvons en parler que
brièvement; les analystes seront souvent
appelés à consulter des documents plus
spécialisés sur la question (voir le choix de
lectures proposé à l'Annexe C).
Mesurer les coûts et les avantages, et les
évaluer en dollars nécessitent de nombreuses
compétences. Par exemple, dans le cas d'un projet
de pollution des eaux d'effluent d'une usine, un
chimiste industriel doit évaluer le changement
différentiel de la quantité de matières
polluantes déversées dans la rivière, un
biologiste doit mesurer les effets de ce changement sur les
bactéries présentes dans le cours d'eau,
un spécialiste des sciences de la santé doit
étudier les effets de ce changement sur la
santé et sur les choix récréatifs de la
population locale, après quoi un analyste
avantages-coûts doit calculer en dollars la valeur des
avantages que le projet apporte à la
collectivité. Il est à noter que
l'analyste avantages-coûts ne fait qu'un
calcul, et pas nécessairement le plus difficile.
4.2 Quelques concepts importants
Même quand on sait compter en unités
normalisées, il faut choisir ce qu'on compte avec
prudence. En particulier, l'apport différentiel,
les transferts, le coût d'option, le coût
irrécupérable et la valeur résiduelle
sont des concepts importants pour l'analyse
avantages-coûts. Seuls les avantages et les coûts
occasionnés par le projet doivent être
comparés, et non ceux qui sont simplement
associés d'une quelconque façon au projet.
Par exemple, lorsqu'on fait une analyse
avantages-coûts d'un programme gouvernemental de
subventions visant à encourager les exportateurs, il
faut connaître non seulement les ventes à
l'exportation, mais tout particulièrement savoir
quelles ventes n'auraient pas eu lieu en l'absence
du programme.
Pour éviter le comptage double, il faut conserver le
même point de vue pendant toute l'analyse, mais
cela ne suffit pas. L'équipe d'analyse doit
parfaitement comprendre l'investissement proposé
pour être capable d'établir un ensemble
cohérent des coûts et des avantages qui s'y
rattachent, sans les compter deux fois. Par exemple,
supposons qu'on aménage une nouvelle usine de
traitement des eaux usées. La valeur
récréative de la rivière
s'accroît, celle des terrains des alentours
également, et les problèmes de santé
diminuent. Mais, si tous ces effets sont
considérés comme des avantages, il y a
probablement eu double comptage, car l'augmentation de
la valeur des terrains est probablement un facteur de mesure
des autres avantages, plutôt qu'un avantage en
soi.
4.2.1 Comparaison des transferts aux
véritables avantages-coûts
Dans le contexte de l'analyse avantages-coûts, il
faut compter les ressources créées ou
consommées. Celles qui passent tout simplement
d'un point à un autre ne sont pas
considérées comme des coûts ou des
avantages. Par exemple, l'impôt sur le revenu est
un transfert du point de vue de l'ensemble du pays.
L'argent change de place mais n'est pas
dépensé, si l'on fait exception des
coûts administratifs et des coûts de dissuasion.
Le « point de vue » permet de
déterminer si l'opération constitue un
transfert ou non. C'est grâce à lui
qu'on établit si les ressources sont
passées d'un point à un autre (auquel cas
on parle de transfert) ou si elles sont sorties du groupe ou
encore ont été dépensées (auquel
cas il s'agit d'un coût). Du point de vue de
l'entreprise privée, l'impôt sur le
revenu constitue bel et bien un coût.
Dans certains cas, les tarifs douaniers, les subventions, les
taxes et les impôts, les prestations d'aide
sociale et de nombreux autres paiements et cotisations
peuvent être des transferts. L'important,
c'est d'établir si les ressources ont
été obtenues ou perdues par le ou les
intervenants, du point de vue selon lequel l'analyse se
déroule.
4.2.2 Coût d'option et
coût irrécupérable
Dans le calcul des avantages de projets de
l'État, la valeur à retenir est le prix
que les consommateurs sont disposés à donner
pour les produits, c'est-à-dire le prix du
producteur plus les taxes moins les subventions. Dans le
calcul des coûts, la réponse est plus
complexe. Prenons le cas des facteurs de production
intermédiaires. S'ils sont frappés
d'une taxe, ceux qui s'en servent doivent les
payer plus cher que ce qu'il en a réellement
coûté pour les produire. S'ils sont
subventionnés, l'effet est inverse. Pour
calculer ce que coûtent les facteurs
intermédiaires nécessaires au projet public,
il faut à tout prix savoir si ces facteurs
proviennent de nouveaux approvisionnements ou sont
enlevés à d'autres usagers. Dans le
premier cas, la mesure à retenir est la valeur des
ressources réelles utilisées, qui est
équivalente au prix payé par les autres
utilisateurs moins les taxes plus les subventions. Dans le
second, la mesure qui convient est la valeur des facteurs
dans leur autre emploi, c'est-à-dire le prix
du producteur plus les taxes moins les subventions.
- Conseil du Trésor, Guide de
l'analyse avantages-coûts, 1976
Le coût d'option est la valeur intrinsèque
des ressources sacrifiées. Il doit être
calculé même en l'absence de transactions
au comptant explicites. Par exemple, si je pouvais vendre mon
ordinateur 1 000 $, mais qu'au lieu de cela je
m'en sers pour un projet, le coût d'option
(à imputer sur le projet) est de 1 000 $,
même s'il n'y a aucune transaction au
comptant.
Le coût est
« irrécupérable »
s'il est supporté ou engagé de
façon irrémédiable. Il ne faut pas en
tenir compte dans l'analyse avantages-coûts car il
ne peut être touché par la décision en
question. Par exemple, si j'ai payé mon
ordinateur 3 000 $, mais que sa valeur marchande au
moment de l'analyse n'est que de 1 000 $,
cette valeur de 1 000 $ représente le
coût d'option si je décide de m'en
servir pour réaliser un projet plutôt que de le
vendre, tandis que les 2 000 $ représente un
coût irrécupérable qui n'a plus
aucune pertinence.
4.2.3 Externalités
Il faut bien chercher à tenir compte de tous les
effets sensibles d'affectation des ressources dans
l'évaluation de l'efficacité des
dépenses de l'État, mais il reste que
certaines de ces incidences peuvent être moins
évidentes que d'autres [...] Ces effets
implicites peuvent être soit internes (auquel cas
ils s'exercent sur des intervenants directs dans le
projet) soit externes (s'ils s'exercent alors
sur des personnes qui n'interviennent pas directement
dans le projet, mais qui font partie du groupe dont le
point de vue est celui de l'analyse). Les revenus
perdus pendant les cours sont un exemple des effets
implicites internes pour les participants à un
programme de formation, par exemple. Les effets externes
(qu'on appelle aussi retombées, effets
sociaux, etc.) s'entendent notamment de facteurs tels
que la pollution ou la congestion [...] Il est
évident que ne pas tenir compte des coûts ou
des avantages implicites peut entraîner des erreurs
graves dans l'analyse.
- Conseil du Trésor, Guide de l'analyse
avantages-coûts, 1976
4.2.4 Valeur résiduelle
La valeur résiduelle est la valeur du bien à la
fin de la période de calcul. Par exemple, supposons
que vous investissiez dans une propriété
locative. À la fin de la période de calcul, le
terrain conserve une certaine valeur. La valeur
résiduelle est donc un avantage dont il faut tenir
compte dans l'évaluation d'un projet. La
plupart du temps, elle correspond à la valeur
marchande du bien. Toutefois, les gouvernements ont souvent
des « installations à vocation
spéciale » (comme les laboratoires de
recherche) pour lesquelles la valeur marchande n'est
peut-être pas un indicateur valable. La valeur de ces
installations peut être aussi faible que la valeur
marchande du terrain moins les coûts de
démolition, mais elle peut aussi être aussi
élevée que le coût de remplacement des
bâtiments et du terrain.
Dans le contexte de l'analyse avantages-coûts, on
distingue souvent le terrain des bâtiments pour
calculer la valeur résiduelle. L'analyste utilise
un indice pour calculer la valeur marchande escomptée
du terrain. Ensuite, il estime la durée
d'utilisation économique des bâtiments et
leur valeur de remplacement est calculée au prorata en
fonction du pourcentage de cette période qui se sera
écoulée à la fin de la période de
calcul. Par exemple, prenons le cas d'une installation
qui, à t0, consiste en un terrain
d'une valeur de un million de dollars et en des
bâtiments d'une valeur de 2 millions de
dollars. À t10
(c'est-à-dire à la fin de la
période de calcul), la valeur du terrain devrait
être passée à 1,5 million de dollars
(dollars historiques) tandis que la valeur de remplacement
des bâtiments devrait s'être établie
à 3,5 millions de dollars (également en
dollars historiques). Supposons aussi que 10 ans
représentent 50 p. 100 de la période
d'utilisation économique des bâtiments. Il
s'ensuit que la valeur résiduelle de
l'installation, à t10, serait
d'environ 1,5 million de dollars (pour le terrain)
plus 1,75 million de dollars (la moitié de la
valeur de remplacement des bâtiments).
Divers problèmes peuvent surgir lorsqu'on utilise
des valeurs résiduelles. Une erreur consiste à
calculer la valeur résiduelle d'un bien
appartenant déjà à l'investisseur
sans tenir compte du coût d'option correspondant
à t0. Que le bien appartienne
déjà à l'investisseur ou pas, sa
valeur totale doit être calculée comme un
coût à t0, afin que l'on
puisse considérer sa valeur résiduelle comme un
avantage à tn.
Une autre erreur consiste à donner une valeur peu
élevée au coût et une valeur
élevée à l'avantage
résiduel. La façon dont le coût est
calculé à t0 doit être
comparable à la façon dont l'avantage est
calculé à tn.
Un troisième problème surgit si le projet
lui-même est mal défini. Il arrive parfois
qu'un élément non essentiel ait une bonne
valeur résiduelle, qui masque la piètre valeur
des éléments essentiels. Lorsque vous
considérez une valeur résiduelle comme un
avantage, vous devez vous assurer que le bien en question est
véritablement un élément essentiel du
projet (voir paragraphe 3.3.5).
4.2.5 Frais d'administration et
frais généraux
Lorsqu'une grande organisation, comme un gouvernement,
analyse de nombreuses possibilités
d'investissement réparties au fil des
années, il peut être difficile de décider
comment traiter les frais généraux qui ne se
rapportent pas précisément à un projet
donné. Ces coûts sont ce qu'on appelle des
frais généraux ou encore des frais
administratifs. Ils correspondent plus ou moins aux
coûts fixes. Un projet additionnel n'a
guère d'incidence sur eux. En analyse
avantages-coûts, la pratique courante consiste à
adopter l'approche marginale ou
différentielle pour calculer les coûts et les
avantages, mais cette approche ne tient pas compte de la
plupart des frais de programme et des frais
généraux. L'inconvénient de cette
pratique normalisée, c'est qu'elle est trop
généreuse pour les investissements et
qu'elle surestime le vrai rendement. À
l'extrême, les frais généraux ne
sont comptés nulle part dans le processus
décisionnel de l'organisation.
Si l'organisation fait rarement de gros investissements,
il peut être raisonnable de ne pas tenir compte des
coûts des programmes et des frais
généraux _ somme toute, en les laissant
supporter par les opérations courantes. En pareil cas,
il est raisonnable d'opter pour l'approche du
calcul des coûts marginaux. Par contre, si
l'organisation fait beaucoup d'investissements, il
est préférable d'ajouter un poste de frais
généraux « moyen » dans
le calcul des coûts, même si aucun investissement
n'influe nettement sur les frais généraux
à la marge. Si toutes les possibilités
d'investissement reflètent également les
frais généraux, il est peu probable que ce
facteur influe sur le choix d'une option plutôt
que d'une autre. Néanmoins, il est
préférable d'avoir une idée
réaliste du rendement des investissements, frais
généraux compris, plutôt que de
pêcher par excès d'optimisme.
4.2.6 Coûts d'assurance et de
prévoyance
L'assurance et les mesures de prévoyance ont pour
objet de s'adapter au risque. Il ne faut pas inclure le
coût ni de l'une ni des autres dans le tableau des
coûts et des avantages, si l'on envisage une
analyse de risque par simulation (voir chapitre 9).
Dans une simulation, le risque est calculé à
partir d'une fourchette des valeurs maximale et minimale
de toutes les variables du modèle, auxquelles on
attribue des probabilités. Tenir compte
également des coûts d'assurance ou de
prévoyance reviendraient à les compter deux
fois et à surestimer le risque.
4.3 Évaluation des coûts et
des avantages en fonction des prix du marché
En analyse avantages-coûts, on considère
normalement les prix du marché comme de bonnes
mesures des coûts et des avantages de
l'investissement. (Lorsque les prix du marché
n'existent pas dans une forme utilisable, l'analyse
doit alors les établir.) Cela étant dit, bien
souvent le prix du marché n'est qu'une
indication approximative d'un coût ou d'un
avantage. Si par exemple je paie une pomme un dollar,
l'avantage qu'elle me procure représente une
valeur d'au moins un dollar, autrement je ne
l'aurais pas achetée. Toutefois, il est
évident que la valeur de l'avantage pourrait
être plus élevée. La pomme pourrait
valoir 1,50 $ pour moi si j'étais
disposé à la payer ce prix-là, au
besoin. Si je la paie seulement un dollar, j'ai donc un
avantage total de 1,50 $, au coût de un dollar,
soit un excédent de 0,50 $. Par
conséquent, l'utilisation des prix du
marché comme mesures des avantages revient à ne
pas tenir compte du surplus du consommateur, qui peut
parfois être important.
4.4 Surplus du consommateur et du
producteur comme facteurs de la valeur
Les concepts de surplus du consommateur et surplus du
producteur sont un élément essentiel de
l'analyse avantages-coûts moderne. Ils ont
été clairement définis pour la
première fois en 1844 par Jules Dupuit, un
ingénieur français, qui a déclaré
que le prix du marché équivalait en fait
à l'avantage social minimum produit par les
extrants d'un projet. En fait, certains consommateurs
seraient disposés à payer des extrants plus
cher qu'ils ne le font en réalité.
La figure 4.4.1 présente deux courbes de la
demande de pommes (autrement dit, deux lignes
illustrant le rapport entre le prix des pommes et la
quantité de pommes demandée à chaque
prix). Dans les deux cas, l'avantage total que la
collectivité peut tirer de la production de pommes
correspond à la partie de la figure située en
bas de la courbe de la demande. Il est facile à
calculer si les courbes de la demande sont
représentées de façon approximative par
des droites, comme dans cet exemple, parce que la zone
située en bas de la courbe est un triangle
délimité par les deux axes et par la courbe de
la demande.
Bien entendu, la collectivité ne tire en
réalité des avantages que des pommes vendues et
consommées, et cette quantité est
limitée par le prix des pommes. L'avantage total
pour la collectivité est représenté par
la zone située en bas de la courbe, à gauche du
point d'intersection de la droite des prix et de la
courbe de la demande. À droite de ce point, il
n'y a pas de demande effective, et il est donc
impossible de réaliser des avantages.
La zone située en bas de la courbe de la
demande A et à gauche de
QA correspond exactement au rectangle
« prix x quantité »qui, en temps
normal, est censé représenter l'avantage
total pour la collectivité (dans ce cas-ci,
9 $ x 1 boîte de pommes). Seul un
petit triangle représentant le surplus du
consommateur, au-dessus de la droite des prix, échappe
au calcul.
Par contre, dans le cas de la courbe de la
demande B, le triangle du surplus du consommateur
est beaucoup plus gros. En général, plus la
courbe de la demande est ouverte (autrement dit plus il y a
de gens qui accordent une même valeur standard à
une pomme), plus le rectangle « prix x
quantité » correspond à
l'avantage total pour la collectivité.
Inversement, plus la courbe de la demande est pentue
(autrement dit plus la valeur que l'on accorde à
une pomme varie, moins la simplification « prix x
quantité » représente de
façon satisfaisante l'avantage total reçu
par la collectivité, car il n'est pas tenu compte
d'un surplus du consommateur beaucoup plus important).
Le surplus du producteur constitue un autre
élément analogue. Si celui-ci est
disposé à produire une certaine quantité
de pommes à 6 $ la boîte et que le prix du
marché est 9 $, il s'ensuit que, pour cette
quantité de pommes au moins, il va réaliser un
profit inespéré de 3 $ la boîte. Le
surplus du producteur total correspond à la zone
située entre la droite des prix et la courbe de
l'offre, à gauche de leur point
d'intersection (voir figure 4.4.2).
L'analyste avantages-coûts doit déterminer
si le prix multiplié par la quantité est une
bonne approximation de la valeur; si la simplification est
loin de la réalité, des calculs plus
détaillés de la valeur s'imposent.
C'est également le cas pour les surplus du
consommateur et du producteur, lorsqu'il est impossible
de se fonder sur le prix multiplié par la
quantité, car il n'existe pas de prix, ou parce
que les prix sont vraiment faussés.
4.4.1 Surplus du consommateur quand un
investissement public fait changer le prix
Les investissements publics dans des projets de
génération d'énergie,
d'approvisionnement en eau, de services sanitaires et de
télécommunications (pour n'en citer que
quelques-uns) risquent de réduire le prix des
extrants. Si c'est le cas, évaluer les avantages
du projet en fonction du nouveau prix réduit
sous-estime sa contribution au mieux-être de la
société. Quand le prix d'un produit ou
d'un service baisse, plus de consommateurs y ont
accès, et ceux qui l'achetaient
déjà le paient moins cher et consomment
davantage. Cette règle générale donne un
cas particulier lorsque l'offre est rationnée
à un prix contrôlé inférieur
à celui que les consommateurs seraient disposés
à payer. C'est un phénomène peu
fréquent au Canada (ce serait le cas, par exemple, du
nombre de places pour les étudiants dans les
facultés de médecine), mais passablement
répandu dans certains autres pays. Dans une situation
de ce genre, l'augmentation de l'offre au
même prix contrôlé accroît le
surplus du consommateur en plus de ce que celui-ci paie
effectivement pour une plus grande quantité du produit
ou pour un usage accru du service.
Dans certains cas, une partie du surplus du consommateur
accru est neutralisée par une baisse des recettes des
producteurs. Par exemple, un projet d'aménagement
hydroélectrique qui réduirait le coût
moyen de production d'électricité et
accroîtrait la quantité d'énergie
offerte pourrait faire tomber le prix du marché de
l'électricité de P1 à
P2 (figure 4.4.3). Les consommateurs qui
achètent déjà de
l'électricité économiseraient alors
une somme équivalant à la zone
ombragée A, mais ce surplus pour eux
serait neutralisé, du point de vue de l'ensemble
de l'économie, par la perte correspondante de
recettes pour les producteurs établis. L'avantage
net du changement ne correspond donc qu'à la zone
ombrée B. (La figure 4.4.3 est une
représentation correcte mais simplifiée de la
réalité : les réactions des
consommateurs sont compliquées par des substitutions
de biens à d'autres quand les prix relatifs sont
touchés.)
Par contre, si l'électricité était
auparavant importée et que le projet permettait de
substituer de l'énergie produite au pays au
courant importé, le gain pour les consommateurs
correspondrait théoriquement au changement total du
surplus du consommateur (zone A +
zone B). Toutefois, en réalité, on
aboutit souvent à quelque chose de différent.
Les partisans de la substitution des produits
intérieurs aux importations des années 60
et 70 ont sans doute constaté avec déception
que de nombreux investissements publics produisaient des
extrants à des prix supérieurs aux prix
internationaux (à la frontière). Ces prix,
alliés à des mesures protectionnistes visant
à exclure les produits d'importation bon
marché, ont abouti à des réductions
sensibles du surplus du consommateur, sans pour autant
générer d'avantages compensatoires pour
les producteurs locaux pris collectivement.
4.4.2 Surplus du consommateur et perte de
viabilité financière
Lorsque la viabilité d'un investissement public
est fonction d'estimations du surplus du consommateur,
et n'est pas viable sur un plan strictement commercial,
l'analyste doit préciser clairement le montant
manquant ainsi que la source des fonds nécessaires
pour combler le manque. De plus, l'analyse doit
permettre de calculer de façon explicite les avantages
que le gouvernement qui assure le financement va tirer de
l'arrangement, car ils peuvent jouer un rôle
primordial pour la viabilité du projet.
Si des subventions s'imposent pour que le projet soit
maintenu, le risque de ne pas avoir suffisamment de fonds
pour assurer le déroulement convenable du projet
pourrait être important, même s'il a une VAN
économique élevée. Dans les pays en
développement, où la situation
financière des gouvernements est
généralement plus précaire qu'au
Canada, les cas de ce genre ont posé de sérieux
problèmes.
4.5
Évaluation des coûts et des avantages en
l'absence de prix du marché valables
Quand les prix du marché sont faussés pour une
raison quelconque, l'analyste doit faire une estimation
des prix en l'absence de distorsions et se fonder sur
les prix du marché corrigés (parfois
appelés prix sociaux ou vrais prix). Quand il
n'y a pas de marché pour le bien ou le service en
question, il n'y a pas non plus de prix du marché
_ faussé ou pas. En pareil cas, l'analyste
doit partir des principes fondamentaux, en se fondant sur les
concepts de surplus du consommateur et de surplus du
producteur dont nous venons de parler (voir partie 4.4)
pour estimer la valeur des coûts et des avantages.
4.5.1 Estimation de la valeur des coûts
et des avantages quand les prix du marché sont
faussés
L'importance des distorsions des prix dépend du
point de vue de l'analyse avantages-coûts (voir
partie 2.4). La valeur intrinsèque
n'a de sens que si l'on connaît ce point de
vue. Par exemple, si une entreprise privée calcule ses
coûts en fonction des prix du marché, ces prix
sont un bon moyen de mesurer ses coûts
véritables. Il importe peu à l'entreprise
que les prix du marché soient faussés ou non,
alors que pour l'analyste qui part du point de vue du
Canada dans son ensemble, cela peut être important.
Selon un point de vue, les prix sont un bon moyen de mesurer
la vraie valeur; selon un autre point de vue, ils ne le sont
pas.
Dans les analyses avantages-coûts menées pour le
gouvernement du Canada, le point de vue du pays dans son
ensemble est le plus important pour l'analyste. Il doit
alors se fonder sur les prix sociaux (parfois
appelés prix fictifs) plutôt que sur les
prix du marché, si ceux-ci sont faussés. Les
prix sociaux peuvent être très différents
des prix du marché dans certaines situations,
notamment :
-
quand la devise est mal évaluée, en raison
des contrôles du taux de change;
-
quand les taux de rémunération sont
maintenus artificiellement à des niveaux
élevés par des règles syndicales ou
par des lois, en dépit du chômage;
-
quand il existe des conditions défavorables
à la concurrence, des monopoles ou des
monopsones (un acheteur);
-
quand des taxes ou des tarifs s'appliquent
directement au bien ou au service, par exemple des taxes
sur la valeur ajoutée;
-
quand le gouvernement réglemente, contrôle ou
subventionne les prix d'une façon quelconque.
4.5.2 Estimation de la valeur en
l'absence de prix du marché
La vraie valeur des ressources utilisées ou
générées par un investissement peut
être difficile à déterminer en
l'absence de prix du marché ou lorsque les
mécanismes du marché sont indirects et
difficiles à observer. La partie suivante explique la
façon d'estimer ces valeurs en l'absence de
prix du marché. Des exemples sont donnés
pour :
-
la valeur des économies de temps de
déplacement;
-
la valeur de la santé et de la
sécurité;
-
la valeur de l'environnement;
-
la valeur des emplois créés;
-
la valeur des devises étrangères;
-
la valeur résiduelle des installations à
vocation particulière;
-
les valeurs patrimoniales.
4.6 Quelques exemples de valeurs
difficiles à estimer
4.6.1 Valeur des économies de temps
de déplacement
On a souvent eu recours à l'analyse
avantages-coûts pour des projets en matière de
transport, dont le principal avantage est la réduction
du temps de déplacement des voyageurs, tant pour leur
travail que pour leur plaisir.
Les économies de temps de déplacement des
personnes qui voyagent pour affaires sont
généralement calculées en fonction du
taux de rémunération brute avant impôt
(voir tableau 4.6.1). Pour ce calcul, les chercheurs
tiennent compte des différences des profils de
rémunération des voyageurs types, qui
empruntent différents modes de transport, ainsi que du
temps de déplacement susceptible d'être
consacré au travail (une partie du temps de transport,
en train et en avion par exemple). La définition de la
rémunération moyenne brute comprend
généralement une allocation correspondant aux
avantages sociaux et aux frais généraux. Les
données sont collectées au moyen
d'enquêtes comme l'Enquête sur les
voyages des Canadiens. Transports Canada, qui réalise
des analyses avantages-coûts des investissements dans
le secteur des transports, a établi des normes sur les
valeurs du temps de déplacement pour affaires.
