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Bannière : Bibliothèque nationale du Canada 1953 - 2003

Discours de M. Guy Sylvestre

(Allocution prononcée par M. Guy Sylvestre, administrateur général de la Bibliothèque nationale du Canada de 1968 à 1983, à l’occasion de la réception organisée pour les employés actuels et anciens afin de souligner le 50e anniversaire de la Bibliothèque nationale du Canada en 2003, qui a eu lieu le 22 janvier 2003 à Bibliothèque et Archives Canada.)

Ma femme et moi sommes évidemment très heureux d'être des vôtres et de participer au cinquantième d'un organisme auquel nous sommes profondément attachés et dont nous gardons tant d'heureux souvenirs. Pour moi, c'est aussi le dépositaire de mes archives personnelles et de ma collection de documents canadiens rassemblés pendant quelque soixante ans. Notre pensée se reporte à d'innombrables événements qui ont jalonné le parcours de cet organisme  -  je revois ici des collègues et amis avec qui j'ai eu le privilège d'être associé pendant quinze ans et qui ont contribué au développement de l'organisme pendant mon mandat, et depuis.

Quand nous avons reçu l'invitation de M. Carrier, je me suis souvenu des célébrations que j'ai organisées en 1978 pour souligner le 25e anniversaire de la Bibliothèque. Sir Harry Hookway, alors directeur de la British Library, qui était venu pour l'occasion et qui dirigeait une des plus grandes bibliothèques du monde dont les origines remontent au 17e siècle, me dit alors qu'il était étonné que j'aie voulu souligner un vingt-cinquième anniversaire. Je lui ai répondu que lorsqu'on a attendu pendant si longtemps la naissance d'un tel organisme on ne peut que se réjouir du fait qu'il ait enfin vu le jour après une si longue attente et qu'on veut attirer l'attention sur son existence. L’organisme est encore jeune vingt cinq ans plus tard, mais l'occasion est bonne pour célébrer le passé, évaluer le présent et planifier l'avenir.

Pour ma part, comme Mme Marianne Scott et M. Roch Carrier parleront après moi, je limiterai la plus grande partie de mes propos au passé.

Lorsque j’étais bibliothécaire parlementaire associé dans les années 60, je lisais les procès-verbaux des réunions du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, à partir des années 1840  -  une série de documents qui révèlent le climat culturel du pays au cours de ces années. En plus des débats de la Chambre des communes, on y présente des renseignements intéressants sur la création éventuelle de la Bibliothèque nationale qui nous portent à réfléchir à la sagesse d’une récente fusion.

Par exemple, lorsque les Archives historiques ont été établies en 1872, avec quatre employés et un budget de 4 000 $, certains membres du Parlement ont proposé que, pour des raisons d’économie, elles soient transférées du ministère de l’Agriculture à la Bibliothèque du Parlement. Le premier ministre d’alors, sir John A. Macdonald, a répliqué que les archives et les bibliothèques avaient des fonctions différentes et qu’elles devraient demeurer séparées, et il a ajouté que « en Angleterre, les archives étaient gardées dans un endroit qui se distinguait complètement de la bibliothèque du British Museum ». Le Premier ministre savait de quoi il parlait.

En parlant de sir John, il est aussi intéressant de se rappeler ce qu’il a dit lors d’un débat à la Chambre en 1883 : « Le Canada devrait disposer d'une bibliothèque nationale contenant tous les livres méritant d'être conservés sur les rayons d'une bibliothèque. » Puis il a ajouté que « la question devrait être réglée au plus tôt ». Eh bien ! Nous savons tous que c’est 69 ans plus tard, le 20 mai 1952, que le Premier ministre Louis St-Laurent a présenté à la Chambre une résolution selon laquelle on prévoyait l’établissement d’une bibliothèque nationale et la nomination d’un administrateur général. Le Parlement a agi rapidement, avec une rare unanimité, et la loi a été sanctionnée le 18 juin, proclamée le 22 décembre et entrée en vigueur le 1er janvier 1953, il y a 50 ans et 22 jours.

