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Nouvelles de la Bibliothèque nationale
Novembre 1998
Vol. 30, nº 11

Le droit d'auteur et la technologie

par Tom Delsey,
directeur général,
Politique ministérielle et Communications

En 1988, la Loi sur le droit d'auteur du Canada a été soumise à une révision en profondeur pour la première fois depuis des décennies. Pour une grande part, les modifications apportées à la loi cette année-là découlaient de la nécessité de tenir compte des développements technologiques perçus comme étant susceptibles de rendre plus facile l'atteinte au droit d'auteur. Toutefois, au moment où ces modifications ont été apportées, les technologies en question, soit les appareils de photocopie, les magnétophones à bande et les magnétoscopes à vidéocassette, étaient loin d'être ce que l'on peut appeler de nouvelles technologies.

Une décennie plus tard, la Loi sur le droit d'auteur fait l'objet d'un autre processus de modification. De nouveau, les modifications se justifiaient par la nécessité de prendre en compte les développements technologiques susceptibles de rendre plus facile l'atteinte au droit d'auteur. Cette fois-ci par contre, les technologies en cause, à savoir l'équipement et les logiciels conçus pour le traitement des données numériques, leur stockage et leur diffusion, sont relativement nouvelles et connaissent une évolution rapide.

Les personnes directement touchées par le droit d'auteur ont réclamé des modifications à la Loi sur le droit d'auteur afin de tenir compte des questions liées au contexte numérique bien avant que la loi modificative de 1988 ne soit adoptée.Toutefois, à ce jour, très peu de modifications ayant trait à la technologie numérique ont été apportées à la loi. En 1987, elle a été modifiée pour que les programmes d'ordinateur soient compris dans la catégorie des oeuvres littéraires. Puis en 1993, la loi a été modifiée de nouveau pour faire en sorte que la compilation de données soit admissible à la protection autant que les oeuvres, et afin d'accorder au détenteur du droit d'auteur le droit exclusif d'autoriser la location d'un programme d'ordinateur. D'autre part, les modifications portant sur les exceptions s'appliquant aux bibliothèques, aux services d'archives et aux musées, qui ont été adoptées par le Parlement en 1997, précisent qu' il est interdit à ces établissements de remettre à un usager d'une autre bibliothèque, d'un service d'archives ou d'un musée, un exemplaire numérique d'un document reproduit en vertu des articles d'exception. Sauf ces dispositions, la loi ne renferme aucune mention explicite ayant trait à la technologie numérique. L'interprétation de la loi qui a cours laisse penser que, pour la plus grande partie, les droits et les mesures de protection établis dans la loi s'appliquent aux oeuvres sur support électronique de la même manière qu'ils s'appliquent aux oeuvres sur supports traditionnels. Mais nous pouvons nous attendre à ce que des modifications ayant trait précisément au support et au mode de communication électroniques soient apportées sous peu.

Mise en application des accords de l'OMPI

En décembre 1997, le gouvernement du Canada a signé deux accords internationaux conclus en décembre 1996 à l'occasion d'une conférence diplomatique tenue à Genève par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). En signant ces accords -- le Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur et le Traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes -- le Canada a manifesté son intention de modifier sa Loi sur le droit d'auteur afin de respecter les obligations établies par les accords.

Plusieurs des dispositions des accords de l'OMPI portent directement sur la protection des droits dans un contexte numérique. La loi canadienne sur le droit d'auteur renferme déjà certaines de ces dispositions : la protection des programmes d'ordinateur à titre d'oeuvres littéraires, la protection des compilations de données qui respectent les critères d'oeuvres originales, ainsi que le droit d'autoriser la location de programmes d'ordinateur. D'autres dispositions des accords ont directement trait à la protection des droits dans un contexte numérique. Afin de s'y conformer, le Canada devra modifier sa Loi sur le droit d'auteur. Ces dispositions portent sur les sanctions juridiques contre la neutralisation des mesures techniques conçues pour protéger les oeuvres sur support numérique, et sur la suppression ou la modification de l'information électronique relative à la gestion des droits. D'autres dispositions des accords concernent les modes de transmission électroniques du type de ceux qui sont courants dans Internet; à cet égard, il faudra peut-être éclaircir la notion du droit de communiquer au public qui est présentée dans la loi canadienne.