Tableau 4.6.1 : Valeur moyenne des économies
de temps de déplacement des passagers
Mode
|
Voyages pour affaires
|
Autres voyages
|
Automobile
|
27,30 $
|
7,40 $
|
Avion
|
38,30 $
|
7,40 $
|
Autocar, route et chemin de fer
|
27 $
|
7,40 $
|
Source : Culley et Donkor (1993)
Note : Valeurs en dollars l'heure. Année
de référence : 1998 (janvier).
Le consensus est moins évident sur la façon
d'évaluer les économies de temps pour les
personnes qui voyagent pour leur plaisir. En raison de
l'incertitude accrue dans ce cas, Transports Canada
évalue les économies de temps de
déplacement de ces voyageurs en se fondant sur des
principes généraux plutôt que sur des
mesures précises. Ces principes consistent à
fixer la valeur des économies de temps de loisir
réalisées par les voyageurs adultes à
50 % du taux de rémunération national
moyen, sans tenir compte des différences d'ordre
démographique (ou relatives à la
rémunération) entre les modes de transport.
On peut également établir la valeur des
économies de temps réalisées dans le
transport du fret. Elle est considérée comme
une fonction de la valeur du fret et du taux
d'actualisation. Ainsi, si 1 million de dollars de
fret est en transit une semaine de moins et que le coût
du capital est de 0,002 % par semaine, la valeur des
économies réalisées est de 20 $. Il
n'existe aucune méthode permettant
d'établir une distinction entre le fret
commercial et le fret non commercial dans ce contexte.
On tient compte de toutes les économies de temps de
déplacement, même de cinq minutes. Cette
approche est toutefois controversée. Certains
analystes sont d'avis que les consommateurs
n'accordent pas la même valeur moyenne aux petites
économies qu'aux grandes économies de
temps, ce qui revient à dire qu'une
économie de 30 minutes pour un voyage pourrait
être plus valable, pour un voyageur, qu'une
économie d'une minute par voyage, pour
30 voyages. Certains maintiennent qu'une
économie de temps d'une minute par voyage ne vaut
rien, quel que soit le nombre de personnes visées. En
outre, les analystes ne tiennent généralement
pas compte des distinctions entre les valeurs des
économies de temps de déplacement de
différents groupes de personnes (ayant un emploi ou en
chômage, retraitées ou travailleurs), bien que
ce soit théoriquement possible de le faire.
4.6.2 Valeur de
la santé et de la sécurité
Les théoriciens qui s'intéressaient aux
coûts et aux avantages en matière de
santé et de sécurité se sont
interrogés pendant un certain temps sur la question de
la « valeur de la vie ». Peut-on
valoriser l'action d'éviter de mourir? Avec
le temps, on s'est peu à peu rendu compte que ce
n'était pas une façon logique de poser la
question. La reine Élisabeth Ire
aurait déclaré sur son lit de mort qu'elle
aurait donné tout ce qu'elle possédait
pour vivre un instant de plus. Il est
préférable d'envisager la santé et
la sécurité en fonction d'une
échelle de risque. Les investissements du gouvernement
dans les mesures de santé et de sécurité
tendent à réduire un peu les risques auxquels
font face d'importants segments de la population.
C'est cette réduction des risques qu'on peut
évaluer par l'analyse avantages-coûts.
Les chercheurs ont estimé de trois façons
la valeur des réductions des risques pour la
santé et la sécurité. La première
méthode consiste à observer le comportement des
gens qui payent pour éviter des risques ou qui
acceptent d'être dédommagés pour
assumer plus de risques. La deuxième méthode
consiste à demander aux gens de déclarer quelle
valeur ils accordent aux changements des risques auxquels ils
sont exposés. Ces deux méthodes sont
fondées sur la volonté de payer et le principe
que les gens ont l'information et les aptitudes
nécessaires pour évaluer les risques et
déclarer correctement leurs préférences
en matière de risques et de récompenses.
Malheureusement, il est presque certain que cette
hypothèse n'est pas fondée. En outre, on
n'a pas démontré que les gens ont des
préférences stables en matière de
risques, même quand ils possèdent de
l'information claire sur les coûts et les risques,
et sont en mesure de les évaluer.
La troisième méthode consiste à faire
une évaluation statistique du nombre et du type de
blessures attendues, à partir de données
historiques. En se fondant là-dessus, on peut calculer
les coûts des traitements et de la perte de revenu,
puis généraliser pour l'ensemble de la
population touchée. C'est une approche
rationnelle, car elle ne tient pas compte des
préférences individuelles (qui sont subjectives
et peuvent être jugées éclairées
et logiques ou pas), en optant plutôt pour une
estimation rigoureuse des coûts des traitements et de
ceux de la perte de revenus évités grâce
à l'investissement proposé. Cette
troisième façon de procéder permet
d'éviter les difficultés
méthodologiques des deux premières, mais elle
tend à sous-estimer la valeur du véritable
avantage d'un investissement qui réduit les
risques. Éviter des blessures est un avantage à
coup sûr presque plus important que celui
d'éviter des coûts de traitements
médicaux et des pertes de revenu. Les
intéressés évitent aussi la douleur et
la souffrance, et peut-être aussi d'autres
coûts associés à une invalidité.
Il s'ensuit que la troisième méthode donne
une estimation minimale des valeurs, mais on ne sait pas
jusqu'à quel point la vraie valeur est
sous-estimée.
Dans les textes de recherche, les estimations empiriques de
la valeur d'une vie, par exemple, varient d'environ
200 000 $ à environ 3 millions de
dollars, et certaines estimations extrêmes
s'élèvent jusqu'à
50 millions de dollars. Transports Canada a
utilisé, dans des études avantages-coûts
récentes (1994), les valeurs suivantes :
2,5 millions de dollars pour un décès;
66 000 $ pour une blessure grave et
25 000 $ pour une blessure légère (en
dollars de 1986). Les valeurs de ces paramètres sont
toutefois incertaines.
4.6.3 Valeur de l'environnement
Les avantages et les coûts environnementaux sont
souvent une combinaison de plusieurs facteurs :
santé, esthétique, loisirs et respect de la
nature. Nous venons d'étudier les aspects
santé et sécurité. Le respect de la
nature (compte non tenu des volets santé et
esthétique) est une valeur quasi absolue, qu'il
est extrêmement difficile de quantifier, et plus encore
d'évaluer en dollars. Les aspects
esthétiques sont eux aussi difficiles à traiter
dans une analyse avantages-coûts. Premièrement,
il est tout simplement difficile de quantifier les aspects
esthétiques d'une situation et,
deuxièmement, même lorsqu'on les quantifie,
il n'existe pas de marché, du moins pas de
marché direct, pour les avantages esthétiques
environnementaux.
Cela dit, et bien que l'évaluation des extrants
environnementaux présente des problèmes, les
économistes ont conçu des techniques
ingénieuses pour estimer la valeur que les gens
accordent à des facteurs comme la qualité de
l'eau et la protection de l'environnement. La
plupart de ces techniques ont des applications
spécialisées _ puisqu'elles donnent
de bons résultats dans certaines situations, alors
qu'elles sont peu efficaces, voire totalement inutiles,
dans d'autres situations. Par exemple, même
s'il existe une technique générale
fondée sur la volonté de payer
(évaluation conditionnelle), son utilisation
dans le domaine environnemental est controversée car
elle ne donne pas de résultats aussi fiables que
d'autres techniques.
Dans cette partie, il nous est impossible de présenter
plus qu'une synopsis succincte de certaines des
principales techniques utilisées. Le lecteur devra se
reporter à des ouvrages plus complets [voir par
exemple Hanley et Splash (1993)].
On peut parfois déduire la valeur d'un avantage
du coût des ressources (p. ex. l'argent ou le
temps) que le consommateur est disposé à
dépenser pour se le procurer. Deux techniques
conçues pour estimer la valeur des avantages de cette
façon sont celle du coût des voyages et la
méthode hédonistique de fixation des prix pour
l'évaluation des terrains. Ces méthodes
sont clairement limitées à l'estimation
des « valeurs d'utilisation »
(comme la récolte ou la jouissance directe des
ressources).
Comme nous l'avons dit, une technique
d'évaluation générale peut
être utilisée pour calculer les valeurs
d'utilisation et les autres valeurs (par exemple la
valeur psychique de la préservation de
l'écosystème et la valeur liée
à l'action de léguer aux
générations à venir un
écosystème viable). On l'appelle la
méthode d'évaluation conditionnelle.
Il faut souvent avoir recours à une combinaison de
techniques pour mesurer toutes les conséquences
environnementales. C'est le cas notamment lorsqu'on
tente de mesurer les pertes à la fois
écologiques et commerciales associées à
une ressource, comme la perte pour les pêcheries
résultant d'un déversement de produits
toxiques. Il faut alors éviter soigneusement de
compter la même perte plus d'une fois.
4.6.3.1 Méthode du
coût des voyages (CV)
La méthode du coût des voyages part des prix des
produits vendus sur le marché pour déterminer
la valeur des biens non commercialisés. Les biens non
commercialisés sont généralement
d'ordre récréatif. Les produits vendus sur
le marché correspondent aux coûts
supportés par l'intéressé pour se
rendre à destination et s'adonner à
l'activité désirée (le coût
du voyage explique le nom de la méthode). Les
coûts de pourvoirie (à domicile ou sur place),
ceux de la location d'équipement, les droits
d'accès, etc., sont habituellement compris dans
le coût du voyage.
Cette méthode établit une valeur minimum
du bien recherché fermement fondée sur les
principes d'analyse économique. Quelle que soit
la vraie valeur de l'expérience elle-même,
elle ne peut pas être inférieure à ce que
le voyageur a payé pour la vivre. L'application
de la méthode CV est limitée au calcul de
certaines valeurs d'utilisation de l'environnement,
particulièrement à l'égard
d'activités propres à un endroit
donné.
Le principal inconvénient de la méthode est
sans doute qu'elle ne produit pas d'information sur
les non-participants et sur la valeur qu'ils peuvent
accorder à l'endroit visé. Le traitement
de la valeur du temps de déplacement est
controversé, parce que les vacanciers peuvent
être convaincus que « le trajet fait partie
du plaisir », de sorte que des coûts
d'option élevés (ou relativement
élevés) pour le temps de déplacement
peuvent être hors de propos (voir le
paragraphe 4.6.1).
4.6.3.2
Méthode hédonistique de fixation des prix et
évaluation des terrains (ET)
La méthode hédonistique de fixation des prix et
de l'ET est une autre technique permettant
d'établir un rapport entre une valeur marchande
et l'accès à des produits environnementaux
qu'il est impossible d'acheter sur le
marché. Il s'agit en l'occurrence de trouver
des extrants qui se distinguent seulement selon un facteur
(p. ex. la valeur d'un chalet au bord de l'eau
par rapport à celle d'un chalet identique non
situé au bord de l'eau), puis de comparer leurs
valeurs marchandes. Les voisinages envisagés
diffèrent toutefois à de nombreux points de
vue : proximité des centres commerciaux et
culturels, qualité de l'air, taxes, etc., sans
parler des différences de qualité des logements
(p. ex. la taille, la disposition, le confort). Des
difficultés méthodologiques peuvent être
liées aux distorsions imputables aux variables omises
ou à la multicolinéarité (quand deux
variables sont étroitement liées, il est
impossible de déterminer laquelle
« explique » les résultats). Il
s'ensuit qu'il est souvent difficile
d'extraire des résultats utilisables.
4.6.3.3
Méthode d'évaluation conditionnelle
(EC)
Cette méthode consiste essentiellement à
demander aux gens la valeur qu'ils accordent à
une ressource (valeurs d'utilisation et autres). On peut
demander aux gens ce qu'ils sont prêts à
payer pour éviter une mesure dommageable ou, à
l'inverse, quel dédommagement ils exigeraient
pour accepter d'y être soumis. L'aspect
conditionnel est introduit par une question
« hypothétique »
décrivant un changement des conditions actuelles,
habituellement un fait nouveau. Le principal avantage de
cette approche, c'est qu'on peut l'appliquer
à n'importe quel problème, y compris ceux
pour lesquels il existe d'autres méthodes.
La méthode présente toutefois des
problèmes : les nombres figurant dans les
questions peuvent fausser les réponses; les
répondants peuvent obtenir une grande partie de leur
information sur le sujet de l'interviewer, (ce qui
entraîne des distorsions); ils peuvent être
influencés par leur intérêt personnel tel
qu'ils le perçoivent (distorsion
stratégique), et la nature (habituellement)
hypothétique de la démarche peut inciter les
répondants à la paresse. Par conséquent,
les résultats des études de ce genre sont
souvent contestés.
Cela veut-il dire que la méthode EC n'en vaut pas
la peine? L'une de ses utilisations les plus anciennes
et les mieux connues a porté sur la construction
proposée d'une grande centrale
d'électricité alimentée au charbon;
les vents dominants en auraient poussé la fumée
dans le Grand Canyon. Le projet a été
réalisé en dépit des protestations des
répondants qui attachaient une valeur importante
à la préservation de la région. De nos
jours, il est rare que le temps soit dégagé
dans le Grand Canyon, de sorte que la qualité de
l'expérience que des millions de visiteurs par
année y vivent est nettement appauvrie. Cela montre
que la méthode de l'évaluation
conditionnelle peut donner certains
éléments d'information utiles.
4.6.3.4 Autres
considérations en matière
d'évaluation
Il arrive que des problèmes surgissent lorsque les
analystes déterminent des valeurs marchandes
indirectes à partir des mesures de leurs effets. Par
exemple, un changement d'ordre esthétique
à l'environnement peut être mesurable en
fonction des prix plus élevés des terrains qui
découlent de l'attrait accru de la
localité, mais il faut prendre garde de ne rien
compter en double. Il est arrivé que des analystes
aient compté un avantage environnemental en plus
d'un avantage comme l'expansion du tourisme, alors
qu'il ne s'agit là que d'un seul
avantage et non de deux.
4.6.4 Valeur des emplois
créés
Ceux qui parlent des répercussions sur
l'emploi plutôt que sur le consommateur ne sont
pas des économistes, mais des politiciens.
- Peter Drucker, The New Realities, 1989
Le public et le vérificateur général du
Canada se méfient à juste titre des
statistiques sur la « création
d'emplois ». L'analyste devrait donc
prendre grand soin de calculer les données de ce genre
avec précision, en les justifiant comme il se doit.
Toutes les statistiques sur la création d'emplois
que l'on avance devraient être fondées sur
les effets nets des programmes conçus à cette
fin. Si une région du Canada est imposée pour
favoriser les investissements dans une autre région,
les effets nets sur l'emploi à
l'échelle du pays pourraient êtres neutres,
voire négatifs, si l'on tient compte du
coût de l'imposition elle-même.
Malheureusement, l'avantage des emplois
créés par des dépenses du secteur public
a souvent été considéré comme un
avantage sans qu'on reconnaisse le coût
correspondant (les emplois perdus), qui résulte de
l'imposition nécessaire pour financer
l'investissement public. Du point de vue local, il est
possible de tenir compte seulement des emplois
créés localement, en oubliant ceux qui ont
été perdus ou déplacés ailleurs
au Canada, mais ce point de vue n'est pas acceptable
pour le gouvernement du Canada.
Le présent Guide recommande que, en règle
générale, l'analyste suppose le
plein-emploi des ressources utilisées dans le
projet. Cela vaut particulièrement dans le cas du
personnel qualifié, qui est relativement mobile...
Si toutefois l'analyste est d'avis que des
circonstances spéciales justifient
l'attribution d'un prix fictif à
l'emploi de ressources autrement inutilisées,
il lui faut bien expliquer et défendre le pourquoi
de ces corrections .
- Conseil du Trésor, Guide de l'analyse
avantages-coûts, 1976
En général, les
prétentions de création d'emplois ne sont
légitimes du point de vue national que si
l'investissement nécessaire peut être fait
avec une efficacité égale dans deux
régions où les taux de chômage sont
nettement différents. Il peut alors être
justifié d'utiliser un coût de la
main-d'oeuvre inférieur à celui du
marché dans la région où le taux de
chômage est élevé. En principe, cette
partie de la main-d'oeuvre n'aurait pas eu
d'emploi sans l'investissement, de sorte que son
coût d'option est faible, du point de vue de
l'économie dans son ensemble.
Pour savoir comment le prix de la main-d'oeuvre devrait
être établi, il faut se demander ce que les
travailleurs feraient en l'absence du projet
d'investissement. S'ils étaient tous en
chômage et ne renoncent qu'à leurs loisirs
pour participer au projet, le taux de
rémunération fictif peut être faible.
Nous pouvons dégager de l'exposé sur les
valeurs du temps de déplacement (voir paragraphe
4.6.1) un ordre de grandeur de l'écart attendu
entre les prix du temps rémunéré et du
temps de loisir _ à peu près 4:1. Du point
de vue social, les travailleurs qui seraient en chômage
si le projet d'investissement n'avait pas
existé pourraient ne
« coûter » que 20 % de leur
taux de rémunération apparent.
Cela dit, les analystes doivent être sûrs que les
travailleurs auraient vraiment été en
chômage avant de corriger aussi radicalement le taux de
rémunération fictif. Dans certains cas, les
analystes sont tombés dans l'erreur en partant du
taux de chômage global d'une région pour
calculer ce taux fictif. C'est particulièrement
trompeur dans le contexte des projets de développement
régional industriel, pour lesquels il faut souvent
faire appel à des travailleurs qualifiés
introuvables dans la région, surtout chez les
chômeurs. S'il faut importer des travailleurs
qualifiés pour le projet, le taux de
rémunération global peut ne pas être le
seul coût; il peut y avoir d'autres coûts
connexes, comme ceux du déplacement des travailleurs,
des nouveaux logements et services.
La situation de la main-d'oeuvre peut être encore
plus complexe dans les pays en développement
qu'au Canada, où il y a deux marchés du
travail, pour les travailleurs qualifiés et pour les
autres. Dans certains pays, le chômage
déguisé sous la forme du sous-emploi est un
phénomène très répandu,
particulièrement dans les secteurs ruraux. Par
conséquent, le retrait des travailleurs
excédentaires de ces secteurs n'a guère de
conséquences pour le rendement agricole, qu'ils
aient été employés jusque-là ou
pas. En pareil cas, le coût d'option de la
main-d'oeuvre non qualifiée peut être
égal à zéro ou, tout au plus,
légèrement supérieur aux coûts de
subsistance, si l'on part du principe que les
coûts de déplacement et de
réinstallation, et les autres coûts connexes
sont calculés ailleurs dans l'analyse.
Il est acceptable aussi d'utiliser des prix fictifs de
la main-d'oeuvre inférieurs à ceux du
marché quand l'analyse est fondée sur le
seul point de vue financier du gouvernement. Dans cette
optique, les économies correspondant aux prestations
d'aide sociale ou de chômage non versées
sont de vraies économies (pas simplement des
transferts). Elles peuvent donc être traitées
comme des facteurs distincts ou se refléter dans des
prix fictifs moins élevés de la
main-d'oeuvre.
4.6.5 Valeur des devises étrangères
Dans certains cas, une importante partie des avantages est
tirée du fait que le projet récolte des devises
étrangères grâce aux exportations. Par
exemple, l'Office national de l'énergie
réglemente l'exportation du gaz naturel canadien,
et la valeur des devises ainsi générées
est un important élément dans ce contexte. En
l'occurrence, l'idée maîtresse,
c'est que le dollar canadien peut être
sous-évalué ou surévalué par
rapport aux monnaies étrangères. Ces
distorsions peuvent se produire en l'absence d'un
marché libre pour la monnaie du pays étranger,
ou lorsqu'il existe d'importantes distorsions de
son économie intérieure en raison des taxes et
impôts, des subventions ou de la réglementation.
Au Canada, le ministère des Finances a parfois
autorisé divers niveaux de primes sur les gains nets
à l'exportation afin de refléter la vraie
valeur des devises étrangères pour le pays,
selon les circonstances. En 1995, Industrie Canada a
calculé que cette prime se situait entre 3,5 % et
4,5 %. Dans d'autres pays, dont les
économies sont plus fermées que celle du
Canada, la différence entre le prix du marché
des devises étrangères et leur prix fictif ou
véritable peut être beaucoup plus
élevée. Dans certains cas, la valeur de la
monnaie nationale est si dénaturée que les prix
exprimés en fonction d'elle sont presque
inutilisables comme mesures de la vraie valeur des ressources
pour l'ensemble du pays. Il va sans dire que le calcul
du prix fictif des devises étrangères est une
tâche réservée aux spécialistes.
4.6.6 Valeur résiduelle des
installations à vocation particulière
Pour une grande partie de ses projets, le gouvernement du
Canada fait appel à des installations à
vocation particulière, comme des laboratoires ou des
centres de formation (voir paragraphe 4.2.4). À
la fin de la période de calcul, ces installations ont
une valeur résiduelle qui peut être positive ou
négative. Au minimum, elle peut correspondre
simplement à la valeur du terrain, moins les
coûts de démolition et de nettoyage. Au maximum,
elle peut être suffisamment élevée pour
refléter les avantages résultant des
opérations courantes de l'installation.
L'évaluateur en chef du Canada a établi
des procédures d'évaluation de ces
installations.
4.6.7 Valeurs patrimoniales
Les décisions relatives aux propriétés
qui ont une valeur patrimoniale sont assujetties à la
Politique sur les édifices fédéraux du
patrimoine. Travaux publics et Services gouvernementaux
Canada a diffusé une pratique optimale sur les biens
immobiliers (datée du
1er juin 1993) où les
applications de cette politique sont décrites.
4.7 Mauvaise
utilisation des multiplicateurs des avantages
Lorsque de nouvelles ressources sont
générées (ou consommées) par une
collectivité, leur effet total peut être plus
important que la transaction initiale ne peut le laisser
entendre. Par exemple, supposons que Jean Drouin, de la
ville de X, reçoit un legs de 1 000 $
d'une vieille tante. Son revenu net augmente de
1 000 $. Il met 600 $ de côté et
achète à Pierre Martin un costume de
400 $. Le revenu net de Pierre Martin a
augmenté, du profit réalisé sur la vente
du costume, disons de 100 $. M. Martin met 70 $ de
côté et dépense le reste, soit 30 $.
De toute évidence, quand cette cascade
d'économies et de dépenses se terminera,
l'augmentation totale des revenus de la population de X
dépassera les 1 000 $ du legs
inespéré de Jean Drouin.
La proportion dans laquelle l'effet total est plus
important que le gain initial de revenu (ou moins important
que la perte initiale de revenu _ puisque le calcul se
fait symétriquement dans les deux sens) est ce
qu'on appelle le multiplicateur ou le
multiplicateur du revenu. L'importance du
multiplicateur varie d'une collectivité à
l'autre. Comme l'exemple du paragraphe
précédent le montre, plus les économies
sont faibles et plus la séquence des nouvelles
transactions est rapide, plus le multiplicateur est
important. La fourchette plausible des multiplicateurs dans
les différentes régions du Canada se situe
entre 1,1 et environ 2,5.
Malheureusement, on s'est plus souvent servi des
multiplicateurs à tort que judicieusement. Par
exemple, certains analystes ont eu recours à des
multiplicateurs pour calculer les avantages d'un projet
en ne tenant nul compte du fait qu'ils auraient dû
en faire autant pour les coûts (d'option). Cette
approche est justifiée seulement dans les cas
où l'analyse est entreprise d'un point de
vue local, les coûts étant assumés
intégralement par un organisme de
l'extérieur, comme le gouvernement
fédéral. Sauf dans ce cas particulier, les
multiplicateurs doivent être également
appliqués aux coûts et aux avantages.
Quand le projet est analysé d'un point de vue
social (celui de tout le Canada), l'utilisation
judicieuse des multiplicateurs tend plutôt à
infirmer la viabilité du projet qu'à la
confirmer. Si le capital d'investissement est obtenu
grâce à l'imposition des régions
prospères (où le multiplicateur du revenu tend
à être élevé) et qu'il est
placé dans des régions éloignées
(où le multiplicateur tend à être faible,
puisque de nombreux biens et services sont achetés
à l'extérieur), l'inclusion des
multiplicateurs dans l'équation rendrait le
projet moins séduisant qu'il ne le serait en
réalité.
Il convient rarement d'appliquer des multiplicateurs aux
fins des analyses pour le gouvernement fédéral.
Il est par conséquent recommandé de ne
pas inclure de multiplicateurs à moins que leur
application ne soit clairement justifiée.
Pratique exemplaire _
Mesure
-
Il est possible de maîtriser en peu
de temps le cadre de l'analyse
avantages-coûts. Par contre, la
mesure des coûts et des avantages est
un sujet illimité. En
général, l'équipe
doit être composée de
spécialistes de diverses
disciplines, en plus de l'analyste
avantages-coûts.
-
Quand les prix du marché sont
faussés ou inexistants, les
principales techniques d'estimation de
la valeur des coûts et des avantages
sont fondées sur la volonté
de payer.
-
De façon générale, il
convient de ne pas appliquer de
multiplicateurs du revenu; lorsqu'on y
a recours, ils doivent être
appliqués également aux
coûts et aux avantages.