La longue campagne destinée à l’établissement d’une bibliothèque nationale est bien documentée. Elle s’est d’ailleurs transformée en une longue succession d’initiatives fâcheuses. Pendant la longue durée de son mandat, le Premier ministre William Lyon Mackenzie King n’a manifesté aucun intérêt pour le sujet, et c’est seulement au cours des derniers mois de son règne qu’il a accepté à contrecœur de laisser le secrétaire d’État Colin Gibson présenter une résolution au cabinet afin de préparer la voie à l’établissement d’une bibliothèque nationale, dont la tâche a été assignée à monsieur W. Kaye Lamb lorsqu’il a été nommé archiviste fédéral. Après avoir finalement accepté la proposition, M. King a dit à ses collègues du cabinet : « Mais faites-en sorte que ça ne coûte pas trop cher ! » La création du Centre bibliographique canadien a suivi en 1950 avec le mandat d’établir un catalogue collectif dans lequel les fonds des principales bibliothèques canadiennes seraient inscrits afin de favoriser la mise en commun de ces ressources par l’entremise du prêt entre bibliothèques et afin de publier une bibliographie nationale.

En plus de M. Lamb, le personnel était initialement composé de Mmes Martha Sheppard, Jean Lunn et Adèle Languedoc  -  que les membres du personnel ont ensuite baptisées les trois mères fondatrices  -  qu’on avait installées dans un coin de la salle appelée « le musée », dans l’édifice des Archives publiques sur la promenade Sussex, un début modeste à n’en pas douter et conforme aux souhaits de M. King. La période qui a suivi était telle que la sœur Frances Dolores Donnelly l’a décrite dans sa thèse sur la Bibliothèque nationale comme « un retard de développement d’une décennie », en raison du manque de fonds, de personnel et d’installations. De nouvelles aires de travail ont été aménagées plus tard dans un immeuble-satellite d’archives dans le parc Tunney à Ottawa, mais c’est seulement après l’édification de cet immeuble que l’expansion des collections et des services a pu se réaliser.

Lorsque j’ai été nommé successeur de M. Lamb en 1968, le temps était venu d’effectuer des études afin de planifier l’avenir, en réalisant entre autres une étude de faisabilité sur le traitement des données électroniques dans les domaines des acquisitions, du catalogage, du prêt et de la référence comme éléments d’un système intégré de bibliothèque. L’adoption du système DOBIS a alors suivi, remplacé ensuite par AMICUS [la base de données de la Bibliothèque nationale], sous l’autorité de mon successeur, Mme Marianne Scott  -  de tels systèmes ont une vie relativement courte. Ce système, ainsi que d’autres, a nécessité l’élaboration de normes bibliographiques compatibles en vue de le relier à un réseau national et à des systèmes d’autres pays, il va sans dire, afin de faciliter et d’accélérer l’échange et la mise en commun des ressources des bibliothèques.

Les membres de notre personnel ont joué un rôle clé dans l’élaboration de ces normes au Canada, mais aussi à l’échelle internationale, bien au-delà de ce que l’on aurait dû attendre d’un organisme si jeune et de si petite taille. D’autre part, sur le plan national, la nomination de spécialistes d’une discipline a contribué à une meilleure utilisation de nos propres ressources dans des domaines tels que la musique et la littérature de jeunesse. Notre expertise est devenue notoire et certains de nos experts ont participé ou même présidé plusieurs comités internationaux d’organismes tels que la Fédération internationale des associations de bibliothécaires et des bibliothèques (IFLA), l’Organisation internationale de normalisation (ISO) et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). J’étais également étonné, mais heureux, lorsqu’en 1978 l’administrateur général de la Library of Congress, M. Daniel Boorstin, a proposé qu’une réunion annuelle de deux jours regroupant leur personnel supérieur et le nôtre ait lieu une fois sur deux à Ottawa et à Washington afin de discuter de questions préoccupantes concernant les systèmes, les réseaux, les collections et les services. Plus tard, lorsqu’on m’a demandé de rédiger un article pour les mélanges (festshrift 1) en l’honneur de M. Bill Welsh, bibliothécaire adjoint de la Library of Congress, je l’ai intitulé « The Elephant and the National Library of Canada [L’éléphant et la Bibliothèque nationale du Canada] » et dans ce dernier j’ai cité la phrase d’une fable de La Fontaine : « On a souvent besoin d'un plus petit que soi. »

