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Nouvelles de la Bibliothèque nationale
Janvier 1996
Vol. 28, no. 1
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Services de recherche et d’information
par Mary Jane Starr, directrice générale, Services de recherche et d’information
Les anniversaires d’argent sont des événements bien spéciaux. Le vingt-cinquième
anniversaire de la Division de la musique a pris une signification toute particulière car la
musique a été le premier domaine d’intérêt particulier; la musique demeure le modèle
pour les changements apportés au domaine de la littérature et maintenant à celui de
l’histoire. Il ne faut surtout pas oublier, en plus du travail accompli à la Bibliothèque
nationale par la Division de la musique, ses importantes réalisations à l’échelle nationale
et internationale.
La Division de la musique après 25 ans
par Timothy Maloney, directeur, Division de la musique
Jusqu’en 1970, aucune institution au Canada n’avait le mandat de rassembler les oeuvres
musicales canadiennes. Cette année-là, avec l’appui de Mme Roland Michener, épouse du
gouverneur général de l’époque, la Bibliothèque nationale du Canada (BNC) donnait
suite à une proposition soumise en 1967 par M. Helmut Kallmann, alors superviseur de la
bibliothèque musicale de la CBC à Toronto, qui accordait plus de ressources à la
conservation du patrimoine musical du Canada pour les générations futures. M. Kallmann
a été nommé le premier chef de la nouvelle Division de la musique de la BNC.
Quand on regarde 25 ans en arrière, on a toutes les raisons de fêter. Aujourd’hui, la BNC
peut s’enorgueillir de posséder la collection de documents sur la plus imposante et la plus
importante qui soit. Elle peut être fière de ses musicothécaires, archivistes et
documentalistes qui conservent cette collection nationale. Ils offrent chaque année un
soutien avisé à la référence et à la recherche musicales à des centaines de musiciens,
universitaires, cinéastes et citoyens de tout le pays, de même que du monde entier. Ces
usagers communiquent avec la Division par téléphone, par lettre, par courrier
électronique ou se présentent en personne. Dans les dernières semaines, des chercheurs de
France, d’Allemagne, de Hollande, d’Israël et du Canada ont consulté le fonds d’archives
Glenn Gould, le fonds le plus consulté de la BNC.
L’une des premières tâches a été de rassembler les divers documents de musique
dispersés dans les collections de la Bibliothèque, et de réunir en une collection les
feuillets de musique, les partitions, les monographies, les périodiques et les
enregistrements sonores. Cette tâche a permis à la BNC de mieux répondre aux besoins
des chercheurs en musique. On a instauré des procédures pour constituer et préserver une
collection permanente des documents musicaux éphémères (coupures de journaux,
dépliants publicitaires, catalogues commerciaux, affiches et programmes de concerts) qui
étayent l’existence d’une grande variété d’activités musicales au Canada. Des musiciens
et des compositeurs canadiens remarquables ont été invités à déposer leurs archives à la
Bibliothèque nationale pour en assurer la conservation permanente. Graduellement, les
collections se sont enrichies d’éléments importants, et la réputation de la Division de la
musique s’est accrue.
Voici quelques-uns des trésors musicaux de la collection musicale nationale :
le manuscrit d’une courte composition que Beethoven a dédicacée et envoyée à un
musicien canadien du 19e siècle;
les lettres de sommités en musique, telles que Ravel, Debussy, Mahler, Vaughan
Williams, Scriabine et Rachmaninoff;
plus de 300 disques en acétate du ténor canadien Raoul Jobin, sur lesquels ont été
enregistrés privément pour l’artiste des concerts donnés en direct au Metropolitan Opera
de New York et dans d’autres grandes maisons d’opéra;
un exemplaire de Le Graduel Romain, le premier ouvrage de musique
canadien;
la plus grande collection qui soit de disques 78 tours produits par la compagnie
Berliner Gramophone de Montréal, pionnière mondiale dans l’enregistrement sonore sur
disque plat;
les différentes éditions du «Ô Canada» parmi les premières publiés;
un programme de concert imprimé or sur dentelle d’une soirée intime offerte par la
reine Victoria au château de Windsor, qui met en vedette la soprano canadienne Emma
Albani;
les premiers enregistrements de Céline Dion, Bryan Adams, Jeff Healey, Oscar
Peterson, Maureen Forrester, et d’autres;
Le piano de Gould.
la chaise délabrée de Glenn Gould et le piano Steinway sur lequel il a interprété
beaucoup de ses enregistrements;
les documents d’archives de Glenn Gould, d’Oscar Peterson, des compositeurs
Healey Willan et Claude Champagne, du guitariste rock Randy Bachman et du groupe de
folklore The Travellers, pour ne nommer que ceux-là.
