[425] CHAPITRE XXIV*INFORMATION INTERNATIONALELES ÉCHANGES CULTURELSCOMME nous l'avons dit dans la première partie de notre Rapport, l'intérêt que nous portons à la « projection » du Canada à l'étranger concerne ces échanges fructueux dans les domaines artistiques et intellectuels qui stimulent l'activité culturelle des nations et sont, pour les peuples, la pierre angulaire de la connaissance et de la compréhension mutuelles. Nous avons déjà montré que le Canada est à l'arrière-garde des nations quant à l'aide accordée à ces échanges. Nous ne possédons ni bureau central d'information en matière d'éducation et de culture, ni régime permettant les échanges culturels ou prévoyant la distribution de bourses internationales; nous n'avons pas de fonds et peu de moyens pratiques pour soutenir les rapports qui existent entre les sociétés savantes, pour envoyer à l'étranger l'élite de nos artistes et de nos musiciens, les meilleurs de nos tableaux et de nos livres, ou pour encourager les autres pays à nous déléguer témoins et témoignages de leur propre culture. 2. Tout cela a été exposé par les sociétés et les particuliers qui ont comparu devant nous. Il nous a toujours semblé évident que ces questions ne peuvent être dissociées de ce problème central que constitue l'aide à notre propre développement national dans le domaine des arts, des lettres et des sciences. En outre, nous avons reçu une lettre du Premier ministre, élargissant les termes de notre mandat original; cette lettre nous demandait d'examiner les moyens qui pourraient amener l'étranger à une meilleure connaissance du Canada. En conséquence, nous présentons, dans une série de recommandations finales et comme dans une synthèse de notre enquête, une proposition visant à confier à un conseil unique la responsabilité fondamentale de l'aide et de l'appui qu'il convient d'accorder à toute activité culturelle bénévole, au pays même, et aux échanges culturels avec d'autres nations. Ce conseil, dans notre esprit, devrait donc se charger de fonctions comparables aux fonctions conjuguées du British Council et du Conseil des arts de Grande-Bretagne. On trouvera tous les détails utiles sur la constitution éventuelle de ce conseil et sur son action, au chapitre XXV, qui contient nos recommandations officielles. Si nous en parlons ici, c'est que nous croyons que cet organisme, si on l'établit, devrait jouer un rôle essentiel dans la « projection » du Canada à l'étranger, surtout par la coordination des initiatives bénévoles, clefs de voûte des échanges internationaux dans l'ordre culturel. 3. Nous voulons cependant dire un mot, ici, d'une question en particulier dont l'influence se fait sentir sur les échanges culturels de caractère bénévole. Si nous ne nous abusons, le gouvernement canadien détient des sommes très considérables sous formes de fonds « gelés », dans de nombreux pays de l'Europe occidentale. Les circonstances exceptionnelles qui nous ont assuré ces fonds imposent des précautions spéciales quant à leur emploi. Leur usage bien compris peut contribuer à l'avènement d'une meilleure compréhension mutuelle et de relations plus cordiales entre le Canada et ces différents pays; toute dépense inutile ou inconsidérée risque d'avoir un effet contraire. On a proposé des plans divers : fondation de bourses d'études semblables à celles du régime américain Fulbright, bourses de voyages, échanges éducatifs ou culturels. Une partie de ces fonds a déjà été consacrée à l'achat de tableaux destinés à la Galerie nationale. Nous n'avons pas l'intention de soumettre, sur ce sujet, de recommandations précises. Nous signalons, toutefois, le besoin qu'il y aurait d'établir et ensuite d'appliquer, au Canada et dans les pays en cause, un plan simple et logique, visant spécifiquement à étendre la connaissance et la compréhension réciproques, et à encourager les relations amicales entre ces nations et la nôtre. LE SERVICE INTERNATIONAL DE RADIO-CANADA 4. Nous avons eu l'occasion d'exposer ailleurs l'oeuvre importante accomplie par le Service international de Radio-Canada, qui cherche et réussit à présenter « une image honnête, objective et variée du Canada et de son mode de vie » (1). Nous avons remarqué l'encouragement et la publicité que cet organisme donne, d'autre part, à l'activité culturelle du Canada. Nous signalons une fois encore (comme nous l'avons fait pour les émissions d'ordre national), l'importance qu'il y a de s'assurer du concours des artistes les mieux doués et les plus représentatifs de nos diverses régions. Au Service international, l'habileté linguistique doit être considérée comme un élément essentiel, nous le concédons. Nous reconnaissons aussi le besoin de recourir aux conseils et à l'aide de nationaux des pays auxquels les émissions sont destinées. Mais, en même temps, nous devons souligner l'importance qu'il y aurait à faire entendre la voix du Canada à l'étranger, aussi souvent que faire se peut, par l'intermédiaire de Canadiens éminents. En conséquence nous recommandons :
