Il n'y avait pas de femmes géologues à la Commission géologique du Canada (CGC) au dix-neuvième siècle. À l'époque, bien des gens croyaient que les femmes n'étaient pas assez fortes pour marcher sur tous les terrains et transporter des échantillons de roches. On estimait aussi qu'il n'était pas convenable qu'une femme se retrouve seule dans les bois avec des hommes qui n'étaient pas de sa parenté. C'est difficile pour nous aujourd'hui de comprendre un tel point de vue.
Ce n'est pas parce que les femmes n'étaient pas sur le terrain qu'elles ne jouaient pas de rôle dans le domaine de la géologie. Toutefois, on ne reconnaissait pas toujours leur travail, et on ne leur offrait pas les mêmes possibilités qu'aux hommes. Dans les années 1800, Mary Anning était une experte en fossiles. Dès son enfance, elle ramassait des fossiles sur la côte sud-ouest de l'Angleterre. Plusieurs des fossiles qu'elle a découverts se sont retrouvés dans des musées ou des collections privées, et ce, sans qu'on ne lui en ait jamais attribué la découverte. Mary Anning saisissait très bien la nature de ses découvertes. Sa contribution à la paléontologie est maintenant reconnue; elle a travaillé à une époque où cette discipline commençait tout juste à devenir une science.
Au vingtième siècle, Alice Wilson a été la première femme géologue au Canada et la première femme à travailler à la Commission géologique du Canada. Elle a ouvert la voie à d'autres femmes géologues qui la suivraient.
Alice Wilson (1881-1964), géologue et paléontologue
Alice Wilson a été la première femme géologue du Canada et la première à devenir membre de la Société royale du Canada. Quand elle était enfant, elle s'intéressait aux fossiles qu'elle trouvait dans les formations de calcaire près de chez elle, à Cobourg, en Ontario. À cause de sa santé fragile, elle a dû abandonner l'université avant sa dernière année. Une fois rétablie, elle a obtenu un poste à la Division de minéralogie du Musée de l'Université de Toronto, où elle s'occupait du soin et de l'organisation des spécimens de minéraux.
En 1909, Alice Wilson est allée travailler pour la CGC, où on lui a demandé d'étiqueter des spécimens et de les enregistrer. Plus tard, elle a demandé à travailler sur le terrain, mais on a refusé sa demande, car il était impensable d'imaginer qu'une femme s'en aille travailler dans les bois avec des hommes. On lui permettait de faire de petites excursions pour étudier la vallée de l'Outaouais et celle du Saint-Laurent. Au cours des 50 années suivantes, elle a parcouru la région à pied, à bicyclette et en voiture. À l'époque, la Commission géologique donnait des voitures à ses employés de sexe masculin, mais refusait d'en donner une à Alice Wilson; elle s'en est donc acheté une elle-même. Plus tard, elle a été reconnue comme la plus grande experte en paléontologie de la région Outaouais-Saint-Laurent.
Même si la CGC accordait des congés payés à ses employés qui désiraient poursuivre leurs études, la Commission a refusé à Alice Wilson la permission de retourner à l'université. En 1926, elle a eu la permission de demander une bourse, mais lorsqu'on la lui a accordée, la CGC n'a pas consenti à la laisser s'absenter. La Fédération canadienne des femmes universitaires s'est portée à sa défense, et la CGC a fini par lui donner la permission d'aller poursuivre ses études au niveau du doctorat, diplôme qu'elle a obtenu en 1929 à l'âge de 49 ans. Elle est retournée travailler à la CGC, mais on ne lui a pas donné de promotion et elle n'a jamais reçu la reconnaissance professionnelle qu'elle méritait.
Après avoir pris sa retraite à l'âge de 65 ans, elle a poursuivi son travail scientifique et ne l'a laissé que quelques mois avant sa mort à l'âge de 83 ans. Elle a écrit et publié un livre pour enfants sur la géologie; elle a enseigné au Carleton College (maintenant l'Université Carleton) et elle a souvent emmené ses étudiants sur le terrain. Lorsqu'elle est morte, elle avait acquis une excellente réputation comme géologue et comme paléontologue reconnue à l'échelle internationale. Comme professeur, elle a été une source d'inspiration. Elle a ouvert aux femmes les portes d'un domaine qui était auparavant un monde d'hommes.
Helen Belyea (1913-1986), géologue
Helen Belyea est la seule femme géologue à la CGC à être allée travailler sur le terrain avec des hommes avant les années 1970. Elle était l'une des deux géologues envoyés par la CGC pour surveiller la découverte de pétrole à Leduc, en Alberta, en 1950. Elle a consacré le reste de sa carrière à l'étude des roches du Dévonien dans l'ouest du Canada. Elle a été la première femme à obtenir la Barlow Memorial Medal pour la publication d'un document sur la géologie économique et elle a été élue « fellow » de la Société royale du Canada. Elle a été nommée officier de l'Ordre du Canada, ainsi que membre honoraire de la Canadian Society of Petroleum Geologists.
Catherine Hickson (1955 - ), volcanologue
Enfant, Catherine Hickson collectionnait des roches; adulte, elle est devenue l'une des plus éminentes expertes en volcans au monde. Ses professeurs à l'Université de la Colombie-Britannique, où elle a obtenu un doctorat, encourageaient son intérêt pour les sciences et reconnaissaient son talent. Elle n'est plus aux études, mais elle donne des ateliers au personnel enseignant. Il lui arrive même parfois d'emmener des professeurs sur le terrain pour qu'ils puissent mieux transmettre ce qu'ils apprennent à leurs étudiants.
Ann Phyllis Sabina (1930- ), minéralogiste et gemmologiste
Forte en mathématiques et en physique, Ann Sabina a obtenu son baccalauréat ès sciences à l'Université du Manitoba. En 1952, la CGC l'a embauchée pour ses connaissances et sa formation dans un nouveau domaine de la minéralogie appelé diffraction des rayons X. À partir des collections de minéraux de la CGC, Ann a établi des normes nationales régissant l'utilisation de cette technique pour l'étude des minéraux.
À mesure qu'augmentait la popularité de la géologie, on a demandé à Ann d'écrire des guides sur les caractéristiques géologiques qu'on observe le long des grandes routes du Canada. Ainsi, à compter des années 1960, elle a passé plusieurs étés sur la route, dans sa voiture, à relever les roches et les minéraux intéressants. Grâce à Ann, plusieurs étudiantes en géologie ont pu acquérir de l'expérience sur le terrain en l'aidant dans ce travail. Aujourd'hui, son ouvrage intitulé Rocks and Minerals for the Collector compte parmi les publications les plus vendues de la CGC. Ann est aussi devenue gemmologiste, elle a été cofondatrice de la Canadian Gemmological Association et elle a donné des cours à l'université en minéralogie et en gemmologie.
De nos jours, plusieurs femmes s'adonnent à la recherche scientifique et œuvrent dans des domaines variés à la Commission géologique du Canada. On peut mentionner, entre autres, Sharon Smith et Margo Burgess (permafrost), Carol Evenchick (sous-sol rocheux, géologie et ressources pétrolières), Beth McClenaghan (exploration minérale) et Louise Corriveau (formation des montagnes et métamorphisme).