Les dispositions des accords de l'OMPI à la neutralisation des mesures techniques tels le chiffrement, les filigranes, les dispositifs de protection contre la reproduction, etc., ont soulevé la controverse. La proposition, selon l'ébauche d'origine, s'appliquait particulièrement aux fabricants et aux fournisseurs de prétendus « dispositifs de neutralisation de la protection », cette catégorie comprenant tout dispositif dont « le but ou l'effet principal » consiste à contourner les mécanismes et les systèmes conçus pour protéger les droits du détenteur du droit d'auteur. À la suite d'un long débat lors de la conférence diplomatique, la disposition a été modifiée considérablement. Dans sa version définitive, elle est devenue simplement une obligation de la part des pays signataires des accords d'assurer « une protection juridique appropriée et des sanctions efficaces » contre la neutralisation des moyens techniques utilisés par les détenteurs de droit d'auteur pour protéger leurs droits.

Dans un document de travail préparé pour les ministères du Patrimoine canadien et d'Industrie Canada décrivant les options de mise en application des mesures canadiennes de conformité aux obligations contenues dans les accords de l'OMPI, la question de savoir s'il fallait cibler les prétendus « dispositifs de neutralisation de la protection » comme tels ou seulement l'utilisation de tels dispositifs en vue de porter atteinte au droit d'auteur a été soulevée de nouveau. Le document de travail propose deux options. En vertu de la première, la neutralisation, en vue de porter atteinte au droit d'auteur, de tout moyen technologique destiné à protéger les droits du détenteur du droit d'auteur, deviendrait illégale. Selon la seconde option, la fabrication, l'importation ou la distribution de tout dispositif ou mesure destiné à limiter la reproduction d'une oeuvre ou d'un autre objet protégé deviendrait illégale. La portée de cette dernière option dépasse même celle de la proposition de l'ébauche originale des accords de l'OMPI, puisqu'elle interdit tout dispositif dont le but ou l'effet consiste à contourner les moyens de protection, et pas seulement les dispositifs conçus précisément pour faire en sorte que leur but ou effet principal soit la neutralisation des mesures de protection.

Selon les dispositions des accords de l'OMPI portant sur l'information électronique relative à la gestion des droits, les pays signataires des accords doivent assurer « des sanctions juridiques appropriées et efficaces » contre la suppression ou la modification non autorisée de l'information électronique portant sur les droits, et contre la distribution ou la diffusion d'oeuvres dont l'information électronique relative aux droits a été supprimée ou modifiée sans autorisation. Le document de travail préparé pour Patrimoine Canada et Industrie Canada recommande d'incorporer presque textuellement à la Loi sur le droit d'auteur du Canada les dispositions contenues dans les accords, notamment la définition de l'information électronique relative à la gestion des droits.

Les accords de l'OMPI précisent également un « droit de communication au public », dont la définition englobe non seulement la radiotélédiffusion mais également le mode de communication qui consiste à mettre des oeuvres à la disposition du public « de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit de manière individualisée ». La portée de ce droit de communication est telle qu'il comprendrait manifestement le fait de rendre des oeuvres sous forme numérique accessibles par l'entremise d'Internet ou de réseaux semblables selon la formule « sur demande ». Le document de travail sur la mise en application des dispositions des accords affirme que la portée du droit de communiquer une oeuvre auprès du public par la voie des télécommunications, tel qu'il est défini actuellement dans la Loi sur le droit d'auteur, est suffisamment étendue pour que le Canada puisse respecter les obligations des accords de l'OMPI sans que la loi soit modifiée.

