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Impressions : le directeur artistique Robin Phillips se souvient de Glenn Gouldpar Iris Winston Droit d'auteur/Source La pièce sans fenêtre était petite et sombre. Ses parois étaient hérissées de canalisations, de tuyaux et de câbles. La seule source de lumière était concentrée sur le clavier du piano placé au centre de la pièce. C'était là l'endroit où Glenn Gould travaillait et menait la plus grande partie de ses affaires. « Je me souviens encore de l'impression que créaient ces lieux, dit Robin Phillips. Je songe souvent à l'extraordinaire obscurité qui y régnait et je me demande si c'était le désir de ne pas être blessé par les critiques qui l'avaient poussé à s'isoler ainsi. » Robin Phillips, ancien directeur artistique du Festival de Stratford, occupe actuellement les mêmes fonctions au Citadel Theatre d'Edmonton. Il a travaillé avec Gould au cours du tournage du film fondé sur le roman The Wars de Timothy Findley, dont il a assuré la mise en scène peu de temps avant la mort du musicien. « Nous nous rencontrions fréquemment, toujours dans cette pièce, dit Phillips. C'était habituellement vers 1 h 30 du matin. C'est une heure qui paraîtra peut-être bizarre à beaucoup, mais cela n'a rien d'inhabituel pour les gens de théâtre. En fait, tout en Glenn Gould me paraissait fascinant; je ne trouvais rien d'étrange en lui. Je me souviens tout particulièrement de ses mains, qui étaient remarquables. Mais même si ses mains étaient remarquables, son sourire, son regard pénétrant et la concentration qu'il apportait à tout ce qu'il faisait étaient encore plus inoubliables. Il lui arrivait de conserver son pardessus et ses gants pendant que nous travaillions, mais cela était sans importance; seule la musique comptait. Je me rappelle ma surprise, au début, en découvrant qu'il s'entourait de matériel électronique, mais c'était merveilleux de voir sa profonde admiration pour la technologie et la facilité remarquable avec laquelle il l'avait adoptée. Il estimait, en effet, que la technologie était capable de produire l'interprétation parfaite, alors qu'on ne pouvait le faire à la scène. » Robin Phillips dit que Gould s'était montré extrêmement coopératif pendant l'orchestration de l'accompagnement musical de The Wars. « À cause de sa grande sensibilité, il était très facile de travailler avec lui, dit-il. Il savait toujours à quel moment précis il devait jouer un accord. Cela faisait partie de sa complicité avec la technologie. Le seul problème venait du fait qu'il aimait trop The Wars. Je voulais donner un caractère un peu plus populaire à la musique, car je pensais que celle de Gould avait trop de classe pour l'œuvre, mais il voulait qu'elle soit parfaite. » « Ce fut une époque magique, ajoute Phillips. J'ai vécu des moments merveilleux lorsqu'il jouait pour moi; il le faisait avec tous les muscles de son corps. Je comprends parfaitement pourquoi il fallait toujours qu'il s'assoie sur la même chaise, par exemple. Tout cela jouait un rôle lorsqu'il faisait de la musique. » Et faire de la musique, c'était la vie de Gould. |