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Anecdotes de Stan et de Walt

Stan Klees parle de Walt Grealis
Walt Grealis parle de Stan Klees

Stan Klees parle de Walt Grealis

Walt Grealis - Le grand défenseur du contenu canadien

Walt Grealis a été le héros des artistes qui se produisaient sur disque et des autres artisans des arts regroupés qu'il désignait par l'expression « Cancon », abréviation anglaise de contenu canadien. Il a consacré sa vie à promouvoir la musique canadienne -- le son qui retentit sur toute la planète. Son but était d'ouvrir des portes pour tous les artistes et de créer un vedettariat au Canada.

« Pas si mal pour deux décrocheurs de 10e année! »

Walt a été nommé officier de l'Ordre du Canada en 1993. Comme il sortait de Rideau Hall pour monter dans la limousine, il m'a souri et m'a dit : « Pas si mal pour deux décrocheurs de 10e année! »

Où tout ça a-t-il commencé?

 
  Walt Grealis en 1953

Il a été membre de la Gendarmerie royale, policier à Toronto, pilote, et il a pratiqué la chute libre. Il courait 10 kilomètres par jour et se rendait au gymnase cinq fois par semaine. Il a fait du jogging à Paris, Hong Kong, Londres, Cannes, Acapulco, Gibraltar, Madère, Casablanca, Majorque et Saint-Tropez, et sur le QE2 et le Norway. Il était impatient chaque année de traverser l'Atlantique en bateau et, peu importe sa destination, il faisait son jogging. S'il y avait un gymnase, il allait s'entraîner.

Quand Walt a fondé RPM Weekly au début de 1964, il a appris à rédiger et, durant un certain nombre d'années, il a assumé seul la rédaction complète du magazine. Plus tard, il a eu du personnel, mais au début c'était Walt et un groupe de personnages dans le style bandes dessinées qu'il avait inventé. Le plus important de ces personnages était une vilaine dame, sorte de machine à rumeurs nommée Elvira Capreese :

Elvira Capreese : D'accord! C'est une promotion pour le livre!
Stan Klees : Elle passe son temps à interrompre Walt et à dire les choses les plus saugrenues.
EC : Est-ce que j'ai mon chapitre à moi dans le livre?
SK : Elle était le commérage incarné et les lecteurs attendaient les rumeurs avec impatience.
ECnbsp;: Des rumeurs? C'est la vérité. C'est une promotion honteuse pour le livre.
SK : Ellie! Il n'y a plus de RPM. Fini votre méchanceté. Vous avez fait beaucoup de tort. Les gens pensaient que vous saviez quelque chose.
EC : Je sais tout. J'ai l'oreille collée sur le haut-parleur!
SK : Oh! Bien sûr!
EC : Pardon? Dis ce que tu as à dire!

RPM - Un endroit parfait pour travailler

 
Caricature des membres du personnel de RPM Weekly  

Les noms des rédacteurs qui ont travaillé pour RPM se lisent comme un bottin des célébrités : Kate Taylor est maintenant une écrivaine renommée; Lisa Robinson a commencé à écrire chez RPM et c'est après ce premier emploi qu'elle a obtenu la reconnaissance internationale. Quant à Walt, même aujourd'hui, des rédacteurs considèrent lui devoir leur première percée.

Il a toujours été un gentleman, et c'était une joie de travailler pour lui. C'était agréable de travailler chez RPM. Walt, c'était facile de lui parler, facile de le connaître, et c'était aussi un relationniste de talent. Je me souviens d'un incident. Mon courtier (une gentille dame) nous avait invités à un événement organisé pour le financement d'un film fait par le fils de Charlton Heston. Durant la conversation, nous avons vu Charlton entrer avec une femme et rester là, dans l'embrasure de la porte, l'air confus.

De toute évidence, tout le monde était si impressionné que personne n'allait s'avancer pour les accueillir. La situation devenait embarrassante, alors j'ai dit à Walt d'y aller. Walt s'exécute et les fait passer dans la pièce. Il présente Charlton et sa femme à tous, et il ajoute : « Je vais faire une petite tournée avec Chuck et lui présenter quelques-unes de ces personnes ». Il appelait Moïse « Chuck »! Il ne connaissait personne dans la place, mais tout d'un coup c'est lui qui s'occupait de l'accueil. Et « Chuck »était devenu en un instant son ami.