Les répercussions pour les bibliothèques

Les modifications à la Loi sur le droit d'auteur, qui font l'objet à l'heure actuelle de discussions dans le cadre de la mise en application des accords de l'OMPI, constituent en fait le début de ce qui est appelé depuis quelque temps déjà la « Phase III » de la réforme du droit d'auteur. Si le processus se déroule de la même manière qu'au cours de la dernière année, nous verrons probablement se reproduire le même type de cheminement que celui de l'introduction des modifications de la « Phase I » en 1988. À cette époque, on avait invoqué que la priorité devait être accordée à l'élargissement des droits des créateurs et à leur protection contre le potentiel accru d'atteinte au droit d'auteur que représentait la technologie. Les parties intéressées furent toutefois assurées qu'un second processus de modification serait amorcé dans un bref délai afin de préciser les restrictions et les exceptions en vue de rétablir l'équilibre entre les droits des détenteurs de droit d'auteur et les intérêts du public, c'est-à-dire offrir à ce dernier un accès raisonnable aux oeuvres protégées par le droit d'auteur aux fins d'éducation, de recherche et d'étude privée. Dans les faits, il s'est écoulé huit ans avant que ces modifications ne soient déposées au Parlement, et bien que la loi modificative dans le cadre de la « Phase II » ait été revêtue de la sanction royale en avril 1997, les exceptions s'appliquant aux bibliothèques, services d'archives et musées ne sont toujours pas en vigueur étant donné que le processus de réglementation n'est pas terminé.

Compte tenu de la signature des accords de l'OMPI et de l'amorce du processus de modification nécessaire à la mise en application des mesures de conformité aux obligations du Canada en vertu de ces accords, il est tout à fait possible que la « Phase III » devienne en fait une démarche comportant deux étapes, à savoir, de façon prioritaire, étendre la portée de la protection accordée aux détenteurs de droit d'auteur, et seulement plus tard, aborder les questions des restrictions et des exceptions nécessaires pour assurer aux utilisateurs un accès raisonnable. En ce qui concerne les bibliothèques, une approche de ce type entraîne des répercussions importantes.

Si la mise en application des dispositions des accords de l'OMPI débouche sur des modifications à la Loi sur le droit d'auteur qui, de fait, interdisent toute technologie qui pourrait être utilisée pour neutraliser les mesures adoptées par les détenteurs de droit d'auteur pour protéger leurs oeuvres, les dispositions existantes de la loi ayant trait à « l'utilisation équitable » ainsi que les exceptions s'appliquant aux bibliothèques, aux services d'archives, aux musées et aux établissements d'enseignement pourraient ne plus tenir dans les faits. Les utilisateurs pourraient ne plus être en mesure d'exercer leur droit à « l'utilisation équitable » aux fins de recherche ou d'étude privée, car ils n'auraient pas accès à la technologie qui leur permettrait de « neutraliser » le dispositif de blocage du détenteur de droit d'auteur. Une oeuvre du domaine public sur le plan juridique pourrait même rester inaccessible si le détenteur du droit d'auteur ne retire pas le dispositif de blocage à l'échéance de la protection. L'interdiction de la technologie permettant de neutraliser les dispositifs de blocage pourrait également signifier qu'une bibliothèque ne serait pas en mesure de reproduire une oeuvre afin d'assurer le maintien et la gestion de sa collection permanente, tel qu'il est prévu dans la loi en vertu des exceptions s'appliquant aux bibliothèques.

L'adhésion du Canada aux dispositions des accords de l'OMPI concernant le droit de communication au public pourrait entraîner de lourdes conséquences pour les bibliothèques, même si la Loi sur le droit d'auteur demeure inchangée. Les dispositions de la loi portant sur le droit de communication au public par télécommunication, telles qu'elles sont définies à l'heure actuelle, peuvent être de portée suffisante pour permettre au Canada de respecter les obligations découlant des accords de l'OMPI. Il reste toutefois que les dispositions de la loi ont été élaborées avant tout dans le contexte de la radiotélédiffusion. Par conséquent, les dispositions qui précisent le droit de communication au public par télécommunication, particulièrement celles qui déterminent la responsabilité, font état, pour la plupart, de façon directe ou indirecte de la radiotélédiffusion, des réseaux (réseaux de radio et de télévision), des retransmetteurs, etc.

