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Le hockey féminin : un passé remarquable, un avenir brillant
Jusqu'à récemment, bon nombre de Canadiens n'étaient pas au fait de la fière tradition du hockey féminin -- tradition qui remonte à plus d'un siècle. Plusieurs sont surpris d'apprendre que la fille de Lord Stanley, Lady Isobel Stanley, s'est avérée une pionnière dans ce domaine. Lady Isobel, une des premières femmes à se faire photographier avec une rondelle et un bâton (vers 1890), portait une longue robe blanche lorsqu'elle jouait au hockey rudimentaire avec d'autres femmes sur la patinoire de glace naturelle aménagée près de la résidence du gouverneur général, à Ottawa.
En 1888, peu après son arrivée d'Angleterre pour remplir les fonctions de gouverneur général du Canada, Lord Stanley a participé avec son importante famille (huit fils et deux filles) ont participé au Carnaval d'hiver de Montréal. C'est là qu'ils ont assisté à un match de hockey (masculin) et qu'ils ont commencé à se passionner pour ce sport. Lady Isobel et au moins deux de ses frères ont été particulièrement emballés. Avant la fin du mandat de Lord Stanley, ils ont insisté auprès de lui, avec d'autres, pour qu'il donne un trophée à ce sport. C'est ainsi que Lord Stanley a attribué une coupe au hockey masculin; mais s'il avait pu prédire l'avenir du hockey féminin, il en aurait sûrement donné une deuxième -- qu'il aurait pu appeler la Coupe Lady Stanley. À cette époque, toutefois, personne n'aurait pu prédire un avenir aussi brillant pour les femmes dans ce sport, notamment qu'on organiserait des championnats mondiaux et olympiques et qu'un nombre étonnant de jeunes femmes s'y adonneraient avec une grande habileté dans plusieurs pays.
Dès le début des années 1900, les équipes féminines étaient courantes partout dans la plupart des provinces du Canada. Le 11 février 1891, un des premiers comptes rendus d'un match opposant des femmes a paru dans l'Ottawa Citizen. À ces débuts du hockey féminin, plusieurs femmes préféraient jouer à l'abri des regards et interdisaient la présence des hommes. Un reporter privilégié qui avait vu jouer des femmes à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, durant cette période de formation a écrit que certaines étaient des patineuses très rapides et pouvaient manier la rondelle avec autant d'habileté que les meilleurs joueurs masculins.
Les longues jupes que portaient les joueuses ont constitué les instruments d'une habile stratégie défensive. Les joueuses s'accroupissaient devant leur gardienne de but, ce qui leur permettait d'étendre l'ourlet de leur jupe sur la glace pour déjouer toute tentative d'une adversaire de lancer la rondelle derrière elles pour la faire pénétrer dans le filet.
Le hockey s'est répandu rapidement parmi les étudiantes. Ainsi, l'Université McGill, à Montréal, comptait des « hockeyeuses » dès 1894. Le seul homme admis à leurs matchs était l'arbitre; il ne faisait entendre son sifflet que trois fois : au début, au milieu et à la fin de la partie.
En 1900, on a organisé au Québec la première ligue féminine connue, composée de trois équipes; on admettait enfin des spectateurs. Les femmes de l'Ouest ont suivi le rythme des joueuses de l'Est. Des équipes aux noms pittoresques ont fait leur apparition : les Biggar Floradoras, les Saskatchewan Prairie Lilies, les Snowflakes, les Golden Girls et même les Old Hens.
En 1916, à Cornwall, en Ontario, on a présenté une jeune sensation locale, Albertine Lapansee, dont on disait qu'elle était la première joueuse au monde. Des milliers de partisans se sont déplacés pour la voir évoluer. Leur plaisir a été cependant de courte durée : Albertine Lapansee s'est rendue un jour à New York, pour en revenir quelques semaines plus tard transformée en homme. Elle s'appelait maintenant Albert Smith.
En 1927, Elizabeth Graham, jeune femme de la Queen's University, a écrit une nouvelle page de l'histoire du hockey en étant la première personne à porter un masque pour garder les buts. Elle portait un masque d'escrimeur pendant les rencontres collégiales.
Au cours des années 1930, le hockey féminin a été dominé par une équipe de la petite ville de Preston, en Ontario. Les Rivulettes de Preston ont conservé le titre de championnes canadiennes durant une décennie, soit de 1930 à 1940, gagnant 348 parties et en perdant seulement deux, fiche qui était et qui reste phénoménale.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les priorités des femmes ont changé. Elles se sont concentrées sur les affaires familiales et le travail, pendant que les hommes servaient dans les forces armées. Le hockey féminin a décliné et n'a refait surface qu'au cours des années soixante.
C'est peut-être une jeune fille nommée Abby Hoffman qui a été le catalyseur de ce regain d'intérêt. Elle évoluait sous le nom de « Ab » Hoffman dans une ligue masculine et y excellait. Personne n'a su qu'elle était une femme jusqu'à ce qu'elle ait à présenter son certificat de naissance. D'autres jeunes femmes ont essayé d'entrer dans des équipes masculines, mais sans succès.
En 1982, on réinstituait un championnat national de hockey féminin et fondait un conseil du hockey féminin. En 1987, on organisait le premier tournoi mondial de hockey féminin à North York, en Ontario. Ce tournoi a entraîné la création d'autres championnats importants en Europe et en Asie.
Les années 1990 allaient réserver des surprises encore plus agréables, notamment l'inscription d'un nombre record de joueuses et l'arrivée de femmes dans les rangs professionnels masculins. Trois gardiennes de but ont remporté des matchs alors qu'elles portaient les couleurs d'équipes professionnelles masculines dans les ligues mineures. L'une d'elles, Manon Rhéaume, a bénéficié d'un essai avec le Lightning de Tampa Bay et a joué dans un match présaison de la Ligue nationale de hockey. Des championnats mondiaux officiels pour les femmes se sont déroulés à Ottawa en 1990, en Finlande en 1992, à Lake Placid en 1994 et à Kitchener, en Ontario, en 1997. Les équipes canadiennes ont établi une fiche parfaite de 20 victoires et aucune défaite dans les rencontres internationales.
Il s'est produit par la suite une percée majeure : les Olympiques d'hiver et la chance, pour le hockey féminin, d'être reconnu à l'échelle mondiale. À Nagano, au Japon, en 1998, Team USA a vaincu le Canada et a gagné la première médaille d'or olympique. Quatre ans plus tard, à Salt Lake City, après avoir établi une fiche impressionnante de 31-0-0 dans les épreuves préolympiques, le Canada a vaincu les championnes en titre par le compte de 3 à 2. Équipe Canada a alors résisté à onze jeux de puissance, dont huit de suite, enregistrant sa victoire la plus mémorable.
Voilà, il va sans dire, un passé remarquable et l'assurance d'un avenir encore plus brillant.
Brian McFarlane
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