Un passé tenu à jour
Par suite d’une demande de l’Archiviste fédéral de l’époque, Wilfred I. Smith, W. Kaye
Lamb accepta de rédiger ses souvenirs d’archiviste.Dans la préface de son
document, il précisait qu’il ne s’agissait pas vraiment de mémoires, mais « en termes
moins ronflants, d’une sorte de compte rendu très détaillé destiné à fournir des
renseignements sur d’innombrables sujets dont M. Smith souhaitait ardemment
disposer dans les années à venir »2.Ce « compte rendu » de six cent cinquante pages
qui fait partie du fonds Lamb, conservé aux Archives nationales du Canada, constitue
un récit intéressant, rempli d’observations personnelles sur les années de formation de
M. Lamb et sur sa carrière ultérieure d’historien, de bibliothécaire, d’archiviste et
d’administrateur bien connu.Lorsque Lamb raconte ses souvenirs d’étudiant,
d’archiviste et de bibliothécaire provincial de la Colombie-Britannique ou de
bibliothécaire de l’University of British Columbia (UBC), il décrit certaines influences et
certains événements de son existence qui ont mené à sa nomination au poste
d’Archiviste fédéral.
Né le 11 mai 1904 à New Westminster, en Colombie-Britannique, c’est à Vancouver
que Lamb fera ses études secondaires et universitaires.Dans sa jeunesse, il
n’éprouvait aucun intérêt pour l’histoire, d’autant plus qu’il trouvait ennuyants les
manuels d’histoire du Canada.Sa passion pour cette matière verra le jour pendant sa
première année à l’UBC, où il suit un cours sur l’histoire moderne de l’Europe donné
par F.H. Soward.Dans ses mémoires, Lamb racontera que Soward « faisait de
l’histoire quelque chose d’immédiat et de pertinent : il s’attendait à ce que nous
suivions l’actualité et consacrait à celle-ci une bonne partie des périodes
hebdomadaires d’enseignement dirigé »3. Néanmoins, l’étude de l’histoire du Canada
ne l’attire toujours pas car, à l’époque, on y insiste trop lourdement (« une quasi-
obsession » selon Lamb) sur l’histoire constitutionnelle d’avant la Confédération.
Malgré tout, les nouvelles tendances historiques gagnent du terrain dans les cercles
universitaires.En 1926, alors que Lamb soutient sa dissertation de fin d’études de
premier cycle sur les causes et les effets de l’exécution de Charles Ier, un nouveau
professeur d’histoire de l’UBC, Hugh Keenleyside, lui reproche d’avoir négligé les
aspects socioéconomiques de son travail.Lamb racontera avoir pris ainsi « conscience
d’une toute nouvelle dimension de l’histoire »4, une dimension qui influera
considérablement sur son opinion quant à la recherche historique et à l’importance des
archives.
Lamb dira lui-même de l’année 1928 qu’elle avait constitué un « tournant » dans sa vie.
On lui attribue alors la bourse Nicol, accordée pour trois ans à un étudiant de l’UBC
afin de lui permettre d’aller étudier dans une université française.Il s’inscrit donc, à
l’automne, comme candidat au doctorat en lettres de l’Université de Paris.Se
remémorant ses études dans cette ville, Lamb décrira ses rencontres avec des
historiens français bien connus tels André Siegfried, Charles de Seignobos et Albert
Mathiez, la plus grande autorité de l’époque sur la Révolution française.
Obligé de regagner Vancouver pour des raisons de santé au printemps de 1929, Lamb
décide de faire sa maîtrise ès arts à l’UBC.Au printemps de 1930, son mémoire sur
les origines du Parti travailliste britannique est présenté et approuvé.Ayant consulté
les autorités départementales de l’UBC, Lamb abandonne l’idée d’obtenir un doctorat à
Paris.Au lieu de quoi, il s’inscrit à la London School of Economics dans l’espoir de
poursuivre ses travaux sur l’apparition de l’indépendance politique des travaillistes en
Grande-Bretagne.Toutefois, pour continuer à toucher l’argent de la bourse Nicol, il
effectue la plus grande partie de ses recherches dans des journaux et des documents
publiés à la Bibliothèque nationale de Paris.Son directeur de thèse à l’University of
London est le socialiste de renom Harold Laski.Lamb terminera et soutiendra sa thèse
en novembre 1933.
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