-
La littérature peut parfois fournir
des valeurs approximatives de facteurs
difficiles à mesurer comme la valeur
d'un environnement naturel non
pollué, celle des économies
de temps pour les voyageurs, celle des
emplois créés et celle des
devises étrangères. Les
paramètres et les critères
normalisés du gouvernement du Canada
devraient être utilisés dans
toute la mesure du possible.
|
5. Valeurs temporelles
5.1 Importance du
facteur temps
N'oubliez jamais que le temps, c'est de
l'argent.
- Benjamin Franklin, "Advice to a Young
Tradesman," 1743
Le fait que les coûts et les avantages sont
répartis dans le temps a son importance, et ce pour
deux raisons. Premièrement, les gens
préfèrent payer plus tard et obtenir des
avantages plus tôt. Notre système financier est
d'ailleurs fondé sur cette
préférence intertemporelle
fondamentale. Il s'ensuit que, si les revenus sont
reportés à une date ultérieure ou que
les coûts sont payés tôt, la
capacité bénéficiaire est
réduite. Deuxièmement, la valeur de
l'unité de mesure elle-même change avec le
temps, en raison de la baisse du pouvoir d'achat de la
devise sous l'effet de l'inflation.
Ces deux facteurs, l'inflation et la
préférence intertemporelle, sont
indépendants. Même si le pouvoir d'achat du
dollar ne changeait pas, les gens préféreraient
quand même recevoir les avantages plus tôt et
supporter les coûts plus tard. L'analyste
avantages-coûts doit donc faire deux corrections
distinctes de ces flux de trésorerie répartis
dans le temps pour les convertir en unités de valeur
normalisées pouvant être additionnées ou
soustraites. La première correction vise à
refléter les variations du pouvoir d'achat du
dollar, et la deuxième sert à actualiser ces
valeurs afin de refléter la préférence
intertemporelle.
5.2 Inflation,
dollars historiques et dollars constants
Pour toutes les périodes envisagées, les
coûts et les avantages devraient au départ
être exprimés en dollars historiques, pour les
trois raisons suivantes : premièrement,
c'est la forme dans laquelle les données
financières sont habituellement établies;
deuxièmement, il est facile d'introduire
correctement les corrections, les redressements fiscaux par
exemple, en dollars historiques et, troisièmement,
l'utilisation de ces dollars permet à
l'analyste de brosser un tableau réaliste sous
l'aspect temporel, compte tenu des variations des prix
relatifs.
Les dollars historiques n'ont pas un pouvoir
d'achat uniforme. On les appelle souvent dollars de
l'exercice ou dollars courants. Ils correspondent
simplement à la valeur nominale de la devise
payée ou reçue au cours de cette
période. S'ils sont payés ou reçus
à des moments différents, ils ne peuvent pas
être totalisés, parce qu'ils ne sont pas
exprimés en unités normalisées de
pouvoir d'achat. À proprement parler, on ne peut
les additionner ou les soustraire que s'ils sont
payés ou reçus au même instant. Dans la
pratique, il est acceptable de les additionner et de les
soustraire au cours d'une même période,
à condition que celle-ci soit courte (habituellement
un an), mais il n'est pas acceptable de les
additionner ou de les soustraire d'une période
à l'autre.
Une fois certain que les tableaux des coûts et des
avantages exprimés en dollars historiques sont
complets et exacts, il vaut la peine de convertir tous les
montants, ou du moins ceux de la ligne des flux de
trésorerie nets, en dollars constants avant de
poursuivre les calculs. (Les dollars constants ont un pouvoir
d'achat constant.) Pour faire cette conversion, il faut
choisir un point de référence temporel auquel
les valeurs en dollars constants sont exprimées. Ce
point peut être situé n'importe où
dans le temps, mais il est souvent pratique d'opter pour
le point t0, qui
correspond au début de la période de calcul. Il
est préférable, mais pas indispensable, de
choisir le même point de référence
temporel pour les conversions en dollars constants et pour
l'établissement des valeurs actualisées.
À propos, la conversion en dollars constants ne
devrait pas faire oublier à l'analyste ses
tableaux des coûts et des avantages en dollars
historiques, qui doivent toujours être visibles dans
son rapport.
Si l'analyse avantages-coûts est
rétrospective, la conversion des dollars historiques
aux dollars constants est simple et précise, parce que
le taux d'inflation réel est connu. Par contre,
si elle est prospective, il faut se fonder sur des
projections du taux d'inflation. Ces projections ne sont
pas faciles à trouver et tendent rapidement à
devenir de plus en plus incertaines, à mesure que la
période de projection se prolonge. Dans une situation
comme celle-là, comme d'ailleurs chaque fois que
les valeurs des données sont incertaines, les analyses
de sensibilité et de risque deviennent des outils
importants.
Il faut aussi se demander, pour déterminer quel indice
d'inflation employer pour la conversion en dollars
à « pouvoir d'achat
constant » : un pouvoir d'achat constant
pour qui? Tous les indices d'inflation sont
fondés sur les changements de prix d'un panier
donné de biens et de services, et ce panier est
normalement défini par les achats habituels d'un
groupe de personnes précis. L'indice devrait
être aussi large que possible. Au Canada, c'est
l'Indice implicite de prix (IIP) qui se rapproche le
plus de l'indice des prix général
englobant tous les biens et services. Pourtant, même
l'IIP ne donne pas une idée absolument
réaliste du pouvoir d'achat, parce que les
Canadiens achètent de grandes quantités de
biens et de services à des sources
étrangères. Les analystes avantages-coûts
se fondent souvent sur l'Indice des prix à la
consommation de Statistique Canada pour convertir les dollars
historiques en dollars constants. C'est acceptable si le
groupe de référence approprié se compose
des consommateurs en général, mais ce
n'est pas toujours le cas. Les organisations qui
font des analyses financières en vue d'un
investissement auront besoin d'un indice
d'inflation reflétant leurs achats typiques. Par
exemple, le ministère de la Défense nationale a
élaboré son propre indice pour convertir les
dollars historiques en dollars constants, parce que la
composition très particulière de ses achats ne
se reflète dans aucun indice standard. Une fois
l'indice approprié choisi, le calcul en dollars
constants est simple.
Les spécialistes de l'analyse prospective
postulent souvent un taux d'inflation constant (en
utilisant un taux moyen pour en avoir une approximation). Ce
n'est pas souhaitable dans les premières
années de l'investissement, quand
l'inflation peut être raisonnablement bien
prédite. Toutefois, après quelques
années, les projections du taux d'inflation
deviennent largement inutiles (en raison de leur
volatilité, constatée au cours des trois
dernières décennies), de sorte qu'un taux
d'inflation moyen devient l'hypothèse
optimale à cet égard. L'estimation
d'un taux d'inflation moyen pour l'avenir
devrait être réservée aux
spécialistes.
Le calcul de conversion des valeurs futures en valeurs
actualisées, et vice versa, est simple, car les
valeurs sont reliées par des intérêts
composés. Les intérêts sont
composés quand l'intérêt
gagné sur le principal initial est ajouté au
principal au début de la seconde période de
calcul. Par exemple, si Jacques Leblanc investit
100 $ à 9 % d'intérêt
composé annuellement, à la fin de la
première année, son investissement vaudra
100 $ x (1+0,09) = 109 $. À
la fin de la deuxième année,
t2, il vaudra 100 $ x
(1+0,09) x (1+0,09). Le facteur figurant entre
parenthèses est répété une fois
pour chaque période écoulée.
Globalement, après n ans,
tn, l'investissement vaudra
100 $ x (1+0,09)n.
Le rapport entre les dollars constants et les dollars
historiques est le même. Quand on commence avec une
somme en dollars constants à t0 et qu'on veut calculer le
montant équivalent en dollars historiques à
tn, on utilise la formule :
H = C (1 + i)n [1]
où H désigne le montant en dollars
historiques, C le même montant en dollars
constants, i le taux d'inflation annuel (%) et
n le nombre de périodes entre t0 et le moment où le
coût est payé ou avantage reçu, à
tn. Toutefois, en analyse
avantages-coûts, on travaille souvent en sens inverse
_puisque le montant exprimé en dollars
historiques pour un coût ou un avantage existe à
un moment donné dans l'avenir et qu'il faut
calculer l'équivalent en dollars constants
à un moment qui le précède, comme
t0. On utilise alors
la formule suivante :
C = H (1 + i)n [2]
où C est le montant en dollars constants,
H le même montant en dollars historiques,
i le taux d'inflation annuel (%), et n le nombre
de périodes entre t0 et le moment où le
coût est payé ou l'avantage reçu,
à tn. Bien entendu, les taux
d'intérêt ne sont pas toujours
exprimés en fonction de la période
utilisée dans les calculs. Par exemple,
l'intérêt peut être composé
quotidiennement, mensuellement ou trimestriellement. La
formule qu'on utilise pour calculer le taux
d'intérêt effectif annuel réel
à partir d'un taux donné pour une
période inférieure à un an est la
suivante :
TEA= (1 + r/m)m -
1[3]
où TEA et le taux d'intérêt effectif
annuel (%), r le taux d'intérêt
donné (%) et m le nombre de fois par
année que les intérêts sont
composés.
Le TEA figure aussi dans des tableaux normalisés, et
il est une fonction dans de nombreux programmes de calcul
électronique.
5.3 Changements
des prix relatifs
Il est hélas fréquemment arrivé
qu'on ne tienne pas compte, dans les analyses
avantages-coûts, des changements des prix relatifs
pendant la durée d'un projet. À
l'extrême, c'est ce qui arrive quand
l'analyste établit une « année
type » de flux de trésorerie en se
contentant d'augmenter toutes les valeurs des intrants
et des extrants d'un pourcentage uniforme pour chacune
des années suivantes. Ce raccourci non seulement ne
tient pas compte des changements des prix relatifs, mais
change la composition des intrants et des extrants d'une
année à l'autre. En général,
ce n'est pas une façon acceptable de
procéder.
Le traitement conséquent de l'inflation et des
changements des prix relatifs consiste à :
-
estimer les changements à venir des prix relatifs
pour chaque intrant et chaque extrant, et ce pour chaque
période pendant la durée du projet;
-
estimer le prix fictif des devises
étrangères, s'il y a des importations
et des exportations en jeu;
-
obtenir des estimations des changements annuels attendus
du niveau général des prix (ce qu'on
appelle communément l'inflation);
-
à partir de ces deux estimations, calculer le
prix nominal de chaque intrant et de chaque
extrant, pour chacune des années du projet;
-
établir le premier tableau complet des coûts
et des avantages, en dollars historiques, à partir
des prix estimés conformément à la
démarche ci-dessus;
-
apporter des corrections aux flux de trésorerie qui
doivent être calculés en dollars historiques
(comme les redressements fiscaux, les remboursements
d'emprunts et les rajustements des réserves de
liquidités, qu'on appelle parfois le fonds de
roulement). C'est ainsi qu'on établit le
tableau pro forma des flux de trésorerie;
-
corriger en fonction de l'inflation tous les postes
de l'état pro forma des flux de
trésorerie pour chaque année, à
l'aide de l'indice des prix, pour obtenir les
tableaux en dollars constants des avantages et des
coûts , qui serviront de base aux analyses qui
suivront.
5.4 Valeurs
futures et actualisées
Même quand les tableaux des coûts et des
avantages sont exprimés en dollars constants, ils ne
le sont pas encore en unités normalisées. Les
dollars constants ont un pouvoir d'achat uniforme, mais
les résultats ne sont pas les mêmes si ce
pouvoir est exercé maintenant ou plus tard. Pour que
les coûts et les avantages soient pleinement
comparables, leurs valeurs doivent être converties
à différents moments, en valeurs à un
seul moment donné. Les valeurs actualisées sont
des valeurs en dollars uniformisées non seulement pour
que le pouvoir d'achat soit constant, mais aussi en
fonction du moment auquel on les applique.
Pour faire la conversion en valeurs actualisées, il
faut utiliser un taux d'actualisation reflétant
la préférence intertemporelle du groupe de
référence. Quelle est la valeur
d'obtention d'un avantage maintenant plutôt
qu'à une date ultérieure? Dans les
analyses avantages-coûts menées pour
l'administration fédérale, le choix du
taux d'actualisation n'a pas fait
l'unanimité. Les promoteurs d'un projet ont
eu tendance à rejeter les taux d'actualisation
élevés, qui donnent une impression
défavorable des projets (puisque les avantages se
concrétisent généralement plus tard que
les coûts, de sorte que les taux d'actualisation
élevés tendent en général
à réduire les avantages plus que les
coûts).
Une fois le taux d'actualisation choisi, la conversion
des valeurs futures en valeurs actualisées et vice
versa est simple. La formule est la même que celle de
l'équation [2] pour correction en fonction de
l'inflation :
VA = VF/(1 + k)n [4]
où VA est la valeur actualisée à
t0 ($),VF la valeur
future à tn ($), k le taux
d'actualisation (%) et n le nombre de
périodes entre t0 et tn.
5.5 Taux
d'actualisation
Il est important de bien comprendre que le taux
d'actualisation convenable dépend
entièrement du point de vue de l'analyse, et que
ce point de vue doit être exprimé de
façon explicite. Par exemple, s'il est celui
d'un groupe de personnes donné, le taux
d'actualisation convenable devrait refléter les
préférences intertemporelles de ces personnes.
Si les membres du groupe sont pauvres, la recherche a
montré que le taux d'actualisation qui
reflète leur préférence intertemporelle
sera vraisemblablement élevé _ ils
accorderont une plus grande valeur aux avantages
immédiats, parce qu'ils ont des besoins
fondamentaux insatisfaits. Le coût d'emprunt peut
ne pas correspondre très bien à leur taux
d'actualisation (alors que c'est
généralement le cas pour une entreprise) si
leur accès au crédit est limité ou
faussé.
Contrairement à la plupart des individus et des
organisations, les gouvernements ont fréquemment deux
points de vue différents pour évaluer leurs
possibilités d'investissement : le point de
vue financier (le projet est-il valable selon le point de vue
strictement financier de l'État?) et le point de
vue social (le projet est-il valable pour le pays?). Les taux
d'actualisation peuvent être très
différents dans les deux cas.
5.5.1 Taux d'actualisation
financier
(Point de vue strictement financier du
gouvernement)
Le taux d'actualisation financier correspond au
coût d'emprunt du gouvernement. Il est acceptable
que l'analyste se serve du coût d'emprunt
réel quand il se fonde sur le strict point de vue
financier du gouvernement et que les fonds marginaux de
l'investissement sont empruntés plutôt que
générés par une augmentation du fardeau
fiscal. Le taux d'actualisation financier tend à
être faible, parce que les gouvernements sont
généralement des emprunteurs
privilégiés (en raison du fait que les taxes et
impôts sont une garantie de remboursement).
Cela dit, se fonder sur le point de vue financier et utiliser
le taux d'actualisation financier ne se justifient que
lorsque l'investissement proposé a très
peu de répercussions sociales, à supposer
qu'il en ait. C'est le cas, par exemple, des
décisions d'acheter des ordinateurs ou de louer
de petits locaux. Si le projet a suffisamment
d'envergure pour avoir une incidence sur
l'économie globale, ou s'il présente
des aspects d'intérêt pour le public, le
strict point de vue financier est probablement inacceptable.
5.5.2 Taux d'actualisation
social
(Vaste point de vue social du gouvernement)
Le taux d'actualisation social équivaut somme
toute au coût d'option du capital,
pondéré en fonction de la source des
capitaux d'investissement. Pour le gouvernement du
Canada, cela veut dire l'emprunt à
l'étranger, la renonciation à investir
dans le secteur privé et la renonciation à
consommer. Quand on sait à quelles utilisations le
gouvernement renonce en décidant d'investir et
qu'on connaît les taux de rendement de ces
utilisations, on peut calculer le coût d'option.
Fondamentalement, le gouvernement doit tirer de son
investissement un taux de rendement au moins
équivalent à celui des utilisations auxquelles
il a renoncé afin de pouvoir justifier une
décision d'imposer le secteur privé pour
financer les investissements dans le secteur public.
Autrement, il serait préférable pour le Canada
que cet argent reste dans le secteur privé, et ne soit
pas imposé.
Depuis 1976, le Conseil du Trésor exige que les
analystes avantages-coûts utilisent un taux
d'actualisation social réel de 10 % par an,
ce qui revient à dire que ce taux d'actualisation
s'applique à des dollars réels
(constants, après correction en fonction de
l'inflation). Ce taux est stable, car il reflète
un coût d'option dans le secteur privé,
où le taux moyen de rendement des investissements
(dans l'ensemble de l'économie) change tout
au plus très lentement au fil des ans.
L'estimation gouvernementale du taux
d'actualisation social a tenu le coup, même si
elle a été contestée au fil des
années. Des économistes ont proposé et
défendu des taux d'actualisation sociaux aussi
faibles que 7,5 % et aussi élevés que
12 % (réels dans les deux cas). Néanmoins,
les estimations répétées
réalisées par le ministère des Finances
ont toujours confirmé la validité de
l'estimation du taux d'actualisation social
réel de 10 %.
À l'heure actuelle, la seule contestation
sérieuse du taux d'actualisation social de
10 % vient de ceux pour qui des taux
d'actualisation élevés reviennent à
dévaluer indûment les avantages destinés
aux générations futures, qui ont tout aussi
droit que la génération actuelle à des
éléments fondamentaux comme de l'eau
propre et de l'air pur. Toutefois, cet argument
favorable à des taux d'actualisation peu
élevés pour les projets du secteur public
n'est pas fondé, car les projets dont le taux de
rendement est élevé compte tenu de tous leurs
coûts et de tous leurs avantages sont
préférables et pour la génération
actuelle, et pour les générations futures, si
on décide d'y réinvestir. C'est
uniquement lorsque les avantages sont non renouvelables et
consommés plutôt que réinvestis
qu'il y a des conflits entre générations,
l'une assumant les coûts et l'autre
bénéficiant des avantages. Or, ce conflit ne
saurait être atténué par une manipulation
du taux d'actualisation. La seule façon de le
régler, c'est de s'y attaquer directement
grâce à l'analyse de la consommation
intergénérationnelle.
5.5.3 Taux de préférence
intertemporelle
(Point de vue des consommateurs)
La confusion extrême en analyse avantages-coûts
est imputable à l'utilisation de
numéraires (unités de valeur)
différents. Pour éviter toute confusion, on
devrait utiliser un « dollar
d'investissement » comme numéraire,
avec un taux d'actualisation social réel de
10 % par année. C'est conforme à
l'approche commune en matière
d'investissement et de taux de rendement bien connue des
économistes et des non-économistes.
Par ailleurs, il est possible (et peut-être
théoriquement plus précis) d'utiliser
un dollar de consommation comme numéraire.
Après tout, l'investissement n'est pas une
valeur finale, alors que la consommation l'est. Le taux
social de préférence intertemporelle en
matière de consommation est normalement
réputé être d'environ 4 %, ce
qui est manifestement bien inférieur à un taux
d'actualisation de 10 %, et à
première vue, il pourrait sembler plus
intéressant pour ceux qui estiment que les avantages
qui se feront attendre longtemps (p. ex. des avantages
environnementaux généraux) ne devraient pas
être actualisés à un taux trop
élevé.
Toutefois, si l'on utilise le numéraire de
consommation et le taux social de préférence
intertemporelle en matière de consommation comme taux
d'actualisation, (pour que l'analyse soit
équitable et conséquente), il faut calculer le
prix fictif des fonds d'investissement en
fonction de la consommation à laquelle on renonce. Les
économistes qui ont calculé le prix fictif du
dollar d'investissement au Canada et aux
États-Unis ont constaté qu'il
équivaut à environ 2,50 $, en
« dollars de consommation ».
L'important est que le taux utilisé selon la
première approche (taux d'actualisation de
10 % des coûts et des avantages, exprimés
en numéraire d'investissement) et le taux
utilisé selon la deuxième approche (taux
d'actualisation de 4 % des coûts et des
avantages, exprimés en dollars de consommation, avec
des coûts exprimés à un prix fictif de
2,50 $ au dollar), on arrive à peu près
à la même chose. Comme les résultats des
deux approches sont à peu près les mêmes,
si les calculs sont bien faits, il est logique de rester
fidèle au concept plus facile à comprendre du
numéraire exprimé en dollars
d'investissement, avec un taux d'actualisation de
10 % (car c'est sur cela que l'approche
habituelle en matière d'investissement et de taux
de rendement est fondée). Ce qui est inacceptable,
c'est de confondre les deux approches : il est
inadmissible d'utiliser un taux d'actualisation de
4 % sans établir le prix fictif des fonds
d'investissement.
5.6 Effets
stratégiques de taux d'actualisation
élevés ou faibles
Le choix du taux d'actualisation est extrêmement
important. Il a une influence marquée (bien
qu'invisible) sur l'orientation de
l'organisation.
Un faible taux d'actualisation favorise :
-
un programme d'investissement énergique,
puisque le capital semble peu coûteux;
-
l'achat d'actifs;
-
des projets et programmes nombreux et d'envergure;
-
les projets dont les avantages peuvent être à
long terme.
Un taux d'actualisation
élevé favorise :
-
la prudence en matière d'investissement,
puisque les capitaux semblent coûteux;
-
la location et d'autres types d'options à
paiement reporté;
-
une planification souple, à court terme;
-
les solutions exigeant une main-d'oeuvre importante
plutôt que de gros capitaux.
5.7 Taux
d'actualisation en tant que variable de risque
L'ancien Guide de l'analyse
avantages-coûts du Conseil du Trésor, qui
date de 1976, recommandait un taux d'actualisation
social réel de 10 % et des taux de 5 %
à 15 % par an pour l'analyse de
sensibilité. Toutefois, l'expérience a
révélé que cette fourchette de taux est
trop large. La plupart des projets sont alléchants
à un taux d'actualisation de 5 % et
rebutants à un taux de 15 %. Il serait plus
crédible et plus utile d'opter pour une
fourchette de taux d'actualisation sociaux réels
d'environ 8 % à 12 % par année
(pour l'analyse de risque), le taux le plus
vraisemblable étant de 10 % par an.
Comme la valeur optimale du taux d'actualisation est
incertaine, il conviendrait de l'ajouter en tant que
variable de risque dans le tableau des
paramètres d'une analyse des
avantages-coûts et d'une analyse de risque par
simulation. Il est alors moins important de déterminer
une valeur précise du taux d'actualisation, car
on privilégie la détermination de la fourchette
la plus vraisemblable de ces taux, puis
l'interprétation des résultats de la
simulation financière (voir chapitre 9).
Pratique exemplaire _ Correction en
fonction
de l'inflation et actualisation
-
Pour s'assurer qu'il est
convenablement tenu compte des changements
des prix relatifs, les tableaux des
coûts et des avantages devraient
être d'abord établis en
dollars historiques, et les flux de
trésorerie indiqués pour
chaque période comprise dans la
période de calcul. Les conversions
en dollars constants ou en valeurs
actualisées ne devraient avoir lieu
que lorsque tous les coûts et les
avantages sont établis en dollars
historiques.
-
La correction en fonction de
l'inflation et l'actualisation
des valeurs sont deux
procédés différents,
qui devraient être
indépendants l'un de
l'autre.
-
Le choix du taux d'actualisation
optimal est fonction du point de vue de
l'analyse ainsi que du choix de
numéraire.
-
Le gouvernement du Canada emploie un taux
d'actualisation financier
(fondé sur un strict point de vue
« interne » qui
convient essentiellement pour les petits
projets) et un taux d'actualisation
social (fondé sur un point de vue
national). Lorsque le dollar
d'investissement normal est
utilisé comme numéraire, le
taux d'actualisation social
approprié (selon le ministère
des Finances et le Secrétariat du
Conseil du Trésor du Canada) est
d'environ 10 % réel par
année. La fourchette plausible des
taux d'actualisation pour
l'analyse de risque se situe entre
8 % et 12 %.
|
6. Règles de décision
Rien n'est aussi pratique qu'une bonne
théorie.
- Kurt Lewin, Field Theory in Social Science: Selected
Theoretical Papers, 1951
Les règles de décision servent à
déterminer la mesure dans laquelle un investissement
est valable et préférable à un autre.
Dans ce chapitre, on va voir comment on utilise les
règles de décision avec des données
déterministes, en ne tenant temporairement pas compte
de l'incertitude des données. Dans la
partie 9.7, nous verrons comment les mêmes
règles de décision peuvent être
appliquées lorsque les données sont
incertaines.
6.1 Valeur
actualisée nette
La valeur actualisée nette (VAN) est la valeur
actualisée de tous les avantages convertis au taux
d'actualisation optimal, moins la valeur
actualisée de tous les coûts convertis au
même taux. Elle correspond toujours à un moment
donné, généralement ta, celui de l'analyse, ou
t0,
c'est-à-dire le début du projet.