L'OFFICE NATIONAL DU FILM 5. Nous avons parlé, dans notre première partie, de la tâche importante accomplie par l'Office national du film qui, au moyen de documentaires, présente le Canada à l'étranger. Chez nous, comme en dehors de nos frontières, on se plaît à reconnaître leur qualité, leur intégrité et leur originalité. Nous avons recommandé ailleurs l'extension générale du travail de l'Office. Nous nous bornerons ici à suggérer qu'il s'emploie avec une vigueur accrue à poursuivre l'oeuvre nécessaire qu'il accomplit en faisant connaître le Canada à d'autres peuples. L'image a toujours été plus convaincante que le verbe; et, à notre époque si sensible à l'influence picturale, bien des gens ne s'intéressent qu'à l'aspect illustré des choses. 6. Nous demandons avec instance, cependant, que l'Office national du film continue à envoyer à l'étranger des films qui nous dépeignent tels que nous sommes, plutôt que des films destinés à persuader les autres peuples des seuls bons côtés de notre société. Notre Commission croit à la valeur des libres traditions démocratiques telles qu'on les entend généralement en notre pays. Nous pensons également que, pour que les autres se familiarisent avec notre manière de vivre, le moyen le plus efficace et le plus honnête de la leur présenter est de leur permettre de lire nos journaux et nos livres, de voir nos tableaux, d'entendre notre musique et de les inviter à partager avec nous le plaisir que nous procurent les films que nous tournons pour notre information et pour notre divertissement. Si nous suivons cette ligne de conduite, nous serons assurés que les films que nous envoyons à l'étranger auront été tournés par des artistes et non par des propagandistes du cinéma; des uvres de ce genre pourraient certes nous valoir l'amitié et la compréhension de ceux qui sont imperméables à la propagande mais sensibles à l'appel de l'évidence. Il est parfaitement possible de préparer, sur le Canada et les Canadiens, des films qui soient, à la fois, fidèles et attrayants. Le meilleur critère des bandes destinées à l'étranger est l'approbation préalable des Canadiens eux-mêmes. 7. Nous n'entendons pas dire par là que les temps de crise ne motivent pas la production de certains films ayant un objet bien défini, et nous voulons parler ainsi de ces uvres destinées à persuader par le recours à l'émotion, plutôt qu'à convaincre par l'appel à l'intérêt objectif et au raisonnement. Il est hors de doute cependant que l'Office du film devrait s'inspirer des directives du ministère des Affaires extérieures dans la production de ce genre de films. Il saute aux yeux que, si de tels films ne réussissaient pas à éveiller l'intérêt des autres nations, ils n'auraient occasionné qu'un gaspillage inutile; pour exercer une influence, ils doivent être un reflet de la politique du ministère auquel nous confions la conduite de nos relations étrangères. Que l'on comprenne bien que nous parlons ici, non pas de films sur le Canada destinés au marché canadien aussi bien qu'au marché étranger; nous ne pensons qu'à ceux qui sont produits avec l'intention d'influencer en notre faveur l'opinion d'autres pays. 8. Nous remarquons qu'un ministère vient de prendre l'initiative d'encourager certaines sociétés américaines à produire, au Canada, des films commerciaux traitant de sujets canadiens. Cette ligne de conduite nous parait fort avantageuse, dans la mesure où l'on prend soin que ces films (même ceux de pure fiction) ne présentent pas une caricature grossière de la vie ou de l'histoire du Canada. Nous ne songeons pas à proposer qu'on réglemente les films produits selon les formules habituelles par les sociétés commerciales. Cependant, si les films produits au Canada à l'usage du public américain doivent faire naître l'idée d'un patronage ou d'une approbation, même officieux, de fonctionnaires de l'État canadien, il conviendrait de prendre toutes les précautions nécessaires pour s'assurer qu'ils ne souffrent d'aucune déformation mélodramatique, surtout là où la réputation des institutions canadiennes serait en jeu. En conséquence nous recommandons :
LE MINISTÈRE DES AFFAIRES EXTÉRIEURES AGENTS DE PRESSE ET D'INFORMATION 9. Nous avons signalé que le service d'information du ministère des Affaires extérieures aurait beaucoup à gagner à étendre son activité, même en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Il souffre surtout du manque d'attachés de presse et d'information compétents. En comparaison avec ses voisins, le Canada n'est pas représenté de façon appropriée. C'est que, quel qu'en soit le nombre, les bulletins imprimés ou les dépêches spéciales ne peuvent remplacer des attachés de presse capables et expérimentés. De tels fonctionnaires connaissent les journaux et les journalistes des pays où ils sont accrédités; ils savent ce qu'on désire et comment le présenter. En gagnant la confiance et l'amitié de ceux avec qui ils établissent des contacts, ils peuvent contribuer dans une large mesure à communiquer une image équitable et précise de la vie, de la politique et des points de vue du Canada. 10. Nous avons noté également le besoin d'un nombre plus considérable et plus varié de textes imprimés ou polycopiés, rédigés en plusieurs langues et, d'autre part, de crédits plus généreux pour les bibliothèques de nos missions à l'étranger. En conséquence nous recommandons :
*Extrait de : Canada. Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport. Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil privé. |