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Le 29 décembre 1883
Vol. XXVIII, no. 26
Table des matières
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Les caractéristiques naturelles de la vie à la campagne sont les plus favorables à la santé. Les conditions artificielles, elles, ne sont pas toujours idéales. Même dans nos petites villes, l'organisation sociale n'est pas assez ferme ni assez assurée pour s'engager de pied ferme dans des programmes d'éducation approfondie du corps et, pour ce qui est de la vie à la ferme, il se dit bien des fables sur ce mode de vie arcadien. La mauvaise alimentation et une mauvaise organisation du travail sont la règle sur nos fermes américaines. Le pain Salæratus, les pâtisseries lourdes et les viandes frites ne sont pas le meilleur régime alimentaire pour un athlète. Et que le jeune fermier sarcle, qu'il bine, qu'il creuse ou qu'il enfourche du foin, son travail n'est guère plus sain que celui des hommes qui creusent des tranchées le long de nos boulevards pour y installer des tuyaux.
Un examen approfondi des faits pourrait convaincre l'homme le plus attaché aux illusions de son enfance que le citoyen des villes n'est pas forcément une épave. Ce qu'on appelle communément le " sport amateur " peut être le salut de la grâce musculaire du citadin. Mais même ceux qui connaissent assez bien le sujet seront étonnés d'apprendre dans quelle mesure et avec quel succès les jeunes New Yorkais recherchent cette grâce, et montreront quelque incrédulité à l'affirmation que New York est en voie de devenir la capitale mondiale du sport amateur.
Cela peut bien sembler un peu surprenant, mais c'est la vérité. Tout d'abord, Dame Nature a offert à l'enfant de Manhattan tout ce qu'il est possible d'avoir pour faire de ses moments de récréation, littéralement, des occasions de re-création - l'apparition d'une nouvelle vigueur du corps, dont le développement est contrôlé par la technique de la gymnastique. On dirait presque que le plan original de l'île de New York et de la région environnante avait été dressé à cette seule fin.
Il n'y a qu'à observer la carte. Au sud de l'île longiligne au dos montant sur laquelle est sise la ville se trouve une large baie dans laquelle se jettent deux rivières. La baie s'ouvre, par un passage nommé à tort " Narrows ", sur une autre baie encore plus vaste dont la large ouverture est une porte sur l'océan. Cette étendue d'eau offre des possibilités à toutes sortes et à toutes formes d'embarcations, du canoë au Cunarder. Des deux rivières, la plus grande a été décrite comme " la plus large des rivières de cette envergure " du monde entier. Elle est large, profonde, son courant est vif et il y coule assez d'eau pour faire une rivière Ohio ou Rio Grande, si elle était harnachée à la mode occidentale. À New York, elle doit s'ouvrir sur quelques lacs situés au nord de l'État.
L'autre rivière prête son large courant aux exigences des commerces du centre-ville avant de se diviser avec obligeance pour s'ouvrir d'un côté en un puissant détroit et, de l'autre, en un ruisseau peu profond, idéal pour les promenades en chaloupe.
Deux bonnes routes mènent de la ville elle-même vers la banlieue nord où les nouveaux quartiers de Westchester offrent des terrains où peuvent se pratiquer de façon relativement économique les jeux de balle et les courses. Il peut y avoir des terrains, également, à Staten Island, au sud, ou dans le Jersey, à l'ouest, où se trouvent les meilleures pistes pour la pratique de la bicyclette qu'il y ait de ce côté-ci de Boston. De plus, les cueilleurs d'anis ont tout Long Island pour s'adonner à leur passe-temps.
Mais le jeune New Yorkais profite-t-il de ces avantages? Voyons cela. En 1868, il n'existait qu'un seul club sportif à New York. L'année précédente, il n'y en avait aucun. Cette flambée soudaine est venue de la création du New York Athletic Club qui avait, à l'époque, fait des gorges chaudes. De nos jours, cette marque de 1867 est dépassée par sept fois, si l'on compte le Staten Island Athletic Club. Ce sont des clubs d'athlétisme purs et simples, des clubs qui encouragent la pratique de tous les sports virils. Le nombre de clubs qui se spécialisent dans une forme d'exercice ne se compte plus. Il y a les clubs d'aviron, les clubs nautiques, les clubs de cyclisme, les clubs de tennis sur gazon, les clubs de sports de raquette, les clubs de croquet, les clubs de tir à l'arc, les clubs de marche, les clubs de crosse, les clubs de curling, les clubs de patinage, les clubs d'équitation, les clubs de tir au fusil ou au pistolet, les clubs de base-ball et de cricket, les clubs de pêche, les clubs de quilles, les clubs de polo et des massues pour les gens " libres ".
Numéroter et nommer ces clubs pourrait constituer un chapitre du genre des générations d'Enoch et, au mieux, donner une idée trompeuse de la pièce. Car ce ne sont que quelques-unes des plus grandes associations qui peuvent fournir une preuve documentaire de la qualité de leurs membres et de leurs réalisations et ce sont, en un certain sens, les moins intéressantes et les moins importantes de toutes. Bien sûr, le super club est la norme, le critère, le brillant exemple à suivre pour toute une gamme de clubs de moins grande envergure; cependant, les muscles se gonflent et la santé s'améliore aussi dans les petites organisations sans prétention dont les noms ne figurent jamais dans les journaux, dont les " statuts et règlements " ne sont pas imprimés dans de petits livres, dont les membres ne font jamais " baisser le record " ni ne décorent leur large poitrail d'écussons d'or.
