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- Un nouvel an, de nouveaux jours
Chassent nos soucis pour toujours,
C'est au vin, au plus doux breuvage
Qu'il faudra rendre notre hommage. 1
La tâche de dernière minute qui agitait les salles de rédaction d'un journal du dix-
neuvième siècle la veille du Nouvel An s'accompagnait souvent de la composition et de
l'impression d'un in-plano connu sous le terme « Carrier's Address ». Traditionnellement
rédigée en vers par le rédacteur en chef, l'Adresse résumait les événements historiques de
l'année, comprenait des réflexions sur le passage du temps, et enjoignait l'abonné à
remettre un pourboire au pauvre porteur de journaux qui leur apporterait l'Adresse au jour
de l'An.
Dans le cadre de la tradition du « Carrier's Address », le rédacteur en chef écrivait
souvent sous l'aspect du porteur de journaux, ou « apprenti imprimeur », comme on
l'appelait les jours où le porteur se doublait de l'apprenti imprimeur. Une Adresse publiée en 1847 par le British Colonist de Toronto fait appel à cette tradition pour se lamenter de cette lourde tâche annuelle de versification :
Levé à cinq heures ce matin - impatient - ne pouvais pas dormir - Pensé à l'adresse qui, porteur érudit ou non - poète ou historien, - doit être livrée chaque jour de l'An par chaque porteur à chaque abonné... Dix-neuf heures. Je suis finalement de retour à la maison - usé, fatigué, découragé. La dame dont le mariage est
fixé à demain pense bien peu aux problèmes que j'aurai à l'annoncer à ses amis..., tout comme les membres de l'ordre des francs-maçons ne s'inquiètent guère de la tâche ennuyeuse qu'est la correction des mauvaises épreuves du monsieur qui a rédigé l'article contenant une longue description en anglais ancien sur les têtes de sangliers... Oh! misère.
Et l'adresse que je n'ai pas encore touchée... Mais qu'importe! Franklin ne s'est jamais
plaint, je ne le ferai pas non plus. Un jour, je serai éditeur 2!
[traduction libre]
Les lignes qui précèdent offrent un aperçu divertissant de ce qu'étaient les conditions et
les heures de travail, les tâches et les aspirations de l'apprenti imprimeur à Toronto en
1847. L'Adresse du porteur donne souvent des aperçus précieux au sujet des opinions
locales et des conditions sociales. Et les rédacteurs en chef profitaient souvent de
l'occasion qui leur était offerte de commenter les événements politiques de l'année
écoulée de façon très personnelle et colorée. Le poème suivant a été frappé par le
rédacteur en chef E. J. Barker de Kingston (« Black Jack ‘o the Whig ») au sujet
de la Rébellion de 1837 :
Then brave McNab, to end the job, With loyal volunteers man
-- Went westward ho! and laid fu' low The rebels mad career man. McKenzie now began
to rue, And thought to save his hide man, So turn'd his nose -- in woman's clothes, And
reached the Yankee side man.³
L'hostilité de Barker ne saurait trop surprendre : une bande d'extrémistes s'était
introduite dans la salle de rédaction du journal, fracassant les fenêtres et détruisant les
presses. Quelqu'un avait même empoisonné le chien de la famille ! Deux ans plus tard, en
des termes aussi frappants, le rédacteur en chef de la Quebec Gazette se servit de
l'Adresse du Nouvel An de 1839 pour décrier l'union proposée du Haut et du Bas-Canada :
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- In good sooth, dearest readers, we think that this marriage Was
planned in mistake, and must end in miscarriage; While the parties will only agree in one
thing, First to shake off the priest -- then get rid of the ring. 4
Étienne Parent, rédacteur pour Le Canadien, a exprimé des doutes semblables au sujet de la prochaine année :
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- Salut! Salut! O l'an mystérieux, O mil-huit-cent-quarante, Toi
qu'on a vu s'avancer dans les cieux, Comme une ombre sanglante. 5
Si l'Adresse du porteur de journaux représentait une tribune improvisée pour le rédacteur
en chef et un pourboire pour le porteur, pour le compositeur et l'opérateur sur presse, elle
offrait l'occasion parfaite d'afficher leur compétence en typographie et en impression. Le
compositeur entourait les poèmes du Nouvel An d'une bordure soignée composée de
façon ingénieuse d'une centaine de petits ornements. L'opérateur sur presse recourait
souvent à diverses couleurs d'encre (notamment l'or, l'argent et le cuivre), qui exigeaient
plusieurs impressions. Parfois, il imprimait l'Adresse sur de la soie, une substance
glissante, délicate sur laquelle il est beaucoup plus difficile de travailler que sur du papier.
En ont ils une transe, les Indiens? -- Ne m'en parle pas, Jehan! S'ils se sentaient le diable
au talon, ils ne déguerpiraient pas si vite? -- Quand je pense que le capitaine les redoute
sans-cesse! Avec dix grains de poudre on se défait de dix maroufles de ce calibre-là! --
Comment donc! Mais il a ses idées à lui, le capitaine! -- A propos, Joseph, je te la
souhaite! -- Tu me la souhaites? -- La bonne année! -- Au fait, c'est le premier jour de
l'an. C'est vrai; je n'y pensais plus. En ce satané pays, ma mémoire est aussi figée que
mon sang! 6
L'Adresse du porteur canadienne la plus ancienne qui soit connue a été publiée le
1er janvier 1767 par la Quebec Gazette, un journal vieux alors de
seulement deux ans et demi. William Brown et Thomas Gilmore, les fondateurs de la
Gazette, ont sans doute apporté la tradition avec eux de Philadelphie, la ville où
ils ont appris le métier d'imprimeur, car aucun journal de la Nouvelle-Angleterre de
l'époque ne faisait fi de son Adresse annuelle.
La Division des livres rares de la Bibliothèque nationale du Canada possède trente
Adresses publiées par la Quebec Gazette entre 1818 et 1864, outre des douzaines
d'Adresses imprimées par d'autres journaux du Québec et de l'Ontario. La plus ancienne
Adresse remonte à 1811, la plus récente à 1915. Une liste des Adresses est disponible, et
toutes peuvent être consultées sur demande à la salle de lecture des Collections spéciales.
Nombre des plus intéressantes et des plus belles Adresses seront exposées à la
Bibliothèque nationale du Canada du 15 décembre 1997 au 31 janvier 1998, de 9 h à 22 h
30, à la salle d'exposition des Collections spéciales, à la droite du hall principal. Elles
offrent des possiblités de réflexion à la fois sur l'année écoulée et sur celle qui s'en vient.
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Notes
1 La Gazette de Québec : couplets du Jour de l'An,
1er janvier 1837 [Québec, 1836].
2 Extract from the Diary of the Carrier-Boy of the
British Colonist: Toronto, January 1st, 1847 [Toronto, 1846].
3 Tartarian Revels, or, The Devils among Themselves: A
New Year's Dramatic Sketch for 1838, Gratefully Inscribed to the Patrons of the
British Whig, by Their Obedient & Obliged Servant, Black Jack: Kingston, January
1st, 1838 [Kingston, 1837].
4 The Québec Gazette: Verses, Addressed by the
Boys who Deliver the Quebec Gazette, to Their Patrons: 1st January, 1840
[Québec, 1839].
5 Hommage au petit gazettier, à messieurs les abonnés
du Canadien : le premier jour de l'année 1840 [Québec, 1839].
6 1er janvier 1855, cadeau du Moniteur
canadien : Jacques Cartier, ou, Le 1er jour de l'An 1536 au Canada
[Montréal, 1854]. |