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Nouvelles de la Bibliothèque nationale
Juillet 1998
Vol. 30, nº 7-8

Savoir Faire : Des ballons qui larguent des bombes

par Sandra Bell,
Services de recherche et d'information

Le séminaire Savoir Faire présenté le 17 mars s'intitulait « Floating Vengeance : Japanese Balloon Attacks on North America during the Second World War ». Le conférencier était Michael Unsworth, bibliothécaire spécialisé en études canadiennes des bibliothèques universitaires de l'État du Michigan. M. Unsworth, qui a publié des articles sur les répercussions de ces attaques de ballons dans certains États américains, effectue une recherche sur le lancement de bombes par des ballons japonais au Canada pendant la Seconde Guerre mondiale. Le sujet a attiré l'attention des chercheurs de la région intéressés par l'histoire militaire.

À la suite du bombardement de Pearl Harbour, les bombardements aériens américains sur Tokyo et d'autres villes du Japon ont provoqué des représailles tout à fait inusitées de la part de l'armée japonaise : la mise au point de ballons sans équipage porteurs de bombes, produits dans le cadre d'un projet appelé FUGO. Ces bombes, produites par de petites usines artisanales, étaient fabriquées d'un papier spécial et d'une colle à base de pommes de terre. Selon toute évidence, nombre des travailleurs ne savaient pas à quoi serviraient ces ballons, à savoir déclencher des incendies de forêt, détourner des ressources de l'effort de guerre et susciter la panique parmi les victimes.

Entre novembre 1944 et avril 1945, quelque 10 000 ballons ont été fabriqués. Le Régiment spécial des ballons, une nouvelle unité de l'armée japonaise dont les activités ont cessé après la destruction des installations japonaises produisant de l'hydrogène, a lancé environ 9 300 ballons. La région nord-ouest de l'Amérique du Nord en bordure du Pacifique constituait la cible de ces attaques de ballons, et, pour la majorité, les ballons ont atterri au Michigan, en Oregon, dans l'État de Washington, en Californie et en Alaska. De tous les ballons lancés, seul un faible nombre, soit environ 300, ont atteint l'Amérique du Nord. L'utilisation d'une solution antigel de faible concentration qui n'a pu contrer le gel des piles, ainsi que la difficulté d'enflammer les forêts froides et humides de l'Amérique du Nord comptent au nombre des causes qui expliquent ce taux de réussite médiocre.

À l'époque, la population nord-américaine n'a pas été informée de l'offensive aérienne par ballons du Japon. La presse s'est rangée du côté de l'État et n'a presque rien publié au sujet de cette menace. Cette censure avait pour objet d'empêcher l'ennemi de connaître l'issue de ces attaques de ballons, qu'elles aient réussi ou échoué, et d'éviter la panique. Toutefois, cette règle a été enfreinte quelque peu lorsque l'épouse d'un ministre du culte de l'Oregon et cinq enfants ont été tués par l'explosion d'une bombe larguée par un de ces ballons.

Répercussions au Canada

Moins de 100 ballons porteurs de bombes se sont posés sur le sol canadien au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le deuxième plus grand nombre de ballons dirigés sur des cibles nord-américaines ont atterri en Colombie-Britannique (la majeure partie des ballons sont tombés en Oregon). En 1945, un ballon a largué plusieurs bombes sur Minton (Saskatchewan), mais n'a entraîné aucune perte de vie. Des bombes ont également été larguées en Alberta, au Manitoba, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. L'éventualité de ces attaques a donné lieu à des activités de préparation qui se sont déroulées à l'échelle fédérale, provinciale et interprovinciale, même si les risques d'incendies de forêt et de guerre bactériologique ne se sont pas concrétisées. La Direction des opérations militaires et de la planification au quartier général de la Défense nationale à Ottawa était chargé de coordonner les activités au Canada de l'Aviation Royale du Canada, de la Gendarmerie royale du Canada, de la police provinciale, des gardes forestiers, des trappeurs, des unités de neutralisation des bombes, de l'armée, de la marine et des experts de recherche. Le fait que les armes FUGO n'apparaissaient pas au radar a gêné les activités de préparation. Des unités d'enquête sur les bombes, basées à Winnipeg (Manitoba), à Regina (Saskatchewan), à Edmonton et à Calgary (Alberta), et, en Colombie-Britannique, à Vancouver, à Esquimalt, à Prince Rupert et à Prince George, ont institué des enquêtes soigneuses sur les incidents liés aux bombes, enquêtes coordonnées à Ottawa. Comme c'était le cas aux États-Unis, il y a eu une interruption totale des communications médiatiques à ce sujet. Tous les rapports ayant trait à des incidents ont été éliminés. Lorsqu'un trappeur de Mari Lake (Saskatchewan) a trouvé un morceau de l'enveloppe d'une bombe et en a fait part à d'autres personnes avant que l'accès au secteur ne soit interdit, la presse locale n'a publié aucune information à ce propos. Les attaques de ballons se sont révélées un motif de coopération entre le Canada et les États-Unis, principalement sur le plan de l'échange d'information technique.

Conclusion

D'après la plupart des sources, l'offensive aérienne par ballons s'est révélée un échec. Ni incendie de forêt ni épidémie ne sont survenus. Même si des documents ayant trait au projet FUGO ont été rendus publics aux États-Unis à la fin de la guerre, d'autres faits plus marquants de la période de guerre ont pris le pas sur ce sujet, en partie en raison du faible nombre de perte de vies humaines. La plupart des sources primaires traitant des attaques de ballons ont conservé une cote de sécurité jusqu'au début des années 1980, bien que les données disponibles sur la technologie FUGO aient été utilisées dans le cadre d'opérations militaires américaines faisant appel à des ballons durant la guerre froide. On estime que des bombes tombées à de nombreux endroits en Amérique du Nord n'ont toujours pas été retrouvées.