À la lecture du Herald ou, plus vraisemblablement, du News ou du Journal ou de quelque autre quotidien particulièrement " populaire ", on peut voir ici et là de brefs articles déclarant que les employés de Smith Manufacturing Co. ont battu les membres du Jones, Brown and Robinson Brothers Club à une course de bateau ou à une partie de base-ball. Par contre, on n'entendra jamais parler de ces jeunes sportifs vigoureux aux jeux du printemps ni aux rencontres annuelles des clubs sportifs de New York ou de Manhattan; jamais un de ces coureurs n'ira faire trembler M. Myers pour ses lauriers; les fantômes des anciens Atlantics originaux pourraient lancer, recevoir et frapper avec assez d'adresse pour les faire sombrer dans l'oubli aux jeux nationaux; mais ils sont, en fait, les athlètes les plus authentiques de tous. Ils ne recherchent pas la célébrité semi-professionnelle; les applaudissements de leurs amis - particulièrement de leurs jeunes amies - et ces petits encarts dans les journaux qu'ils prisent le plus sont toute la gloire et la célébrité qu'ils récoltent. Ils s'évertuent avec modestie au nom de la vigueur et de la santé, et ils les ont.
Il existe de tels clubs dans la plupart des grands établissements mercantiles et manufacturiers, qui se mesurent les uns aux autres dans un esprit plus ou moins amical. Il règne une certaine rivalité sociale entre diverses compagnies du même secteur, et souvent même entre diverses sections d'une même compagnie. Les compositeurs luttent contre les opérateurs de presse, les tisseurs contre les teinturiers, les préposés des grossistes contre ceux des détaillants. Un matin, on peut lire dans le Sun ou le Star qu'un certain lithographe vaillant, par exemple, propose une course à l'aviron ou un match de lutte à n'importe quel autre lithographe pour le titre de champion des lithographes. On apprend ainsi, parfois, des noms et des titres étranges et mystérieux, dont le grand public n'aurait jamais eu l'idée. On pourrait lire, par exemple, qu'un " double-blaseur " qui souhaite être reconnu comme le plus fort des double-blaseurs de New York défie n'importe quel autre double-blaseur, même le plus musclé, qui voudra bien se mesurer à lui sur un terrain paisible où les double-blaseurs vont généralement " tirer " ou " lancer le marteau ". Le terrain paisible est généralement un petit parc Schützen ou une aire de pique-nique de Harlem, ou de l'autre côté de la rivière dans le Jersey.
Il est naturel que les hommes qui gagnent leur vie avec un métier manuel et qui, littéralement, gagnent leur pain à la sueur de leur front soient des athlètes. De même, les clubs sportifs des régiments militaires peuvent être perçus comme allant de soi. Et nous connaissons tous - malheureusement, peut-être - le caractère apparemment indissociable de l'éducation collégiale et de l'éducation sportive. Mais il est étonnant de voir comment la manie de former des associations pour la pratique de l'exercice physique s'est répandue dans toutes les couches sociales d'une grande ville. Les jeunes hommes d'un certain quartier se réunissent et organisent à la bonne franquette de petits clubs de base-ball ou de cricket; la création d'une bonne salle de quilles laisse prévoir l'apparition d'une demi-douzaine de nouveaux clubs de quilles, dont chacun a sa soirée réservée, et où chacun a l'exclusivité de la salle; à Murray Hill, où le base-ball et le jeu des dix quilles ne sont pas tenus en haute estime, les jeunes hommes et les jeunes femmes de chaque petit " set " gagnent souplesse, grâce et vigueur en vue des danses allemandes du soir avec la pratique du tennis sur gazon dans les manèges militaires ou les salles publiques disponibles à petit prix durant la journée; c'est ainsi qu'ils acquièrent les compétences semi-professionnelles qu'ils exhibent à l'occasion des matchs de championnat tenus à Newport.
Comme ces rassemblements d'adeptes de la musculation ne visent pas à attirer l'attention publique et que leur existence en tant que groupe ne dépasse que rarement la limite de deux ou de trois années - les jeunes hommes mûrissent et se marient, les salles de quilles sont fréquentées par des foules d'autres jeunes et lorgnées par les promoteurs immobiliers, les amitiés sociales s'évanouissent et s'éteignent en l'espace d'une saison -, il n'est pas toujours facile d'avoir des preuves visuelles de l'existence de ces clubs très privés. Cependant, si vous voulez voir le club West Ninety-sixth Street Base-ball Nine à l'œuvre, il vous suffit de vous rendre n'importe quel samedi après-midi sur les terrains vagues du Jersey, entre Hoboken et Guttenburg, et vous verrez un groupe de jeunes hommes, dont l'uniformité de la mise ne va pas plus loin qu'une affection généralisée pour les manches chemisier, qui mènent le jeu avec des bruits très peu professionnels. Ils ne portent pas de chaussettes rouges ni de chemises de flanelle affichant bien lisiblement leurs initiales; ils forment cependant un club et ils accordent grand prix à la dignité. Ils ont un capitaine et un trésorier, qui est aussi leur secrétaire et qui encaisse les amendes. C'est vrai, ils forment un club, et à la saison prochaine ils iront au fin fond du Jersey se mesurer aux Oriole Stockings de South Orange Junction et joueront pour la première fois sur un terrain officiel. Et alors, si ça se trouve, leur lanceur vedette pourrait bien se distinguer, ou un joueur au champ faire une belle défensive et, qui sait, dans un an ou deux, on pourrait le revoir sur les terrains de polo, revêtu d'un magnifique uniforme, crouler sous les applaudissements de milliers de spectateurs.