Un événement remarquable dans la vie de Walt a eu lieu en juin 1989 à l'occasion d'un hommage qu'on lui rendait pour le 25e anniversaire de RPM. Quelqu'un s'est amené au volant d'un autocar de 50 000 $ -- un cadeau de la part de Walt au Variety Club -- jusque dans la salle de bal de l'hôtel Inn on the Park à Toronto. Le Variety Club n'avait jamais eu d'autocar auparavant, mais par la suite il en a eu plusieurs. Toute cette mise en scène, bien sûr, a donné lieu à une ovation debout d'une durée de dix minutes. Walt était un grand admirateur du Variety Club et du Variety Village.

Participation étrangère aux Junos

Walt s'est mis à dos le personnel des prix Junos. Une des raisons de cette situation est qu'il s'est employé à mettre fin à la participation étrangère que les organisateurs introduisaient dans la cérémonie des Junos. Il pensait que cela devait demeurer une vitrine pour les artistes canadiens. Le personnel des prix Junos, pour sa part, croyait que les participations étrangères feraient vendre des disques et augmenteraient les cotes d'écoute. Belle argumentation, mais Walt n'y croyait pas! Les réalisateurs de la télévision aimaient travailler avec des « gros canons » et souhaitaient ajouter la cérémonie des Junos à leur curriculum vitae. Ainsi, quand ils tentaient de décrocher un poste aux États-Unis, ils pouvaient montrer quels grands réalisateurs ils étaient. Walt a gagné cette difficile bataille, mais en définitive il a perdu la guerre.

Un Canadien exceptionnel

En dépit des apparences, semaine après semaine, RPM n'a jamais été rentable. Le magazine a survécu grâce à la générosité d'amis, et certainement pas avec l'appui de l'industrie. Il se battait pour continuer d'une parution à l'autre. Walt y travaillait jour après jour et souvent tard le soir. C'était un travail accompli avec amour, même s'il n'était pas apprécié à ses débuts ou vers la fin. Walt croyait à la libre entreprise et n'a jamais puisé dans les fonds publics. RPM n'a jamais bénéficié de subventions ou d'aide financière gouvernementale. Pouvez-vous nommer une autre personne qui en a fait autant et de façon si désintéressée pour l'industrie canadienne de la musique?

Walt Grealis parle de Stan Klees

Stan Klees - Le génie en blue-jean

Vers la fin des années 1990, une vieille dame qui se trouvait à table avec nous à l'occasion d'un banquet prend l'initiative de gronder Stan Klees : « Walt porte toujours son insigne de l'Ordre du Canada sur le revers de sa veste. Vous ne portez jamais le vôtre. Vous n'êtes pas fier d'avoir reçu cet honneur? »

« Non, il y a une autre raison », répond Stan. Puis, il se lève, s'excuse et quitte la table sans un mot de plus.

Il m'a fallu expliquer que Stan n'avait jamais été honoré. Nous étions si intimement liés l'un et l'autre dans notre engagement pour l'industrie de la musique que bien des personnes pensaient que nous avions été honorés tous les deux. Quelques semaines plus tard, Maureen Forrester (qui mettait Stan sur un piédestal) faisait la même erreur. Alors, elle me demande de l'aider à rédiger une demande qu'elle pourrait envoyer à la Chancellerie des ordres et décorations du Canada. Comment refuser quelque chose à cette grande dame du monde de la musique classique?

Pionnier du contenu canadien à la radio et à la télévision

 
  Stan Klees

Stan a été un pionnier dans l'ensemble du mouvement pour un contenu canadien, dont l'appellation en anglais a été abrégée en « Cancon ». Il a loué une salle de réunion à l'hôtel Inn on the Park et convoqué tous les producteurs de disques de l'époque pour former la Canadian Independent Record Producers Association (CIRPA). Par la suite, il a rassemblé un groupe de personnes qui se sont rendues à Ottawa pour rencontrer les membres du Board of Broadcast Governors (BBG), l'ancêtre du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Ils ont parlé à Ross McLean et Pat Pearce, tous deux membres du conseil, qui leur ont assuré que l'organisation se penchait sur une réglementation relative au contenu canadien.

