Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean
Discours à l’occasion du Forum d’affaires algéro-canadien
Alger (Algérie), le mardi 21 novembre 2006
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
Je suis honorée de prononcer le discours d’ouverture de ce Forum d’affaires algéro-canadien. Le seul fait que vous soyez si nombreux à y participer témoigne de la richesse du partenariat entre nos deux pays. C’est dire également que les conditions sont réunies pour envisager un modèle de coopération des plus fructueux.
Faut-il rappeler, de triste mémoire, la non si lointaine « décennie de sang » et de totale insécurité en Algérie pour mesurer le progrès accompli ces dernières années. Le peuple algérien en a subi les affres dont l’une des plus criantes a été de se trouver complètement isolé. Nous nous réjouissons que l’esprit d’ouverture et la volonté de remettre le pays sur les rails prévalent enfin.
Je tiens à saluer la détermination des Algériennes et des Algériens à demeurer vigilants, soucieux de voir la démocratie s’enraciner chez eux sur des bases solides et conscients que la meilleure façon d’assurer la cohésion sociale est de s’attaquer à la pauvreté en favorisant l’essor économique pour le bénéfice du plus grand nombre.
L’Algérie a appris à ses dépens les conséquences du dénuement, de la paupérisation, de la détresse.
Les Algériennes et les Algériens savent plus que quiconque le prix de la liberté. Le courage avec lequel ils suivent aujourd’hui comme hier la trajectoire du progrès et de la solidarité est une leçon pour l’humanité entière.
Le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, M. Kofi Annan, affirme que « stabilité politique et développement économique vont de pair » et souhaite que le continent africain « s’installe durablement sur la voie du développement et de la prospérité ».
C’est aussi la conviction profonde du Canada que paix, stabilité et prospérité forment un tout indissociable qui conduira l’Algérie, de même que l’Afrique dans son ensemble, à réaliser leur plein potentiel.
La poursuite du processus de modernisation, de l’affirmation de l’exercice démocratique, de la promotion des droits de l’homme et de la femme qui guide actuellement l’Algérie est non seulement un gage de réussite, mais représente une promesse d’espoir sur ce continent et partout dans le monde.
Voilà le projet social que le Canada entend appuyer.
Les liens qui unissent nos deux pays sont précieux et d’une solidité telle que même les pires moments de la sombre décennie n’ont pu les ébranler. Nous sommes restés. Et nous avons célébré ensemble l’an dernier le quarantième anniversaire de l’établissement de nos relations diplomatiques. Je peux affirmer avec certitude que l’amitié entre nos peuples n’a jamais cessé de s’approfondir.
L’Algérie est depuis longtemps le premier partenaire commercial du Canada en Afrique et au Moyen-Orient. En 2005, par exemple, le total des exportations et des importations a atteint 4,4 milliards de dollars. Voilà une autre preuve éloquente du bon fonctionnement du partenariat économique algéro-canadien.
Même pendant les années les plus difficiles, les sociétés canadiennes ont maintenu elles aussi leur présence en Algérie et continué de miser sur le potentiel de ce partenariat. Plusieurs secteurs d’activités y ont gagné en force, notamment dans les domaines des hydrocarbures, des finances, des travaux publics, de l’ingénierie, de l’agriculture et des communications.
Certes, « ses ressources naturelles, son poids et sa vitalité démographiques, sa dimension et sa situation géographiques, au carrefour de trois continents, ainsi que son patrimoine culturel », pour reprendre les mots du président Bouteflika, font de l’Algérie un partenaire de premier choix.
Je me réjouis de constater d’ailleurs que les opérations commerciales des compagnies canadiennes en Algérie ne sont pas que ponctuelles. Elles se présentent plutôt comme un investissement à long terme dont l’objectif est d’apporter un savoir-faire technologique à un pays aux potentialités immenses.
C’est ainsi que nous concevons le rapport de coopération entre nous. À l’ère des grands ensembles économiques, l’Algérie et le Canada peuvent être fiers de ce partenariat appelé à croître dans les années à venir et qui multiplie leurs possibilités de s’ouvrir au monde.
Et, je le crois fermement, la coopération doit s’inscrire et se pratiquer dans un cadre éthique respectueux du sort des populations, de leur enracinement et de leur culture, et respectueux aussi de l’intégrité écologique des lieux où nous puisons nos ressources.
Exploiter des ressources de façon irresponsable, c’est mettre en péril l’avenir de celles et ceux qui viendront après nous. Ce qui est en jeu chaque fois, c’est beaucoup plus que le profit immédiat.
Chers amis, si nous avons à cœur de le gérer de bonne foi, le partenariat algéro-canadien, déjà riche de plusieurs réalisations, n’a pas fini de porter fruits comme une promesse de nouvelles moissons. Comme une promesse d’espoir, rien de moins.
Je suis ravie de l’occasion qui m’est donnée de vous le dire, vous qui en êtes les artisans, et de vous en féliciter chaleureusement. D’autant que l’inauguration du Business Club algéro-canadien permettra aux gens d’affaires de nos deux pays de continuer sur leur lancée, voire d’insuffler un dynamisme encore plus grand aux relations entre nos deux populations.
Je tiens à rendre hommage aux quelque 50 000 Algériennes et Algériens établis au Canada, surtout dans la grande région de Montréal, qui ne sont pas étrangers, loin de là, à la vitalité et à la chaleur des échanges entre nos deux pays.
Il s’agit de la plus importante communauté algérienne à l’étranger, après celle qui est installée en France, et elle est en mesure de contribuer de façon remarquable à l’économie du pays d’origine tout comme elle participe à l’enrichissement collectif des Canadiennes et des Canadiens. J’ai moi-même souvent eu l’occasion de le constater à Montréal qui reste ma ville d’attache au Canada.
Je suis convaincue que la communauté algérienne chez nous, de même que l’ensemble de la population canadienne, attendent avec impatience la mise en service d’une ligne aérienne directe entre Alger et Montréal dès 2007. Voilà une excellente nouvelle qui contribue à réduire les distances entre le nord de l’Afrique et le nord de l’Amérique.
Léopold Sédar Senghor, homme d’État et poète sénégalais, qui aurait eu cent ans cette année, exprimait jadis le vœu que nous apprenions à « regarder vers le Sud comme nous regardons vers le Nord, pour que l’équilibre de l’Humanisme plane sur le destin de l’Afrique ».
C’est sur cette parole de sagesse, de respect et d’ouverture que j’aimerais vous laisser, chers amis, avec la croyance dans mon cœur que nous n’oublierons jamais à notre tour que le développement économique n’est pas un instrument de division, mais une occasion de partage et de renforcement mutuel.
Je vous remercie et que tous mes vœux de succès vous accompagnent.