La salle de quilles est généralement adjacente à ce qu'on appelle un " beer garden ". C'est une appellation quelque peu curieuse. La bière (" beer ") y existe bel et bien, mais le jardin (" garden ") n'est guère qu'un petit carré de terrain orné de deux aloès malingres - car il semble que pour consommer de la bonne bière il faut être près d'un buisson quelconque. Au-delà de cet espace restreint - " un carré de terre peu familier à la végétation " -, se trouve aussi une allée de quilles, généralement construite de bois vert, qui gauchit avec le passage des ans et se fendille avec le passage des quilles. C'est là que la petite coterie d'amis se retrouve les soirs qui lui sont réservés. Le club dispose de son propre tableau de pointage, sur lequel les noms des joueurs figurent en lettres peintes. Le propriétaire fournit généralement quelque petite collation et les joueurs paient leurs consommations - modérées, car l'exercice est l'ennemi juré de l'ivrognerie - et, à la fin de la soirée, les frais de la rencontre, consistant en la location de la salle et le service de préposés, sont répartis entre tous les participants. La taxe peut monter à cinquante cents par personne environ.
Les Allemands sont les champions de quilles de la ville, et ce sont eux qui ont fait la popularité de ce passe-temps; cependant, ils ont gâté la bonne vieille méthode de jeu américaine en introduisant les imposantes boules, comme celles que Thor aimerait rouler à Walhalla, percées de deux trous adjacents; le joueur insère son pouce dans l'un et deux doigts dans l'autre. Cela réduit au minimum la difficulté du jeu et n'en fait plus qu'une affaire de force brute. N'importe quel géant obèse qui peut soulever l'une de ces énormes sphères et la lancer en plein centre de l'allée peut se fier à sa grosseur et à la vitesse qu'elle doit atteindre pour pouvoir faire tomber la plupart des quilles. Oh, qu'elles nous manquent ces boules anciennes, guère plus grosses qu'une balle de croquet lovée dans la paume de la main des jeux de nos pères! Les abats et les réserves étaient moins courants alors, mais lorsqu'un joueur faisait tableau net, il avait de quoi en tirer orgueil. Disons tout de même, pour nos amis allemands, que leur jeu est plus complexe que le nôtre et qu'une simple rencontre du club signifie l'annonce d'un tournoi prolongé, qui peut durer de quatre à cinq heures, et dont l'organisation est bien plus scientifique que nos simples concours.
Cependant, le club menacé de disparaître, le club le plus sensible au passage du temps, est le club de tennis. Ce n'est pas dû à une quelconque modestie; il s'appelle probablement le " True Knickerbocker Tennis Club " ou encore l'" Original Mayflower Racketeer ". Le fait est, cependant, qu'il " squatte " depuis un an ou deux, paisiblement et discrètement, l'un des manèges militaires, et il sait fort bien que le gouvernement de l'État voit avec forte désapprobation l'occupation par de tels locataires frivoles. Et voilà que les détenteurs du pouvoir d'Albany sont si résolus que les planchers vernis et les hauts plafonds des salles d'exercice du régiment sont maintenant presque des plaisirs du passé pour le joueur de tennis, qui se voit désormais obligé de louer les salles où il peut étendre ses innocents filets.
Maintenant, il n'existe pas beaucoup de salles pouvant convenir au jeu de tennis à New York et, lorsqu'il s'en trouve une, c'est faire preuve de sagesse pour les " True Knickerbockers " de ne rien dire de leur trouvaille au risque de voir les " Autediluvian Aristocrats " surenchérir et s'arroger le trophée. C'est donc dire que le club de tennis " audacieux " se cache et poursuit son entraînement jusqu'au crépuscule d'une retraite dorée, et ses membres vont chercher du bon temps ailleurs, glissant dans leur coupé avec monogramme le long de l'Avenue A à la recherche d'une boule standard roulant sur les planchers cirés de Klumpenheimer Hall, où le soir les belles de Bowery dansent au rythme de deux violons et d'un piano, au bal annuel de la Coterie no 2 de McGeoghegan.
Il est assez étonnant que les plus petites salles, les salles de réunion, de bal et de conférence qui abondent dans toute la ville ne soient pas plus utilisées. Elles ne conviennent pas au jeu de tennis, mais seraient idéales pour la pratique d'exercices de gymnastique, d'escrime, de forte-épée et d'estacade à pièces simples et pour les matchs de lutte ou de boxe. Elles sont disponibles, en journée, pour un dollar ou deux l'heure, parfois même moins. Il y a toujours un concierge qui, pour d'infimes honoraires, peut entretenir les équipements de la bataille; les participants peuvent ainsi se rencontrer à l'heure dite sans avoir besoin d'attirer péniblement le regard du public en circulant dans les rues munis de gants de boxe ou chargés d'épées. Bien entendu, les occupants de la salle peuvent en fermer les portes et jouir de la plus stricte intimité.
Le grand professeur d'escrime de New York est M. Senac, mais il y en a bien d'autres de moindre renommée. Quant aux gentlemen qui vouent leur vie à la diffusion de la connaissance de l'art viril, ils sont innombrables. Quiconque souhaite apprendre à boxer n'aura pas la moindre difficulté à trouver quelque part quelqu'un se faisant appeler " Mouse " ou " Chicken ", qui sera trop heureux de se faire instructeur à vil prix et aussi de vendre à son élève une paire de gants pour vingt-cinq pour cent de plus qu'il aurait payé dans une boutique d'articles de sport. Mettons cependant en garde les jeunes disciples dont les professeurs sont reconnus pour être des " cogneurs ". La connaissance du sport tant prisé des Britanniques pourrait s'acquérir au prix de quelques dents de devant et du respect de soi. Il n'est pas sage de trop se fier à l'assurance de recevoir de la part de l'instructeur un " traitement de gentleman ". Beaucoup de jeunes qui déambulent dans les rues de notre ville ont eu pour " traitement " des yeux au beurre noir et le nez cassé par des gentlemen " Mouse " et " Chicken ", dont le saint patron est le marquis de Queensberry. Il existe de bons professeurs compétents, cependant, qui sauront enseigner à un homme l'usage de ses poings en l'espace d'une ou de deux douzaines de leçons, pour un ou deux dollars la leçon.