Il m'a persuadé de lancer RPM et il a eu l'idée du « choix du lecteur » qui a donné naissance à la cérémonie de remise des prix. Il est allé jusqu'à financer et à organiser l'événement, et sa mère Sabina a préparé des sandwichs pour la première cérémonie au St. Lawrence Hall. Huit mois plus tard, les prix étaient devenus des Junos. Chaque jour il téléphonait à Doug McGowan du CRTC et s'employait sans relâche à faire adopter les dispositions légales qui devaient aboutir à la règle des 30 % de contenu canadien. Il a fait le design du logo MAPL pour la mise en marché des disques produits par Tamarac, sa propre maison de production. Plus tard, il a autorisé RPM à l'utiliser sous licence dans les palmarès. Cela permettait ainsi aux stations de radio de distinguer facilement les enregistrements qui se qualifiaient dans le cadre de la législation sur le contenu canadien. On imagine la confusion à laquelle nous aurions eu affaire s'il n'avait pas proposé ce système. Quel bonhomme!

À l'aise avec les vedettes

On peut dire que le mot « modestie » faisait partie de son nom. Il lui suffisait que les choses soient faites. Il était toujours satisfait de lui-même, et je lui enviais sa facilité de communication avec les artistes. Il avait tout simplement l'air de faire partie de leur monde, et ceux-ci l'acceptaient. Pour lui, il n'y avait rien d'extraordinaire à recevoir un appel téléphonique d'Helmut Lotti pendant qu'il regardait la télévision; celui-ci l'appelait de sa loge durant l'entracte d'un concert à Boston.

Paul Molitor pouvait aussi bien l'appeler de Maui. J'étais chez lui quand Nancy Sinatra l'a invité à « faire un séjour à la maison. Je sais que vous seriez heureux de rencontrer mon père. Vous êtes de la famille », lui disait-elle. Avec John Candy, c'était une admiration réciproque.

À une heure d'avis, il pouvait dîner avec Marshall MacLuhan. Un jour, Marshall lui a dit : « Les vrais professionnels doivent t'aimer beaucoup. Les non-professionnels doivent te détester encore plus. »

Une ovation debout de sept minutes

Au faîte de sa carrière de producteur de disques, des offres d'emploi répétées lui étaient présentées régulièrement. Cependant, pour pouvoir les accepter, il lui aurait fallu déménager à New York. Stan a choisi de demeurer au Canada; il voulait terminer ce qu'il avait commencé.

En 2001, les dirigeants de SOCAN ont proposé de nous honorer tous les deux pour contribution exceptionnelle à la musique. Je leur ai demandé s'ils pouvaient envisager d'honorer seulement Stan, étant donné qu'il avait été jusque-là complètement ignoré par l'industrie de la musique. J'ai insisté pour être le présentateur. L'assistance lui a offert une ovation debout de sept minutes pendant qu'il s'avançait vers la scène et une autre semblable quand il en est descendu. Très ému, Stan s'est contenté de saluer. L'auditoire était composé principalement de compositeurs et d'éditeurs. Plus d'un avait la larme à l'œil.

Un Canadien très spécial

J'ai demandé un jour à Stan quelles personnes avaient le plus influé sur sa carrière. Sans hésiter, il m'a répondu : « Toi et Bobby Darin, Harriet Wasser, Bob Crewe, Chuck Seaton et Walt Hofer (deux conseillers juridiques de l'industrie musicale aux États-Unis), John Nathan (publiciste américain de renom), Connie DeNave (une légende aux États-Unis dans le domaine des relations publiques), Lee Hamilton (disque-jockey à la station CHUM en 1947) et George (The Hound) Lorenz. » Tout un honneur pour moi d'avoir figuré dans cette liste!

Un jour, Stan a passé un test et s'est avéré « un génie du deuxième degré supérieur ». Je lui ai demandé comment il réagissait à ce résultat, et il m'a répondu : « Je passe mon temps à chercher mes clés d'auto ». Je me dis que, de temps en temps, quelqu'un est mis sur la terre pour faire des choses très spéciales et les faire à la perfection. Je pense que Stan était une de ces personnes pleines de ressources. Quelle chance et quel bonheur ont eu les personnes qui l'ont connu!