« Protecteur de jupon ». Brevet no 34162, déposé par Annie Dixon en 1890
Brevet no 34162. Date de dépôt : 1890.
« Protecteur de jupon » [Le protège-jupe], Annie Dixon.
En 1991, seulement 1 pour 100 des brevets canadiens sont octroyés à des femmes, et au XIXe siècle, ce pourcentage était certainement moindre, pour plusieurs motifs : les Canadiens considèrent les femmes comme des citoyens de seconde catégorie (dans certaines provinces, elles n'obtiennent le droit de vote qu'en 1916); les femmes n'ont accès qu'à peu de professions; et elles sont le plus souvent exclues des études supérieures. De ce fait, elles ne participent presque pas aux principaux progrès industriels de leur époque. Qui plus est, comme le consigne Ethlie Ann Vared dans son ouvrage sur les femmes-inventeurs intitulé Mothers of Invention, il est notoire que les hommes, surtout avant le XXe siècle, négligent les idées élaborées par des femmes, ou encore ils les « empruntent ».
Rien d'étonnant alors que la plupart des brevets octroyés à des Canadiennes entre 1869 et 1894 relèvent d'inventions relatives à la sphère domestique ou à la mode. Les femmes inventent des produits qui résolvent leurs problèmes quotidiens. À preuve le protège-jupe ci-dessus, breveté en 1890 par Annie Dixon qui, dans sa demande de brevet, s'identifie comme étant « la femme d'Alexander Hutton Dixon ».
Le protège-jupe de Dixon se compose d'un tissu qui s'ajuste tant sur le dessus que sous la jupe et s'attache au bas du vêtement, formant un sac qui l'enveloppe. La jupe intérieure comporte des orifices pour les jambes et des courroies pour la suspendre à la taille ou aux jambes. Le tissu varie selon les saisons. À cet accoutrement, Dixon ajoute des jambières. Dans une autre invention relative à la jupe, brevetée avant 1869, la jupe est soulevée pour que la femme évite les flaques et autres obstacles.
Parmi les brevets alors octroyés à des femmes, citons l'instrument à mesurer et couper les vêtements (no 11388; déposé par Sarah J. Smith, de Montréal, en 1880); des améliorations apportées aux cuisinières, fours et fourneaux (no 16258; déposé par Mary G. Wilson, de Hamilton, en 1883); et un exerciseur pour bébé (no 25123; déposé par Mary Norman, de Saint-Lambert, au Québec, en 1886).
Au XIXe siècle, les brevets octroyés aux femmes pour des inventions non associées à la vie de famille, bien que rares, signalent une société en mutation qui conduit en fin de compte au droit de vote pour les femmes et à leur accession aux disciplines traditionnellement réservées aux hommes. Le tamis de pharmacien d'Eliza Scott, également présenté dans cette exposition, s'inspire d'un article ménager et l'adapte au domaine pharmaceutique. Quant à Margaret Shackell, de Montréal, elle fait breveter en 1876 des améliorations au godet graisseur (no 5588), dans un secteur d'invention presque uniquement masculin.
On peut aussi interpréter autrement l'apparition de noms de femmes dans les brevets accordés au XIXe siècle. Ainsi, la demande de brevet déposée en 1879 par Elizabeth Gossage, de St. Thomas (Ontario), ainsi que Patrick Dowling et George Merrill, de Toledo (Ohio), pour le ballast destiné au transport ferroviaire et les culbuteurs à terre (no 10532), indiquerait qu'on reconnaît l'apport égal de la femme à l'invention, ou peut-être est-ce un indice de la manière dont les inventeurs mâles contournent l'obligation de résider au pays afin d'obtenir un brevet canadien.
Références
Panabaker, Janet. Inventing Women: Profiles of Women Inventors, Etobicoke (Ont.), The Women Inventors Project, 1991.
Vare, Ethlie Ann, et Greg Ptacek. Mothers of Invention: From the Bra to the Bomb, Forgotten Women and Their Unforgettable Ideas, New York, William Morrow and Company, 1988.