Au fil des ans, la collection musicale nationale a augmenté grâce au dépôt légal, qui
assure une entrée régulière de nouvelles acquisitions d’enregistrements audio et vidéo
canadiens, et de documents publiés; et par des dons et des achats de documents canadiens
à l’étranger, de documents rétrospectifs et de fonds d’archives. La collection renferme
désormais :
environ 18 000 monographies et ouvrages de référence sur la musique
22 000 partitions musicales
1 700 périodiques musicaux (dont quelques-uns remontent au début du 19e siècle)
20 000 feuillets de musique canadienne datant de la première moitié du 20e siècle
160 000 enregistrements sonores canadiens sous tous les supports possibles, des
cylindres en cire aux disques laser
70 000 programmes et affiches de concerts canadiens
35 000 photographies de musiciens et d’ensembles musicaux canadiens, en plus des
autres types de documents iconographiques concernant la musique canadienne
500 mètres linéaires de fonds d’archives provenant de plusieurs des plus célèbres
musiciens et compositeurs canadiens
70 mètres de dossiers bibliographiques portant sur une vaste gamme de sujets
concernant la musique canadienne. La documentation éphémère est si complète qu’elle a
servi de base documentaire à la préparation des éditions de 1981 et de 1992 de
l’Encyclopédie de la musique au Canada.
L’envergure des collections musicales, conjuguée à l’immense bagage de connaissances
et de savoir-faire du personnel de la Division de la musique, s’est révélée inestimable
dans de nombreux projets de publication, notamment pour les ouvrages de référence
The Da Capo Catalog of Classical Music Compositions (à paraître au printemps
1996), l’Encyclopedia of Canadian Pop, Rock and Folk Music (1994), et le
Dictionnaire de la musique populaire au Québec 1955-1992 (1992); les
biographies Sir Ernest MacMillan : Portrait d’un musicien canadien (1994),
The Sackbut Blues: Hugh Le Caine, Pioneer in Electronic Music (1989)
Glenn Gould : A Life and Variations (1989), et Healey Willan: Life and
Music (1983); les livres d’histoire Music Education in Canada: An Historical
Account (1991) et The Music of Canada (1985); et les anthologies
Patrimoine musical canadien consacrées à l’histoire de la musique canadienne
(de 1983 à aujourd’hui). De plus, les collections de musique de la BNC ont servi à des
expositions du Musée national des sciences et de la technologie, du Musée des beaux-arts
du Canada, des Archives nationales du Canada, du Musée canadien des civilisations,
et d’autres musées, galeries d’art et bibliothèques. Les films André Mathieu,
Musicien et 32 courts films au sujet de Glenn Gould, entre autres, ont été
grandement appuyés par les collections de musique de la Bibliothèque, tout comme de
nombreux documentaires radiophoniques et télévisuels, enregistrements, thèses, travaux
universitaires de trimestre et des travaux de recherche scolaires.
Design utilisé pour l'exposition Claude Champagne.
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De plus, d’autres ouvrages de
référence ont été écrits par des employés de la Division pour publication par la BNC, dont
En remontant les années : l’histoire et l’héritage de l’enregistrement sonore au
Canada (1975) par Edward Moogk, chef, Collection des enregistrements sonores de
1972 à 1979; et L’Édition musicale au Canada 1800-1867 (1981), par Maria
Calderisi, chef, Collection d’imprimés musicaux de 1973 à 1991. Des membres de la
Division se sont occupés de plusieurs expositions tirées des collections de la BNC. La
plus récente exposition d’importance, «Sir Ernest MacMillan : Portrait d’un musicien
canadien», commémorait le centenaire de la naissance de cet étonnant musicien
canadien par excellence. |
La Division de la musique a entrepris elle-même plusieurs projets pour faire mieux
connaître ses collections et le patrimoine musical canadien. En plus de mettre à jour un
catalogue collectif de la musique en feuilles canadienne d’avant 1950 et d’indexer les
périodiques de musique canadienne (dont seulement quelques-uns sont indexés ailleurs),
la Division a préparé des catalogues d’un certain nombre de ses collections, dont le
Catalogue des fonds et collections d’archives de la Division de la musique
(1994), compilé par les archivistes Jeannine Barriault (chef intérimaire, Collection des
manuscrits musicaux depuis 1994) et Stéphane Jean.