La valeur actualisée nette est calculée selon
la formule suivante :
VAN = coûts de l'investissement initial + somme
des valeurs actualisées des coûts et des
avantages pour chaque période comprise dans la
période de calcul. [5]
La VAN peut être calculée de plusieurs
façons. Il est évident que la VAN des avantages
et celle des coûts pourraient être
calculées séparément, puis soustraites,
mais plus souvent l'analyste soustrait les coûts
des avantages pour chaque période, de façon
à avoir les valeurs nettes des flux de
trésorerie sur une seule et même ligne,
après quoi il actualise les flux de trésorerie
nets pour obtenir la VAN. Ce calcul est un peu plus simple,
mais, ce qui est plus important, c'est que les flux de
trésorerie nets sont une donnée très
utile pour les gestionnaires. En effet, bien des projets ou
des entreprises dont la VAN était positive ont fait
faillite à cause de problèmes de
liquidités.
Par exemple, si l'investissement initial était de
100 $, et que les avantages se montaient à
70 $ et les coûts à 25 $ pour chacune
des trois années envisagées, avec un taux
d'actualisation est de 10 % par année, la
VAN serait :
VAN
|
=
|
- 100 $ + (70 $ - 25 $)/(1 + 0,1)1 + (70 $
- 25 $)/(1 +
0,1)2 + (70 $ -
25 $)/(1 + 0,1)3
|
|
=
|
- 100 $ + 40,91 $ + 37,19 $
+ 33,81 $
|
|
=
|
11,91 $
|
Cette formule
respecte la convention comptable expliquée au
chapitre 2, selon laquelle tous les coûts et les
avantages sont réputés se concrétiser
à la fin de la période visée, sauf dans
le cas des grandes dépenses de lancement
effectuées à t0, qui ne sont pas
actualisées.
6.1.1 Valeur actualisée
nette et seuil de rentabilité
Une VAN de zéro n'équivaut pas au
« seuil de rentabilité » comme
on l'entend normalement, à savoir des coûts
équivalant aux avantages. La VAN s'apparente
davantage aux bénéfices excédentaires
qu'aux bénéfices proprement dits. Si le
projet a une VAN de zéro, il a un taux de rendement
normal (égal au taux d'actualisation, bien
entendu). Par exemple, lorsqu'un projet a un taux de
rendement de 10 % par année et que ses flux de
trésorerie sont actualisés à 10 %
par année, la VAN est égale à
zéro.
Si nous accordons tant d'importance à la VAN, ce
n'est pas parce qu'elle nous permet
d'établir si le projet est rentable, mais bien
s'il vaut la peine de le réaliser plutôt
que de laisser les fonds là où ils sont en
temps normal (en rapportant 10 % par an).
6.2 Deux
règles de décision essentielles
Dans bien des cas, la répartition des coûts et
des avantages des projets évolue de façon
complexe avec le temps, de sorte qu'il est impossible de
déterminer quel projet est préférable
sans avoir recours à des règles de
décision. On a proposé beaucoup de
règles de ce genre; certaines donnent de bons
résultats seulement dans des situations
particulières et d'autres comportent des risques
d'erreur. Seulement deux donnent des résultats
généralement corrects et fiables. Il
s'agit de celles-ci :
Cas no 1 : Projet unique, budget
illimité, décision d'aller de l'avant
ou pas
Règle de décision 1 :
Ne jamais entreprendre de projets dont la VAN est
inférieure à zéro, à
moins d'être disposé à
« perdre de l'argent »
pour atteindre un objectif non
économique.
|
Exemple 6.2.1
|
|
VAN
|
Décision
|
|
Projet A
|
+ 3 $
|
Acceptation
|
|
Projet B
|
+ 0 $
|
Indifférence
|
|
Projet C
|
- 1 $
|
Rejet
|
Cas no 2 : Choix de projets, budget
limité, opter pour la solution optimale
Règle de décision 2 :
S'il y a plusieurs projets envisageables,
maximiser la VAN totale.
|
6.2.1
Problème de l'indépendance par rapport
à l'importance de l'investissement
Les gens n'ont généralement aucune
difficulté à accepter l'idée
qu'un projet ayant une VAN de -27 $ est
inacceptable, mais il leur est plus difficile d'admettre
le projet B, dont la VAN est de +3 $, reste
préférable au projet A, dont le VAN est de
+2 $, quel que soit l'investissement dans chacun
des deux. Pour bien comprendre ce phénomène, il
faut se rappeler, comme nous l'avons
précisé, que la VAN serait davantage un
excédent de bénéfices qu'un
bénéfice proprement dit.
Un petit exemple portant sur une seule période devrait
démontrer pourquoi il faut toujours
préférer la VAN la plus élevée.
L'essentiel est de se rendre compte de ce qui arrive
quand on uniformise le niveau d'investissement -
autrement dit quand on tient compte des conséquences
pour le capital restant lorsqu'on décide
d'investir une somme moins élevée.
Exemple 6.2.2
Supposons que le projet A nécessite un
investissement de 100 $ et le projet B un
investissement de 150 $. Investir dans le premier
plutôt que dans le deuxième signifie qu'on
obtient le taux de rendement normal en investissant les
50 $ restants ailleurs. Toutefois, ces 50 $ ont une
VAN de zéro (leur taux de rendement est le même,
mettons 10 %, que leur taux d'actualisation). Par
conséquent, si nous choisissons d'investir dans
le projet A, nous avons un total de 100 $, avec un
taux de rendement de 10 %, plus une VAN de 2 $, et
les 50 $ restants rapportent le taux de rendement
normal. Par contre, si nous optons pour le projet B,
150 $ rapportent le taux de rendement normal, plus une
VAN de 3 $.
Projet A rapporte (10 % de 100 $ + 10% de 50 $) +
2 $
Projet B rapporte (10 % de 150 $) + 3 $
|
Les chiffres entre parenthèses sont les mêmes
pour le projet A et le projet B, quelle que soit
l'importance de l'investissement, de sorte que les
différences ne se manifestent que dans les VAN.
L'importance de l'investissement dans les deux cas
ne devrait donc avoir aucune influence sur notre
décision, une fois que nous savons quelles sont les
VAN. La bonne décision est toujours d'opter pour
la VAN la plus élevée. Voici une autre
façon d'interpréter le même
calcul .
Exemple 6.2.3
|
Rendement de base
|
VAN
|
Rendement total
|
Projet A
|
|
|
|
Investissement de 100 $
|
10 $
|
2 $
|
12 $
|
Reste de 50 $
|
5 $
|
0 $
|
5 $
|
|
17 $
|
Projet B
|
|
|
|
Investissement de 150 $
|
15 $
|
3 $
|
18 $
|
Il est important
que les décideurs comprennent bien ce concept pour
pouvoir se servir utilement des VAN. Une VAN de zéro
n'équivaut pas au seuil de «
rentabilité » : elle signifie tout
simplement que le projet a un taux de rendement normal,
disons de 10 %. Une VAN négative, de -300 $,
par exemple, ne signifie pas nécessairement que le
projet accuse une perte au sens familier du terme, mais
simplement qu'il a le taux de rendement normal de
10 % moins 300 $.
Les projets peuvent être classés en fonction de
leur VAN quelle que soit leur envergure. Par contre, ils ne
peuvent pas l'être en fonction de leur taux de
rendement interne sans qu'on ne tienne compte de leur
envergure (voir paragraphe 6.3.1). C'est contraire
à l'intuition de bien des gestionnaires.
6.3
Règles de décision peu fiables
6.3.1 Taux de
rendement interne
Le taux de rendement interne (TRI) est le taux
d'actualisation auquel la VAN du projet est égale
à zéro. Un TRI plus élevé que le
taux d'actualisation normalisé signifie que le
projet devrait être réalisé; quand on
choisit de réaliser un projet plutôt qu'un
autre, il faut opter pour celui dont le TRI est le plus
élevé. Par exemple, si le projet A a un
TRI de 15 % alors que celui des projets ordinaires
est de 10 %, il vaut la peine qu'on y investisse.
Le TRI présente trois grands inconvénients
(précisés ci-dessous), faisant qu'il est
mauvais de le substituer à la VAN comme règle
de décision. Néanmoins, de nombreux
gestionnaires le trouvent intuitivement séduisant,
contrairement à la VAN. Ils tendent à penser
que sa signification est transparente, mais c'est faux.
Quand on calcule un TRI, il faut l'interpréter
avec prudence.
Fondamentalement, la formule de calcul du TRI est la
même que celle de la VAN. Si le taux
d'actualisation est connu, il est possible de calculer
la VAN, et vice versa. Néanmoins, le calcul du TRI
n'est pas basé sur une preuve et une formule.
L'analyste se sert d'un ordinateur pour calculer le
TRI par tâtonnements. À partir d'une
hypothèse de TRI vraisemblable, l'ordinateur
introduit des valeurs plus élevées et moins
élevées de i dans la formule
jusqu'à ce qu'il arrive à une VAN de
zéro.
La plupart des programmes de calcul électronique
couramment utilisés prévoient un nombre
limité d'itérations. Si l'ordinateur
ne trouve pas de taux d'actualisation équivalant
à une VAN de zéro après un nombre
limité d'itérations, il affiche un message
d'erreur, auquel cas l'analyste doit recommencer,
en postulant une valeur de TRI différente. De plus,
outre cette lourdeur du processus de calcul, le TRI
présente deux autres inconvénients qui en
rendent l'utilisation douteuse.
Inconvénient 1 : Les
comparaisons simples de TRI peuvent être
trompeuses si les projets ne sont pas de la
même envergure. Un projet ayant un TRI de
7 % n'est pas nécessairement
préférable à un autre ayant
un TRI de 6 %. L'envergure de chaque
projet et le taux d'actualisation peuvent
aider à déterminer quel est le
meilleur projet.
|
Exemple 6.3.1
|
|
|
|
Projet A
|
Projet B
|
Coût total
|
100 $
|
10 000 $
|
TRI
|
7 %
|
6 %
|
Taux d'actualisation
|
5 %
|
5 %
|
Avec le projet A, un investissement de 100 $ a un
taux de rendement de 7 %; les 9 900 $ restants
ont un taux de rendement de 5 % (rendement total =
7 $+495 $=502 $). Par contre, avec le
projet B, les 10 000 $ ont un rendement de
6 % (600 $). Le projet B est
préférable, même si son TRI est
inférieur à celui du projet A.
Inconvénient 2 : Dans bien
des cas, l'équation admet plus
d'une valeur du TRI, et il n'est pas
toujours évident pour l'analyste que
d'autres valeurs tout aussi acceptables
existent puisque l'ordinateur
s'arrête dès qu'il trouve
une valeur acceptable.
|
Des valeurs multiples du TRI (certaines
négatives et d'autres positives) sont
particulièrement vraisemblables si le flux de
trésorerie annuel du projet a des valeurs tantôt
positives, tantôt négatives, ce qui est
fréquent en raison des besoins cycliques de
refinancement des projets, des fluctuations des prix des
intrants et des extrants, ou de ces deux facteurs à la
fois. Dans certains cas, les analystes font
« entorse » aux règles
comptables pour obtenir une configuration des flux de
trésorerie correspondant à une valeur unique
pour le TRI, mais ce n'est pas une solution
satisfaisante. Au mieux, l'existence de multiples
valeurs possibles du TRI sape sa crédibilité;
au pire, elle peut mener au choix d'un mauvais
projet.
6.3.2 Ratio
avantages-coûts, période de
récupération et coûts
actualisés
Il arrive parfois qu'on utilise correctement des
règles de décision autres que celles qui sont
fondées sur la VAN, et dont il est question dans la
partie 6.2, mais, dans l'ensemble, aucune
n'est satisfaisante. Les trois plus répandues
sont celles du ratio avantages-coûts, de la
période de récupération et des
coûts actualisés.
Ratios avantages-coûts
Le ratio avantages-coûts est le rapport de la valeur
actualisée des avantages sur la valeur
actualisée des coûts. La règle de
décision consiste à rejeter tout projet ayant
un ratio avantages-coûts inférieur à
l'unité, les projets étant classés
dans l'ordre de leurs ratios avantages-coûts. La
première partie de cette règle est valable,
mais la seconde risque de ne pas l'être, parce
qu'il est possible de modifier nettement le ratio
avantages-coûts en modifiant artificiellement la
façon de calculer les avantages et les coûts
(bien qu'il soit impossible de faire passer un ratio
inférieur à l'unité à un
ratio supérieur à l'unité, et vice
versa _ il suffit d'essayer pour en avoir la
preuve). À cet égard, rappelons qu'un
avantage positif est l'équivalent d'un
coût négatif; presque tous les coûts ou
tous les avantages pourraient servir d'exemples. Prenons
le cas des dépenses de construction d'une route
d'accès à un nouveau parc. Elles
pourraient être ajoutées aux coûts du parc
ou soustraites des avantages. Les deux façons de
procéder sont acceptables, mais le ratio
avantages-coûts pourrait être artificiellement
accru ou réduit en raison de cette décision
arbitraire.
Exemple 6.3.2
|
|
|
|
|
Avantages
|
Coûts
|
Ratio avantages-coûts
|
Projet A
|
100 $
|
60 $
|
100/60 = 1,66
|
Projet A (le même projet, mais en
soustrayant 30 $ des avantages au lieu de les
inscrire comme un coût)
|
70 $
|
30 $
|
70/30 = 2,33
|
Période de récupération
La période de récupération est celle qui
doit s'écouler pour que la valeur
actualisée des avantages s'élève au
point d'égaler la valeur actualisée
cumulative des coûts. En général, cette
période doit être la plus courte possible.
Néanmoins, une règle de décision
fondée sur ce facteur peut être trompeuse, parce
qu'on ne tient pas compte de ce qui se passe
après la fin de la période de
récupération, alors qu'il est très
possible qu'un projet ait une VAN plus
élevée et une période de
récupération plus longue (voir la
figure 6.4.1). Le projet A présente une
période de récupération plus courte,
mais le projet B aboutit à une VAN plus
élevée.
Coûts actualisés
Lorsque les avantages de deux solutions envisageables sont
exactement les mêmes, le choix peut être
basé sur les coûts actualisés les plus
bas. Néanmoins, il ne s'agit pas d'une
règle de décision fiable car on ne peut se
fonder sur ce facteur pour dire si le projet devrait
être réalisé ou pas. En outre, le
postulat selon lequel les avantages sont constants est
généralement une simplification et risque
souvent de ne pas être valable. Par exemple, une
installation construite est rarement l'équivalent
exact, qualitativement et quantitativement, d'une
installation louée. Certaines des différences
peuvent être très importantes. Qui plus est, les
coûts actualisés peuvent faire l'objet de
manipulations du genre de celles que nous avons
décrites à l'égard du ratio
avantages-coûts. La façon de calculer les
coûts et les avantages (les avantages pouvant
être considérés comme des coûts
négatifs) peut modifier artificiellement la valeur
apparente des coûts actualisés.
Pratique exemplaire _ Règles
de décision
La meilleure règle de décision
est celle de la VAN. Les autres devraient
être utilisées avec une
extrême prudence.
Les deux règles de décision
essentielles sont les suivantes :
-
Ne jamais entreprendre de projets dont la
VAN est inférieure à
zéro, à moins
d'être disposé à
« perdre de
l'argent » pour atteindre
un objectif non financier.
-
S'il y a plusieurs projets
envisageables, maximiser la VAN totale.
|
7. Analyse de sensibilité
La baleine qui erre autour du pôle n'est pas
faite pour être mangée. Elle est trop grosse
pour être cuite ou servie entière dans une
assiette.
- Hilaire Belloc, "The Whale," The Bad
Child's Book of Beasts, 1896
7.1
Qu'est-ce que la sensibilité?
Dans les analyses avantages-coûts, plusieurs facteurs
incertains influent habituellement sur les résultats.
C'est vrai dans des domaines aussi différents que
la santé, l'éducation, l'emploi ou le
développement économique. Il est important de
savoir dans quelle mesure les résultats sont
« sensibles » aux changements de ces
facteurs d'incertitude. Il est utile de le savoir pour
déterminer s'il vaut la peine d'engager des
dépenses pour obtenir des données plus
précises, ou si des mesures peuvent être prises
pour limiter l'incertitude (p. ex. en remaniant les
éléments du projet ou simplement en assurant
une gestion particulièrement vigilante du projet), et
pour communiquer aux décideurs l'ampleur de
l'incertitude et du risque inhérents au
programme.
L'analyse de sensibilité est toutefois un
instrument limité. Elle traite les variables une par
une, toutes les autres restant constantes dans chaque cas.
Elle ne tient pas compte des actions simultanées et
des interactions entre les variables pourtant
inévitables dans la réalité. Il peut
être trompeur d'accorder trop d'importance
aux résultats, puisqu'une variable pouvant
sembler cruciale lorsqu'elle est étudiée
isolément peut être ou ne pas être
fondamentale lorsqu'on l'étudie
parallèlement à d'autres variables, qui en
renforcent ou en réduisent l'influence sur le
résultat du projet. Seule l'analyse de risque
(Hertz et Thomas, 1983, 1984) peut déterminer avec
précision l'influence de chaque variable.
Néanmoins, l'analyse de sensibilité est
une étape utile (bien que limitée) pour
étudier le modèle déterministe.
C'est la deuxième des trois phases de
l'analyse générale, qui consiste
à :
-
construire un modèle
déterministe fondé sur des valeurs
uniques « optimales » (valeurs de
référence) des variables d'intrants;
-
déterminer la sensibilité des
résultats à chacune de ces variables et
prendre des mesures pour réduire le risque
d'incertitude, si possible;
-
faire une analyse complète des risques, en
étudiant les probabilités de nombreuses
variables simultanément.
L'analyse de sensibilité permet de mieux
comprendre le modèle. À mesure que l'on
acquiert cette compréhension, on peut prendre les
mesures qui s'imposent. Dans certains cas, la seule
chose à faire, c'est obtenir de meilleures
données. Par exemple, les résultats d'une
décision d'acheter ou de ne pas acheter un poumon
artificiel sont sensibles à la
« probabilité d'une
épidémie de grippe », laquelle
n'est pas contrôlable. Dans d'autres cas, on
peut être en mesure de déterminer ou de limiter
la valeur d'une variable donnée. Par exemple, si
les résultats sont particulièrement sensibles
au taux de rémunération d'un
opérateur, celui-ci peut être
négocié au préalable. S'il est
préétabli, les résultats sont beaucoup
moins sensibles à son influence. Plus la
sensibilité peut être minimisée, plus
l'estimation du résultat peut être
précise.
7.2
Sensibilité brute
Dans sa forme la plus simple, que nous pourrions appeler la
sensibilité brute, l'analyse de
sensibilité consiste à calculer (une variable
à la fois) la mesure dans laquelle la VAN change si la
variable qui influe sur elle est modifiée d'un
pourcentage uniforme, disons de 10 %. Revenons à
l'exemple de la décision d'acheter ou de ne
pas acheter un poumon artificiel, dont la VAN est fonction de
quatre variables, à savoir les coûts
d'assurance, les coûts de fonctionnement, le prix
d'achat et le taux d'utilisation. Il suffit de
jeter un coup d'oeil au tableau 7.2.1 pour
constater que la décision est très sensible
à trois des quatre variables.
Tableau 7.2.1 : Exemple de sensibilité brute de la VAN
aux variables d'intrants
Variable
|
Changement de la VAN par suite d'un
changement de 10 % de la variable
|
Coûts d'assurance
|
|
Coûts de fonctionnement
|
|
Prix de la machine
|
|
Taux d'utilisation
|
|
7.3 Qu'est-ce qui détermine la
sensibilité?
L'interprétation superficielle du
tableau 7.2.1 peut induire en erreur. La
« sensibilité effective » du
résultat à une variable donnée est
déterminée par quatre facteurs, les
suivants :
-
le degré de réactivité de la
VAN aux changements de la variable;
-
la fourchette de valeurs plausibles de la variable;
-
la volatilité de la valeur de la variable
(soit la probabilité que la valeur de la variable
s'inscrive dans la fourchette de valeurs plausibles);
-
la mesure dans laquelle la fourchette ou la
volatilité des valeurs de la variable sont
contrôlables.
Le premier de ces facteurs, la réactivité de la
VAN aux changements de la variable, comprend deux volets,
correspondant à l'influence directe et à
l'influence indirecte de la variable sur la VAN. Son
influence indirecte est exercée en fonction de ses
rapports avec d'autres variables, elles-mêmes
reliées à la VAN. S'il y a des
corrélations positives entre la variable
envisagée et les autres variables influentes,
l'influence effective des deux est amplifiée,
alors que c'est le contraire si elles ont des
corrélations négatives. La seule façon
de déterminer intégralement les influences
consiste à construire un modèle de simulation
capable de traiter les interactions simultanées de
nombreuses variables.
7.4
Sensibilité et processus décisionnel
Les sensibilités qui nous intéressent le plus
sont celles qui pourraient transformer une décision
favorable en une décision défavorable au
projet, et vice versa. Quatre calculs peuvent nous aider
à estimer la probabilité d'un tel
changement.
-
Quelle est la fourchette d'influence?
Autrement dit, jusqu'à quel point la VAN
change-t-elle quand la variable passe de la plus faible
à la plus élevée de ses valeurs
plausibles?
-
Cette fourchette d'influence contient-elle une VAN de
zéro? Dans l'affirmative, la variable a une
valeur critique _ à laquelle
notre estimation du projet, jusque-là
positive, devient négative.
-
Quel est le ratio critique de la variable?
Autrement dit, de quel pourcentage doit-elle changer pour
atteindre une valeur critique?
-
Quelle est la probabilité critique,
c'est-à-dire la probabilité que la
variable atteigne la valeur critique?
Si nous ajoutons ces calculs à celui de la
sensibilité brute du tableau 7.2.1, nous
obtenons une assez bonne idée de la sensibilité
probable à une variable donnée dans les limites
naturellement imposées par l'obligation de ne
traiter qu'une variable à la fois (voir
tableau 7.4.1).
Tableau 7.4.1 : Exemple de plusieurs indicateurs de la
sensibilité de la VAN aux variables
d'intrants
|
Variables d'intrants
|
Indicateurs de sensibilité
|
Coûts d'assurance
|
Coûts de fonctionnement
|
Prix de la machine
|
Taux d'utilisation
|
Sensibilité brute
|
15 %
|
21 %
|
7 %
|
19 %
|
Fourchette d'influence
|
10 %
|
17 %
|
5 %
|
35 %
|
Valeur critique
|
Non
|
Oui
|
Non
|
Oui
|
Ratio critique
|
-
|
9 %
|
-
|
63 %
|
Probabilité critique
|
-
|
40 %
|
-
|
42 %
|
L'examen du tableau 7.4.1 montre clairement que la
VAN n'est sensible ni aux coûts d'assurance,
ni au prix de la machine. Ni l'une ni l'autre de
ces variables ne peut faire changer la VAN suffisamment pour
qu'une valeur critique soit atteinte. Par contre, la VAN
est sensible aux coûts de fonctionnement et au taux
d'utilisation. Le taux d'utilisation est la
variable la plus volatile, puisque la valeur critique a
à peu près autant de chances d'être
atteinte (42 % comparativement à 40 %),
même si le pourcentage de changement doit être
beaucoup plus élevé pour y parvenir. C'est
la volatilité de cette variable qui fait qu'elle
a autant de chances que l'autre de causer un changement
crucial de la VAN. Par conséquent, nous tendrions
à conclure que ces deux variables clés ont une
influence égale.
7.5 Analyse de
sensibilité à deux variables
Jusqu'à présent, nous avons analysé
la sensibilité une variable à la fois. La
prochaine étape en vue d'arriver à une
véritable analyse de risque consiste à analyser
deux variables à la fois. Les scénarios
définis en fonction de deux variables interactives ne
sont toujours pas des indicateurs exhaustifs et
réalistes de la sensibilité, mais ils demeurent
préférables à ceux basés sur
l'analyse d'une seule variable à la fois.
L'influence combinée de deux variables
d'intrants sur la VAN peut être décrite
dans une matrice comme celle du tableau 7.5.1.