Si le jeune citadin est vraiment décidé à faire du sport, la meilleure chose pour lui est certainement de s'assurer de faire durer son enthousiasme en se joignant à une société par actions. L'exercice pratiqué en solitaire peut devenir fastidieux à la fin; il devient un simple travail, et même du travail déplaisant. Le membre d'un club, par contre, que ce soit un gros ou un petit club, jouit de la camaraderie, de la stimulation de la compétition; il reçoit des conseils, des encouragements et de l'aide et, par conséquent, tire plaisir de tout ce qu'il fait et supporte, de toute la sueur et de tous les frissons qu'il connaît pour se distinguer ou même dépasser ses limites. Rien de très surprenant non plus que l'éclat d'une médaille d'or ou d'une coupe d'argent stimule son désir d'atteindre le but.
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Bien entendu, il existe des préjugés, pour la plupart chez les mères couveuses et les tantes restées vieilles filles timorées, à l'égard des clubs sportifs comme éducateurs physiques. L'œuvre de M. Wilkie Collins, Man and Wife, avec son illustration frappante de la chute de M. Geoffrey Delamayne, a su effrayer bon nombre d'excellentes vieilles dames qui se laissent troubler par les visions d'entraîneurs brutaux et d'associés sans manières - d'" étranges gentlemen " comme ceux qui troublaient la paix de la comtesse, née Kilmansegg, qui étaient
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" de la lignée fantaisiste
et qui aimaient l'eau-de-vie plutôt que le vin;
et ils appelaient son chien de salon Wenus ". |
En ce qui concerne le réseau de clubs sportifs de New York, c'est un préjugé sans fondement en vérité. De temps en temps, peut-être, les grandes ambitions chutent, s'ébrèchent ou se heurtent; mais un jeune homme a de plus grandes chances d'être sain, tant moralement que physiquement, dans un club qu'en dehors. L'entraînement physique est, dans un sens négatif, un exercice moral. L'homme qui s'entraîne doit se lever tôt, se méfier de la goutte qui fait déborder le vase et, généralement, mener une vie sobre et modérée. Il est à la charge d'un entraîneur professionnel qui veille à ce qu'il ne s'épuise pas. Le regard collectif du club pèse sur lui. Il le surveille, à l'affût de ses aptitudes particulières, de ce qu'il sait le mieux faire. Il est encouragé à avoir un comportement judicieux. S'il entreprend de représenter son club à un concours général, il importe à tous les membres du club qu'il soit dans la meilleure position possible pour défendre son honneur. Ses camarades sont des jeunes hommes de dix-huit à vingt-cinq ans, avec quelques anciens dont la grande sagesse donne quelque mesure à l'enthousiasme brut de la jeunesse. Ces jeunes hommes sont commis ou avocats ou quelque chose du genre; la plupart sont des Américains et les autres, principalement des Allemands et des Irlandais de la meilleure lignée.
Non, les jeunes hommes ne courent pas de risque en cette compagnie et ils peuvent décider avec quelle classe ou quel clan de sportifs amateurs ils veulent pratiquer le sport de leur choix. La liste est assez longue.
Au haut de cette liste devrait figurer, par droit d'ancienneté, le New York Athletic Club. Fondé en 1868, il est maintenant un Nestor aux tempes argentées parmi la jeune génération des clubs. Il a déposé ses lauriers sur les rives de Harlem Creek et laisse à ses jeunes membres le soin de lutter pour l'obtention des médailles, des coupes et des titres de championnat. Il règne une atmosphère de tranquille et exclusive respectabilité dans les salles de son chalet propret au décor soigné et sur ses vastes terrains du côté de Mott Haven de Harlem. Il paraît, dans l'ensemble, trop confortable et conservateur pour ne jamais avoir été le pionnier radical du sport amateur, avec une tradition de piètres parties, auxquelles assistait un maigre public, généralement boudées et négligées par les New Yorkais conservateurs et paresseux. Cependant, M. W.B. Curtis et M. H.E. Buermeyer, les fondateurs du club, sont encore là de nos jours pour raconter le bon vieux temps sur ce petit bout de terre de ce côté de la rivière; ils sont toujours des membres actifs du club, et l'on peut apercevoir leur visage familier à toutes les rencontres sportives.
Le N.Y.A.C. est à l'origine de la plupart des lois qui lient la National Association of Amateur Athletes of America, une ligue puissante dont les réunions législatives et de direction sont tenues pendant les jeux du printemps, le premier mercredi du mois de mai. Il n'en coûtera à un jeune homme bien parrainé que dix dollars de frais d'admission et vingt-cinq dollars de cotisation annuelle pour être membre de ce club et il pourra bientôt inviter ses amis au plus beau des chalets et à l'un des meilleurs gymnases du pays, situés, qui plus est, à l'intérieur des limites de la ville.
Le New York est le Sybaris des clubs de la ville, et le Manhattan peut être appelé le Sparta. Le Manhattan Club est à l'image d'un présent actif bâti sur un passé honorable. Il a été fondé en novembre 1877 et s'est mis à l'œuvre tôt l'année suivante avec quelques membres seulement. Ils sont maintenant environ 175, et le club connaît une croissance fort saine.
