Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean
Discours à l’occasion du déjeuner offert en l’honneur de la Mère de la croix d’argent
Rideau Hall, le dimanche 11 novembre 2007
Je suis très heureuse de vous accueillir à Rideau Hall en ce Jour du Souvenir.
Aujourd’hui, nous rappelons à notre mémoire le souvenir de tous ces soldats, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, qui ont payé de leur vie le prix de la liberté, au cours d’un siècle qui aura été l’un des plus meurtriers de notre histoire.
Vendredi dernier, à la cérémonie d’investiture de l’Ordre du mérite militaire, je disais aux femmes et aux hommes honorés ce jour-là que c’est un choix difficile que celui d’endosser l’uniforme et de s’enrôler.
Un choix d’autant plus difficile qu’il peut peser lourd, à la longue, sur celles et ceux qui le font, de même que sur leurs familles.
Il faut s’épauler, quoi qu’il arrive. Savoir s’adapter. Et vivre avec l’idée qu’il faille partir à tout moment et peut-être pour ne jamais revenir.
Au Centre de ressources pour les familles des militaires d’Halifax, des enfants et des conjointes de militaires ont exprimé par le dessin les émotions vives que leur font vivre les déploiements, marqués par l’angoisse des départs et la joie des retours.
L’Art Gallery of Nova Scotia a réuni leurs œuvres dans une exposition intitulée Adieux et retrouvailles.
Lorsque j’ai visité la galerie en février dernier, un petit garçon m’a approchée pour me présenter son œuvre qu’il avait dédiée à son père, parti en mission à l’étranger, et pour m’expliquer ce que son tableau évoquait.
Je l’ai écouté attentivement exprimer son amour et sa fierté pour son papa plus grand que nature et qu’il décrivait comme son héro.
J’ai compris aussi le poids de l’attente, à quel point son papa lui manquait, et j’ai reconnu dans son dessin l’impatience de le retrouver, de se jeter dans ses bras et de l’embrasser.
Je suis tellement heureuse que ce garçon, Boyce Purcell, et sa famille soient parmi nous aujourd’hui.
Alors, j’ai tenu à faire venir cette exposition ici, à Rideau Hall, car je crois profondément que les thèmes abordés par ces familles nous touchent toutes et tous dans notre humanité. J’estime aussi que leurs voix méritent d’être entendues.
À titre de commandante en chef, je vis comme un grand privilège la possibilité que j’ai d’être à l’écoute des familles, de les appuyer et de les accompagner, même dans les moments les plus difficiles.
Quand je suis sur le tarmac aux côtés des familles endeuillées, je sais qu’aucune parole ne saurait apaiser leur souffrance. Que ces familles m’accueillent et acceptent que je partage leur deuil me touche profondément.
Les mots nous manquent pour parler de la douleur de la perte et de l’absence. Car ce sont des émotions aussi puissantes que l’amour que l’on porte à l’être cher qui n’est plus là, à nos côtés.
Madame Beerenfenger-Koehler, Wilhelmina, vous avez accepté aujourd’hui la croix d’argent au nom de toutes les mères, j’ose dire de tous les parents, au nom des conjointes et conjoints, et des enfants également, qui ont eu à vivre un tel déchirement.
Votre fils Robbie Christopher servait au sein du 3e Bataillon du groupe-bataillon du Royal Canadian Regiment. Il était en mission à Kaboul dans le cadre de la participation militaire du Canada à la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS).
Sachez que les Canadiennes et les Canadiens reconnaissent l’immense sacrifice de votre fils d’avoir aidé à rétablir la stabilité et la sécurité en Afghanistan, pour venir en aide à la population afghane, aux familles de ce pays du bout du monde qui sont privées de leurs droits les plus fondamentaux.
Sachez aussi que le Canada tout entier porte ce deuil avec vous. Car pour nous toutes et tous, la vie humaine mérite d’être protégée et n’a pas de prix.
Jamais nous n’oublierons.