Une partie de l'exposition MacMillan.
La Division de la musique a également collaboré à l’exposition
sur le Système d’information planétaire (World Wide Web) de la BNC, intitulée
«Femmes à l’honneur : les réalisations de 21 pionnières canadiennes», qui soulignait le
Mois international de la femme en octobre 1995. Cette exposition rendait hommage aux
réalisations de certaines femmes canadiennes, telles que la cantatrice Emma Albani, la
violoniste Kathleen Parlow, la compositrice Barbara Pentland, la chef d’orchestre Ethel
Stark, l’interprète et parolière Mary Travers (alias La Bolduc), et la collectionneuse de
chansons traditionnelles Helen Creighton. Des membres de la Division ont en outre
rédigé des articles, préparé des bibliographies et des discographies pour plusieurs
ouvrages de référence internationaux, dont l’Encyclopédie de la musique au
Canada (1981, 1992), dirigée par Helmut Kallmann, dont les auteurs étaient Maria
Calderisi; feu Stephen Willis (chef, Collection des manuscrits musicaux de 1977 à 1994);
feu Edward Moogk; le bibliothécaire des enregistrements sonores Richard Green; la
documentaliste Florence Hayes; l’assistante à la recherche musicale Barbara Norman;
Marlene Wehrle (chef, Collection d’imprimés musicaux); et l’auteur du présent article,
qui a succédé à M. Kallmann comme directeur de la Division en 1988. Florence Hayes a
de plus rédigé des articles pour l’Encyclopedia of Keyboard Instruments (1994);
Stephen Willis, pour The New Grove Dictionary of Opera (1993); Maria
Calderisi et Marlene Wehrle, pour Music Printing and Publishing (1990); et
l’assistante à la recherche musicale Cheryl Gillard, pour Women in Music
History (à paraître en 1996). Depuis le début des années 1990, la Division collabore
avec les Disques CBC à Toronto, les Disques Analekta et les Disques Justin Time à
Montréal, à différents projets de production de disques compacts à partir d’anciens 78
tours et d’enregistrements en acétate que possède la BNC. Les ténors Edward Johnson et
Raoul Jobin, les pianistes Oscar Peterson et Glenn Gould, ainsi que le compositeur, chef
d’orchestre et organiste sir Ernest MacMillan, sont parmi les artistes retenus dans ces
nouvelles productions. La Division a également produit des rubans d’enregistrement
numérique remixés et de la musique populaire et d’orchestres de danse de l’époque des
78 tours pour les émissions stéréo de la CBC «The Arts Tonight» et «Fresh Air».
En dépit de la réduction des effectifs et des compressions budgétaires de l’administration
fédérale, la mission de la Division de la musique reste la même à l’aube de son deuxième
quart de siècle d’existence. En fait, la combinaison gagnante, au sein de la Division de la
musique, de la responsabilité d’une collection complète alliée à de vastes connaissances
spécialisées, a amené la BNC à reconnaître la musique canadienne comme un
«secteur auquel on accorde un intérêt particulier». La Division est citée comme modèle
pour les prochains domaines d’intérêt particulier en littérature et en histoire canadiennes,
en cours de préparation à la BNC. L’envergure de la Division au sein de la BNC, de
même que son profil florissant dans les milieux de la musique du pays, sont le fruit des
nombreuses réalisations et des efforts soutenus de son personnel qui fait figure de chef de
file en bibliothéconomie musicale à l’échelle nationale et internationale. M. Helmut
Kallmann, aujourd’hui à la retraite, cofondateur de l’Association canadienne des bibliothèques musicales (ACBM), qu’il a présidée à deux reprises, a été à l’origine de la
participation canadienne à l’Association internationale des bibliothèques musicales
(AIBM) à titre de délégué canadien de 1959 à 1971. Maria Calderisi, qui a pris sa retraite
en 1995, a été présidente de l’ACBM de 1976 à 1978 et de l’AIBM, de 1986 à 1989. J’ai,
de mon côté, assumé la présidence de l’ACBM de 1993 à 1995, et d’autres membres de la
Division demeurent des collaborateurs actifs dans des associations professionnelles,
comme l’AIBM et l’AIAS (Association internationale des archives sonores), participent à
des conférences et soumettent des articles dans des périodiques sur la musicologie, la
bibliothéconomie et l’archivistique. La Division de la musique a contribué récemment de
façon remarquable au corpus documentaire international sur la conservation audiovisuelle
au moyen d’un article en deux parties, publié d’abord dans les Nouvelles de la Bibliothèque nationale, «La détérioration des enregistrements sonores», que l’on doit au
conservateur de documents sonores de la Division, Gilles Saint-Laurent. Une version
revue a été publiée par la Commission on Preservation and Access à Washington, (D.C.),
sous le titre «The Care and Handling of Recorded Sound Materials», et publiée à
nouveau aux États-Unis dans le Journal of the Association of Recorded Sound
Collectors sous le titre «The Preservation of Recorded Sound Materials». Cet article
sera éventuellement publié par l’UNESCO et par la Fédération internationale des
associations de bibliothécaires et des bibliothèques.