Lorsque la Conférence des directeurs de bibliothèques nationales a été fondée en 1974, la réputation de la Bibliothèque nationale était telle que j'en ai été élu le premier président, un poste que j'ai occupé durant quatre ans et auquel a été élue plus tard mon successeur Mme Marianne Scott. De plus, les activités de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires et des bibliothèques sont planifiées et coordonnées par un conseil professionnel et, après mon départ, mon associée, Mme Hope Clement, en a été élue présidente. Plus tard, lorsque l’UNESCO décida en 1985 de faire préparer un document intitulé « Les principes directeurs pour les bibliothèques nationales », après consultation, la tâche me fut confiée. Le document a été publié par l'UNESCO, non seulement en anglais et en français, mais aussi en espagnol et en arabe, puis distribué dans le monde entier. Je me permettrai de signaler que si j'avais suggéré que les bibliothèques nationales et les archives nationales soient intégrées, l'UNESCO n'aurait pas accepté le document ou, du moins, aurait insisté afin qu'une telle suggestion en soit éliminée. Ce qui vient d'être décidé au Canada, contraire au consensus universel, prouve que nul n'est prophète en son pays.

Je pourrais vous parler de l’explosion de l’information et du développement de la recherche pluridisciplinaire, qui donnent aux bibliothèques nationales plus de valeur que jamais. Je crois que Mme Marianne Scott s’occupera du rôle des bibliothèques dans le cadre de ce nouvel environnement stimulant. Le monde de l’information est une dynamique croissante qui a obligé les bibliothèques à adopter de nouvelles techniques, et nous savons maintenant ce que les ordinateurs et les télécommunications ont apporté aux bibliothèques; nous devrions maintenant nous préoccuper des répercussions qu’ils ont sur les bibliothèques. Nous ne devrions jamais oublier, toutefois, que si les bibliothèques remplissent leurs fonctions pratiques à tout moment, leur mission transcende le temps, et les bibliothèques auront toujours la principale fonction de conserver le patrimoine de l’édition d’une nation et de le rendre accessible. Ce patrimoine de l’édition constitue une partie essentielle du patrimoine culturel d’une nation, tout comme d’autres parties de ce patrimoine conservées par les Archives nationales sont essentielles à la culture d’une nation. Les gens utilisent peut-être les ressources d’autres bibliothèques ou l’information rendue facilement accessible par les services d’information commerciale ou d’autres types de services, mais la plupart des bibliothèques se débarrassent de publications sur tous types de supports qu’ils trouvent désuets et qui ne sont plus utilisés, et les services d’information commerciale ne tiendront pas de bases de données en ligne ou les parties correspondantes, dont les produits ne sont plus profitables. Les bibliothèques nationales et les archives nationales sont les dépositaires de la mémoire d’une nation, de l’âme d’une nation, et un pays qui n’a ni mémoire ni âme est voué à sa perte.

En cet anniversaire d'un organisme national essentiel, encore jeune et grandissant, j'offre mes sincères félicitations à ceux et celles qui sont réunis ici. On se doit d’apprécier ces personnes qui ont œuvré ou qui œuvrent encore aujourd'hui avec compétence, dévouement et persévérance à assurer non seulement pour nous, mais pour nos enfants et nos petits-enfants, la survivance de notre mémoire collective.

Bonne route!

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1 Festshrift : Ouvrage composé d’essais, de documents savants et d’écrits rédigés par un certain nombre de personnes et dédiés à un érudit renommé.