Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean
Discours à l’occasion du dîner d’État offert par Son Excellence John Agyekum Kufuor, Président de la République du Ghana
Accra (Ghana), le mardi 28 novembre 2006
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
Je vous remercie sincèrement pour ces aimables paroles et pour les sentiments bienveillants que vous avez exprimés au sujet des liens étroits qui existent entre nos deux pays.
Sachez que c’est tout à fait réciproque. Depuis mon arrivée dans votre beau pays, hier, j’ai observé en différentes occasions l’expression des liens solides qui unissent le Canada et le Ghana.
Il s’agit, après tout, d’une relation qui date d’une centaine d’années. Vous êtes probablement nombreux à savoir que des missionnaires canadiens avaient établi une mission à Navrongo, en 1906.
Hier, j’ai eu le grand plaisir de rencontrer plusieurs membres de la communauté canadienne ici, au Ghana. Au cours d’une réception, j’ai entendu ces Canadiennes et Canadiens me raconter leurs histoires sur les amitiés qu’ils ont nouées ici, sur le travail valorisant qu’ils accomplissent ici, et sur tout ce qu’ils ont appris de vous.
Demain, j’assisterai à un dîner au Centre international Kofi Annan de formation au maintien de la paix, ainsi nommé en l’honneur d’un éminent Ghanéen.
Je suis très impressionnée par le travail qui s’y fait en vue de former la prochaine génération qui œuvrera pour que règne la paix et la sécurité en Afrique, et ailleurs dans le monde.
C’est également au Ghana que se poursuit le plus ancien programme d’aide dirigé par l’Agence canadienne de développement international. L’ACDI est en effet présente et active ici depuis 1957, l’année où votre nation a obtenu son indépendance.
Je suis ravie de souligner que le Ghana est également un « pays de concentration », c’est-à-dire où l’ACDI concentre ses programmes. Reconnaissant le succès avec lequel votre pays a réussi à raffermir les principes de la démocratie et des droits humains, le Canada y a considérablement accru son aide au développement.
Cela se manifeste, notamment, par le rôle actif que joue le Ghana dans le secteur du maintien de la paix. Avec ses quelque 2 600 soldats et policiers civils servant au sein de diverses missions de l’ONU, votre pays aide à faire de ce monde un endroit plus sûr.
Cet engagement à l’égard du maintien de la paix, voilà une importante caractéristique commune à nos deux nations. J’ai été heureuse d’apprendre que le Canada appuie le Centre international Kofi Annan de formation au maintien de la paix, grâce à notre propre Centre Pearson pour le maintien de la paix.
Il va sans dire que les liens qui unissent nos deux pays ne se limitent pas aux rapports d’un gouvernement à l’autre. Au fil du temps, bon nombre de Canadiennes et de Canadiens sont venus travailler et vivre au Ghana…. des enseignants, des spécialistes du développement, et tant d’autres.
Pair ailleurs, les Ghanéens viennent également au Canada pour y étudier et y travailler, et dans bien des cas, pour s’y installer. Il y a aujourd’hui quelque 17 000 Canadiennes et Canadiens qui sont d’ascendance ghanéenne.
Il est clair que le Canada et le Ghana sont plus que des partenaires… nous sommes de bons amis.
Alors que votre pays se prépare à souligner l’an prochain le 50e anniversaire de son indépendance, le Canada est fier de se tenir à vos côtés et de célébrer tout ce que vous avez réalisé en si peu de temps.
Comme l’a déjà dit le grand écrivain ghanéen Ama Ata Aidoo, « à quoi sert de clamer haut et fort son indépendance en chassant les colonialistes, si l’on ne donne pas un sens profond à cette indépendance. »
Manifestement, la population du Ghana a pris cela à cœur. Oui, il y a eu des luttes, mais il y a eu aussi des succès.
Vous avez accompli beaucoup en prônant la démocratie et en encourageant la croissance économique et la prospérité.
J’ai la profonde conviction que le partenariat économique entre le Canada et le Ghana doit s’inscrire et se réaliser dans le respect des citoyennes et des citoyens, dans le respect de leurs besoins et de leurs aspirations, et dans le respect de l’intégrité environnementale du territoire d’où nous tirons nos ressources.
Il va sans dire, par ailleurs, que l’attention que vous avez portée à l’éducation est des plus vitales. Tout comme il en est des efforts que vous avez déployés pour accroître l’accès aux soins de santé.
Vous avez entrepris une réforme du système juridique afin de le rendre plus transparent. Vous avez pris des mesures pour mettre fin à la corruption et promouvoir la saine gouvernance.
Selon Kofi Annan, il est essentiel de trouver des solutions africaines aux problèmes africains. C’est précisément ce que vous faites, et le Canada ne peut que vous en féliciter.
Le Ghana est en effet un pays gagnant, comme l’a si bien démontrée votre performance durant la Coupe du Monde de la FIFA, cette année!
Je suis convaincue que les Ghanéens ne sont pas prêts d’oublier l’extraordinaire adresse de leur équipe, qui a battu des adversaires redoutables comme la République tchèque et les États‑Unis, ne concédant la victoire qu’aux plus grandes puissances du football telles que l’Italie et le Brésil!
Les choses s’annoncent bien pour 2010 en Afrique du Sud!
Et les choses s’annoncent bien également pour l’avenir du Ghana.
Le regard désormais dirigé vers l’avenir, le Ghana a montré qu’il était prêt à confronter son passé. Je suis impressionnée par la décision de votre gouvernement de présenter des excuses pour le tort causé, il y a des centaines d’années, par des gens de cette région impliqués dans la traite des esclaves.
Étant moi-même descendante d’esclaves, ce geste m’a beaucoup touchée. Je sais qu’il est impossible de revenir en arrière pour réparer les injustices du passé. Par contre, nous pouvons en tirer des leçons—même si c’est douloureux—et, forts d’une conscience plus éveillée, nous pouvons bâtir un avenir meilleur.
Je me rendrai au château d’Elmina, là où tant d’Africains ont attendu avant d’être déportés comme esclaves dans les Amériques.
Je me tiendrai devant la porte de la « salle du non-retour », le regard tourné vers l’océan.
Je penserai aux millions d’êtres humains entassés dans les cales de fragiles navires en route pour des terres inconnues.
Des terres lointaines où ils échouaient, privés de leurs souvenirs, de leur langue, de leur patrimoine, de leur dignité et, surtout, de leur liberté.
Je me tiendrai là et je prierai pour celles et ceux qui n’ont jamais survécu au périple et dont les corps étaient jetés par-dessus bord.
Debout à cet endroit, rétablissant mon lien avec la terre de mes ancêtres, je saluerai votre ouverture d’esprit et j’accepterai vos excuses.
Le temps est venu de se réapproprier ce moment de l’histoire africaine afin de pouvoir aller de l’avant ensemble.
En qualité de gouverneure générale du Canada, je suis heureuse de reconnaître que mon pays et le Ghana ont accompli énormément de choses ensemble au cours des 50 dernières années. Je suis convaincue que nous ferons davantage dans les années à venir.
C’est donc sur cette note, Mesdames et Messieurs ou, si vous le permettez, mes sœurs et mes frères, que j’aimerais porter un toast. Veuillez vous joindre à moi et lever vos verres à la fierté du peuple du Ghana.
Puissent le Canada et le Ghana continuer de solidifier les fondements de cette amitié que nous chérissons de part et d’autre. Puissions-nous nous inspirer de nos réussites communes et travailler ensemble au bien de ce pays, au bien de l’Afrique et à celui de l’humanité tout entière.
Je vous remercie du fond du cœur.