Tableau 7.5.1 : Influence des combinaisons de deux
variables d'intrants sur la valeur actualisée
nette
Taux d'actualisation
|
Taux d'utilisation
|
500
|
475
|
450
|
425
|
400
|
0 10
|
16 814 $
|
12 987 $
|
9 161 $
|
5 335 $
|
1 509 $
|
0 11
|
14 923 $
|
11 200 $
|
7 476 $
|
3 753 $
|
29 $
|
0 12
|
13 082 $
|
9 459 $
|
5 835 $
|
2 212 $
|
|
0 13
|
11 288$
|
7 763 $
|
4 238 $
|
713 $
|
|
0 14
|
9 541 $
|
6 112 $
|
2 683 $
|
(746 $)
|
|
0 15
|
7 840 $
|
4 505 $
|
1 170 $
|
(2 165 $)
|
|
0 16
|
6 185 $
|
2 941 $
|
(302 $)
|
(3 545 $)
|
|
0 17
|
4 573 $
|
1 420 $
|
(1 734)
|
(4 887 $)
|
|
0 18
|
3 004 $
|
(61 $)
|
(3 127 $)
|
(6 192 $)
|
|
0 19
|
1 478 $
|
(1 501 $)
|
(4 481 $)
|
(7 460 $)
|
|
0 20
|
(6 $)
|
(2 902 $)
|
(5 798 $)
|
(8 693 $)
|
|
L'examen du tableau révèle quel taux
d'utilisation il faut atteindre pour que la machine soit
économique, et ce pour chaque taux
d'actualisation. On constate qu'il serait possible
de tracer une diagonale (du point inférieur gauche au
coin inférieur droit) contenant toutes les
combinaisons du taux d'actualisation et du taux
d'utilisation qui donneraient une VAN de zéro. La
diagonale divise le tableau en deux
« régions stratégiques »
(définies par les combinaisons des taux
d'actualisation et des taux d'utilisation). Dans
l'une de ces régions stratégiques, toutes
les valeurs de la VAN sont négatives, (chiffres en
gras) alors qu'elles sont toutes positives dans
l'autre.
Si dans le modèle établi la sensibilité
découle principalement de deux variables clés,
ce genre d'analyse est très
révélateur. Même s'il y a plus de
deux variables clés, l'analyse par paire de
variables nous fait comprendre un peu mieux comment le
modèle se comporte, dans un contexte réaliste.
7.6 Analyse
graphique de la sensibilité
Nous avons tenté jusqu'à présent
d'évaluer la sensibilité en
interprétant les tableaux. Dans la pratique, on tend
davantage à utiliser des graphiques, car
l'interaction entre la variable étudiée et
le résultat est visible dans une fourchette
raisonnable de valeurs. L'analyse de sensibilité
est une démarche d'exploration et elle n'est
pas définitive, de sorte qu'il faut commencer par
dégager les tendances des données.
7.6.1 Courbes de sensibilité
On utilise un graphique aussi simple qu'utile pour
illustrer les changements des VAN résultant de ceux de
la variable de risque. Il est facile d'identifier les
valeurs critiques pour avoir une idée de la
sensibilité des résultats aux changements de la
variable. Si les changements de la variable sont
présentés sur le graphique en pourcentages
(autrement dit normalisés), il est possible
d'inscrire les courbes de deux variables, ou plus
(calculées une à la fois, bien sûr) sur
le même graphique. C'est utile parce que la
sensibilité relative de chaque variable est
révélée par la pente de la courbe. Plus
la VAN change à cause d'un changement d'une
variable, plus elle est sensible à cette variable,
à volatilité égale.
Si le changement en pourcentage de la VAN est inscrit sur
l'axe des x et le changement en pourcentage de la
variable de risque sur l'axe des y, les courbes
ouvertes révèlent une sensibilité
marquée. Comme on peut le voir dans la
figure 7.6.1, la VAN du projet donné à
titre d'exemple est plus sensible à la
variable B qu'à la variable A. Un
changement de 10 % de la variable B entraîne un
changement beaucoup plus important de la VAN qu'un
changement du même ordre de la variable A.
7.6.2 Diagrammes à pattes
d'araignée
On peut regrouper les courbes de sensibilité pour
illustrer de nombreuses variables d'intrants sur un seul
et même graphique. Ce type de graphique combiné
s'appelle un diagramme à pattes
d'araignée (figure 7.6.2). Le
centre du diagramme correspond à la VAN quand la
valeur de chacune des variables correspond à sa valeur
de référence. Les courbes du diagramme montrent
comment la VAN change à mesure que change celle de
chaque variable, toutes les autres demeurant égales.
La longueur des lignes peut varier, parce que chaque variable
a sa propre fourchette de valeurs plausibles à
l'intérieur de laquelle elle peut changer. Les
valeurs d'une variable peuvent fluctuer de seulement
10 % à la hausse ou à la baisse par
rapport à sa valeur de référence, tandis
qu'une autre variable peut être extrêmement
incertaine, avec une fourchette pouvant aller de +170 %
à -60 %.
L'espace d'interprétation posé sur le
diagramme à pattes d'araignée est
destiné à faciliter
l'interprétation. Le haut et le bas de la case
correspondent à des changements de +5 % et de
-5 %, respectivement, des variables. Chaque fois
qu'une des « pattes » du diagramme
à pattes d'araignée dépasse le haut
ou le bas de la case, elle indique la VAN résultant
d'un changement de 5 % de la variable
d'intrant visée.
Le côté gauche de la case correspond à
une VAN de zéro; par conséquent, les pattes
d'araignée le franchissent à
la valeur critique des variables. Le côté
droit de la case, lui, correspond à une VAN de 60,
pour des raisons de symétrie (la VAN du
scénario de référence est 30). Ces
dimensions sont raisonnables dans le cas de cette analyse-ci,
mais elles diffèrent dans d'autres analyses (la
case n'étant rien d'autre qu'un moyen
pratique de lire le diagramme). En fait, le diagramme
à pattes d'araignée montre la mesure dans
laquelle chaque variable devrait changer, toutes choses
égales par ailleurs, pour que la VAN égale
zéro (le ratio critique).
7.6.3 Graphiques en
tornade
Les graphiques en tornade brossent eux aussi un tableau
rapide, quoique partiel, de la sensibilité relative.
Chacune des barres montre la fourchette des VAN lorsque
chaque variable passe (une à la fois) de sa valeur la
plus élevée à sa valeur la plus faible.
Un coup d'oeil à la figure 7.6.3
révèle pourquoi on parle de graphique en
tornade (les variables étant disposées en ordre
d'influence décroissant, de haut en bas). Bien
sûr, l'ampleur de la fourchette des valeurs
plausibles n'est pas le seul facteur qui
détermine la sensibilité. La volatilité
_ soit la probabilité que la valeur de la
variable change dans cette fourchette _ importe
également pour déterminer la
sensibilité. Il est cependant impossible de constater
la volatilité d'une variable sur un graphique en
tornade.
La longueur de chaque barre indique la mesure
dans laquelle la variable peut influencer la VAN.
L'ombrage change à la VAN qui correspond à
la valeur déterministe de la variable.
7.7
Traitement de la sensibilité
Une fois qu'on a établi les sensibilités
clés parmi les variables de risque, une par une
(toutes choses égales par ailleurs), on peut commencer
à penser à gérer le risque.
-
Y a-t-il dans le modèle des variables
d'intrants corrélatives, dont l'influence
individuelle est par conséquent
atténuée ou amplifiée?
-
La diversification est-elle souhaitable? Pourrait-on faire
en même temps d'autres investissements pour
lesquels l'influence de la même variable serait
inversée?
-
La valeur de la variable clé peut-elle être
déterminée avec plus de certitude si
l'on recueille plus de renseignements et, dans
l'affirmative, vaut-il la peine de payer pour les
obtenir?
Une fois qu'on a répondu à ces questions,
on peut formuler un plan d'action pour minimiser
l'incertitude et, partant, limiter le risque.
Pratique exemplaire _ Analyse de
sensibilité
-
L'analyse de sensibilité est
une technique utile pour déterminer
l'importance de chaque variable dans
le modèle d'analyse
avantages-coûts.
-
L'analyse de sensibilité ne
révèle pas grand-chose sur le
degré de risque du projet, parce
qu'elle ne peut traiter plus de deux
variables à la fois. Il est
impossible de savoir si les effets
individuels des variables sur le risque
sont amplifiés ou s'ils
s'annulent tant qu'on n'a
pas fait une analyse dans laquelle toutes
les variables varient simultanément.
-
Quatre facteurs contribuent à la
sensibilité : le degré
de réactivité de la VAN aux
changements de la variable;
l'importance de la fourchette des
valeurs plausibles de la variable; la
volatilité de la valeur de la
variable (soit la probabilité que la
valeur de la variable change dans les
limites de la fourchette des valeurs
plausibles) et la mesure dans laquelle la
fourchette ou la volatilité de la
valeur de la variable est
contrôlable.
-
L'analyse graphique de la
sensibilité est souvent utile; elle
se fait à l'aide de courbes de
sensibilité, de graphiques à
pattes d'araignée et de
diagrammes en tornade.
-
La valeur critique d'une variable de
risque peut être un facteur important
aux fins d'une prise de
décision en matière
d'investissement, car elle peut aider
le décideur à pondérer
le risque.
|
8. Approches générales en matière
d'incertitude et de risque
Des caractéristiques du risque plus
complètes, plus subtiles et fondées sur
davantage de données aideraient les
décideurs à prendre des décisions
plus équilibrées, plus subtiles et plus
éclairées.
- National Academy of Public Administration, Setting
Priorities, Getting Results, 1995
Le traitement de
données incertaines est un trait
caractéristique de l'analyse
avantages-coûts pratique. Aux chapitres 3 et 4, il
a été question d'incertitude dans le
contexte des effets différentiels d'un programme
ou d'un projet. Au chapitre 8, nous allons
étudier les moyens de traiter l'incertitude dans
l'analyse financière et économique
globale. Une grande partie des outils utilisés sont
les mêmes.
8.1 Approches
pour quantifier le risque lié à
l'incertitude
Il y a trois approches pour traiter le risque financier et
économique dans le contexte de l'analyse
avantages-coûts. Il s'agit de celles-ci :
-
les valeurs attendues (équivalents certains) des
scénarios;
-
les taux d'actualisation ajustés au risque;
-
l'analyse du risque par simulation.
Dans l'état actuel des connaissances,
l'application des deux premières approches est
limitée. Seule la troisième, celle de la
simulation, offre une technique pratique permettant
d'analyser le risque global d'un projet.
8.2 Valeurs attendues des
scénarios
Si un investissement a deux résultats possibles
_10 $ et 100 $ _ qui présentent
respectivement 30 % et 70 % de chances de se
concrétiser, la valeur attendue ou
l'équivalent certain de
l'investissement est (0,3 x 10 $) +
(0,7 x 100 $) = 3 $ +
70 $ = 73 $. Sur un plan strictement logique
face au risque, faire l'investissement ou accepter
73 $ devrait laisser l'intéressé
indifférent.
Rares sont les analyses avantages-coûts pour lesquelles
on adopte cette approche car, dans la plupart des cas, le
nombre de résultats possibles est trop grand pour
qu'on puisse envisager clairement les
probabilités de chacun séparément.
Toutefois, les scénarios peuvent parfois donner des
renseignements utiles sur le risque. Par exemple, prenons une
société pétrolière qui cherche
à savoir si elle devrait construire un nouvel
oléoduc dans un détroit où pullulent les
icebergs. La construction de l'oléoduc
coûterait 100 millions de dollars (valeur
actualisée à t0). Le dirigeant de la
société envisage
trois scénarios et chacun a un aboutissement
prévisible pour la société.
Scénario 1 : L'oléoduc
n'est pas heurté par un iceberg.
Résultat : Recettes de la
société tirées de
l'oléoduc : 135 millions de dollars,
t0.
Scénario 2 : L'oléoduc
est heurté par un iceberg, mais reste
réparable.
Résultat : Recettes de la
société tirées de
l'oléoduc : 93 millions de dollars,
t0.
Scénario 3 : L'oléoduc
est heurté par un iceberg et est irréparable.
Résultat : Recettes de la
société tirées de
l'oléoduc : 9 millions de dollars,
t0.
Passons maintenant à la partie difficile de
l'analyse. Supposons que le dirigeant de la
société commande une étude à des
spécialistes du risque de collision avec un iceberg;
ils lui disent qu'il y a 60 % de chances que
l'oléoduc ne soit jamais heurté par un
iceberg, 30 % de chances qu'il soit heurté,
mais reste réparable et 10 % de chances
qu'il soit heurté par un iceberg et ne soit pas
réparable. La valeur attendue de l'investissement
de 100 millions de dollars est donc de
(0,6 x 135 M $) + (0,3 x 93 M
$) + (0,1 x 9 M $) = (81 M $ +
27,9 M $ + 0,9 M $) = 109,8 millions de
dollars. La société décide de construire
l'oléoduc, car les avantages escomptés
(109,8 millions de dollars) sont supérieurs aux
coûts (100 millions de dollars). Un iceberg heurte
l'oléoduc, mais celui-ci est réparable. La
société perd 7 millions de dollars.
Pourtant, son dirigeant a pris la bonne décision, en
s'appuyant sur les renseignements dont il disposait.
La principale différence entre cette façon de
procéder et la simulation recommandée
réside dans la fiabilité des estimations des
probabilités effectuées. Les
spécialistes du risque de collision avec un iceberg
possédaient-ils la compétence requise pour
déterminer les probabilités qu'une
collision se produise? Il n'y a avait pas de
données. En fait, poser des probabilités
subjectives dans des scénarios aussi
généraux revient à toutes fins utiles
à deviner. Par contre, il est plausible qu'un
spécialiste de l'établissement du prix des
pommes puisse prédire les prix des pommes dans une
fourchette de prix raisonnable un an à
l'avance, en se fondant sur les données des prix
historiques, les tendances de la demande et les facteurs
susceptibles de modifier ces variables. Même s'il
y a un élément subjectif ou une part de
jugement dans la projection des prix des pommes, il existe
des données. Des spécialistes reconnus ont fait
preuve d'un bon jugement à cet égard, pour
exprimer les prix dans une fourchette de prix et arriver
à une distribution des probabilités avec
une confiance raisonnable. L'analyse du risque est
à la fois une science et un art. Une partie de
l'art consiste à savoir où et quand faire
appel à des données probabilistes dans le
modèle d'analyse avantages-coûts.
8.3 Taux d'actualisation
ajustés au risque
La pratique qui consiste à tenir compte de
l'incertitude dans l'évaluation d'un
projet au moyen du taux d'actualisation ne
présente qu'une valeur relative. En effet,
elle suppose que l'incertitude se compose à un
taux fixe au fil des ans. Cette éventualité
est peu probable. Lorsqu'il est possible
d'attribuer divers degrés d'incertitude
aux valeurs futures des variables, il est
préférable de laisser les estimations des
avantages et des coûts annuels futurs traduire ces
différents degrés d'incertitude et
d'additionner les valeurs actuelles à
l'aide d'un taux d'actualisation sûr.
- Conseil du Trésor, Guide de
l'analyse avantages-coûts, 1976
Une autre approche censée traiter le risque de
façon analytique est celle des taux
d'actualisation ajustés au risque.
Fondamentalement, le principe est le suivant : dans un
marché parfait, tous les investissements ont le
même taux de rendement, sinon les capitaux seraient
siphonnés dans les domaines à rendement
élevé, faisant baisser les rendements moyens
jusqu'à ce que les taux s'égalisent.
Il s'ensuit que des taux de rendement nettement
différents doivent être composés du
même taux de base plus une prime de risque pour
qu'à long terme l'investisseur ne touche que
le taux de rendement de base. Si c'est le cas, le taux
d'actualisation indiqué (coût du capital)
correspond donc au taux de base plus une prime de risque.
C'est ce qu'on appelle le taux d'actualisation
ajusté au risque.
Malheureusement, cette approche présente plusieurs
inconvénients. D'abord, les marchés ne
sont pas parfaits, de sorte que les écarts
observés entre les taux de rendement peuvent
être attribuables à d'autres facteurs
systématiques ou aléatoires plutôt
qu'au risque inhérent à un projet. En
outre, cela revient à confondre le risque du
prêteur qui avance des capitaux à
l'investisseur avec le risque inhérent au projet
envisagé, alors qu'ils sont différents.
Qui plus est, l'ajout d'une prime de risque au taux
d'actualisation (qui est un taux
d'intérêt composé) peut produire des
résultats bizarres. Quand on ajoute une prime de
risque au taux d'actualisation, la valeur absolue de la
prime, en dollars, augmente au fil des années, ce qui
serait insensé, dans le cas de bien des
investissements incertains durant la période initiale,
mais tendant à finir par correspondre à une
combinaison connue de coûts et de recettes,
présentant moins de risques, (dans le secteur de
l'immobilier, par exemple).
Néanmoins, ce sont là des objections
plutôt abstraites à une théorie elle
aussi abstraite. Dans la pratique, il n'existe aucun
moyen connu de calculer la prime de risque dans un cas
précis. La meilleure approximation qu'on puisse
faire à cet égard, c'est quand des
données relatives à un grand nombre de
transactions se prêtent à l'analyse
statistique, comme sur le marché boursier. Là,
la variabilité du prix d'une valeur peut
raisonnablement être assimilée à un type
de risque, mais personne n'a encore
démontré une façon d'utiliser ce
« risque de volatilité » pour
corriger les taux d'actualisation lorsqu'il
s'agit d'investissement dans un seul projet. Sauf
dans un nombre limité de cas particuliers, le risque
ne se limite pas à la volatilité (voir
partie 9.8).
Bref, il n'est pas indiqué de faire des
estimations subjectives de la prime de risque, d'abord
pour la raison que nous venons d'expliquer,
c'est-à-dire qu'il n'y a
généralement pas de données ni de
compétences évidentes en la matière,
ensuite parce qu'ajouter une telle prime au taux
d'actualisation occulte le résultat de
l'analyse. L'influence des estimations du risque
exprimées par l'ajout d'une prime au taux
d'actualisation est trop complexe pour être
compréhensible intuitivement. Somme toute, les
rajustements du taux d'actualisation ne sont donc pas un
bon moyen de traiter les probabilités et le risque.
8.4 Analyse de risque par
simulation
Mon expérience m'amène à dire
que ceux qui paient pour des analyses
avantages-coûts ont une patience limitée (car
ils payent pour une étude de tous les risques
à faible probabilité d'un projet,
même si certaines des incertitudes entraînent
des pertes catastrophiques s'ils se
concrétisent). La triste conclusion est que
s'il faut penser aux éventualités
malheureuses, il faudra presque à coup sûr le
faire vite, approximativement et à peu de frais.
Quant aux moyens pratiques de faire en sorte que les
profils du projet dans le monde réel soient plus
représentatifs des valeurs escomptées, je
suis de plus en plus enclin à préconiser, de
façon générale, l'utilisation de
techniques de simulation (Monte Carlo) ... tout en
prônant leur application avec une grande
simplicité et de façon très rentable.
Arnold Harberger, 1997
La seule méthode pratique d'analyse
financière et économique du risque est la
simulation, qui sert à prévoir les
résultats éventuels du modèle
d'analyse avantages-coûts, compte tenu des
variables qui influent sur ces résultats. Elle permet
à l'analyste de conseiller le gestionnaire de
façon plus réaliste et compréhensible.
Avec la méthode déterministe plus ancienne,
l'analyste produisait une seule VAN, mais la
probabilité de ce résultat unique
n'était jamais claire. Le décideur ne
savait pas quelle confiance accorder à cette valeur,
(surtout compte tenu des calculs passablement
ésotériques employés pour y arriver), de
sorte qu'il tendait à s'en remettre à
son jugement subjectif.
La simulation établit la fourchette des VAN possibles
compte tenu des facteurs susceptibles de varier, avec un
aperçu des probabilités dans cette fourchette.
Les décideurs savent que chaque décision
comporte un risque; il n'y a pas de garanties. Parfois,
la bonne décision ne donne pas de bons
résultats parce que les facteurs variables prennent
une tournure défavorable. L'important, c'est
que l'analyste donne au décideur une idée
aussi complète et exacte que possible du risque
éventuel et des récompenses envisageables. Les
outils de simulation utilisables pour l'analyse de
risque sont étudiés au chapitre 9.
Pratique exemplaire _
L'analyse de l'incertitude
-
Le risque résulte de
l'incertitude des données.
L'analyse des effets
différentiels et l'analyse
économique de l'investissement
contribuent à
l'évaluation du risque.
-
Il y a trois méthodes d'analyse
du risque financier et
économique : celle des valeurs
attendues des scénarios; celle des
taux d'actualisation ajustés au
risque et enfin la simulation, qui est la
seule des trois à être
fondée sur une technique fiable
d'évaluation du risque global.
|
9. Analyse de risque
Celui qui commence par des certitudes finit par des
doutes, mais s'il se contente de commencer par des
doutes, il finit par aboutir à des certitudes.
- Sir Francis Bacon, The Advancement of Learning,
1605
9.1 Introduction
L'analyse de risque financière et
économique est une technique grâce à
laquelle nous pouvons déterminer le risque
inhérent à l'acceptation ou au rejet
d'un projet. Elle nous permet aussi de comparer les
résultats possibles de plusieurs projets. Elle est
importante en analyse avantages-coûts, parce
qu'elle nous permet d'utiliser des données
incertaines et d'obtenir des résultats qui nous
donnent une bonne idée de ce qui va vraisemblablement
se produire. Elle tient compte des variations
éventuelles des coûts et des avantages dont nous
pouvons avoir connaissance mais dont nous ne tenons pas
compte quand nous nous fondons sur des valeurs uniques les
plus vraisemblables, dans une démarche d'analyse
où tout doit fonctionner conformément aux
prévisions.
Chaque modèle d'analyse avantages-coûts
comporte généralement plusieurs variables
susceptibles d'être incertaines. Lorsqu'on
utilise le modèle d'analyse de risque, on a
besoin d'un programme informatique pour les simulations.
À chaque fois qu'on exécute le
modèle, on choisit une valeur pour chaque variable. Ce
n'est pas difficile; il faut simplement donner à
l'ordinateur d'instruction de choisir une valeur
dans une fourchette donnée et, à
l'intérieur de cette fourchette, de choisir une
valeur en fonction des probabilités établies.
Par exemple, s'il y a trois valeurs possibles pour une
variable donnée dans la fourchette -
3 (probabilité de 50 %),
4 (probabilité de 30 %) et
5 (probabilité de 20 %) - et que le
modèle informatique est exécuté
1000 fois, l'ordinateur retient la
valeur « 3 » dans 50 % des
cas, « 4 » dans 30 % des cas et
« 5 » dans 20 % des cas.
La simulation par ordinateur a le grand avantage de pouvoir
traiter plusieurs variables (risques) incertaines
simultanément, compte tenu des fourchettes et des
probabilités de chacune. Il est donc possible de
modéliser le résultat probable de
l'analyse avantages-coûts d'une façon
passablement réaliste. Au chapitre 7, nous avons dit
que l'analyse de sensibilité était une
technique limitée car elle ne peut traiter qu'au
plus deux variables à la fois, les autres facteurs
devant rester constants. Ce n'est pas le cas de
l'analyse de risque, au sens où toutes les
variables peuvent fluctuer en même temps. Leur
influence et leurs interactions sont donc simultanées,
tout comme dans le monde réel.
9.2 Étapes
de l'analyse de risque
Il est toujours préférable de traiter
l'analyse avantages-coûts comme une analyse de
risque, parce que les données présentent
toujours une certaine incertitude. Les étapes de
l'analyse de risque sont les suivantes :
-
Construire le modèle de base servant à
calculer la VAN. On parle parfois de modèle
déterministe, parce qu'une valeur
déterministe unique est utilisée pour chaque
variable (voir chapitres 2 et 6).
-
Joindre aux variables incertaines de l'information
sur leurs valeurs maximum et minimum (fourchette) et sur
les probabilités de diverses valeurs dans ces
fourchettes.
-
Exécuter le modèle à maintes reprises
de façon à obtenir un grand nombre de VAN
(pour voir toutes les possibilités) _
c'est-à-dire construire un tableau des
résultats (voir partie 2.5).
-
Déterminer la fréquence de diverses VAN dans
les résultats et, à partir de là,
prédire la fourchette probable des VAN ainsi que
les probabilités de différentes VAN dans
cette fourchette.
-
Interpréter ces renseignements conformément
aux règles de décision pour
déterminer la meilleure possibilité
d'investissement ou, s'il n'y en a
qu'une, pour déterminer si
l'investissement sera vraisemblablement valable ou
pas (voir partie 9.7).
9.3 Fonctionnement de l'analyse de
risque
Nous ne saurions trop insister sur l'importance de
construire un bon modèle déterministe avant
même de penser au risque. L'analyse de risque ne
peut être substituée à une
préparation méticuleuse et
détaillée de tableaux des coûts, des
avantages et des paramètres.
Les logiciels d'analyse de risque sont fondés sur
le modèle avantages-coûts sous-jacent. Ils
servent à réaliser deux opérations
supplémentaires, une fois que le modèle
déterministe fonctionne convenablement. Ces
opérations consistent à :
-
choisir des ensembles de valeurs des variables incertaines
à utiliser à chaque exécution du
modèle d'analyse avantages-coûts, selon
des probabilités établies;
-
calculer les résultats possibles en fonction de ces
ensembles de valeurs, puis à analyser ces
résultats.
La première opération, la sélection
d'ensembles de valeurs des variables incertaines, fait
appel à l'échantillonnage. La plupart des
programmes d'analyse de risque utilisent la
méthode Monte-Carlo (échantillonnage
aléatoire simple, en fonction d'une distribution
des probabilités préétablie) et celle de
la grille hypercubique (échantillonnage
stratifié). Certaines utilisent les deux.