Le Manhattan détient l'emblème des championnats et il fait plus que toute autre organisation pour maintenir la popularité des sports. Il a deux " terrains ", dont l'un est situé au croisement de Fifty-sixth Street et Eighth Avenue et l'autre, sur la même voie de circulation, exactement à un mille et demi au nord, sur Eighty-sixth Street. Ce dernier est, ou du moins sera, une fois fini, le plus vaste et le meilleur terrain en son genre. Il fait tout un quadrilatère et a assez d'espace pour qu'on y joue au base-ball, au football, à la crosse et au
tennis sur gazon; il est doté d'une piste de course et de bicyclette d'un quart de mille ainsi que d'estrades ombragées et ventilées, où les demoiselles peuvent s'asseoir pour observer le jeu de leurs favoris vêtus de l'uniforme au motif de carreaux rouges et blancs. Si vous ne recherchez que le luxe et le loisir, vous devriez vous joindre au New York Club. Si vous voulez faire de l'exercice au nom de la santé, ou si vous recherchez la gloire à la course à pied, au saut à la perche ou au lancer du poids, mieux vaut vous inscrire au Manhattan Club, car ses membres voient grand. Ils ont raflé une grande partie des prix à tous les championnats et leur pays natal est trop petit pour contenir leur ambition. Ils envoient des équipes affronter les muscles des vigoureux Kanucks, et ils ont envoyé les célèbres Myers en Angleterre pour étouffer le grondement du lion britannique sous le cri de l'aigle américain. Pour couvrir les frais de cette aventure patriotique, ils ont organisé une série de jeux au Madison Square Garden, où Charles Rowell a exhibé à leur avantage le style de course qui lui a valu pendant des années le titre d'" invincible ".
En passant, Alcides Urban, si vous pensez qu'il faut un large gabarit pour être bon athlète, vous devriez bien regarder ces deux hommes. Le poids de L.E. Myers varie entre cent dix et cent vingt livres et le " grand " Rowell est un petit homme de stature napoléonienne dont rien n'est remarquable, à part ses jambes.
" Quel est, à votre avis, mon tour de poitrine? " m'a-t-il demandé.
" Une quarantaine de pouces, je suppose, quand vous vous entraînez. "
" Trente-cinq pouces ", a répondu le champion. Il était le champion à l'époque.
Quant à Myers, le champion " sprinteur ", ou coureur sur de courtes distances, il est l'image même du sportif amateur, et il vous fera volontiers un petit sermon sur le sujet si vous partez à sa recherche, déambulant les soirs d'été sur les vastes terrains au croisement de Eighty-sixth Street et de Eighth Avenue.
Oh non, Alcides, ce n'est pas ce que pense votre chère tante Cassandra lorsqu'elle entend le terme " athlète " - le " professionnel " provocateur et crâneur assoiffé de récompenses et qui attire les foules. Celui-ci a la silhouette d'un beau jeune homme de vingt-cinq ans. Ses yeux, ses dents, son sourire brillent; sa peau - le vêtement donne tout loisir à l'observation - est saine et brune. Le pouce et l'index du gant de pointure 7 d'un cadet pourrait faire le tour de ses minces chevilles; mais vous remarquerez que toute son ossature est fine; sa main est petite, son cou-de-pied est haut et il a le port gracieux; ses muscles sont souples, nets et vifs sous sa peau. C'est de la marchandise fine, et non pas faible. C'est cela, l'athlète amateur.
" Oui ", dit-il dans un sourire, " c'est tout à fait exaspérant. Il y a des gens qui persistent à classer les athlètes amateurs au rang des professionnels. Ils me demandent si je peux battre Rowell! "
Si M. Myers devait se mesurer sur une piste de cent verges à M. Rowell, il pourrait bien être exclu à jamais du monde amateur.
" Ils ne peuvent pas comprendre que l'argent fait toute la différence entre les deux classes. Ces professionnels font du sport une affaire. Mais il n'y a rien de mercenaire dans l'ambition de l'amateur. La valeur qu'il donne à ses médailles et à ses coupes n'est pas pour l'or ni l'argent qui les recouvre, mais pour les accomplissements qu'elles représentent. Nous nous efforçons de faire de nos clubs quelque chose qui convienne aux gentlemen, et je crois que nous y parvenons. Nous sommes profondément démocratiques. Nous n'avons que faire de la fortune ni de la situation sociale d'un homme, mais nous exigeons de lui un comportement respectueux et courtois et une personnalité sans reproche. Nous avons toutes sortes de membres à notre club - la plupart des commis et de jeunes hommes d'affaires, mais aussi tous les autres - avocats, médecins, journalistes, courtiers - je ne sais pas. Ils semblent tous très bien s'entendre. "
" Tous de grands athlètes? Oh non! Beaucoup ne se sont joints au club que pour leur santé - pour faire un peu d'exercice. Bizarre pour eux d'évoluer parmi des hommes entraînés? Non, en fait. Les sportifs chevronnés les encouragent, les aident, leur donnent des conseils. Nous tenons à ce que tout ici soit agréable, naturellement. "
" Oui, j'ai toujours aimé le sport et, enfant, je dansais beaucoup. C'est, je crois, ce qui m'a donné des jambes fortes. De plus, j'ai ceci; ce sont mes muscles, et ils m'aident à courir. "
Et le voilà qui exhibe une paire de poignées d'amour anormales, une sur chaque hanche, débordant de son short de course.
" Non monsieur, personne n'en a de pareilles. C'est la seule paire au monde. Lorsque j'ai commencé à courir en amateur, j'étais en très mauvaise santé, apparemment aux premiers stades de la consomption. Personne ne pensait que j'allais survivre. J'étais brisé, malade, faible. Mais j'étais convaincu qu'il n'y avait qu'un seul moyen de recouvrer la santé - par l'exercice. Alors je me suis mis à courir, à sauter et à faire d'autres activités et j'y suis allé à pleine mesure, bien que, pendant un certain temps, la moindre fatigue me rendit très malade - enfin, me voici. Pas mal sain pour un type qui était aux portes de la mort il y a quelques années, non? Il n'y a pas beaucoup de consomption ici, n'est-ce pas? "
Et de gonfler un poitrail rebondi, petit mais sain.
