Lettres envoyées à Fermanagh par Nathaniel Carrothers,
près de London, en Ontario, entre 1839 et 1867
Cecil Houston
Université de Windsor (Ontario)
Les lettres que les émigrants envoyaient à leurs proches en Irlande constituent une précieuse source de renseignements et permettent de sentir la nature de la vie rurale et agricole qu'ils menaient. Elles révèlent l'étendue des échanges de savoir-faire et de technologie d'un côté de l'Atlantique à l'autre. Les missives de Nathaniel Carrothers, une des 17 personnes du même nom à avoir quitté l'Irlande pour le Canada, laissent entrevoir la fierté de ces gens et leur situation au pays. En voici quelques extraits :
En 1839… Nous avons eu un bel été et toutes sortes de récoltes en abondance. Les fleurs se vendent 15 $ la centaine, le porc, entre 25 et 30 $ la centaine, le bœuf pareil, les patates, 2 $ le boisseau, et le beurre, de 7 à 9 ¢ la livre. Le foin est cher à cause du nombre de militaires qui sont passés ici. J'aimerais que vous nous envoyiez une semence… Je ne me souviens plus de son nom; on l'avait semée dans le petit pré sous la touraille… J'aurais aussi besoin d'une livre de grains d'ivraie italienne et d'une livre des graines ordinaires que vous avez dans votre grange. Pouvez-vous me les envoyer… [traduction]
En 1853… J'ai tant coupé de bois à brûler que j'ai pu défricher un lopin qui rendrait n'importe quel homme riche en Irlande. Mais vous en savez déjà assez sur les joies du défrichage au Canada! Ici, les percepteurs de loyer ne viennent pas nous embêter tous les six mois; une fois par année, nous payons des taxes qui servent à améliorer les routes. J'ai une solide maison à ossature de bois, convenablement aménagée, et, pour garder mes animaux, une étable qui mesure 50 pieds de long, 30 pieds de large et 16 pieds de haut sur le côté. Notre grain est séparé à la machine. Je possède un petit troupeau de chevaux, surtout des juments qui me fournissent des poulains que je vends à bon prix. Les chevaux se vendent bien ici. J'ai aussi une paire de bœufs qui sont parfaits pour ma nouvelle ferme… [traduction]
En 1866… Ce qui cause beaucoup d'excitation ici est la découverte de pétrole sous la terre. Il y en a beaucoup dans le coin. Quand on trouve une veine, le pétrole jaillit de la surface. On le paie 10 $ le baril. Il y a déjà plusieurs puits à London et aux alentours… [traduction]
En 1867… J'aimerais que vous et les garçons m'écriviez une longue lettre pour me parler de tous les amis et voisins qui vous viennent à l'esprit. Ici, personne n'est mort des deux bords de la famille, sauf Joseph. William Gregston est devenu fou et on l'a enfermé à l'asile. Transmettez mes amitiés à tout le monde. Margaret et moi vous envoyons tous nos respects, à Bessy et toi, ainsi qu'à toutes la famille.
Bien à vous, Nathaniel Carrothers [traduction]
Remarque
Les originaux de cette correspondance sont conservés à la Linenhall Library, à Belfast, en Irlande du Nord. Bibliothèque et Archives Canada détient cependant des dactylogrammes microfilmés de lettres envoyées entre 1830 et 1870 par Joseph et Nathaniel Carrothers, surtout du canton de Westminster, à leur frère William, du comté de Fermanagh, et à leur mère. Pour en savoir plus, on peut consulter la Collection Joseph et Nathaniel Carrothers.
Traduit par Bibliothèque et Archives Canada
Bibliographie
Cecil Houston est doyen de la faculté des arts et des sciences sociales à l'Université de Windsor, et a été président de l'Association canadienne d'études irlandaises. Il a publié de nombreux textes sur l'histoire et la culture irlandaises au Canada dont, notamment, des ouvrages signés en collaboration avec William J. Smyth.