La scène musicale au Québec, 1915-1920À la fin des années 1910, le Québec compte environ deux millions et demi d'habitants. Entre 1911 et 1921, la population de Montréal passe de 468 000 à 618 500 habitants. Les villes de Québec, de Trois-Rivières et de Sherbrooke connaissent, elles aussi, une croissance démographique importante, mais dans une moindre mesure. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, Montréal est majoritairement anglophone, tout comme son industrie culturelle (salles, promoteurs, etc.). Toutefois, l'arrivée de plus de 300 000 francophones en vingt ans viendra renverser cette réalité. Attirés par l'industrialisation, ces gens venus des régions rurales amènent avec eux leur musique folklorique traditionnelle qui vient concurrencer la musique urbaine héritée de la France, des États-Unis et du Royaume-Uni. Vivant dans des conditions de travail difficiles et ayant du mal à s'adapter à la culture urbaine, ces nouveaux arrivants habitent souvent dans les mêmes quartiers et se raccrochent à leur folklore pour préserver leur identité, donnant à la musique traditionnelle un essor considérable. À cette époque, la radio n'existe pas encore, le cinéma est muet et l'enregistrement sonore s'adresse surtout à une clientèle bourgeoise en raison du coût élevé des disques et des appareils. La musique se propage donc essentiellement sur la scène. L'éclatement du premier conflit mondial en 1914 entraîne évidemment certaines restrictions, mais engendre par ailleurs une relative prospérité grâce à l'industrie de guerre. Musique classique et religieuse
Montréal et Québec reçoivent sporadiquement des troupes en tournée qui viennent présenter des opéras et des opérettes. En 1910, Albert Clerk-Jeannotte fonde la Montreal Opera Company; cette troupe donne plus de 300 représentations au His Majesty's de Montréal et à travers le Québec avec des solistes presque tous étrangers. Les artistes lyriques locaux sont confinés au chant dans les églises catholiques, alors très fréquentées. L'Association des chanteurs de Montréal regroupe la plupart de ces interprètes. Les lieux de culte deviennent souvent des salles de spectacle pour chants sacrés. Afin de créer de nouveaux débouchés, des artistes lyriques professionnels et semi-professionnels, dirigés par Honoré Vaillancourt et Albert Roberval, créent, en 1917, la Société nationale d'opéra comique, qui devient l'Association d'art lyrique en 1918 et la Société canadienne d'opérette de 1923 à 1934. C'est ainsi qu'une certaine tradition d'art lyrique avec des artistes locaux s'installe sur les planches du Monument-National et de quelques autres salles de Montréal et de Québec. Les variétés
Après la fermeture des cafés-concerts au début du siècle qu'a provoquée l'action de la Ligue de vertu, la chanson de variétés se transporte dans des théâtres : le Canadien, le Chanteclerc, le National, les Nouveautés, l'Arcade, le Family et bien d'autres. La plupart de ces salles présentent également du théâtre populaire et du cinéma muet. Pour ce qui est de la chanson, Blanche de la Sablonnière, Hector Pellerin et Alexandre Desmarteaux sont sans doute les plus grandes vedettes de ces établissements. À Montréal, le parc Sohmer et le Monument-National voient défiler tous les grands noms de la scène locale et internationale. Les importantes communautés anglophone et yiddish sont très actives dans la vie musicale de la métropole. Le folklore Symbole de la survivance de la langue et de la culture pour l'élite intellectuelle, la chanson folklorique traditionnelle se retrouve aussi bien dans le répertoire des interprètes lyriques que dans celui des artistes de variétés. Mais la musique traditionnelle instrumentale est absente des principales scènes urbaines. Il faut attendre le début des années 1920 pour que les Veillées du bon vieux temps de Conrad Gauthier donnent à un auditoire urbain des spectacles de chansons et de musique folkloriques. |