Les sources primaires qui montrent l'importance et l'utilité d'utiliser des récits personnels pour mener une recherchePar John Fielding, conseiller pédagogique Comment les Pères de la Confédération ont-ils perçu leurs efforts pour créer un plus grand Canada uni? Nous savons comment George Brown s'est senti le 22 décembre 1864, lorsque le plan en a été élaboré grâce à une lettre qu'il a envoyée de Grande-Bretagne à John A. Macdonald. En lisant cette lettre, on ne peut s'empêcher de noter la fierté qu'y exprime Brown : « Notre système a donné ici pleine satisfaction. Le gouvernement, les conservateurs et les hommes de Manchester en sont tous ravis. Le public a les Canadiens en meilleure estime. » [traduction] Nous apprenons également de sa lettre à Macdonald que leur relation a souvent été houleuse. Avant qu'ils ne s'allient à la cause de la Confédération, les deux hommes se confrontaient en politique. Le 15 mars 1864, Brown écrit à sa femme Anne : « John A. s'est montré particulièrement mesquin et méprisable. Il a farouchement attaqué Mowat et moi-même. » [traduction] Par les informations qu'elles nous donnent sur le passé, des sources comme les lettres de George Brown sont précieuses. Rédiger un essai ou un compte rendu historique n'est pas facile. En l'absence d'appareil à reproduire le temps, nous ne pouvons recréer en détail le passé. Tout ce que nous pouvons espérer, c'est de trouver des sources qui nous renseignent sur les événements particuliers, les personnes et les lieux, de sorte que nous commencerions à comprendre et à interpréter ce qui s'est produit. Pour écrire sur l'histoire, nous avons accès à deux types de documents : les documents de source primaire et les documents de source secondaire. (Pour en apprendre davantage sur ces sources, consultez « Les sources primaires et les sources secondaires » de Michael Eamon, dans "La boîte à outils » du Centre d'apprentissage.) Les documents de source secondaire, tels les manuels, les biographies et les éditoriaux, brossent l'image ou le contexte historique de l'événement. Ils nous permettent aussi d'assembler des faits et des opinions sur ce qui s'est produit. Nous devons cependant vérifier l'exactitude de l'information qui s'y trouve et la pertinence de son interprétation. Parce que ces données sont transmises par un intermédiaire, nous devons nous poser certaines questions. L'historien ou l'auteur a-t-il mené une recherche approfondie? Les auteurs ont-ils fait preuve de parti pris dans le choix des faits et leur vision des sources originales? Des erreurs factuelles apparaissent dans les endroits les plus inattendus. On m'a un jour demandé d'organiser une réception dans une petite ville de l'est de l'Ontario. J'ai décidé de faire coïncider la fête avec l'anniversaire de la constitution de la ville, réalisée en 1832. Je me suis donc rendu à l'hôtel de ville voir la plaque commémorative qui rappelait cet événement. Bien sûr, elle s'y trouvait, et j'ai commencé à élaborer mes plans. Heureusement, j'ai décidé d'aller aux Archives nationales du Canada, à Ottawa, pour consulter les documents originaux de la constitution de la ville. À ma grande surprise, la date ne correspondait pas à celle de la plaque; elle montrait un décalage de cinq mois! Nous avons tenu la réception le jour de l'anniversaire véritable, et la ville a corrigé sa plaque. C'est ainsi que cette histoire a eu une fin heureuse, grâce à la recherche menée dans des documents de source primaire. En conclusion, il faut, chaque fois que cela est possible, remonter aux sources primaires ou originales. Il existe de nombreuses formes de documents de source primaire : documents officiels du gouvernement, certificats, cartes, entrevues, reportages, etc. Ces documents fournissent l'essentiel des informations factuelles dont a besoin le chercheur, mais ils ne témoignent pas des émotions. Comment les gens ont-ils vécu l'événement? Étaient-ils heureux, en colère ou indifférents? Où pouvez-vous trouver l'expression des émotions des participants? Les lettres et les journaux intimes constituent les meilleures sources qui apportent une réponse à ces questions. Pour découvrir comment ont réagi les gens aux événements qui ont mené à la Confédération en 1867 et quels étaient leurs sentiments, il faut consulter la correspondance entre des personnes qui ont évolué