" Parlons d'exercice maintenant. Eh bien! quinze minutes chaque jour suffirait à couvrir tout le temps que je passe à faire de l'exercice actif. Je viens ici, les belles soirées d'été, et je m'amuse à courir ou à lancer des poids avec les autres gars et, quand je suis fatigué, je m'arrête. "
" L'entraînement? Je ne me suis entraîné que deux fois, et chaque fois ça ne m'a pas réussi. Je mange et je bois comme tout homme raisonnable, en évitant simplement ce qui n'est pas sain - ce qu'on sait qui n'est pas bon pour nous. Je ne me prive de rien de bon, tant que ce n'est pas mauvais pour moi. Mais je ne fume pas et vous ne le devriez pas non plus. "
M. H.G. Crickmore est le grand " Kri " du monde du sport. " J'en connais plus sur les chevaux que sur les hommes ", m'a-t-il dit l'autre jour ; " mais j'ai observé ces garçons. Je pense qu'ils feraient mieux de s'adonner à des courses de longue distance, à un rythme aisé et régulier, plutôt qu'au sprint et à ce genre d'exercice violent. Par contre, ils font un excellent boulot, comme tous les hommes qui s'efforcent de développer leur corps, d'accroître leur force physique et d'améliorer leur état général de santé. Ce travail se répercutera sur leurs enfants et leurs petits-enfants - sur une race d'hommes et de femmes plus sains et plus vigoureux "
Le choix ne se limite pas à deux clubs sportifs. Il existe quatre petites associations actives dans la ville, dont l'existence, pour l'instant, ne vise que le développement de bons coureurs et marcheurs en vue des championnats, mais qui pourraient, avec l'augmentation du nombre de leurs membres, accroître la portée de leurs efforts. L'American Athletic Club est un groupe sans local d'athlètes nomades qui louent les installations d'autres clubs pour s'entraîner et s'exhiber jusqu'au jour où leur trésor leur permettra de louer des terrains convenant à l'érection des bâtiments nécessaires. Le A.A.C. est généralement perçu comme une copie du Young Men's Christian Association Gymnasium, et s'est surtout distingué pour avoir produit le jeune G.D. Baird, un marcheur très prometteur s'il n'use pas ses courtes jambes à la marche d'ici deux ou trois ans.
Le Pastime A.C. possède des terrains intéressants sur Sixty-sixth Street et East River. Il compte parmi ses membres M. Lambrecht, le champion lanceur de marteau et de poids lourds; Conolly, le champion boxeur poids lourd; et M. Nason, que ses collègues désignent fièrement comme le champion du monde de " course en sac ".
Le Gramercy est pratiquement un club de course à pied, et sa plus grande gloire est un grand coureur, Golden. Ce club n'a pas de terrains qui lui soient propres. Il en a à peine besoin. L'ensemble du continent, toutes frontières abattues, en tient lieu. En hiver, ses membres font de bonnes courses le long de la Hudson River - jusqu'à Peekskill, par exemple.
Le héros et président du West Side Athletic Club est William Meek, champion marcheur sur de longue distance. Le club a pris la place de l'ancien Scottish-American Club, sur Fifty-fourth Street, entre Eighth et Ninth Avenues. Les frais d'entrée, les cotisations et les frais d'évaluation, dans ces quatre clubs, sont infimes, en fait. Même les poches les moins garnies peuvent se les offrir.
Il y a tout de même plusieurs bons New Yorkais dans le cœur pour qui New York n'est qu'un endroit où faire de l'argent. Ils vivent dans les banlieues de la grande ville, dont les frontières doivent aller, disons, de Yonkers, passer par le comté de Westchester, contourner Long Island jusqu'à Coney Island, tourner encore pour englober Staten Island, puis traverser le New Jersey pour revenir au point de départ. C'est cela, vraiment, New York, et les résidants de ses banlieues ne sont pas exclus des avantages sportifs qui sont offerts à ceux qui vivent à l'intérieur de ses frontières. Vivez-vous à Yonkers? à Fordham? à New Rochelle? à Mount Vernon? Les terrains du New York Club et tous les hangars à bateaux de Harlem sont à votre portée.
Habitez-vous cette belle île située, comme un point sous le point d'exclamation tordu de Manhattan, loin au sud? Eh bien! vous avez le Staten Island Athletic Club, avec quelque deux cent cinquante apôtres du culte de la culotte courte. Ils possèdent un hangar à bateaux - avec des bateaux à l'intérieur aussi - à New Brighton, et des terrains de course et de base-ball à West Brighton. Ils ont englouti les anciens clubs d'aviron Hesper et Neptune et ils aspirent à la renommé aquatique.
Long Island, si vous êtes à Brooklyn ou à Williamsburg, peut vous offrir les privilèges du W.A.C. - une organisation des plus prometteuses et qui a du cran, âgée de six ans et dotée de plus de deux cents membres. Il est muni d'un terrain de camping commode au croisement de Wythe Avenue et de Penn Street, à Brooklyn, E.D. Il a, en outre, une piste dont la construction originale est inclinée du dedans vers l'extérieur, comme une courbe de voie ferrée. Il a aussi un gymnase et un entraîneur " vedette ", Jack McMasters, et les jeux qu'il organise commencent à se faire une réputation de grands " événements ".
Si le destin vous envoie au New Jersey, vous pouvez vous joindre au Elizabeth A. C., d'un an le cadet du Williamsburg, qui compte à peu près le même nombre de membres actifs et qui est doté d'un chalet avec tables de billard et allées de quilles et qui est en bonne position sur les pistes de course et aussi membre de l'American Athletic Baseball Association.
