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La Proclamation royale de 1763
Le principe des négociations pour les traités
Capitulations et extraits des traités concernant le Canada; avec
la Proclamation de sa Majesté, de 1763.
Québec, P.E. Desbarats, 1800, p. 26-27. Archives nationales du Canada : Bibliothèque.
(C-130523) |
Bien que des traités
entre les Amérindiens et les agents des colonies aient été conclus avant la Proclamation
royale de 1763, celle-ci a servi de modèle à la conclusion de tels accords. Une fois
les négociations terminées, il ne reste plus quà ratifier lentente en y
apposant signature et sceau, ce qui crée une obligation contractuelle de la respecter.
Les premiers traités entre les Amérindiens et les gouverneurs des colonies étaient
habituellement des résolutions «de paix et damitié». À compter du XIXe
siècle environ, ces accords prévoyaient généralement la cession de terres par une
tribu amérindienne à la Couronne, laquelle, en contrepartie, sengageait à lui
créer des réserves foncières et à lui garantir des droits particuliers, par exemple
pour la chasse et la pêche. |
Dans la Proclamation
de 1763, le roi George III dAngleterre exposait le régime dadministration
britannique des territoires cédés par la France et déclarait que les Amérindiens et
leurs terres seraient traités avec respect. En pratique, la Couronne britannique
sengagea à négocier avec les Autochtones pour conclure des traités mutuellement
acceptables.
Cette façon
dagir nétait pas nouvelle en Amérique du Nord; pour les colonies
britanniques existantes, la Proclamation de 1763 ne faisait donc que confirmer une
pratique établie. Ce nétait pas le cas des anciens territoires français, puisque,
avant 1763, les Français se posaient en maîtres absolus sur toute région découverte et
occupée par eux. Les Amérindiens se trouvaient donc dépourvus de tout titre ou de tout
droit et nétaient aucunement en position de négocier. Les dirigeants français
laissaient aux missionnaires le soin de traiter avec les Amérindiens. Leur rôle
consistait surtout à les évangéliser. En plus de signifier un nouveau départ pour les
Amérindiens, la Proclamation de 1763 jetait les bases des relations futures entre
eux et le gouvernement. Selon les décisions judiciaires rendues au Canada qui sen
inspirent, le principe des négociations sur les traités sétend non seulement aux
colonies britanniques anciennes et nouvelles, dont il est explicitement fait mention dans
ce document, mais aussi à lensemble du territoire canadien daujourdhui.
Dans ce sens, elle demeure un outil très important et très utile en ce qui a trait aux
affaires indiennes.
La promesse britannique
den venir à un consensus de façon pacifique avait comme postulat que les
Amérindiens détenaient des droits en Amérique du Nord, y compris le droit à un
territoire. Toutes régions jugées essentielles au mode de vie amérindien devaient être
laissées intactes. Ce territoire ne pouvait être colonisé quaprès ratification
dune entente en bonne et due forme entre les chefs amérindiens et le gouvernement.
En négociant de tels traités, la Couronne était assurée dun certain niveau de
stabilité dans ces territoires. Après avoir longtemps guerroyé contre les tribus
amérindiennes amies des Français, les Britanniques ont compris que la colonisation de
lAmérique du Nord passait immanquablement par la paix avec ses protagonistes. La Proclamation
de 1763 constituait la première expression de bonne foi de la Couronne britannique.
Au départ, ce document
semblait procéder dintentions absolument nobles. En fait, dès lorigine il
comportait des lacunes, et dautres se sont fait jour récemment. Par exemple, il y
était stipulé que la Couronne représentait la partie la plus apte à céder des terres
appartenant aux Autochtones, ce qui signifiait que toute location ou toute vente de terres
amérindiennes devait passer par lintermédiaire de la Couronne. La responsabilité
et le contrôle en la matière reposaient entre les mains de fonctionnaires de la Couronne
et non entre celles des Amérindiens, ce qui impliquait une relation hiérarchique plutôt
quun rapport dégalité. La préférence implicite pour des traités écrits
quon retrouve dans la Proclamation ne fait que renforcer cette inégalité.
En effet, contrairement aux Européens qui reconnaissaient depuis plusieurs siècles les
accords écrits, les Amérindiens avaient foi en la tradition orale et concluaient entre
eux des traités au moyen de cérémonies marquées par léchange de wampums
(broderies de perles traditionnelles). Oral, le traité était transmis sous cette forme
de génération en génération. On a tenté de combiner les deux traditions dans les
ententes entre les Amérindiens et la Couronne, mais au fil des ans il est devenu évident
que, juridiquement, le document écrit avait plus de poids que la tradition orale.
Une autre lacune de la Proclamation
de 1763 réside dans la nature du document. À la différence des autres textes
officiels de cette importance, elle na pas de statut constitutionnel. La Loi
constitutionnelle de 1982 contient une annexe énumérant tous les documents
constitutionnels; on ny trouve aucun document davant la Confédération
(1867). Larticle 25a de la Charte canadienne des droits et libertés fait
toutefois mention de la Proclamation de 1763, en indiquant que la Charte
garantit les droits et libertés reconnus par la Proclamation. Étant donné ces
divergences dinterprétation, le poids réel de la Proclamation demeure
incertain.
Le statut des traités
issus de la Proclamation est aussi nébuleux. Dans les faits, le poids des traités
autochtones équivaut essentiellement au respect qui leur est accordé par les divers
gouvernements provinciaux ou fédéral en place, puisque les traités ont le même statut
quune loi et peuvent donc être contournés par de nouvelles lois, ce dont on ne
sest dailleurs pas privé pour limiter la portée de droits initialement
accordés par traité. Ce point devient tout particulièrement préoccupant à la lumière
de larticle 25 de la Charte, qui indique que seuls sont garantis les droits
et libertés «existants». Une modification des traités par voie législative pourrait
signifier lextinction permanente de droits amérindiens reconnus.
Malgré la précarité
de son statut constitutionnel et ses autres carences, la Proclamation de 1763
demeure un document très important pour quiconque souhaite comprendre les relations entre
les Autochtones et le gouvernement et interpréter les traités issus de la Proclamation
ou orientés par celle-ci. La preuve de son énorme valeur pour notre histoire
documentaire vient du fait quon la surnommée la «Déclaration des droits
indiens» ou la «Magna Carta» des affaires autochtones.
Compte tenu de ces
qualités, il est surprenant que les Archives nationales nen possèdent aucun
original. La Division des manuscrits a en main plusieurs transcriptions du document
proclamé le 7 octobre 1763 par le roi dAngleterre et du document ultérieurement
édicté en Amérique du Nord le 24 décembre 1763 par le surintendant aux Affaires
indiennes, sir William Johnson; la Division des archives gouvernementales a un photostat
négatif de ce dernier document. De son côté, lInstitut canadien des
microreproductions historiques (ICMH) a recensé cinq originaux connus : lun est
détenu par la Society of Antiquarians dAngleterre; un autre par la Privy Council
Library à Londres; un troisième se trouve aux Massachusetts Archives à Boston
(lICMH sest procuré un microfilm); un quatrième à lUniversité Brown,
à Providence (Rhode Island); et enfin un dernier à la salle Lande de lUniversité
McGill à Montréal. Par ailleurs, quiconque mène des recherches sur la Proclamation
de 1763 peut aussi consulter diverses versions publiées du document et contacter les
Archives nationales pour lire la correspondance des personnes associées à cet
événement historique.
Jackie Henry
Division des Archives
gouvernementales |