Si la loi n'est pas modifiée, mais que par suite de l'adhésion aux accords de l'OMPI elle est interprétée comme s'appliquant aux communications interactives et « sur demande » qui se déroulent dans Internet ou dans des réseaux numériques semblables, la question de la responsabilité prend un tout nouveau sens. Du point de vue des bibliothèques, l'interprétation qui sera donnée des dispositions de la loi qui délimitent la responsabilité est importante. Est-ce que le rôle que les bibliothèques jouent en facilitant l'accès des utilisateurs aux ressources de réseaux sera interprété comme étant ni plus ni moins que le fait de « fournir à un tiers les moyens de télécommunication nécessaires pour que celui-ci effectue [une communication au public] » ? En vertu de la loi actuelle, de telles interventions ne constituent pas de la communication au public par télécommunication, et par conséquent, les bibliothèques ne peuvent être tenues responsables de la violation du droit d'auteur. Il est cependant difficile de prévoir quelle interprétation sera donnée au rôle des bibliothèques dans le cadre d'activités comme la compilation de répertoires électroniques de ressources de réseaux et la facilitation de l'accès des utilisateurs au moyen de tels outils. Ces activités seront-elles considérées comme faisant partie de la catégorie actuelle d'activités bénéficiant d'une exemption de responsabilité afin de protéger les fournisseurs de services de télécommunications, ou estimera-t-on que les bibliothèques qui poursuivent de telles activités portent atteinte au droit de communication au public du détenteur de droit d'auteur ?

Ces quelques exemples de l'incidence possible de la modification de la Loi sur le droit d'auteur en vue de se conformer aux accords de l'OMPI, ainsi que les questions ayant trait à l'interprétation qui sont toujours sans réponse laissent entrevoir que le fait d'entreprendre une démarche qui permette au Canada de respecter ses obligations en vertu des accords de l'OMPI tout en évitant la question des restrictions et exceptions légitimes est à tout le moins inquiétant. Malgré cela, il semble que c'est exactement ce qui va se produire. Si les personnes qui défendent les intérêts des utilisateurs ne réussissent pas à faire prévaloir une démarche équilibrée pour traiter des questions soulevées par la mise en application des accords de l'OMPI, il est fort problable que l'approche en deux étapes l'emportera encore une fois, et il pourrait s'écouler de nombreuses années avant que les intérêts des utilisateurs ne soient abordés.

Une législation sur le droit d'auteur « sans égard à la technologie »

Les milieux bibliothéconomiques ont adopté la position selon laquelle la législation portant sur le droit d'auteur ne devrait pas tenir compte de la technologie. La réalité est tout autre puisque de nos jours la technologie est liée de façon inextricable à l'accès aux documents protégés par le droit d'auteur et à leur utilisation. Il est par conséquent irréaliste de penser que la législation en matière de droit d'auteur ne prenne pas en compte la technologie. Par contre, il demeure raisonnable de s'attendre à ce qu'elle assure un équilibre fondamental entre les intérêts des détenteurs de droit d'auteur en vue de la protection de leurs oeuvres et les intérêts du public qui se traduisent par un accès raisonnable à ces oeuvres à des fins d'éducation, de recherche et d'étude privée, même si le contexte technologique évolue. L'expression « sans égard à la technologie » doit constituer une caractéristique de la législation sur le droit d'auteur, signifiant par là que les dispositions qu'elle renferme font en sorte que les développements technologiques ne peuvent altérer ni les droits des détenteurs de droit d'auteur ni les droits légitimes des utilisateurs à un accès raisonnable aux oeuvres protégées par le droit d'auteur. Pour assurer une législation sur le droit d'auteur au Canada qui soit « sans égard à la technologie », il est essentiel de traiter de façon simultanée ces deux aspects des questions liées à la technologie numérique. Les exceptions et les restrictions doivent être étudiées en une fois et au moment où les nouvelles mesures de protection et les nouvelles sanctions font l'objet d'un examen.