Généralement, la seconde recrée avec
exactitude les distributions des probabilités
préétablies en un moins grand nombre
d'itérations que la première, de sorte
qu'elle est préférable quand le logiciel
permet à l'analyste d'utiliser l'une ou
l'autre. Chaque exécution du programme implique
un échantillonnage complet de toutes les variables de
risque et de nouveaux calculs électroniques.
C'est ce qu'on appelle une itération.
L'ensemble du procédé est une simulation.
Le programme établit par simulation la fourchette des
valeurs et les probabilités des résultats de
l'investissement dans le monde réel.
Les procédures des différents logiciels
varient, mais les opérations fondamentales qui exigent
une intervention sont les mêmes. Il faut :
-
établir un rapport entre les variables incertaines
du modèle et les données des fourchettes de
valeurs et de probabilités;
-
préciser le « bilan » du
modèle d'analyse avantages-coûts (la
case correspondant à la VAN), pour que le logiciel
d'analyse de risque puisse le relier au tableau des
résultats.
Toutes les autres opérations sont automatiques, ce qui
signifie que le logiciel d'analyse de risque calcule la
VAN un grand nombre de fois (pour vérifier toutes les
possibilités) et analyse les résultats
statistiquement et graphiquement.
9.4 Correction en fonction de la
covariance de variables de risque interreliées
Il ne faut jamais oublier que certaines variables de risque
peuvent être interreliées. Par exemple, si une
exécution du modèle donne une VAN fondée
sur une valeur élevée du « total des
prises de la saison de pêche » et sur une
valeur elle aussi élevée du « prix
moyen du poisson », la VAN peut être
à l'extérieur de la fourchette des valeurs
plausibles dans le monde réel. Normalement, quand les
prises sont nombreuses, le prix du poisson est bas, et vice
versa. Si nous voulons que le résultat de
l'analyse soit réaliste, il faut tenir compte de
ces corrélations.
Pour cela, on ordonne à l'ordinateur de choisir
des valeurs des variables incertaines à chaque
exécution, tout en respectant les corrélations
préétablies entre les variables. Par exemple,
si l'ordinateur choisit une valeur élevée
pour le total des prises, il doit choisir une valeur du prix
du poisson compatible avec la corrélation
préétablie. L'ordinateur choisit la valeur
qui convient à chaque variable de façon
séquentielle. La valeur retenue pour le prix du
poisson est fondée non seulement sur la fourchette
probable des prix du poisson et la distribution des
probabilités dans cette fourchette, mais aussi sur la
valeur du total des prises qu'il a déjà
choisie pour cette exécution, compte tenu de la
corrélation entre les deux variables.
Si l'on ne tient pas compte des covariances, on peut se
retrouver avec de grosses erreurs d'évaluation du
risque. Par exemple, dans son étude pionnière
de l'analyse de risque dans l'évaluation des
projets, Pouliquen (1975) a signalé un cas où
le risque d'échec du projet était de
15 % quand on traitait indépendamment les
variables relatives à la productivité de la
main-d'oeuvre et à la capacité portuaire,
alors qu'elle était d'environ 40 %
lorsqu'on tenait compte de leur corrélation
positive.
Les logiciels adoptent des approches différentes dans
leur utilisation de l'information sur la covariance des
variables de risque. Parfois, mesurer les coefficients de
corrélation est une tâche à
réserver aux spécialistes (voir Chatterjee,
1994). Toutefois, il n'est souvent pas indispensable
d'avoir recours à des descriptions exhaustives
des interrelations statistiques dans les travaux
d'analyse de projets. Les méthodes pragmatiques
grâce auxquelles on précise le rang approximatif
des coefficients de corrélation des paires clés
de variables de risque sont généralement
suffisantes.
9.5 Combien de
fois faut-il exécuter le modèle?
Chaque fois que le modèle des avantages et des
coûts est exécuté, il
génère une VAN. On finit par obtenir
suffisamment de chiffres pour avoir une idée
exhaustive et précise du résultat probable de
l'investissement. Le nombre d'exécutions
dépend de l'ampleur des fourchettes de valeurs
des variables du modèle et du degré de
prédictibilité de ces valeurs dans les
fourchettes (autrement dit de la mesure dans laquelle elles
gravitent autour d'une valeur centrale).
Après un certain nombre d'exécutions, le
tableau des résultats se stabilise; poursuivre les
exécutions ne modifie alors pas beaucoup la
distribution des VAN. Certains programmes d'analyse de
risque ont un régulateur intégré :
ils continuent à fonctionner jusqu'à ce
qu'une nouvelle exécution modifie le
résultat de moins de 1 %, par exemple. En
l'absence d'un régulateur de ce genre,
c'est l'analyste qui doit juger si le nombre
d'exécutions est raisonnable, en vérifiant
si la distribution de la probabilité des
résultats n'accuse pas de vides manifestes et si
la fourchette des valeurs et leur distribution se sont
stabilisées. C'est très important, parce
qu'il est manifestement possible d'obtenir une
idée erronée des résultats
éventuels de l'investissement si le nombre
d'exécutions du modèle est insuffisant.
9.6
Interprétation des résultats de l'analyse
de risque
L'analyse de risque produit une liste de VAN, une pour
chaque exécution du modèle d'analyse
avantages-coûts. Ces VAN peuvent ensuite être
analysées statistiquement et graphiquement, de
façon à vérifier leur
probabilité. La distribution de la probabilité
des VAN donne deux types de graphiques. Le premier est un
graphique de densité de probabilité, qui
indique la probabilité de chaque VAN (voir figure
9.6.1) et le second, un graphique de distribution
cumulative, qui montre la probabilité d'obtention
d'une VAN inférieure à une valeur
préétablie (voir figure 9.6.2). Les deux sont
utiles pour communiquer avec les décideurs.
En plus de créer les graphiques illustrant la
distribution des résultats, les logiciels de
simulation calculent normalement des données utiles
telles que la fourchette probable des VAN (du minimum au
maximum), les probabilités clés (p. ex. la
probabilité d'une VAN supérieure à
zéro) et la valeur attendue de l'investissement.
Ces données combinées sont utiles à la
prise de décision en matière
d'investissement.
Dans l'exemple ci-dessus (figures 9.6.1 et 9.6.2),
la fourchette des VAN possibles se situe entre environ
-2,4 millions de dollars et +4 millions de dollars.
Le résultat le plus vraisemblable (le mode de
distribution) est une valeur de +1,3 million de dollars
(plus facile à constater dans le graphique de
distribution de la densité de probabilité, la
figure 9.6.1). La probabilité d'une perte
(VAN < 0) est d'environ 20 % (plus facile
à constater sur la courbe de distribution de
probabilité cumulative, figure 9.6.2), et la
valeur attendue (la somme de tous les résultats,
multipliée par leurs probabilités) est de plus
0,997 million de dollars. Il vaut la peine de souligner
que la valeur la plus importante pour le décideur est
la valeur attendue, et non la valeur la plus vraisemblable,
autrement dit la valeur la plus susceptible de se
réaliser. Elles sont très différentes.
Par exemple, dans la distribution suivante _ 6
(probabilité 0,4), 7 (probabilité 0,3) et 8
(probabilité 0,3) _ la valeur la plus probable
sera : (6 x 0,4) + (7 x 0,3) + (8 x 0,3) = 6,9.
9.7 Règles
de décision adaptées à
l'incertitude
Au chapitre 5, nous avons envisagé les
règles de décision dans le contexte des
modèles déterministes des avantages et des
coûts. Une fois qu'on a constaté
l'incertitude des données, les décisions
deviennent moins évidentes, quoique les principes
restent les mêmes. La règle
générale consiste à choisir le projet
ayant la valeur actualisée nette attendue (VANA) la
plus élevée. Il faut veiller à ce que le
risque soit visible pour le décideur. Par exemple,
deux projets d'investissement de fonds publics peuvent
avoir la même VANA, tout en présentant des
profils de risque très différents. Le
projet A peut avoir des gains et des pertes
élevés et le projet B peut offrir une
gamme moins vaste de résultats possibles. Dans la
mesure où ils ont la même VANA, il n'y a
à première vue aucune raison d'opter pour
l'un plutôt que l'autre. Par contre, si on
possède un portefeuille d'investissements, le
projet A ou le projet B peut alors présenter
l'avantage d'améliorer le portefeuille dans
son ensemble. La théorie des portefeuilles
dépasse les limites du présent guide, et le
fait de l'omettre est sans conséquences, car le
gouvernement fédéral gère un
portefeuille d'investissements tellement vaste dans des
projets et des programmes que la neutralité
rationnelle à l'égard du risque est la
meilleure stratégie à adopter pour faire un
choix entre le projet A et le projet B. Cela
revient à choisir le meilleur résultat pour un
important portefeuille.
Les règles qui dictent une prise de décision
rationnelle sont illustrées par les scénarios
qui suivent. Chacun s'accompagne d'un graphique de
distribution cumulative et d'un graphique de
densité de probabilité pour fins de
comparaison. La distribution de probabilité cumulative
de la VAN est préférable lorsque la
décision consiste à choisir entre
différents projets, alors que la densité de
probabilité l'est pour révéler le
mode des résultats d'un projet unique, ou pour
faire comprendre les concepts liés à la VANA.
Règle de
décision 1 : Si la valeur
actualisée nette minimale possible est
supérieure à zéro, (voir
figure 9.7.1) accepter le projet.
|
Figure 9.7.1 : Courbes de distribution de la
probabilité pour un projet unique (valeur
actualisée nette positive)
Dans la figure 9.7.1, la VAN du projet est positive
même dans le pire scénario. La
probabilité de rendement négatif est nulle; le
projet est manifestement acceptable.
Règle de
décision 2 : Si la valeur
actualisée nette maximale possible est
inférieure à zéro (voir
figure 9.7.2), rejeter le projet.
|
Figure 9.7.2 : Courbes de distribution de la
probabilité pour un projet unique (valeur
actualisée nette positive)
Dans la figure 9.7.2, la VAN du projet est
négative même dans le scénario le plus
optimiste. Le projet devrait manifestement être
rejeté.
Règle de
décision 3 : Si la valeur
actualisée nette maximale est
supérieure à zéro et que sa
valeur minimale est inférieure à
zéro (voir figure 9.7.3), accepter le
projet si la valeur actualisée nette
attendue (la somme de tous les
résultats possibles, chacun étant
multiplié par sa propre
probabilité) est supérieure
à zéro. (Ne pas oublier le risque
de perte.)
|
Figure 9.7.3 : Courbes de distribution de la
probabilité pour un projet unique
(présentant des valeurs actualisées nettes
positives et négatives)
Dans la figure 9.7.3, les courbes indiquent la
probabilité d'un gain et la probabilité
d'une perte. Par conséquent, la décision
dépend de la VANA et de la prédisposition au
risque de l'investisseur. Le décideur rationnel
(qui ne recherche ni ne fuit le risque), devrait accepter le
projet si la VANA est positive et le rejeter si elle est
négative.
Règle de
décision 4 : Si les courbes de
distribution de la probabilité cumulative
de deux projets s'excluant mutuellement ne
se croisent pas (figure 9.7.4,
côté gauche), opter pour
l'option dont la distribution de
probabilité est le plus à
droite.
|
Figure 9.7.4 : Courbes de distribution de la
probabilité pour deux projets
Dans la figure 9.7.4, la probabilité qu'un
résultat positif quelconque soit excédé
est toujours plus élevée pour le projet B
que pour le projet A. Par conséquent, le
décideur doit toujours préférer le
projet B au projet A.
Règle de
décision 5 : Si les courbes de
distribution de la probabilité cumulative
de deux projets s'excluant mutuellement se
croisent (voir figure 9.7.5), la décision
doit être fondée sur la valeur
actualisée nette attendue. Si les VANA
sont identiques, se fonder sur le profil de
risque de chacun des projets.
|
Figure 9.7.5 : Courbes de distribution de la
probabilité pour deux projets, dont l'un
présente une plus grande fourchette de VAN
possibles
Les décideurs qui aiment le risque pourraient
être séduits par la possibilité d'un
taux de rendement élevé (en dépit de la
possibilité que les pertes soient aussi plus
élevées), et opter pour le projet B
(figure 9.7.5). Ceux qui fuient le risque seraient au
contraire attirés par la possibilité que les
pertes soient faibles, et, partant, enclins à opter
pour le projet A.
9.8 Évaluation du risque
global
Il existe deux
indices particulièrement utiles du degré global
de risque d'un investissement public : le ratio des
pertes prévues et le coefficient d'exposition au
risque.
9.8.1 Ratio des pertes prévues
Le ratio des pertes prévues correspond à
la valeur absolue des pertes prévues (toutes les
pertes possibles, pondérées en fonction de
leurs probabilités) en proportion de la valeur
attendue totale de tous les résultats possibles. La
figure 9.8.1 illustre tous les résultats
possibles, chacun pondéré selon sa
probabilité. La zone A sous la courbe de
distribution des VAN y correspond. De même, la
zone B de la figure 9.8.2 correspond
à la valeur attendue de toutes les pertes. Le
risque peut être considéré comme le
rapport entre B et A (soit la zone B
divisée par la zone A). Si la
zone B est de 15 unités et la
zone A de 100 unités, le ratio des pertes
prévues est 0,15. Si B correspond à
une importante partie de A, le projet est
risqué.
9.8.2
Coefficient d'exposition au risque
Dans bien des cas, le ratio des pertes prévues peut
être un bon indicateur du risque, quoique ce facteur ne
tienne pas compte de tous les aspects du risque. Deux projets
peuvent avoir un ratio des pertes prévues identique
avec des niveaux de risque différents, parce que les
résultats de l'un sont davantage répartis
dans le temps que ceux de l'autre, ou parce qu'une
grande partie de cette répartition est dans la zone de
la VAN négative. Les figures 9.8.3 et 9.8.4
représentent des projets dont les ratios des pertes
prévues sont les mêmes, mais dont les niveaux de
risque sont très différents en fonction
d'autres critères.
Nous devons examiner deux autres aspects du risque :
-
la mesure dans laquelle les résultats possibles
sont répartis (dispersés) (en fonction de
l'écart type);
-
la proportion des résultats possibles qui se situe
du côté des pertes de la distribution des
résultats, (autrement dit à gauche du point
où la VAN=0).
Quand on ajoute ces deux facteurs à celui du ratio des
pertes prévues, on obtient un coefficient
d'exposition au risque (CER), qui est une mesure
plus complète du risque :.
CER = LE
(SD)(DL/D) [6]
où LE est le ratio des pertes
prévues; SD l'écart type de la
distribution des résultats; DL la
distance de la valeur minimale à zéro sur
l'axe des VAN et D la distance sur le même
axe de la valeur minimale à la valeur maximale de la
VAN. Le coefficient d'exposition au risque peut
être une notion mathématique trop complexe pour
être intuitivement séduisante lorsqu'on
doit prendre une décision relativement simple _
aller de l'avant ou pas _ pour un seul projet. En
pareil cas, le ratio des pertes prévues peut
sembler plus utile. Toutefois, si l'on compare au moins
deux solutions et que ces solutions supposent
l'investissement de ressources importantes, il vaut la
peine de calculer le coefficient d'exposition au
risque afin de pouvoir classer les projets selon le
risque qu'ils présentent.
9.9 Avantages et limites de
l'analyse de risque
L'analyse de risque présente certains avantages.
-
Elle peut sauver une analyse avantages-coûts
déterministe en difficulté à cause
d'incertitudes non résolues de
variables importantes.
-
Elle peut contribuer à combler le manque de
communication entre l'analyste et le
décideur. Une gamme de résultats possibles,
assortis de leurs probabilités est
intrinsèquement plus plausible pour le
décideur qu'une seule et unique VAN
déterministe. L'analyse de risque lui fournit
plus de renseignements de meilleure qualité pour
fonder sa décision.
-
Elle détermine où les mesures
susceptibles de réduire le risque pourraient
avoir le plus d'effet.
-
Elle contribue à la reformulation des projets pour
qu'ils correspondent davantage aux
préférences de l'investisseur,
notamment en matière de risque.
-
Elle favorise la réflexion sur les variables de
risque et utilise l'information existante sur les
fourchettes et les probabilités afin
d'enrichir les données sur les avantages et
les coûts. En outre, elle facilite le recours
intégral aux spécialistes.
L'analyse de risque présente aussi des limites.
-
S'il n'est pas bien contrôlé, le
problème des variables corrélatives
peut faire aboutir l'analyse à des conclusions
trompeuses.
-
L'utilisation des fourchettes et des
probabilités des valeurs des variables
d'intrants met l'incertitude en
évidence et peut par conséquent
inquiéter certains gestionnaires.
-
Si le modèle déterministe des avantages et
des coûts n'est pas valable, l'analyse de
risque pourrait le faire oublier, en créant une
série supplémentaire de calculs
probabilistes, donnant par conséquent une fausse
impression d'exactitude.
Pratique exemplaire _ Analyse du
risque financier et économique
L'expression résultat le
plus vraisemblable s'entend d'au
moins trois façons :
« la valeur déterministe de
la VAN » (le résultat quand
on postule la valeur de
l'hypothèse optimale pour chaque
intrant); le « mode de distribution
de la probabilité des VAN »
et la « valeur
attendue » (la somme des
résultats possibles, chacun
multiplié par sa probabilité).
La dernière définition est celle
qu'il faut retenir lorsqu'il
s'agit de choisir un projet
d'investissement.
-
Les techniques de simulation donnent une
idée réaliste du risque
global du projet. Le ratio des pertes
prévues et le coefficient
d'exposition au risque sont des
mesures utiles du risque global.
-
Des logiciels commerciaux font de
l'analyse de risque une tâche
relativement simple, quand le modèle
des avantages et des coûts de base
(déterministe) est établi et
que l'information sur les fourchettes
et les probabilités des valeurs des
variables est recueillie.
-
Dans les situations où
l'incertitude est grande, les
règles de décision suivantes
s'appliquent à l'analyse
avantages-coûts.
-
Si la valeur minimale possible de la VAN
est supérieure à zéro,
accepter le projet.
-
Si la valeur maximale possible de la VAN
est inférieure à zéro,
rejeter le projet.
-
Si la valeur maximale de la VAN est
supérieure à zéro et
que sa valeur minimale y est
inférieure, calculer la VANA. Si la
VANA est supérieure à
zéro, accepter le projet.(Ne pas
oublier le risque de perte.)
-
Si deux projets s'excluant
mutuellement ont des courbes de
distribution de la probabilité
cumulative qui ne se croisent pas, opter
pour celui dont la courbe de distribution
est le plus à droite.
-
Si les courbes de distribution de la
probabilité cumulative de deux
projets s'excluant mutuellement se
croisent, il faut se fonder sur la VANA. Si
les VANA sont identiques, il faut alors
tenir compte du profil de risque de chacun
des projets.
|
10. Probabilités
La chance, ce grand arbitre, gouverne tout.
- John Milton, Le Paradis
perdu, Livre deux, 1667
Au
chapitre 4, nous avons décrit certains intrants
difficiles à mesurer du modèle d'analyse
avantages-coûts. Dans ce chapitre, nous allons
reprendre cet examen en étudiant certains aspects
généraux de la collecte des données.
Cela dit, rappelons-nous que ce Guide décrit le
cadre de l'analyse avantages-coûts, mais ne
donne qu'un aperçu de ce qu'il faut faire
dans des cas précis pour mesurer les coûts et
les avantages à comparer.
10.1 Types de
variables de risque
En analyse avantages-coûts, on utilise trois types
de variables de risque.
Variables applicables à l'ensemble de la
période de calcul - Certaines variables sont les
mêmes pour chacune des périodes comprises dans
la période de calcul; une fois choisie, la même
valeur est utilisée dans tout le modèle
d'analyse avantages-coûts. À chaque
exécution du modèle, le programme informatique
d'analyse de risque choisit une valeur différente
dans la fourchette des valeurs plausibles, mais une seule
valeur est utilisée pour chaque exécution. Le
taux d'actualisation social est un exemple de ce genre
de variable. Nous savons qu'il reste stable au fil des
années.
Variables utilisées pour une seule des
périodes comprises dans la période de
calcul - La valeur de certaines variables change au fil
des années dans une fourchette de valeurs connue, et
la vraie valeur pour chaque période est
indépendante des valeurs pour toutes les autres
périodes comprises dans la période de calcul.
En pareil cas, la façon la plus simple de
procéder consiste à utiliser une variable
distincte pour chacune des périodes de l'analyse.
Par exemple, nous savons que, dans un endroit donné,
les précipitations annuelles fluctuent entre
73 cm et 116 cm, et que les probabilités
qu'elles correspondent à une valeur
particulière dans cette fourchette coïncident
approximativement avec une courbe normale. Nous savons
aussi que les précipitations d'une année
sont fondamentalement indépendantes de celles de
l'année précédente. Par
conséquent, dans un modèle des avantages et des
coûts dont la période de calcul est de
25 ans, le tableau des paramètres devrait
contenir 25 valeurs pour la variable des
précipitations.
Variables de voies - Certaines variables changent de
façon prévisible avec les années; leur
valeur dans une période donnée est
systématiquement liée à la valeur
correspondante dans la période
précédente. Par exemple, le taux
d'inflation d'une année tend à
s'inscrire dans une certaine fourchette (en plus ou en
moins) relativement au taux constaté
l'année précédente; une fois la
tendance établie, la règle veut qu'elle se
maintienne un certain temps. Bien entendu, le taux
d'inflation initial est connu _ c'est le taux
de l'année en cours. Nous devrions avoir
25 taux d'inflation dans notre modèle
d'analyse avantages-coûts (comme dans
l'exemple des précipitations). De plus, il
faudrait que le modèle soit programmé de
façon à choisir une voie différente de
taux d'inflation pour la période
d'investissement choisie, conformément aux
règles de comportement de cette variable. Ce genre de
programmation n'est pas difficile, mais il nous est
impossible de le décrire de façon
détaillée dans ce Guide.
10.2 Utilisation de données
historiques
Pour faire une analyse de risque, il faut connaître la
fourchette des valeurs possibles de chaque variable (du
minimum au maximum) et la distribution probable de ces
valeurs dans la fourchette. Par exemple, si le prix du
pétrole fluctue entre 12 $ et 32 $ le baril
et que la probabilité d'une valeur quelconque
dans cette fourchette est décrite par une distribution
de probabilité uniforme (toutes les valeurs
étant également probables), l'ordinateur a
toute l'information qu'il lui faut pour
l'échantillonnage des valeurs du prix du
pétrole dans ses itérations du modèle
d'analyse avantages-coûts.
Avec des données historiques, on peut utiliser les
valeurs maximale et minimale constatées dans le
passé pour établir une fourchette valable des
valeurs de la variable. Il est plus difficile de
déterminer la distribution de probabilités dans
cette fourchette, mais les logiciels peuvent nous faciliter
la tâche. Supposons que vous ayez des données
mensuelles sur le prix du pétrole pour les
dix dernières années. Afin de
déterminer la distribution de probabilité de
ces prix, il faut commencer par grouper les données
brutes. À quelle fréquence divers prix
reviennent-ils? Pour le savoir, il faut grouper les
données brutes dans un histogramme de
fréquence.
Dans certains cas, il peut être souhaitable de filtrer
les données brutes avant d'étudier la
configuration des fréquences. Les logiciels nous
permettent de filtrer toutes les données
au-delà d'une fourchette de valeurs absolues ou
relatives préétablie _ par exemple
au-delà de deux écarts types de la moyenne.
C'est utile quand il y a des données aberrantes
résultant de circonstances exceptionnelles peu
susceptibles de se reproduire. Nous ne serons pas
étonnés de constater que la courbe qui
correspond le mieux aux données (figure 10.2.4) est
symétrique, avec une grande densité près
de la moyenne - distribution normale, de Poisson ou
triangulaire, par exemple.
Vous pouvez demander aux logiciels d'essayer toutes les
distributions typiques de leurs répertoires et
d'en établir une liste, dans l'ordre
d'adéquation de la distribution, en se fondant
sur le test X2 pour classer les courbes dans cet
ordre. Vous pouvez ensuite choisir la meilleure courbe de
distribution pour les prix du pétrole dans votre
analyse avantages-coûts. Ce choix est facilité
par un graphique de la
différence (figure 10.2.2), qui illustre les
écarts entre la valeur attendue des prix du
pétrole (en fonction de la courbe de distribution de
probabilité) et le prix réel historique. Plus
ces écarts sont petits, plus la courbe correspond aux
données historiques.
