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Titre de section : Communautés urbaines
Les Irlandais dans le Canada urbain

K. J. James
Université de Guelph (Ontario)

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Pont Patrick, en Irlande (entre 1852 et 1869)

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Beaucoup de choses ont été écrites sur les Irlandais des collectivités rurales de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick, de même que sur les profonds contrastes que leurs expériences suggèrent entre les modèles de peuplement en Amérique du Nord britannique et aux États-Unis au cours du XIXe siècle. Cet accent nécessaire mis sur l'aspect rural du vécu des Canadiens irlandais nous rappelle que, comme la plupart des gens du continent, ceux-ci s'installaient majoritairement en région, et ce, jusqu'aux premières décennies du XXe siècle. Il a également permis de faire ressortir les différences entre la vie des Irlandais au Canada et leur sort aux États-Unis, un sujet qui domine les études sur l'immigration irlandaise. Mais ce regard principalement rural a parfois mené à une sous-estimation de l'étendue et de l'influence des collectivités irlandaises urbaines au pays. Après tout, bien qu'il soit vrai que la majorité des Irlandais du Haut-Canada/Canada-Ouest (maintenant l'Ontario) aient émigré avant la grande famine, et aient surtout favorisé la campagne, dans de nombreuses parties de l'Amérique du Nord britannique, y compris dans le Bas-Canada/Canada-Est (maintenant le Québec), ils optaient davantage pour la ville.

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The Waning of the Green: Catholics, the Irish, and Identity in Toronto, 1887-1922, de Mark G. McGowan (1999)

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Les Irlandais de naissance ou d'ascendance constituaient un important pourcentage de la population de nombreuses villes. Tout d'abord, débarquant dans des ports comme ceux de Québec ou d'Halifax, la majorité des immigrants s'installaient, ne serait-ce que pour un court laps de temps, dans un environnement urbain. En plus de tout un réseau d'associations politiques, religieuses et sociales, ils y trouvaient un grand nombre d'organismes bénévoles mis sur pied pour les aider à s'intégrer dans leur milieu. En effet, si les immigrants irlandais participaient aux activités de nombreuses institutions rurales qui dans certains cas, comme l'Ordre d'Orange, s'étendaient en outre dans les villes, la forte concentration de ces regroupements, de même que la vitalité et la diversité de la vie associative qu'ils favorisaient, demeuraient des caractéristiques résolument urbaines.

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Lettre de Josiah Green demandant de l’assistance financière au gouvernement canadien pour deux voyageurs se rendant en Irlande (7 septembre 1877)

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L'influence particulièrement forte des Irlandais en Amérique du Nord britannique s'explique du fait qu'ils constituaient souvent le groupe immigrant le plus nombreux de ses villes. En 1844, les Irlandais de naissance dans le comté de Montréal comptaient notamment pour 19 pour 100 des 64 897 résidents. Dix ans plus tard, suite aux arrivées massives attribuables à la grande famine, ce chiffre avait monté d'un point, atteignant la barre du 20 pour 100. À Québec, c'était 15 pour 100 de la population qui étaient nés en Irlande, et à Toronto, presque 37 pour 100. De plus petites localités affichaient des taux encore plus élevés, soit 32 pour 100 à Bytown (maintenant Ottawa) et, une décennie après, en 1861, près de 40 pour 100 à Saint John, au Nouveau-Brunswick et plus de 15 pour 100 à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Bref, les Irlandais occupaient encore une place importante dans les milieux urbains d'Amérique du Nord britannique, participant activement à leurs industries, à leurs institutions, ainsi qu'à leurs vies politique et culturelle.

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Arche construite pour fêter la Saint-Patrick, Québec (Québec)

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On constatait souvent des différences significatives entre les Irlandais urbains et ruraux, notamment parce que, pour beaucoup d'entre eux, le séjour en ville était transitoire; les écarts économiques de ces deux types de milieu se reflétaient en outre sur les profils professionnels de leurs occupants. Dans les villes, ces profils correspondaient à l'importance accordée aux métiers, à l'industrie et au service. La couleur confessionnelle de ces deux groupes était elle aussi divergente : en 1840 à Saint John, par exemple, on comptait des proportions à peu près égales de catholiques et de protestants, alors que ces derniers étaient majoritaires dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick. En Nouvelle-Écosse, de nombreux Irlandais protestants vivaient dans le bassin de New Minas depuis des générations quand les immigrants de la grande famine, presque tous catholiques, sont venus grossir les rangs de leurs compatriotes de même confession à Halifax (où s'était installée depuis 1786 la Charitable Irish Society, pierre angulaire de la dynamique culture associative des Irlandais).

Ces statistiques ne donnent pourtant qu'un aperçu de la présence irlandaise en contexte urbain. Au tournant du XXe siècle, dans de nombreux endroits (de petites villes comme Almonte, dans la vallée de l'Outaouais, ou Winnipeg, dans l'ouest en pleine expansion, par exemple), beaucoup plus de gens se déclaraient Irlandais d'ascendance plutôt que de naissance. Dans un grand nombre de villes de l'ouest, les Irlandais étaient présents en moins grandes proportions qu'ailleurs : les modèles migratoires historiques (favorisant les Écossais à Winnipeg) ainsi qu'un peuplement relativement tardif (tendant à favoriser l'établissement des Anglais, des Écossais et des Européens au détriment des Irlandais, dont l'immigration avait atteint son paroxysme des décennies plus tôt) ont contribué à cette différence de profil démographique.

Bien que de nombreux aspects de la vie urbaine en Amérique du Nord britannique (types d'économie, densité d'organismes, concentration de la population et caractéristiques spatiales distinctes) diffèrent de ceux de l'expérience rurale, ils ne doivent pas éclipser les liens culturels et associatifs entre ces deux milieux. En effet, la propension naturelle au regroupement des Canadiens irlandais, qu'elle s'exprimait par une participation à l'église ou à la loge d'une société, ou par des gestes commémoratifs comme la célébration de la Saint-Patrick ou de la Fête des orangistes, favorisait les interactions entre les collectivités des villes et des campagnes.

Traduit par Bibliothèque et Archives Canada

Bibliographie

K. J. James est professeur adjoint au département d'histoire de l'Université de Guelph. Il a signé des articles dans les publications Canadian Journal of Irish Studies, Saothar, Scottish Economic and Social History, Textile History et Labour History Review, et a également fait plusieurs dons à diverses collections portant sur l'histoire irlandaise et écossaise.

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