Les défis de la Division ont changé radicalement depuis 25 ans, mais nous avons
confiance en notre capacité de relever ceux d’aujourd’hui avec ingéniosité et imagination.
Nous sollicitons des partenariats et des parrainages avec le secteur privé pour nous aider
dans le traitement de conservation et de préservation des documents d’archives
audiovisuels et sur papier. Nous expérimentons de nouvelles technologies de
numérisation pour verser certains éléments de notre collection et nos outils d’accès dans
Internet. Ainsi, la Division a entrepris récemment un projet de collaboration quinquennal
avec la Société pour le patrimoine musical canadien pour convertir le catalogue collectif
manuel de feuillets de musique imprimés au Canada avant 1950 de la BNC en une base
de données informatisée qui pourrait être un jour disponible sur disque compact ROM ou
sur Internet. De la même façon, la Division est à la recherche de fonds à l’heure
actuelle pour balayer au lecteur optique de caractères son index des périodiques
canadiens, afin de rendre accessible cet outil précieux de recherche sur Internet. Nous
discutons en outre avec plusieurs donateurs d’archives éventuels de la possibilité de
recevoir de leur part quelque forme d’appui financier avec leurs dons, de sorte que la
Division de la musique puisse utiliser les futurs revenus pour la conservation permanente
de ces collections. Dans le domaine des archives, nous poursuivrons nos acquisitions
dans les milieux du jazz, de la musique traditionnelle, de la musique pop et rock pour
souligner la place que ces genres populaires ont occupée dans la vie canadienne du XXe
siècle, et leur importance grandissante comme sujets de recherche spécialisée.
Les défis ont peut-être évolué, à certains égards, mais les tâches sont restées les mêmes
malgré le passage du temps et les technologies. Nous continuons de chercher les
premières oeuvres canadiennes pour combler les lacunes qui existent encore dans la
collection nationale que nous rassemblons depuis seulement un quart de siècle, simple
petit battement de cil, en comparaison du temps qu’il a fallu pour bâtir les immenses
collections musicales de la Library of Congress, de la British Library et de la
Bibliothèque nationale de France. La liste de nos desiderata est longue. Qu’on
pense à la première édition du «Ô Canada» de 1880, au disque Berliner no 1
(«God Save the Queen»), aux 78 tours originaux d’Emma Albani et d’Éva Gauthier, aux
premiers albums de chansons de Wilf Carter, aux rouleaux pour piano mécanique
canadiens, aux livres de cantiques d’avant la Confédération, aux microsillons du groupe
Two-Tones (premier groupe de Gordon Lightfoot), aux centaines de feuillets de musique
canadienne d’avant 1950 et aux milliers d’enregistrements canadiens de l’époque des
cylindres et des 78 tours.
Les réussites de nos 25 premières années témoignent du départ fulgurant de la Division
de la musique. Celle-ci continuera d’évoluer, de s’adapter et de chercher des façons
créatives de conserver le patrimoine musical canadien et de le faire mieux connaître aux
Canadiens. Nous sommes impatients d’entamer le quart de siècle qui s’amorce.
Une version antérieure de cet article à été publiée dans le numéro de décembre du
Classical Music Magazine.
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