10.3 Jugement des spécialistes
Quand les données historiques sur lesquelles une
estimation de la fourchette et des probabilités des
valeurs d'une variable quelconque sont insuffisantes, il
faut s'en remettre au jugement (parfois subjectif) des
spécialistes. Par exemple, le taux
« d'adhésion » (de
participation) à un nouveau programme pourrait
être crucial pour ses résultats, mais il
pourrait n'exister aucune expérience directe sur
laquelle se fonder pour prédire ce que ce taux
pourrait être. Le gouvernement du Canada a
décidé un jour d'offrir aux
universités des subventions équivalentes aux
fonds que celles-ci auraient obtenus du secteur privé
pour financer la recherche. Pour réaliser
l'analyse avantages-coûts du programme
envisagé, il fallait obtenir une estimation des sommes
que les universités réussiraient
vraisemblablement à recueillir. Il n'existait pas
de données sur ce sujet, mais il y avait des
spécialistes du domaine _ des gens ayant beaucoup
d'expérience de la levée de fonds en
général et des campagnes de financement
universitaire dans le secteur privé en particulier.
On a donc demandé à un comité de
spécialistes de faire des estimations des valeurs des
variables à utiliser dans l'analyse
avantages-coûts. Le comité a utilisé la
méthode Delphi, qui consiste fondamentalement
à amener chacun des membres du comité à
fournir des estimations initiales fondées sur
l'information dont ils disposent. Ces estimations sont
alors communiquées à tous les membres du
comité, puis, après discussion, chacun
d'eux fait une deuxième estimation. On
répète le processus jusqu'à ce que
les estimations convergent.
10.4
Distributions de probabilité courantes
On peut avoir recours à des méthodes plus ou
moins complexes pour préciser les distributions de
probabilité des variables d'intrants du
modèle d'analyse avantages-coûts. Le plus
souvent, une approche relativement simple et directe suffit;
elle consiste à choisir les formes des distributions
de probabilité de l'une des deux façons
suivantes :
-
une forme statistique normalisée, distribution
plate, normale, triangulaire ou de Poisson;
-
une distribution en escalier, les probabilités pour
chaque segment de la fourchette des valeurs de la variable
étant notées.
Si vous avez des données historiques pour la variable,
sans toutefois être sûr de la distribution de
probabilité convenable, il existe des logiciels
capables d'analyser les données et de la trouver.
10.5
Préférences en matière de risque
Dans notre examen des valeurs attendues (voir partie 9.7)
nous sommes partis du principe que le décideur a une
attitude parfaitement logique et neutre à
l'égard du risque. Par exemple des chances
égales _ 50/50 _ d'aboutir à une
valeur de 10 $ équivalent à 5 $.
C'est une hypothèse raisonnable lorsque le
décideur n'a pas de contrainte de budget -
autrement dit quand la valeur de l'investissement
qu'il envisage est petite en comparaison de sa richesse.
Ce n'est toutefois pas le cas pour de nombreux
décideurs du gouvernement canadien, soumis à
des contraintes budgétaires, qui envisagent 50 %
de chances de gagner ou de perdre 1 milliard de dollars
avec une inquiétude beaucoup plus vive que s'il
s'agissait de gagner ou de perdre 5 millions de
dollars, même si la VAN de l'investissement est la
même dans les deux cas. Si le décideur craint le
risque ou aime le risque (c'est-à-dire ne reste
pas neutre à l'égard du risque), il existe
des techniques pour déterminer la fonction
d'utilité. Cette fonction consiste
simplement à représenter
mathématiquement la valeur des
préférences du décideur pour divers
résultats éventuels et elle peut être
utilisée pour modifier les règles de
décision fondées sur la VAN, de façon
à mieux refléter ces préférences.
Dans la plupart des cas, l'attitude des gouvernements
à l'égard du risque est neutre, ce qui
revient à dire qu'ils sont des décideurs
rationnels. Les gouvernements ont un vaste portefeuille de
projets et de programmes, et peuvent donc agir de
façon entièrement rationnelle en étant
sûrs, en moyenne, que tout ira bien si les
règles de décision sont appliquées
rigoureusement. Toutefois, la question d'une contrainte
de budget pourrait se poser dans le cas d'un projet
unique d'une grande envergure ou politiquement
délicat.
10.6 Risques
communs des projets
Les projets d'investissement sont soumis à une
diversité de risques. Certains des risques les plus
communs sont les suivants :
-
-
Indivisibilité de l'investissement
_ Peut-on procéder par étapes ou
est-ce tout ou rien?
-
-
Moment opportun _ Qu'arrivera-t-il
si le projet est retardé ou s'il faut plus
longtemps que prévu pour que le projet fonctionne
à plein rendement? Y a-t-il un meilleur moment pour
lancer le projet?
-
-
Récupérabilité _ Dans
quelle mesure l'investissement peut-il être
récupéré si les choses tournent mal?
-
-
Effet différentiel incertain _ Quels
seront les extrants du projet?
-
-
Valeurs incertaines des paramètres _
Quels sont les taux d'actualisation et
d'inflation qui conviennent?
-
-
Volatilité des préférences
_ Les besoins ou les préférences du
bénéficiaire visé sont-ils instables?
Une décision d'investissement est à haut
risque quand il faut investir une forte somme sans pouvoir
vérifier les chances de succès à
l'avance, quand un report de la décision est
très dommageable, quand on ne peut pas
récupérer grand-chose si le projet tourne mal,
quand les extrants réalisables sont incertains, quand
une partie des paramètres de mesure clés sont
incertains et quand les préférences du
bénéficiaire sont instables.
Pratique exemplaire _ Traitement
des données liées aux
probabilités
-
Fonder les estimations des
probabilités sur des données
historiques, dans la mesure du possible, en
ayant recours au besoin à des
estimations subjectives structurées
faites par des spécialistes.
-
Traiter les trois types de variables de
risque (ensemble de la période de
calcul, une seule période, une voie)
avec tout le soin nécessaire dans le
modèle d'analyse
avantages-coûts.
-
Opter pour la simplicité, sans
laisser la technique écraser les
données.
|
11. Comparaison d'options de
types différents en fonction de critères
différents
Les économistes qui veulent limiter l'analyse
avantages-coûts aux seules questions
d'efficacité paraissent mal saisir le
rôle de l'analyste dans la formulation des
politiques; certains de leurs arguments reposent,
semble-t-il, sur l'hypothèse que
l'économiste n'a pas la compétence
voulue pour fixer le prix des effets de
répartition. Nous sommes parfaitement d'accord
que l'analyste ne doit pas faire
d'évaluation personnelle de ces effets. Il ne
s'ensuit pas pour autant que l'analyse
avantages-coûts ne doit pas prendre en compte la
question de l'équité ni que le
décideur ne puisse pas valoriser les effets de
répartition si on lui fournit tous les
renseignements nécessaires. En fait,
l'analyste qui ne mesurerait ni ne décrirait
les effets non monétaires qui peuvent influer
sensiblement sur la décision donnerait
l'impression de se dérober à son
devoir. De plus [...], la mesure des effets de
répartition n'est pas une mince
tâche : il peut arriver qu'elle exige
autant de travail que la mesure des effets
d'efficacité.
- Conseil du Trésor, Guide de l'analyse
avantages-coûts, 1976
11.1 Questions
d'équité
Comme le fumier, l'argent ne sert à rien
s'il n'est répandu.
- Sir Francis Bacon, The Essayes or Counsels, Civill or
Morall, 1625
Dans le contexte de l'analyse avantages-coûts, les
questions d'équité sont parmi les plus
difficiles à trancher. C'est une
difficulté majeure, essentiellement imputable à
l'existence d'une multitude de critères. Les
analystes postulent généralement que tous les
membres du groupe de référence ont le
même point de vue. C'est parfait quand il n'y
a qu'un seul investisseur, mais pour le moins douteux
quand le groupe de référence est toute une
économie.
Le problème tient au fait que le gouvernement du
Canada poursuit à la fois des objectifs
d'équité et des objectifs
d'efficacité, et que les deux sont
fréquemment incompatibles. En effet, s'il veut
maximiser la richesse et les revenus des Canadiens, il tient
aussi à ce que la répartition des avantages
nets de ses projets et de ses programmes soit
équitable. Souvent, il lui est impossible
d'atteindre les deux objectifs de façon optimale
en même temps.
À cela s'ajoute la possibilité d'une
perte économique causée par la
redistribution du revenu ou de la richesse. Cette perte est
attribuable en partie aux coûts administratifs de
perception des taxes et impôts et
d'exécution des programmes, et en partie aux
effets de dissuasion des taxes et des impôts, qui
freinent l'activité économique. Si
l'on y ajoute les pertes d'efficacité
imputables aux projets eux-mêmes, qui peuvent se
produire quand les projets sont justifiés en fonction
de leurs effets distributifs, le transfert du revenu risque
d'être coûteux. Par exemple, enlever
100 $ à A pour améliorer la situation de B
de 25 $ n'est ni logique ni équitable.
Toutefois, la plupart des Canadiens ne sont toutefois pas
convaincus qu'un dollar d'avantages pour les
riches devrait avoir la même valeur
qu'un dollar d'avantages pour les pauvres.
D'une certaine façon, ils accordent une plus
grande valeur à un dollar d'avantages pour
les pauvres. Néanmoins, il est bien difficile
d'en tenir compte dans l'analyse
avantages-coûts.
D'abord, le fait d'avoir un faible revenu ne
signifie pas qu'on soit dans le besoin. Par exemple,
bien des étudiants, des retraités nantis
possédant des biens immobilisés substantiels et
des ruraux ayant des frais de subsistance minimes peuvent
avoir des revenus relativement faibles sans pourtant
être dans le besoin au point de justifier des
transferts spéciaux du gouvernement. Il est peu
probable que se fonder simplement sur le revenu du
ménage soit un critère fiable pour
déterminer la nécessité de transferts
sociaux. Les gouvernements le savent, et ils ont réagi
de diverses façons, notamment en reconnaissant
l'universalité de certains services fondamentaux
(le droit à l'éducation aux niveaux
primaire et secondaire, par exemple), ou en créant une
série de filtres que les ménages
doivent franchir pour être jugés admissibles
à divers services (l'accès au logement
subventionné, par exemple). Toutefois, aucune de ces
mesures n'a créé de moyen à la fois
clair et simple de corriger le calcul des avantages et des
coûts en fonction de l'équité.
11.1.1 Première approche en
matière d'équité : Ne pas
tenir compte des problèmes de
répartition
D'après une école de pensée, la
meilleure façon d'assurer la redistribution du
revenu consiste à faire des transferts explicites,
pécuniaires et autres, plutôt qu'à
fausser les investissements afin qu'ils favorisent
artificiellement des groupes en particulier. Le principe est
de faire en sorte que les investissements efficaces
créent un maximum d'avantages qui peuvent ensuite
être répartis comme la société le
désire, à l'aide d'instruments qui
n'entraînent pas de coûts de transaction
élevés ni d'inefficience
économique. Au Canada, où le gouvernement a
traditionnellement été fort et stable, cet
argument est très séduisant. Par contre, dans
certains autres pays, les investissements de capitaux peuvent
être un des rares instruments plausibles de
redistribution du revenu.
Au Canada, lorsqu'un projet ou un programme est
recommandé pour des raisons
d'équité, son coût à ce titre
devrait être évident pour le décideur et
pour le public. Le coût d'équité est
l'écart entre la VAN du projet ou du programme et
celle de la solution de rechange la plus efficace. Assurer la
visibilité de ce coût est la meilleure
protection qui soit contre les exigences
déraisonnables de groupes d'intérêts
spéciaux.
11.1.2 Deuxième approche en
matière d'équité : Utiliser
des coefficients de distribution
Dans les années 60 et 70, bien des analystes
avantages-coûts utilisaient des coefficients de
distribution. Le concept était tout simple :
il s'agissait d'ajouter un coefficient de
pondération aux coûts et aux avantages pour les
groupes à faible revenu. Par exemple, des avantages
d'une valeur de 1 $ pour un groupe à faible
revenu pouvaient être comptabilisés comme
s'ils valaient 2 $.
L'utilisation de ce genre de coefficient a
achoppé sur deux écueils. Premièrement,
les coefficients étaient arbitraires et
deuxièmement, leur utilisation rendait l'analyse
opaque. Aucun décideur ne pouvait faire confiance aux
analyses car il ignorait la mesure dans laquelle ses
résultats avaient été faussés par
l'inclusion de coefficients de pondération
subjectifs pour modifier les valeurs des coûts et des
avantages.
On a tenté à quelques reprises de
déduire des coefficients de pondération
à partir des décisions stratégiques de
l'heure et du passé, particulièrement
à l'égard des échelles de
l'impôt sur le revenu. Toutefois, comme ces
échelles sont établies en fonction de
critères d'efficience et d'incitation aussi
bien que d'équité et de distribution, il
s'est révélé impossible de
séparer un facteur d'un autre dans ce contexte.
Néanmoins, quelques tentatives sérieuses ont
été faites pour mettre en oeuvre des
coefficients de distribution. Par exemple, la Banque mondiale
en a utilisé dans ses évaluations de projets
pendant deux décennies. Ce n'est que tout
récemment, en 1995, qu'elle a renoncé
à cette approche, la jugeant inapplicable. Les
analystes de la Banque avaient souvent postulé que
l'utilité marginale du revenu baisse de
façon exponentielle à mesure que le revenu
augmente, ce qui implique un changement extrêmement
rapide du coefficient de
pondération attribué au dollar marginal
d'avantages à mesure qu'on
s'élève dans l'échelle du
revenu ou de la richesse.
L'un des inconvénients de cette approche,
c'est qu'elle laisse supposer que les avantages
devraient être retirés à ceux qui
occupent le haut de l'échelle du revenu pour
être transférés à ceux qui se
situent aux trois quarts supérieurs, de même
qu'à ceux qui se trouvent dans la moitié
inférieure de la fourchette de revenus, pour
être redistribués dans ce cas à ceux qui
sont tout au bas de l'échelle. Ce n'est
généralement pas ce que les gens ont en
tête quand ils pensent à la redistribution du
revenu.
La plupart des décideurs sont plus à
l'aise avec un système de pondération dans
lequel on accorde une valeur accrue aux avantages
destinés aux gens qui se situent dans une tranche
étroite du bas de l'échelle du revenu
(peut-être au-dessous d'un seuil de
pauvreté). Par exemple, on pourrait opter pour des
coefficients de pondération commençant à
2,0 pour un revenu nul, puis diminuer assez rapidement
jusqu'à 1,0 autour du
25e percentile, peut-être avec une
correction pour tenir compte de la taille du ménage.
11.1.3 Troisième approche en
matière d'équité : Insister
sur les besoins fondamentaux
L'idée de concentrer la redistribution sur le
quintile (20 %) le plus pauvre des ménages est
séduisante, mais, en général, le genre
d'investissements de capitaux importants susceptible de
venir en aide à ce groupe est peu réaliste car
les plus pauvres du groupe tendent à avoir peu
d'aptitudes ou à vivre dans des régions
isolées ou éloignées, où
l'investissement n'est pas efficace. Il
s'ensuit qu'il est rarement efficace de
réaliser des projets dans des endroits où ils
n'auraient pas eu lieu dans d'autres circonstances,
d'imposer des contingents de main-d'oeuvre locale
et d'autres mesures analogues.
La meilleure façon de répondre aux besoins
fondamentaux de ces gens-là consiste probablement
à le faire directement et en nature (éducation
et soins de santé gratuits, par exemple) plutôt
qu'indirectement via les retombées des
immobilisations du gouvernement du Canada. Néanmoins,
dans le cas des projets ou des programmes d'envergure,
il est possible d'établir un indice du
bien-être des ménages d'une région
ou d'une localité qui fonctionnerait à peu
près comme un système de pondération. Ce
serait une combinaison d'indices de l'accès
à l'éducation, de l'accès aux
soins médicaux et aux services d'hygiène
publique, par exemple définis par le groupe
spécial sur les besoins fondamentaux de l'ONU
ainsi que de la qualité de la nutrition et du
logement. La moyenne nationale pourrait correspondre à
100 sur un indice comme celui-là. Il n'est pas
techniquement difficile d'en établir un, mais
c'est quand même une tâche qui doit
être réservée aux spécialistes
plutôt que confiée aux
généralistes de l'analyse
avantages-coûts.
Cela dit, même avec un indice, on se retrouve avec le
même problème qu'avec d'autres
coefficients de pondération : quelle inefficience
économique faut-il tolérer pour modifier
l'indice d'un point? La mesure dans laquelle la
société est disposée à payer
n'est pas connue. Bref, cette approche devrait
probablement être limitée aux projets dont la
principale raison d'être consiste à
combattre la pauvreté ou à répondre
à un ou plusieurs besoins fondamentaux
(éducation, santé, nutrition, etc.).
La modernisation des méthodes de traitement des
problèmes de distribution est une grande
priorité pour l'analyse avantages-coûts.
Prenons un exemple intéressant, qui serait impossible
à transposer simplement au Canada, mais qui montre
bien l'innovation possible : la carte de
l'extrême
pauvreté élaborée au Chili dans les
années 70. L'approche chilienne est
fondée sur l'étude de la pauvreté
des quartiers plutôt que des ménages.
L'indice ainsi créé sert à
aiguiller les dépenses sociales vers les plus pauvres
ainsi qu'à tenter de surmonter les partis pris
classiques faisant que les gens à revenu moyen sont
les principaux bénéficiaires des programmes
gouvernementaux.
11.1.4 Quatrième approche en
matière d'équité : Insister
sur la visibilité et la transparence
La meilleure façon de traiter les problèmes de
ce genre dans le contexte de l'analyse
avantages-coûts est de laisser les décideurs
décider. La distribution est une question
essentiellement politique. Si l'analyse
avantages-coûts compare les meilleures solutions
à l'aide d'une technique valable, les
décideurs peuvent évaluer les
améliorations apportées à la
distribution du revenu en fonction des pertes
d'efficacité économique.
Dans une large mesure, cela revient simplement à
rendre visibles les coûts et les avantages selon
différents points de vue. L'analyste devrait
établir un graphique ou une matrice de distribution,
qui indiquerait les gains ou les pertes sur un axe et les
groupes intéressés sur l'autre. Ce genre
de graphique devrait figurer dans toutes les analyses
avantages-coûts, à moins que les effets
distributifs soient négligeables (même en pareil
cas, le texte du rapport d'analyse devrait consacrer une
partie à ces effets).
Avec une approche comme celle-là, la matrice risque de
devenir très compliquée si le nombre de groupes
en jeu est élevé. Alors, il est souvent
acceptable d'éliminer des détails afin que
le tableau reste compréhensible pour le
décideur.
11.2 Objectifs multiples
Opter pour la simplicité sans tomber dans le
simplisme.
- Albert Einstein, cité dans Readers Digest,
oct. 1977
L'analyste avantages-coûts s'efforce
d'exprimer la valeur de toutes les solutions possibles
en fonction d'un seul et même critère ayant
un seul et même coefficient de pondération -
autrement dit en fonction de l'avantage
économique net. Dans ces conditions, la
décision d'investir est simple. Toutefois,
même après avoir réduit tous les facteurs
possibles à l'avantage économique net,
l'analyste peut ne pas avoir tenu compte d'autres
facteurs importants, soit parce qu'ils ne peuvent
être quantifiés, soit parce qu'ils ne
peuvent être évalués en dollars. Dans
certains cas, ces facteurs sont si différents
du critère économique que le décideur
est contraint de choisir entre des pommes et des oranges.
Il est facile de choisir une solution parmi d'autres
quand elles sont du même type et que le contexte est le
même dans tous les cas. Néanmoins, dans le monde
réel des décideurs, rien n'est aussi
simple _ il faut dans la plupart des cas répartir
les crédits entre différents types
d'investissement; le contexte de chaque investissement
diffère suffisamment pour que la pondération
des critères varie elle aussi; il peut arriver que les
points accordés à différents
critères ne puissent être exprimés en
dollars ou sous la forme d'une unité de mesure
(numéraire), etc. Lorsque les options
d'investissement sont vraiment des pommes et des
oranges, il devient très difficile de faire des
comparaisons. Trois facteurs peuvent alors varier :
-
les critères appliqués à chaque
projet;
-
la pondération des critères;
-
les numéraires (unités de valeur
utilisées pour mesurer les coûts et les
avantages).
Un gouvernement investit dans divers programmes et projets au
moyen d'un seul budget. Par exemple, un ministère
peut devoir décider s'il doit construire une
nouvelle route ou un nouvel immeuble à bureaux; il ne
s'agit pas seulement d'investissements
différents, mais bien d'investissements
différents dans des catégories
différentes. Pour surmonter cette difficulté,
on peut scinder la décision en deux parties, la
première consistant à décider combien
investir dans la construction de routes et combien dans celle
d'immeubles à bureaux, et la seconde à
déterminer les routes auxquelles le budget de
construction routière doit être consacré
et les bâtiments auxquels allouer l'autre partie
du budget. Souvent, la première décision
(combien investir dans la construction routière) est
subjective ou politique; la seconde (investir dans la
construction d'une route en particulier) fait
l'objet d'une analyse avantages-coûts.
11.2.1 : Attribution de notes
et de coefficients de compromis
Lorsque diverses options d'investissement se
présentent dans diverses catégories, les
critères applicables et leurs poids varient selon la
possibilité envisagée. Néanmoins, les
différences ne sont parfois pas assez importantes pour
qu'on écarte totalement la possibilité de
faire des comparaisons directes. Par exemple, supposons
qu'il faille établir une série de
critères et de coefficients de pondération des
critères à l'intention des agriculteurs,
qui s'en serviraient pour acheter des bêtes.
Certains critères ne seraient applicables
qu'à un type d'animal : un bon chien
est gentil; un bon porc prend du poids
rapidement; un bon cheval est rapide et a le
pied sûr. Par contre, d'autres critères
seraient d'application générale, comme
l'âge, la santé et les
bénéfices probables. En outre,
l'importance d'un critère donné peut
être variable selon le contexte. Par exemple, si
l'agriculteur a de jeunes enfants, il peut être
particulièrement important pour lui que le chien soit
gentil.
L'agriculteur ne voudrait sûrement pas se
retrouver avec un gentil porc, un chien au pied sûr et
un cheval gras. Il ne veut pas non plus se retrouver avec
cinq chiens, mais sans cheval et sans porc. S'il utilise
un ensemble invariable de critères à tous les
animaux, c'est pourtant à cela qu'il
s'expose.
Autrement dit, confronté à de multiples
objectifs, vous devriez prendre la décision en deux
étapes : d'abord prévoir des
ressources en vue d'atteindre chaque objectif, puis
choisir les investissements susceptibles de maximiser les
chances de réaliser chaque objectif, compte tenu des
ressources affectées. Si c'est impossible et que
tous les investissements doivent être envisagés
et évalués ensemble, la meilleure façon
(à peu près correcte) de procéder
consiste à établir les critères et leurs
coefficients de compromis, à normaliser les
notes attribuées pour chaque critère, puis
à se fonder sur les notes et les coefficients pour
classer les options.
Si vous évaluez les possibilités
d'investissement en fonction de critères
multiples, dont certains sont impossibles à quantifier
en dollars, la meilleure façon d'évaluer
les options en fonction de chaque critère consiste
à définir la fourchette de réalisation
à l'aide d'une unité de mesure
logique quelconque, puis à normaliser les notes
accordées relativement aux critères en les
exprimant sous forme de pourcentages des réalisations
possibles (voir tableau 11.2.1).
Tableau 11.2.1 : Exemple de notes normalisées pour
des critères variables,
avec coefficients de pondération
|
Note normalisée*
|
Coefficient de pondération *
|
Note normalisée pondérée
|
Solution 1
|
|
|
|
Critère A
|
0,3
|
0,7
|
0,3 × 0,7 = 0,21
|
Critère B
|
0,5
|
0,3
|
0,5 × 0,3 = 0,15
|
|
|
1,0
|
0,36
|
Solution 2
|
|
|
|
Critère A
|
0,4
|
0,7
|
0,4 × 0,7 = 0,28
|
Critère B
|
0,7
|
0,2
|
0,7 × 0,2 = 0,14
|
Critère C
|
0,9
|
0,1
|
0,9 × 0,1 = 0,09
|
|
|
1,0
|
0,51
|
* Chaque note normalisée et chaque coefficient
doit se situer entre 0 et 1,0; en outre, le total des
coefficients pour chaque solution doit être 1,0.
|
Supposons que différents projets
d'aménagement de locaux à bureaux doivent
être évalués en fonction des quatre
critères suivants : VAN (dollars); emplacement
(temps de déplacement moyen pour le personnel);
disponibilité (première date d'occupation)
et pureté de l'air (fréquence de
renouvellement de l'air dans le bâtiment).
Prenons le critère de l'emplacement, lequel
correspond au temps de déplacement moyen pour le
personnel. Supposons un temps minimum moyen de
10 minutes et un temps maximum moyen acceptable de
45 minutes, toutes circonstances confondues. Supposons
aussi que, dans cette fourchette, les
préférences du personnel sont une fonction
linéaire - autrement dit, l'avantage
découlant de la réduction du temps de parcours
d'une minute est le même, que la
réduction soit de 4 minutes à
3 minutes, de 17 minutes à 16 minutes,
etc. L'avantage maximum possible pour
l'emplacement serait obtenu en ramenant un temps
de déplacement moyen de 45 minutes à
10 minutes, soit un gain de 35 minutes (note de
100). Vous pouvez normaliser un temps de déplacement
moyen, disons de 20 minutes, en l'exprimant en un
pourcentage de l'avantage maximum possible : un
temps de déplacement de 20 minutes
représente un gain de 25 minutes, ce qui
donnerait une note normalisée de
(25/35) x 100 = 0,714.
