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L’étude
de l’hygiène au Canada
Comment
étudier l’hygiène personnelle au Canada avant les années 1830?
Nous n’avons pas beaucoup d’illustrations et de témoignages
écrits, provenant de cette période, qui pourraient nous
éclairer sur le sujet.
D’abord,
on peut s’inspirer de la situation qui prévalait à l’époque en
France et en Angleterre, les deux pays qui ont le plus influencé
le Canada à ce moment. Ensuite, on peut interroger certains documents
se rapportant à la situation coloniale. Parmi ceux-ci, mentionnons
les listes de marchandises importées d’Europe, les documents judiciaires
(des procès, par exemple), les journaux et les inventaires après
décès des particuliers – l’équivalent des actuels testaments. Ce
dernier document est particulièrement riche parce qu’il indique
le statut social d’une personne et les objets qu’elle possède dans
sa maison, alors que les autres nous révèlent seulement que les
objets existent au pays, sans préciser qui les utilise.
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La
situation en Europe
Du Moyen
Âge à la fin du XVIIIe siècle, la toilette personnelle,
en Europe, est « sèche », c’est-à-dire que l’eau n’en
fait généralement pas partie. La propreté est plutôt assurée par
l’utilisation de cosmétiques et le changement plus ou moins fréquent
des vêtements. Comme dans bien d’autres domaines, un écart important
existe toutefois entre l’élite et la population en général.
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Les
gens du peuple
La
masse de la population se contente habituellement de se laver
les mains et le visage de temps à autre avec de l’eau,
de changer de chemise à l’occasion et de se coucher la plupart du
temps avec les vêtements collés au corps par la sueur de journées
laborieuses. On conserve sa crasse parce qu’on connaît encore mal
le mode de transmission des maladies et qu’on a peur de l’eau. L’eau
est en effet considérée comme le principal véhicule du choléra,
de la peste et de toutes sortes d’autres maladies. Ces habitudes
changeront peu avant la fin du XVIIIe siècle.
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L’aristocratie
Pour
la noblesse et une partie de la bourgeoisie, les pratiques liées
à l’hygiène corporelle sont plus complexes. D’une part, les parties
du corps qu’on entretient sont beaucoup plus nombreuses – les mains,
le visage, les cheveux, les oreilles, les dents et, parfois,
les pieds. D’autre part, l’apparence a une telle importance
qu’on la confond parfois avec la propreté.
Jusqu’au
milieu du XVIIIe siècle, la propreté, chez l’élite,
est avant tout affaire d’apparence et de vêtements. Les variétés
de tissus et les couleurs se multiplient, les perruques les plus
extravagantes sont créées, les cheveux sont poudrés et parfumés
au lieu d’être peignés et les poudres et pommades pullulent. Certains
cosmétiques, destinés à cacher les odeurs fortes des corps mal entretenus,
contiennent des substances toxiques (céruse, blanc de plomb, etc.)
qu’on mettra du temps à reconnaître comme telles.
Après
1750, grâce à la diminution radicale des épidémies et à l’évolution
des théories médicales, l’eau est graduellement réhabilitée. Les
bains publics, fermés depuis le début du XVIIe siècle
pour des raisons de santé publique et de morale, reviennent à la
mode. L’eau froide qui, dit-on, revigore le corps, raffermit les
chairs et stimule l’esprit, est de plus en plus utilisée pour les
ablutions partielles. Ces pratiques ne touchent cependant qu’une
partie de l’aristocratie – les documents font en effet foi de la
rareté, chez eux, de baignoires, de bidets et de cuvettes.
L’apparence
demeure toujours importante, mais les vêtements ne suffisent plus
à assurer la propreté autant qu’avant. Celle-ci est dorénavant
associée à la santé plutôt qu’aux conventions. On change donc les
vêtements plus souvent, on allège les tissus et l’on simplifie les
perruques, véritables nids de puces et de poux. On remplace les
essences fortes par de plus légères, à base de fleurs, de fruits
et d’herbes, destinées davantage à séduire qu’à purifier l’air
ou à camoufler les mauvaises odeurs.
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La
situation au Canada
L’eau
étant à la fois abondante et facilement accessible, au Canada – plus
qu’en Europe de l’Ouest en tout cas –, on peut se demander
si l’on s’en servait plus souvent pour faire sa toilette personnelle.
Après
une dure journée de labeur sous un soleil torride, les habitants
se jettent-ils à l’eau pour se laver ou simplement se rafraîchir?
Les coureurs des bois et les voyageurs se baignent-ils régulièrement
dans l’eau froide – imitant en cela les Autochtones –, comme l’a
dit (à tort) l’écrivain Jean-Jacques Rousseau? Aucun témoignage
de l’époque ne vient confirmer de près ou de loin ces hypothèses.
Pour
obtenir un début de réponse à ces questions, il faut interroger
les documents qui peuvent nous dire comment et avec quoi l’on se
lavait.
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Baignades
et bains publics
Au
XVIIIe siècle, une minorité de gens, parmi les plus
fortunés, possèdent leur propre baignoire. Les autres se baignent
dans les nombreux lacs et rivières. Dans l’ensemble, toutefois,
– tout comme aux États-Unis, en France et en Angleterre –, bien
peu de personnes prennent un bain complet. Cette habitude
ne se répandra pas avant le début du XIXe siècle,
même chez l’élite.
Ainsi,
vers les années 1810-1820, on fréquente de plus en plus
les stations balnéaires en Europe, on multiplie les bains publics
dans les principales villes nord-américaines et l’on introduit les
baignoires dans les plus grands hôtels canadiens et américains de
même que dans les demeures des citoyens les plus riches.
Mais la majorité de la population se contente encore d’enlever le
plus gros de la saleté en se passant une serviette d’eau
froide sur le visage et les mains. Pour ce faire, on utilise n’importe
quel bassin, jusqu’à ce que la table de toilette soit plus répandue,
après 1825.
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