Documents « sosies »
Avant l'invention de l'imprimerie et des photocopieurs, il n'y avait qu'une façon de faire des copies : à la main. Il est parfois très difficile de faire la différence entre un original, une copie, appelée aussi un fac-similé, et un document contrefait.
Manuscrits
À Bibliothèque et Archives Canada (BAC), nous conservons un traité d'amitié et de paix original signé par Sir William Johnson et quatre représentants des Hurons. Un autre document, presque identique, est conservé aux archives de New York. Ces deux documents ont été endommagés, mais nous savons qu'ils sont tous deux des originaux du même traité. Comment est-ce possible?
Il y a des indices qui prouvent qu'il s'agit de deux originaux, comme les signatures, les sceaux de cire, les taches des sceaux traversant le papier et la façon dont l'encre a partiellement endommagé le papier (un processus chimique qui prend plusieurs décennies à se produire). Nos experts savent aussi que c'était tout à fait normal à l'époque de produire plusieurs copies originales d'un document afin d'en envoyer une copie outre-mer ou pour que toutes les personnes impliquées puissent en avoir une copie. Il existe aussi une bonne douzaine de fac-similés de ce document éparpillés dans différentes bibliothèques et services d'archives dans le monde dont un à BAC. Il s'agit d'une copie créée par le secrétaire des Affaires indiennes, Witham Marsh, qui tenait à en garder une pour ses dossiers.
Filigrane dans l'étude intitulée Explication de la Coutume de Paris, 1793-1801, sous une lumière transmise
Source
Dans notre collection nous avons aussi un rare manuscrit, intitulé Explication de la Coutume de Paris, qui tracasse toujours nos experts. Il semble être une copie sans page titre de L'Abrégé de la Coutume de Paris, un livre publié à Londres en 1772. Après quelques recherches, nous avons découvert que c'est un avocat nommé Xavier Lanaudière qui l'a écrit. La calligraphie et les initiales du manuscrit sont identiques à celles de sa demande pour pratiquer le droit. Selon le filigrane du document, on sait aussi qu'il a été rédigé entre 1793 et 1801. Ce que nos experts ne parviennent toujours pas à comprendre, c'est la raison de la rédaction de ce manuscrit. Le livre original, L'Abrégé de la Coutume de Paris, attribué à François-Joseph Cuguet, était l'un des nombreux rapports sur la Coutume préparés pour le gouverneur de Québec. Quelques années plus tard, le gouverneur a demandé une version plus courte du document publié en 1773. Pourquoi alors Lanaudière s'est-il donné la peine de le réécrire 24 ans plus tard? Nous pensons qu'il s'agissait d'un exercice dans le cadre de ses études de droit ou peut-être en a-t-il fait une copie pour un ami, ou un collègue de travail, parce qu'il lui était impossible d'obtenir le livre original. Cependant, nous n'avons toujours pas de véritable explication pour l'Explication de la Coutume de Paris.
Les publications
Ah, le bon vieux temps! L'époque où les hommes portaient des perruques blanches et où à peu près tout était fait à la main, incluant le papier. En l'honneur de son 150e anniversaire, le Montreal Gazette a publié un fac-similé d'un de ses premiers numéros. Les différences entre l'original de 1779 et le fac-similé de 1928 sont évidentes lorsqu'on observe le papier. Bien qu'on ait utilisé un type de papier qui imite assez bien le papier du XVIIIe siècle (avec de faux pontuseaux et vergeures pour lui donner une apparence plus vieille), le nouveau papier est facile à distinguer. Il est trop épais et n'a pas les bords frangés (bords grossiers et irréguliers) qu'un papier fait à la main aurait eus.
La différence est encore plus frappante quand on regarde le fac-similé de la première édition de la Gazette de Québec. Là encore, le papier vend la mèche! Le papier vélin utilisé pour le fac-similé du début du XXe siècle n'existait tout simplement pas en 1764. Ce qui prouve que parfois, le papier en dit plus long que les mots qui sont imprimés dessus!
Glossaire
- attribué : un document accepté généralement comme appartenant à quelqu'un, qui a été écrit ou dit par une certaine personne
- bord frangé : les bords de feuilles grossiers et irréguliers sur une feuille de papier faite à la main.
- document contrefait : une imitation d'un document ou d'un objet, ou un vrai document ou un objet modifié pour faire croire aux gens qu'il s'agit d'un vrai, aux dépens de quelqu'un d'autre. Signer le nom de quelqu'un d'autre sur un chèque est de la contrefaçon. La contrefaçon de n'importe quel document dans un objectif malhonnête est un crime grave.
- fac-similé : une copie exacte et légitime d'un document créée sans mauvaises intentions. C'est d'ailleurs de ce mot que provient le mot anglais « fax » pour télécopie.
- filigrane : une marque unique, une lettre ou un logo inscrit sur un papier durant sa production qui n'est visible que lorsque l'on tient la feuille devant une source de lumière. Le filigrane est permanent.
- manuscrit : un document écrit à la main.
- papier vélin : un papier lisse sans pontuseaux et vergeures.
- pontuseaux : les petites lignes régulières sur un papier fait à la main dans un moule fait de rangées de tiges de métal ou de bambou. Les pontuseaux sont plus espacés que les vergeures.
- vergeures : les petites lignes régulières à l'endos d'un papier fait à la main dans un moule fait de rangées de tiges de métal ou de bambou. Les vergeures sont très serrées et sont perpendiculaires aux pontuseaux.