dans divers contextes. Les politiciens, dont George Brown, Joseph Howe et sir John A. Macdonald, pour ne nommer que quelques-uns des participants clés, ont envoyé plusieurs lettres riches de renseignements à de nombreuses personnes. Leurs femmes ont aussi écrit des lettres. De surcroît, Lady Agnes Macdonald a laissé un journal qui nous indique ce que pensaient les politiciens et comment ils se sentaient. De célèbres historiens de l'époque, tel François-Xavier Garneau, ont exprimé leurs opinions dans leur correspondance. Bibliothèque et Archives Canada possède même la lettre d'un jeune soldat de la garde nationale. Alexander James Christie a écrit à son père et lui a fait le récit de la bataille menée contre les Fenians qui, ayant envahi le Canada à partir des États-Unis, ont attaqué le fort Érié. Le soldat décrit ainsi comment les citoyens se sont ralliés à la défense du pays : « Dans cette ville, près de cinq cents hommes se sont enrôlés la nuit dernière pour remplir une telle mission, et aujourd'hui on a mis sur pied trois nouvelles compagnies. Cette scène se répète partout au pays, qui vit je crois une agitation intense, voire dangereuse. » [traduction] Le public canadien a fortement réagi aux attaques des Fenians, ce qui a eu pour effet d'unir les Canadiens et, en fin de compte, de consolider la Confédération. Les documents officiels et les dossiers présentent les faits, mais les lettres et les journaux intimes donnent vie à l'histoire, lui conférant son caractère propre et la chargeant d'émotions. À partir de ces merveilleux récits personnels, nous sommes informés des troubles, des conflits et des compromis que cachent les événements historiques, et nous apprenons les succès et les échecs des chefs de l'époque. Lettres et journaux intimes constituent aussi presque la seule source qui nous informe sur les femmes, les immigrants et le quotidien vécu par les premiers Canadiens. Il n'existe pas de « mère de la Confédération », car les femmes étaient tenues à l'écart de la politique et de la plupart des postes de pouvoir. Comment pouvons-nous nous renseigner sur l'histoire de la moitié de la population? Les récits personnels, tels ceux qui sont inclus dans les lettres et les journaux intimes, constituent la principale source d'information. Pour reconstituer l'histoire de la vie d'un immigrant venu au Canada dans la première moitié du XIXe siècle, il n'existe rien de mieux que les lettres de femmes comme Eleanora Hallen ou Susanna Moodie et sa sœur Catharine Parr Traill. Eleanora Hallen commence à tenir son journal en 1833; elle a alors dix ans et elle vit en Angleterre avec ses parents et ses neuf frères et sœurs. En 1835, sa famille déménage au Canada. Le voyage, entrepris à bord d'un voilier qui se rend à New York, dure six mois. De là, la famille fait route vers le nord à bord d'une diligence, puis remonte en péniche le canal Érié jusqu'au fleuve Saint-Laurent, dépassant Kingston, puis une ville nouvellement appelée Toronto, pour arriver enfin à Penetanguishene, dans la baie Georgienne. Au contraire d'Eleanora, Susanna Moodie et Catharine Parr Trail sont déjà des femmes mariées et des auteures reconnues au moment où elles immigrent au Canada, en 1832. À elles deux, ces sœurs ont produit des centaines de lettre et des douzaines de manuscrits ainsi que des journaux intimes; Catharine a écrit, entre 1845 et 1899, plus de trois cents lettres. Des milliers de Canadiens ont lu leurs récits qui racontent leur vie à la dure en région éloignée, récits grâce auxquels elles comptent parmi les premiers auteurs les plus importants et les plus connus. Ces femmes sont au nombre des milliers de nouveaux colons qui ont travaillé dur pour défricher la terre, construire des maisons et fonder des communautés. À cette époque, les femmes ne pouvaient occuper des postes de fonctionnaires ni voter, mais elles assumaient le travail quotidien dans les maisons et les communautés, façonnant le Canada et lui donnant le visage qu'il a aujourd'hui. C'est en recomposant l'image du quotidien à partir de détails issus de journaux intimes et de lettres de gens tels qu'Eleanora Hallen, Susanna Moodie, Catharine Parr Traill, François-Xavier Garneau, Alexander James Christie et de tant d'autres que nous pouvons comprendre et apprécier à leur juste mesure notre héritage et notre histoire. |