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Juillet/Août 2003
Vol. 35, no 4
ISSN 1492-4684

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Une passion d'artisan et le triomphe du Canada

Trevor Clayton, Communications

« Je suis un professeur de musique au Québec, en Amérique du Nord ».

Ainsi commence une lettre d'introduction datée du 14 décembre 1825, écrite par un jeune compositeur inconnu qui a voyagé jusqu'à Vienne pour être en présence de l'un des plus grands de la musique. Historiquement, cette introduction a amorcé la correspondance de ce qui allait possiblement devenir la pièce musicale d’exception parmi les documents canadiens du pays.

« Vos œuvres m'ont si souvent charmé que je crois qu'il est de mon devoir de vous exprimer ma gratitude personnelle alors que je suis de passage à Vienne, d'autant plus que j'ai nourri un grand désir de rencontrer le remarquable Beethoven ».

L'introduction, écrite à cause de la surdité de Beethoven, venait de Theodore Frederic Molt (1795-1856), un immigrant canadien né en Allemagne qui, après avoir servi dans l'armée de Napoléon, s’est forgé en 1822 une forte réputation au Québec en enseignant la musique et a tenté de poursuivre ses études au cours d'un voyage à Vienne en 1825. En effet, une autre passion a incité Molt à faire son voyage de 3 000 heures, ou de 125 jours d'un bout à l'autre de la terre et de la mer : c'était de rencontrer l'homme que plusieurs considèrent comme le plus grand compositeur au monde.

Impressionné par le voyage difficile entrepris par Molt pour venir le rencontrer, Beethoven a accueilli le jeune Canadien de façon chaleureuse et a consenti à composer une pièce musicale pour le retour de Molt en Amérique du Nord. La demande fut de nouveau faite par lettre, qui comprenait une simple feuille de papier de composition.

« Très honorable Monsieur !

Lorsque j'ai récemment pris la liberté de vous rendre visite, j'ai mis de côté pour vous un désir que j'ose docilement déposer devant vous dans cette lettre. Après mon départ, je n'aurai plus jamais la chance de venir près de vous. Pardonnez-moi donc si je dépose devant vous une petite feuille de mon album qui demeurera pour moi à une distance de près de 3 000 heures (où je vais voyager encore à partir d'ici) un document éternellement précieux. Je me considère chanceux d'avoir vu plusieurs de ces musiciens célèbres de l'Europe que j’ai connus en Amérique grâce à leurs œuvres et je serai fier de pouvoir dire à mes amis de là-bas, qui sont de la même façon des camarades-adorateurs qui vous admirent : "Voyez, c'est cela que Beethoven, dans sa grandeur d’âme, a écrit pour moi " ! Permettez-moi jusqu'à demain d’anticiper une réponse favorable.

Avec un respect extraordinaire
votre
serviteur docilement dévoué
Theodore Molt
Professeur de musique
Au Québec en Amérique du Nord

La réponse généreuse a pris la forme du canon de Beethoven intitulé Freu Dich des Lebens (Kinsky, Œuvres sans opus no 195), qui porte l'inscription « Des profondeurs de mon âme, L.V. Beethoven, 16 décembre 1825 ».

Le canon est écrit pour les mots « Retirez de la joie de votre vie », et fut composé lors du 55e anniversaire de naissance de Beethoven, deux ans avant sa mort. Il demeure son seul lien connu avec le Nouveau Monde.

Molt est revenu au Canada en bateau en 1826 avec son « prix ». Il publiera plusieurs livres sur l’enseignement de la musique, dont le premier manuel bilingue d’enseignement de la musique publié au Canada, et sa propre version de l'une des plus anciennes chansons patriotiques au Canada, Sol canadien, terre chérie.

À la mort du professeur en 1856, le fils aîné de Molt a hérité du manuscrit de Beethoven. Son propriétaire subséquent fut, d’après ce qu’on en sait, l'antiquaire berlinois J.A. Stargardt, qui l'a acquis en 1933. Le sort réservé au canon fut ensuite incertain, jusqu'en 1966 où il est apparu à New York et y fut vendu aux enchères pour ensuite être racheté par le bibliophile de Montréal Lawrence Lande. Bibliothèque et Archives Canada (BAC) en a fait l’acquisition en 1979.

Peu de temps après l’achat du canon, Lande a passé une commande au compositeur montréalais Alexander Brott pour une adaptation de la pièce à la condition que la mélodie de Beethoven demeure intacte.

Brott a écrit et dirigé sa pièce Paraphrase in Polyphony on a Theme by Beethoven dans le cadre d’un projet du centenaire de l’Université McGill en novembre 1967. L'Orchestre symphonique de Montréal l’a interprétée une seconde fois en janvier 1968 et la Canadian Broadcasting Corporation [radio anglaise de la Société Radio-Canada] l'a enregistrée sous étiquette RCA Victor.

Freu Dich des Lebens fait partie du Fonds Lawrence-Lande de Bibliothèque et Archives Canada. Pour en savoir davantage sur les collections de musique de BAC, consultez www.collectionscanada.ca/musique/.