Mais peut-être, Alcides Urban, préférez-vous cultiver le petit talent musculaire dont vous a doté la nature, vous qui n'avez pas grande affinité pour les sports. Eh bien, vous pouvez faire cela sans sortir des banlieues.
Vous ramez? Vous ne voulez ou ne pouvez pas payer 100 $ ou 120 $ pour un esquif que vous manieriez dans une égoïste solitude? Vous pouvez vous joindre, pour vingt-cinq dollars de frais d'admission et vingt dollars de cotisation annuelle, au New York Rowing Club, où plus d'une centaine d'autres jeunes hommes pensent exactement comme vous et apprécient la liberté que leur offre un bon hangar à bateaux juste au-delà de la passerelle ferroviaire de Harlem. C'est un club vétéran qui, de nos jours, éprouve un plus fort penchant pour le jeu que pour le travail; mais il fut un temps où son nom inspirait le respect parmi les coureurs, et les jeunes rameurs de notre temps estiment que certains des vieux " New Yorkais " sont les meilleurs " entraîneurs " qu'ils aient eus.
Si cela ne vous convient pas, peut-être préférerez-vous choisir entre le Nassau et l'Atalanta. Si vous êtes tenu de faire vos études à Columbia, vous pouvez vous joindre au club de canotage du collège. Si vous êtes un tout jeune courtier de Broad Street, vous voudrez peut-être prendre place sur les sièges à coulisse des esquifs du Stock Exchange Rowing Club. Ou peut-être encore préféreriez-vous être membre du Metropolitan ou du Dauntless; si vous habitez près de Bergen Point, de l'Argonaut; près de Yonkers, vous pourriez être membre des Palisades; à Staten Island, ce serait du S.I.R.C.
Peut-être l'envie vous a-t-elle pris de vous gonfler les biceps d'une autre façon. Les Écossais d'Amérique vous enseigneront l'art du lancer du poids et du marteau.
Vous avez peut-être lu " The Canoe and the Flying Proa " et souhaitez mettre à l'épreuve vous-même les vertus relatives de " Rob Roy ", de " Shadow ", du " Nautilus " et du " Herald ". Il existe le New York Canoe Club à Staten Island et le Knickerbocker Canoe Club sur Eighty-sixth Street et North River, et un autre club à Bayonne, " de l'autre côté au Jersey ". Il y a aussi le Flushing C. C. de Long Island, et vous aurez toutes les occasions possibles de vous faire à l'humidité soudaine qui vous envahit à la suite du chavirement de votre embarcation avant de partir en vacances, en faisant l'aller-retour jusqu'au Lake George.
Un canoë coûte, grosso modo, 100 $, et c'est un investissement sûr, sauf pour les imbéciles nés. C'est plus rapide qu'une chaloupe et moins susceptible, le siège étant placé sous la ligne de flottaison. Il donne envie de faire de l'exercice et de voyager sur les sentiers des eaux du plaisir et de la paix. L'American Canoe Association est assez enthousiaste pour soutenir une jolie revue mensuelle, publiée par la maison d'édition Brentano Brothers de New York, intitulée The American Canoeist. On y dit que la pratique du canoë pourrait enseigner l'art de réaliser ses objectifs.
M. J.R. Flannery est le bon génie de la crosse de sa région et il est bien secondé par MM. Erastus Wiman et Hermann Oelrichs; mais la crosse a connu à New York une carrière quelque peu spasmodique, ayant vécu, s'étant éteinte et ayant été ressuscitée à maintes reprises depuis une quinzaine d'années. Ce sport nécessite des terrains qui ne peuvent se trouver dans la ville. Pourtant, c'est un jeu intéressant - une espèce de hockey rudimentaire élevé au ne rang ou comme nous l'appelions, enfants, " gool "; je suppose que nous voulions dire goal, ou golf. En 1882, six clubs se disputaient la U.S.N.A.L.C. Association Cup, que remettait M. Oelrichs. C'étaient les clubs New York, Princeton, Harvard, Yale, New York University et Bloomfield, du New Jersey. Il ne reste plus maintenant que deux clubs dans la ville, le N.Y. et le N.Y.U.C., et celui de Brooklyn, l'Adelphic. La crosse est un sport hautement recommandé à l'athlète " libre ".
Le tennis pourrait bien convenir à votre fantaisie errante. C'est, il est vrai, un beau jeu, mais les raquettes font preuve d'un goût douteux. Quoi qu'il en soit, si vous pouvez vous offrir une chemise de flanelle, une paire de chaussures à semelles de caoutchouc et une raquette, si vous êtes en mesure de verser des frais d'inscription et des cotisations ridiculement faibles, il se pourrait bien que vous puissiez satisfaire votre fantaisie. Le tennis est le coucou des jeux. Il squatte constamment dans les nids étrangers. Il a son propre immeuble, rien qu'à lui, au 212 West Forty-first Street, où les pionnières du jeu, son effectif strictement composé de femmes aux bonnets rouges, jouent; il s'arroge pourtant aussi les manèges militaires et les salles de réunion; vous pourriez même le voir suspendu aux basques des clubs de tir à l'arc, de base-ball, de cricket et d'athlétisme en général dans les banlieues. Les nouveaux terrains du Manhattan Club sont censés avoir de merveilleux courts. Le St. George's Cricket Club, de New York, a vingt courts sur pelouse sur ses terrains à Hoboken, le Staten Island C. et le B.-B.C. en ont douze, et il y en a aussi à Prospect Park, à Brooklyn. Il existe neuf clubs de tennis solidement établis au New Jersey (dont certains adjacents à des clubs de base-ball, de cricket ou de tir à l'arc), deux à Brooklyn, un à Staten Island et un à Hastings - plus précisément Hastings-upon-Hudson, qui est si britannique. Les vieux clubs s'éteignent et de nouveaux naissent constamment, mais on pourrait sans grand risque de se tromper estimer à mille cinq cents le nombre de membres de clubs à New York et dans ses banlieues. Les joueurs de tennis champions sont M. R.D. Sears et M. James Dwight, tous deux de Bolton.
