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Titre de section : Intégration
Intégration des Irlandais au Canada

Peter M. Toner
Université du Nouveau-Brunswick, Saint John

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An Index to Irish Immigrants in the New Brunswick Census of 1851, de P.M. Toner (1991)

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Les Irlandais qui ont choisi de s'établir en Amérique du Nord britannique ont vécu pour s'intégrer des sagas aussi diversifiées que leurs antécédents. En effet, selon leurs lieux d'origine, d'arrivée et d'installation, ils se sont trouvés dans des situations si disparates que les générations futures ont eu du mal à les concilier.

Étrangement, si les premiers Irlandais à s'établir au Canada ont profondément marqué le paysage démographique de Terre-Neuve, ceux qui sont venus plus tard s'installer ailleurs ont souvent laissé une empreinte si légère que seuls les observateurs les plus perspicaces peuvent la relever. C'est notamment le cas du petit nombre d'immigrants venus en Nouvelle-France avant la conquête. En revanche, les Irlandais n'ont jamais été aussi visibles que lors de la grande vague d'immigration de la première moitié du XIXe siècle. Bref, dans certains coins du pays, les Irlandais se sont intégrés sans faire de bruit, tandis que dans d'autres, ils continuent de se faire remarquer.

Ce phénomène peut être clairement observé à l'examen de n'importe quelle étude détaillée sur le peuplement irlandais au Canada. Au moment de sa fédération, le Canada était un pays rural que la plupart des migrants irlandais évitaient. Lors du recensement de 1871, neuf Canadiens sur dix vivaient en effet à l'extérieur des grandes villes et centres urbains. Par ailleurs, il suffit de jeter un bref coup d'œil aux données démographiques rurales pour constater l'existence d'enclaves où les Irlandais avaient souvent noyé les populations précédentes. Cette constatation pourrait porter l'observateur à écarter le stéréotype voulant que les Irlandais soient des prolétaires urbains, mais en creusant un peu plus, on comprend que cette question est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Ces immigrants ne provenant pas du même endroit, ils n'avaient pas tous le même bagage culturel et éducatif. Toutefois, la différence la plus marquée -- et dont il faut absolument tenir compte -- est l'appartenance religieuse. En Irlande, la religion établissait effectivement de nombreuses balises en matière de classe et de pouvoir, un phénomène qui a jusqu'à un certain point été reproduit au Canada par les nouveaux arrivants.

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Rapport portant sur les émigrants arrivant au Canada à bord du navire S.S. St. David (22 juin 1869)

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En 1871, un catholique irlandais sur trois vivait dans les villes et centres urbains, et les données relatives à son travail confirment que c'est de lui seul que découle la fameuse réputation ouvrière des Irlandais. La proportion de protestants irlandais vivant dans ces centres était de son côté plus près de un sur vingt, et une fraction encore plus petite d'entre eux étaient de classe ouvrière. En milieu rural, les catholiques étaient par ailleurs moins souvent agriculteurs que leurs compatriotes protestants et, le cas échéant, réussissaient moins bien que ces derniers. On note évidemment certaines exceptions, lesquelles ne font que confirmer la règle. Chez les catholiques irlandais, les données varient en fonction de l'origine, ceux du nord et de l'est étant plus fortunés que ceux du sud et de l'ouest. On peut également attribuer certains écarts mesurables en matière de capacité d'intégration à la langue et au niveau d'alphabétisation; les immigrants qui parlaient et écrivaient mieux l'anglais tendaient à mieux s'adapter à leur nouvelle patrie. Quant aux personnes qui provenaient de secteurs où on parlait l'irlandais, elles « s'enracinaient » à leur port d'arrivée, ou s'installaient dans quelques enclaves rurales.

Il ne faut cependant pas présumer que les Irlandais restaient isolés du reste de la population. Leur grand nombre écartait cette possibilité. Un des plus vieux, et plus tard des plus importants, organismes non gouvernementaux au pays était l'Ordre d'Orange. Produit du vécu irlandais, cette fraternité a traversé l'océan avec ses membres. Mais, si on l'a adaptée au contexte politique canadien, elle a quand même conservé ses principes fondamentaux. Or, il n'existait aucun équivalent de cette confrérie chez les catholiques, dont l'Église tentait même de camoufler son identité « irlandaise ».

Sur les plans social et économique, la présence irlandaise peut être manifeste. Ce fut particulièrement vrai pendant les années 1830 et 1840, quand de nombreux Irlandais déplacés par leur système national d'éducation ont exercé ici le métier d'enseignant. Ce système, tout comme les manuels normalisés utilisés en Irlande, ont également servis de modèles aux artisans des réformes pédagogiques au Canada.

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Défilé des Orangistes, à Harbour Grace (Terre Neuve), entre 1900 et 1930

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On s'appuyait autrefois sur le stéréotype de l'Irlandais belliqueux pour expliquer sa préférence pour les carrières dans le domaine juridique et pour justifier l'adoption du modèle constabulaire du vieux pays dans la création des services policiers. La présence irlandaise dans le syndicalisme s'est en outre manifestée tôt, de même que son influence au niveau de la politique organisée. C'est en fait la conjoncture en Irlande qui a favorisé la participation active de ses ressortissants dans la vie publique canadienne; qu'ils aient été catholiques ou protestants, ces immigrants pouvaient se révéler des recrues aussi motivées que disciplinées aux mains de ceux qui arrivaient à les courtiser.

C'est également à cause de ce penchant pour la politique que les Irlandais ne se sont pas intégrés de la même façon. La plupart des protestants se sont en effet identifiés aux sensibilités « britanniques » du Canada, et ont été acceptés comme tels par les descendants d'Anglais ou d'Écossais. Leur origine irlandaise pouvait ainsi graduellement passer inaperçue. On ne peut pas en dire autant des catholiques, précédés par leur réputation de fêtards combatifs. Bien que nombre d'entre eux aient courageusement tenté de démontrer leur aptitude à la « domestication », d'autres ont carrément refusé d'être assimilés comme leurs compatriotes protestants, en affichant fièrement leurs origines comme un blason d'honneur. Avec le temps, et à tort, la « couleur » associée à l'Irlande est passée de l'orange au vert. Or, cette fausse perception, aussi accablante pour les catholiques que pour les protestants, a eu pour effet d'occulter les importantes contributions de tous les immigrants irlandais au Canada.

Heureusement, tout cela fait presque complètement partie du passé. Avec le recul, les citoyens d'origine irlandaise, quels que soient leurs antécédents, peuvent maintenant comprendre l'ampleur de leur apport à la culture canadienne. La fierté qui en découle leur appartient, et peut être partagée non seulement par tous les Canadiens, mais aussi par l'Irlande, source de ce riche patrimoine.

Traduit par Bibliothèque et Archives Canada

Peter M. Toner est né au Nouveau-Brunswick, mais ses ancêtres sont venus des comtés de Derry et de Londonderry en Irlande. Il a reçu son éducation de l'Université St. Thomas (Chatham) et de l'Université du Nouveau-Brunswick (Fredericton). Il détient en outre un doctorat de la University College Galway, National University of Ireland. M. Toner enseigne à l'Université du Nouveau-Brunswick, à Saint John, depuis 35 ans.

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