Pour compléter l'exemple, supposons que
l'emplacement vaut 6 000 $ (ou
6 000 points, s'il est impossible
d'exprimer le coefficient de pondération en
dollars). Si le temps de déplacement moyen est
ramené de 45 minutes à 10 minutes, ce
qui correspond au gain réalisable maximum, la valeur
de l'avantage est de 6 000 unités. Dans
notre exemple, l'avantage au titre de l'emplacement
a donc une note normalisée pondérée de
0,714 x 6 000 = 4 284. Une fois
déterminées les notes normalisées
pondérées pour chaque critère, nous
pouvons les additionner afin d'obtenir une note
normalisée globale pour le projet, puis comparer les
projets sur cette base.
11.2.2 Limites du poids des facteurs non
économiques
Pour les projets et les programmes dont la principale raison
d'être est économique, les facteurs non
économiques ne devraient pas recevoir plus de
15 % du poids total.
Pratique exemplaire _ Analyse de
l'équité
-
Les questions de distribution du revenu
sont importantes pour le gouvernement du
Canada, et elles devraient être
étudiées de façon
approfondie dans chaque analyse
avantages-coûts. Même une
simple analyse indiquant ceux qui
bénéficient d'un projet
et ceux qui le payent peut souvent
être utile aux décideurs.
-
Il n'y a pas de façon
incontestable de combiner les objectifs
d'efficacité et
d'équité dans un
même ensemble de données, bien
qu'on ait tenté d'utiliser
divers types de coefficients de
pondération à cette fin.
-
Les questions de distribution devraient
être traitées dans toutes les
analyses avantages-coûts, tout en
restant distinctes de l'analyse
d'efficacité économique.
Si la recommandation d'approuver une
solution donnée repose sur des
objectifs d'équité, le
coût net de la recommandation
fondée sur
l'équité doit être
évident pour les décideurs.
|
Pratique exemplaire - Classement en
fonction d'objectifs multiples
-
Il est parfois impossible d'exprimer
en dollars des facteurs importants, si
ingénieux et habile que soit
l'analyste. En pareil cas, le
décideur doit faire appel à
d'autres techniques pour être en
mesure de comparer les solutions
envisagées en fonction de
critères multiples.
-
Si les critères ne s'appliquent
pas tous à toutes les solutions
envisagées ou s'ils
revêtent une importance
différente (un poids
différent) selon le cas, la
tâche de l'analyste est
particulièrement ardue. La meilleure
façon de choisir une solution en
fonction de critères multiples
consiste généralement
à procéder en deux
étapes (répartir le budget
entre les catégories, puis, dans
chaque catégorie, entre les divers
scénarios). Si c'est
impossible, l'approche de la note
pondérée est la meilleure;
elle fait appel à des coefficients
de compromis et à des notes
normalisées au regard des divers
critères. Les facteurs non
économiques ne devraient pas compter
pour plus de 15 % du poids total
lorsque la principale raison
d'être des projets et des
programmes envisagés est
économique.
|
-
Pratiques exemplaires à
retenir
Une bonne analyse avantages-coûts satisfait aux
critères suivants :
-
les objectifs et les priorités sont formulés
de façon claire;
-
les meilleures façons de s'y prendre pour
atteindre les objectifs sont précisées aux
fins de l'analyse;
-
les diverses options sont définies d'une
manière de telle sorte qu'elles se
prêtent à une comparaison équitable;
-
le « point de vue » de l'analyse est
précisé;
-
les hypothèses et les calculs sont évidents
au lecteur, à chaque étape de
l'analyse;
-
les avantages et les coûts sont estimés en
détail pour chaque période comprise dans la
période de calcul, sans raccourci;
-
l'analyse technique est bien faite (au regard des
taux d'actualisation, des rajustements en fonction de
l'inflation, du choix de la règle de
décision, etc.);
-
il est tenu compte comme il se doit de l'incertitude
et du risque;
-
les effets de répartition sont
précisés de façon claire (qui paie,
qui en profite?);
-
la recommandation s'appuie sur des arguments logiques
et toutes les options possibles sont examinées
convenablement.
Annexe A : Glossaire
Actualisation. Transformation des valeurs
futures en une valeur équivalente à un moment
donné, par l'application d'un taux
d'actualisation.
Amortissement. Ce terme n'est pas
utilisé en analyse avantages-coûts. Dans
d'autres contextes financiers, il s'entend
de l'étalement du coût d'un
bien sur une période donnée, ce qui est
nécessaire si l'on veut faire une estimation des
coûts de production, mais, comme les taux
d'amortissement sont habituellement
déterminés essentiellement en fonction
d'exigences juridiques et comptables, ils n'ont
souvent qu'un rapport limité avec le taux
réel d'utilisation ou le coût de
remplacement.
Analyse avantages-coûts. Méthode
d'évaluation du caractère
indésirable d'un programme ou d'un projet,
par comparaison des avantages et des
coûts.
Analyse coût-efficacité. Type
d'analyse communément utilisée pour
comparer des projets ou des concepts de projets
envisagés quand la valeur des extrants
(avantages) ne peut être mesurée convenablement
en dollars. Si l'on peut postuler que les avantages sont
les mêmes pour toutes les solutions envisagées,
cette analyse sert à en minimiser le coût.
Synonyme d'analyse de moindre coût.
Analyse de risque. Analyse
avantages-coûts tenant compte de la variation
simultanée des valeurs de plusieurs intrants,
pour des fourchettes de valeurs et des
probabilités données, et
déterminant la variabilité
du bilan qui en résulte.
Analyse de sensibilité. Examen de
l'incidence du changement d'une variable
(paramètre, coût ou avantage) sur le
résultat d'un projet.
Bien. Tout ce qui a de la valeur, tout
particulièrement les biens matériels, tels que
des machines ou des terres agricoles, ou les biens
monétaires (pouvant être utilisés pour
financer l'achat de biens matériels).
Capital. Ressources rapportant graduellement
des profits au fil des années. Lié à
l'investissement (contrairement à la
consommation). Peut être réparti en
capacité d'exploitation et en capital nominal, en
capital fixe et en fonds de roulement, etc. On le
définit parfois plus largement en y incluant le
capital humain (par exemple dans le contexte de
l'éducation, qui génère des
avantages au fil des années).
Coefficient de pondération (poids).
Facteur qui, multiplié par la valeur à
pondérer, la modifie pour tenir compte de
certaines considérations.
Compromis. Concessions mutuelles pour en
arriver à un compromis ou conclure une entente;
inconvénients accompagnant les avantages et vice
versa.
Coût. Dépense consacrée
à l'achat d'intrants, y compris des
biens d'équipement, des immeubles, des
matériaux, de la main-d'oeuvre et des services
publics. Les coûts tels que les dommages
environnementaux ou les atteintes à la santé
sont parfois qualifiés
d'externalités négatives.
Coût d'option. Valeur d'une
chose à laquelle on renonce. Par exemple, le
coût d'option direct d'une
journée-personne de travail équivaut à
ce que la personne aurait produit si elle n'avait pas
été retirée de son autre tâche
optimale pour être affectée à un projet.
Coût d'option du capital. Rendement
optimal auquel on a renoncé en affectant
l'actif au projet.
Coûts d'exploitation et
d'entretien. Coûts
récurrents d'exploitation et d'entretien
supportés pour maintenir la valeur des biens
matériels.
Coûts fixes. Coûts, comme la
rémunération des cadres, les
intérêts et les remboursements d'emprunts
à éponger, au moins à court terme, sans
égard au volume de production.
Demande. Besoin ou désir exprimé
à l'égard d'un bien ou d'un
service. Varie selon le consommateur, le prix et les
circonstances, aussi la demande est-elle habituellement
exprimée en quantités demandées à
différents prix. La courbe de la demande a
généralement une pente descendante, ce qui
signifie que la demande est plus importante quand les prix
sont bas que quand ils sont élevés. Comparer
avec offre.
Différentiel. Additionnel ou
marginal.
Distorsion. Différence entre les prix
du marché et les vraies valeurs (prix
économiques).
Distribution de probabilité(s).
Représentation graphique de la probabilité que
quelque chose se produise.
Dollars constants. Dollars au pouvoir
d'achat constant. Les unités de pouvoir
d'achat sont fixées en fonction de
l'année de référence, qui est
précisée, par exemple, 100 en dollars
constants de 1995. Unités de pouvoir d'achat
constant. Il est préférable de parler de
dollars réels.
Dollars de l'exercice. Dollars à
valeur nominale du pouvoir d'achat variable (selon le
moment où une transaction est effectuée).
Synonyme de dollars historiques et dollars
courants.
Dollars historiques, prix historiques. Prix
pratiqués lors d'une année donnée.
Synonyme de dollars de l'exercice.
Dollars réels, prix réels.
Unités normalisées de pouvoir d'achat,
définies en fonction d'une année de
référence.
Écart type. Mesure statistique de la
distance entre les valeurs d'une distribution.
Échelle. Envergure d'un projet.
Économique. Relatif à
l'économie nationale, particulièrement en
ce qui concerne la valeur économique. Valeur
d'un bien ou d'un service pour l'ensemble du
pays, plutôt que sa valeur privée ou
commerciale.
Effet distributif. Changement survenant dans le
revenu ou la richesse des gens du point de vue desquels
l'analyse avantages-coûts est effectuée.
Équivalent certain. Voir valeur
attendue.
Estimation. Évaluation préalable
(ex ante).
État des flux de trésorerie.
État financier d'un projet ou d'une
entité financière. Synonyme
d'état de la provenance et de
l'utilisation des fonds.
Évaluation conditionnelle.
Méthode de déduction de la valeur des
avantages et des coûts en l'absence
d'un marché. Ce que les gens sont disposés
à payer pour obtenir un avantage (ou à accepter
en dédommagement d'une perte) s'il existe un
marché pour le bien.
Exportable. Bien qui pourrait être
exporté en l'absence de politiques commerciales
restrictives.
Externalité. Avantage ou
coût pour des tiers qui, en temps normal, ne
peuvent normalement pas le payer ou en être
dédommagés par un mécanisme du
marché. Un avantage externe est une externalité
positive et un coût externe est une externalité
négative. Les externalités ne sont pas
reflétées dans les comptes financiers.
Par exemple, un projet peut nuire à
l'environnement, consister à former des
travailleurs ou à faciliter la tâche à
d'autres entreprises désireuses de se lancer dans
des activités connexes, mais ces effets ne figurent
pas dans les états financiers liés au projet.
Toutefois, aux fins de l'analyse
économique, il faut en tenir compte et leur
attribuer une valeur.
Extrant. Ce qui est produit. S'entend
habituellement du produit matériel du projet.
D'autres effets, comme le logement des travailleurs,
l'emploi, la formation de la main-d'oeuvre ou les
économies de devises étrangères, sont
habituellement appelés des externalités.
Facteur de correction. Pourcentage selon lequel
le prix financier d'un intrant ou
d'un extrant doit être accru ou
réduit pour refléter sa vraie valeur
économique. Synonyme de facteur de
conversion .
Financier. Fondé sur les prix du
marché et sur un point de vue commercial.
Flux de trésorerie. Rentrées et
sorties de fonds d'un projet. Ces mouvements
reflètent les coûts et les avantages au
fil des années, d'un point de vue donné.
Indice des prix. Valeur marchande d'un
panier fixe de biens et de services à une date
donnée, divisée par la valeur marchande du
même panier à une date de
référence. En soustrayant 1,0 de l'indice,
on obtient l'équivalent décimal du
pourcentage d'augmentation des prix entre les deux
périodes. Instrument utile pour mesurer les taux
d'inflation.
Indice numérique. Tout indice
calculé pour comparer une somme dans une
période avec une autre somme dans une autre
période, p. ex. l'augmentation de la
production, la croissance démographique. Voir
indice des prix.
Inflation. Augmentation générale
des prix du marché (baisse du pouvoir
d'achat de l'unité monétaire).
Intrant. Ce qui est consommé par le
projet (par opposition aux extrants). S'entend
habituellement des intrants matériels utilisés
par le projet, c'est-à-dire le matériel,
le capital, la main-d'oeuvre et les services
publics. Les intrants comme la qualité de
l'environnement, le change et l'état de
santé des travailleurs sont habituellement
appelés des externalités.
Marginal. Dernier, au sens de dernière
unité ajoutée. Par exemple, l'avantage
marginal correspond à la valeur d'une
unité d'extrant de plus (ou de moins).
Synonyme de différentiel.
Méthode Delphi. Technique consistant
à obtenir des valeurs subjectives fondées sur
le jugement grâce à des estimations
itératives effectuées par un groupe de
spécialistes.
Modèle déterministe.
Modèle des avantages et des coûts
faisant appel à des valeurs uniques fixes pour chaque
intrant (plutôt qu'à une fourchette
de valeurs et de probabilités).
Modèle. Représentation ou
simulation d'un système ou d'un
procédé montrant comment les paramètres,
les avantages et les coûts se recoupent pour
produire un bilan d'après lequel le projet
peut être jugé.
Multiplicateur. Ratio d'un changement du
revenu total de la collectivité au changement initial
des dépenses qui l'a provoqué.
Non exportable. Bien ne pouvant être
exporté (p. ex. fondations de bâtiments,
coiffure).
Non exporté. Bien intrinsèquement
non exportable ou bien exportable qui, pour des
raisons économiques ou stratégiques, n'est
ni importé ni exporté.
Numéraire. Unité de valeur
normalisée grâce à laquelle il est
possible d'additionner et de soustraire des
coûts et des avantages qui seraient autrement
exprimés en unités dissemblables. Par exemple,
chacun sait qu'il est impossible d'additionner des
pommes et des oranges, mais, si elles sont exprimées
en quantités d'un numéraire commun, en
fruits, en kilos ou en dollars, il est alors possible de
dire, par exemple, que nous en avons 20, trois kilos ou
pour 4 $. Les numéraires communément
employés en analyse avantages-coûts sont
les dollars d'investissement, les dollars de
consommation ou les dollars de devises
étrangères.
Offre Ce qu'on est disposé à
produire. Comme l'offre dépend du fournisseur, du
prix et des circonstances, elle est habituellement
exprimée en fonction des quantités qui seraient
fournies à différents prix. La courbe de
l'offre résultante a habituellement une pente
ascendante, ce qui signifie que les fournisseurs offrent
davantage quand les prix sont élevés que quand
ils sont bas. Toutefois, lorsqu'il y a des
économies d'échelle, le prix de
l'offre peut baisser à mesure que
l'échelle s'accroît dans la fourchette
où ces économies se concrétisent.
Comparer à demande.
Option. Possibilité d'investir dans
un programme, un projet ou une mesure donnés.
Paiements de transfert. Paiements servant
à redistribuer la richesse sans consommer de
ressources ou sans en créer.
Paramètre national. Prix fictif
(ou comptable) identique pour tous les projets
envisagés dans le pays. Dans plupart des cas, le prix
fictif des devises étrangères et la prime
accordée aux économies de consommation sont des
paramètres nationaux.
Période de calcul. Période sur
laquelle les avantages et les coûts sont
comparés.
Période de récupération.
Période nécessaire pour que la valeur
actualisée cumulative des avantages corresponde
à la valeur actualisée cumulative des
coûts.
Perte ou gain distributifs. Changement
survenant dans la distribution de la richesse ou du revenu.
Point d'intersection. Valeur à
laquelle les valeurs actualisées nettes des
avantages et des coûts sont égales.
Pondéré. Affecté d'un
coefficient proportionnel à l'importance
relative.
Prix comptable. Reflète la valeur
économique des intrants et des
extrants plutôt que leur valeur
financière ou marchande. Synonyme de prix
fictif et prix social.
Prix constant. Prix ajusté
d'après l'inflation et ramené
à une valeur réelle au moyen d'un
indice de prix.
Prix du marché. a) Prix d'un
bien sur le marché intérieur (voir
financier); par opposition au prix
économique, au prix fictif ou au
prix social; b) coût d'un bien, y
compris les taxes et impôts indirects et les
subventions.
Prix économique. Prix reflétant
la valeur relative qui devrait être attribuée
aux intrants et aux extrants si
l'économie devait produire de façon
efficiente des extrants matériels d'une valeur
maximale. Ce prix ne tient pas compte de la distribution du
revenu ou d'autres objectifs incommensurables.
Prix fictif. Valeur économique ou
vraie valeur d'un bien (contrairement au prix du
marché, qui peut être faussé).
Synonyme de prix comptable et de prix social.
Prix social. Prix reflétant la vraie
valeur des intrants et des extrants du projet
pour le pays. Synonyme de prix comptable et de prix
fictif.
Probabilité. Vraisemblance
quantifiée d'un événement futur.
Productivité marginale du capital.
Productivité de la dernière unité
d'investissement qui serait approuvée si toutes
les possibilités d'investissement étaient
classées en ordre de rentabilité
économique descendant et que les fonds
disponibles étaient affectés
jusqu'à ce qu'ils soient
épuisés. Plus généralement, cette
expression désigne la rentabilité du projet
marginal, (c'est-à-dire celui dans lequel on
investirait le dernier dollar disponible).
Ratio avantages-coûts. Rapport des
avantages sur les coûts. Il devrait
être calculé à l'aide des valeurs
actualisées de chacun d'eux, à l'aide
d'un taux comptable approprié. Le ratio devrait
être d'au moins 1,0 pour que le projet soit
acceptable. Il peut exister des ratios avantages-coûts
illogiques, car ils sont fonction de conventions comptables
arbitraires.
Règle de décision. Critère
d'acceptation ou de rejet d'un projet ou de
classement d'investissements selon leur caractère
désirable.
Rendement de la première année.
Flux de trésorerie nets d'une année
de la vie d'un projet, y compris le coût pour
un an du capital investi. Mesure susceptible
d'indiquer le moment optimal du début d'un
projet.
Risque. Mesure dans laquelle les
résultats sont incertains. Étendue de la
variation possible du résultat.
Risque du marché. Risque auquel
toutes les entreprises sont exposées en raison du
caractère cyclique de l'économie.
Contrairement à d'autres risques, il ne peut
être éliminé grâce à la
diversification.
Scénario. Aperçu ou tableau
d'un avenir possible; non statique; présente
habituellement le déroulement des
événements.
Scénario de référence.
Scénario optimisé, sans projet. Pas
synonyme de ne rien faire ou de statu quo.
S'excluant mutuellement. S'entend
d'options impossibles à mettre en oeuvre
simultanément : si une option est suivie,
l'autre ne peut l'être. Les options peuvent
s'exclure mutuellement parce qu'elles correspondent
à différents moments pour le lancement
d'un même projet, parce que les fonds sont
limités, ou parce que, si l'une est mise en
oeuvre, l'autre ne sera plus nécessaire
(p. ex. construction d'une centrale thermique ou
d'une centrale hydroélectrique).
Simulation. Modèle mathématique
établissant un système de paramètres, de
coûts et d'avantages qui se combinent pour
prédire le résultat probable d'un
investissement.
Surplus du consommateur. Valeur que les
consommateurs obtiennent en sus du prix qu'ils doivent
payer. Varie selon le consommateur, en fonction de la
volonté de payer.
Surplus du producteur. Valeur que le producteur
obtient en sus du paiement minimum dont il a besoin pour
continuer à offrir un bien.
Taux d'actualisation. Taux
d'intérêt auquel les valeurs futures sont
actualisées, et vice versa. Correspond soit au
coût d'option du capital (appliqué
aux dollars d'investissement), soit à la
préférence intertemporelle pour la consommation
(appliquée aux dollars de consommation).
Taux de rendement. Rentabilité d'un
projet. Terme abrégé habituellement
appliqué en analyse économique au
taux de rendement économique interne et en
analyse financière au taux de rendement annuel
des biens immobilisés nets ou au taux de
rendement financier interne (il est important de
préciser de quel taux il s'agit).
Taux de rendement économique. Taux de
rendement interne fondé sur les prix
économiques.
Taux de rendement financier. Rentabilité
financière d'un projet. Désigne
habituellement le rendement annuel de l'actif
immobilisé net ou d'un investissement, mais peut
aussi s'entendre du taux de rendement interne,
lequel est déterminé grâce à
l'analyse des flux de trésorerie
actualisés.
Taux de rendement interne (TRI). Rendement ou
rentabilité d'un projet, calculé par
l'analyse des flux de trésorerie
actualisés. Le TRI est le taux
d'actualisation qui, appliqué à
l'ensemble des avantages et des
coûts reflétés dans le flux de
trésorerie d'un projet, donne une valeur
actualisée nette de zéro.
Taux de rendement minimal. Taux de
rendement que le projet doit atteindre pour être
acceptable.
Valeur actualisée. Valeur future
actualisée au moyen du taux d'actualisation
approprié.
Valeur actualisée des flux de
trésorerie. Montant obtenu par
l'actualisation des coûts et des
avantages (flux de trésorerie) afin de
pouvoir les comparer sur une base commune.
Valeur actualisée nette (VAN). Valeur
nette d'un investissement une fois additionnés
tous les coûts et avantages, exprimés en
unités de valeur normalisées
(numéraires).
Valeur actualisée nette attendue (VANA).
Somme de toutes les valeurs actualisées nettes
possibles, multipliée par leurs
probabilités.
Valeur actualisée nette sociale.
Valeur actualisée nette d'un projet,
calculée à partir des valeurs vraies ou
économiques (prix sociaux ou prix
fictifs).
Valeur attendue. Somme de tous les
résultats possibles, tous multipliés par leur
probabilité. Par exemple, s'il y a deux
résultats possibles, 100 $ et 200 $,
assortis de probabilités respectives de 0,3 et de 0,7,
la valeur attendue est (100 $ x 0,3) +
(200 $ x 0,7) = 170 $. Synonyme
d'équivalent certain.
Valeur de récupération. Valeur
résiduelle d'un bien à la fin
de la période de calcul.
Valeur résiduelle. Valeur
marchande d'un bien à la fin de la
période de calcul.
Valeur seuil (ou critique). Valeur d'un
intrant à laquelle le classement de deux
projets envisageables est inversé. Par exemple, le
projet A produirait des chaussures en faisant appel
à de l'équipement moderne
perfectionné et à une main-d'oeuvre
très réduite, tandis que le projet B
ferait appel à un réseau de petits ateliers
employant de nombreux artisans pauvres et utilisant
très peu d'équipement. Jusqu'à
concurrence d'un coefficient de
pondération de 1,5 du revenu des pauvres, le
projet A aurait un taux de rendement plus
élevé. Toutefois, si le revenu des pauvres a un
coefficient de pondération supérieur à
1,5, c'est le projet B qui aurait le taux de
rendement le plus élevé. Par conséquent,
la valeur critique est 1,5.
Variable de risque.Variable utilisée
pour l'analyse de risque et choisie en raison de
l'importance qu'elle aura vraisemblablement pour le
résultat de l'analyse.
Volonté de payer. Ce que les
consommateurs sont disposés à payer pour un
bien ou un service. Les consommateurs disposés
à payer nettement plus cher que le prix du
marché, bénéficient d'un surplus du
consommateur (montant qu'ils paieraient moins montant
réellement payé).
Annexe B : Questions à poser
sur les analyses avantages-coûts
Aide-mémoire
-
Le problème ou la possibilité sont-ils
clairement définis? Une raison convaincante
justifie-t-elle l'intervention du gouvernement
fédéral dans cette situation? Les objectifs
sont-ils clairs et cohérents?
-
L'analyse est-elle exposée
séparément du point de vue de chacune des
parties importantes?
-
Les solutions sont-elles définies de façon
juste et comparable? Les solutions importantes sont-elles
analysées?
-
L'analyse est-elle franche et transparente? Ses
étapes sont-elles toutes exposées de
manière à pouvoir suivre le raisonnement et
comprendre les chiffres?
-
Les effets différentiels probables des options du
projet ou du programme sont-ils bien analysés?
-
Les coûts et les avantages de ces effets sont-ils
bien mesurés et exposés de façon
détaillée pour toute la durée du
projet? Est-il tenu compte des changements probables des
prix relatifs, ou l'analyste a-t-il
brûlé des étapes?
-
La correction en fonction de l'inflation et
l'actualisation ont-elles été faites
séparément? L'indice des prix et le
taux d'actualisation sont-ils acceptables?
-
L'analyse tient-elle compte de l'incertitude des
données et du risque de l'investissement?
-
L'analyse précise-t-elle qui assume les
coûts et qui bénéficie des avantages?
-
L'analyse comporte-t-elle une recommandation logique,
tout en présentant équitablement les
solutions qu'elle ne recommande pas?
Annexe C : Bibliographie
choisie
Ouvrages généraux
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