Au nombre de ces tenants de la raquette légère je n'ai pas compté les membres du Racquet Club - une grande organisation logée dans un château sombre au coin de Twenty-sixth Street et de Sixth Avenue; un palais des célibataires s'y trouve, bien connu des jeunes et riches New Yorkais nageant dans le luxe.
Si vous aimez la bicyclette, Alcides; si vous ne craignez pas l'ostracisme de la société parce que vous enfilez votre culotte courte soignée et que vous vous coiffez d'une casquette de polo et que vous enfourchez cette raide monture qu'aucun " citoyen moyen " n'oserait monter, par crainte de dérision et de ridicule; si vous souhaitez jouir d'une promenade qui vous permettra de connaître la joie combinée de la force et de la vitesse du cheval avec son cavalier; si vous voulez filer le long des belles routes du New Jersey, ou sur le boulevard lisse jusqu'aux Yonkers, ou le long de Pelham Road, en passant à toute vitesse à côté du très britannique Coaching Club; si vous voulez avoir de longues jambes, une bonne digestion et de bonnes nuits de sommeil - vous pouvez vous joindre au groupe d'hommes à bicyclette, à qui est interdite la traversée des dédales de Central Park parce que des chevaux ont affiché à l'occasion une certaine antipathie pour les knickerbockers et les pneus de caoutchouc. Les chevaux, c'est bien connu, n'ont jamais craint les locomotives, les tas de briques, les affiches de cirque, les orchestres ni les parasols rouges.
Il y a place, dans le monde, pour les bicyclettes en dehors de Central Park, Alcides, et vous pouvez apprendre à les monter avec bien plus de facilité et de quiétude que les malheureux pionniers de ce sport, il y a trois ans, lorsque le vélo était nouvellement arrivé sur les chemins de New York et que les chiens les poursuivaient sous les railleries de la population. À l'époque, vous deviez apprendre seul, mais de nos jours vous pouvez vous adresser à l'école de M. Elliot Mason, sur Thirty-fourth Street, où l'un des Mason, plus attentif à vos progrès qu'un frère, vous tiendra sur votre engin jusqu'à ce que vous l'ayez maîtrisé. Puis vous pourrez y louer une bicyclette, ou encore sur Fifty-ninth Street et Fifth Avenue, et vous pourrez vous pratiquer sur la route jusqu'à ce que vous estimiez pouvoir investir quatre-vingt-dix ou cent dollars dans un " Special Columbia " ou, avec vingt ou cinquante dollars de plus, dans une " Humber " d'importation ou une " Expert " bien d'ici. Les machines britanniques ont tenu le sommet du marché jusqu'à récemment, mais on commence bien à voir que les bicyclettes américaines sont plus durables et mieux adaptées à nos rudes chemins. Une fois propriétaire d'une bicyclette, vous pouvez vous inscrire à l'un des clubs de New York, le Manhattan, le Mercury, l'Ixion, le Citizen's ou le Lenox club; ou encore, si vous habitez Brooklyn, vous avez le choix entre le Brooklyn Bicycle Club ou le King's County Wheelmen de Williamsburg.
Faites-vous de la navigation de plaisance, comme on dit de nos jours? Alors les clubs nautiques de la région sont le Brooklyn, le New York, le Seawanhaka et le Larchmont.
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Vous prenez plaisir à jouer au cricket et il vous manque d'entendre les touristes britanniques, accoudés au portail du club, s'exclamer : " Well played sir! "? Alors, il vous suffit de prendre la batte sous la bannière du St. George d'Hoboken, des Staten-Islanders ou encore des Manhattans de Brooklyn. Vous aurez l'occasion de rencontrer les Young Americans de Philadelphie ou les Thespians de partout.
Alcides Urban, mon garçon, ne craignez rien de votre tante Cassandra, la vieille fille. Quand bien même ses prédictions s'avéreraient réelles et que vous auriez quelques doigts foulés, une ecchymose ou deux, ou encore le menton écorché?
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" Qui studet optatam cursu contingere metam,
Multa tulit fecitque puer, sudavit et alsit. " |
Ces mots sont aussi vrais aujourd'hui que lorsqu'ils ont été écrits. Si vous atteignez le but visé - d'avoir une bonne santé, un esprit autonome, des forces bien disciplinées - cela aura valu toutes les peines et toutes les souffrances, toute la sueur et tous les frissons.
Et n'oubliez surtout pas qu'il y a peu d'endroits où vous pouvez atteindre plus sûrement ou plus rapidement votre objectif que dans notre bonne vieille ville de New York. J'ai essayé de dépeindre pour vous ce qu'elle est. Ce qu'elle sera, je n'en ai qu'une vision. Je vois " au travers des tourbillons du vent et des vagues de la baie " les blanches voiles des yachts qui ont bravé le vaste océan pour venir saluer les embarcations britanniques de l'Île de Wight. Je vois les longues coques monter et descendre ses rivières, les roues argentées briller sur les routes. Je vois une génération de jeunes athlètes qui nagent, courent, font du vélo ou de la boxe et qui se mesurent aux plus durs et aux plus musclés du monde; sur leur poitrine luit la médaille sans valeur mais pourtant combien glorieuse; leurs étagères sont chargées de coupes avec lesquelles ils ne boivent que la bière de l'ambition qui, en stimulant leur force, leur adresse et leur détermination, les aidera à faire de New York la capitale sportive du monde.
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