Société historique de l’Ontario,
le 7 mai 2005
En juillet 1916, alors que la bataille de la Somme faisait rage sur le front occidental, Arthur Doughty (1860-1936), alors archiviste fédéral, s’est arrêté pour réfléchir à la valeur des archives et au passage du temps, même si on n’avait aucune certitude quant à l’avenir. « Dans l’actif d’un peuple », a-t-il fait remarquer, « les archives constituent la valeur la plus précieuse : elles sont le don d’une génération à une autre, et le degré des soins que nous en prenons mesure le degré de notre civilisation ». La collection de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) est le bien le plus précieux que possèdent le gouvernement et les citoyens du Canada. Bien sûr, nos parcs nationaux sont un trésor, notre souveraineté dans le Grand Nord est importante, et la Cité parlementaire à Ottawa est au cœur même de notre identité en tant que nation, mais jusqu’à quel point ces biens ont-ils de la valeur sans les documents d’archives qui nous confèrent le titre de ces terres et immeubles? Il se peut qu’un jour, nous ayons à prouver que l’Arctique nous appartient, et c’est fondamentalement un argument historique fondé sur des précédents, sur des découvertes et sur le titre légal de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Pouvons-nous prouver devant un tribunal que nous avons réellement la souveraineté? Quelle en est l’importance pour le Canada?
Notre patrimoine publié est aussi un bien national. La collection de BAC est composée de documents imprimés et électroniques, dont des livres, des thèses, des cartes, de la musique, des périodiques et des journaux, tous essentiels à l’épanouissement développement de la collectivité. Qu’elles soient dans des universités et collèges d’envergure ou dans de petites villes du Canada, les bibliothèques sont indispensables au développement social, culturel et économique; elles sont les dépôts du savoir, reliant le passé et le présent à l’avenir. Les Canadiens doivent être conscients de la richesse, de l’ampleur et de la profondeur des sources de savoir dont regorgent nos bibliothèques et archives, et cette information doit être accessible rapidement et d’une manière fiable. Lorsque l’on regroupe la vaste collection de BAC et les collections uniques d’autres dépôts, on obtient une collection nationale d’une ampleur à en couper le souffle. Pour réaliser son objectif, BAC doit avoir une présence d’un océan à l’autre du pays, et devenir un lieu où tous les Canadiens peuvent avoir accès à ses fonds et collections.
L’objectif que se donne BAC est, en quelques mots, de devenir une institution avant-gardiste, axée sur le savoir. Au cours des deux dernières années, notre personnel a travaillé avec assiduité, non seulement pour restructurer notre travail, mais aussi pour repenser ce que nous faisons et pourquoi. Il y a encore beaucoup à faire, mais nos objectifs sont clairs : créer une institution vraiment nationale qui permette aux Canadiens d’avoir accès à l’ensemble de leur patrimoine documentaire. Donner de l’information sur le Canada, voilà notre objectif, et nous offrirons un accès sans pareil à notre collection riche et diversifiée; nous sommes en train de mettre au point une architecture et des systèmes d’information hautement perfectionnés pour faire en sorte que cet objectif se réalise. Nous voulons répondre aux besoins des Canadiens en matière d’information en offrant des services multivoies sur place ou par Internet, ainsi que des services de contenu numérique, de référence virtuelle et de numérisation sur demande. BAC sera un lieu d’apprentissage de premier ordre, un chef de file en matière de gestion de l’information et du savoir.
L’accès est nettement la raison principale de la création de BAC; notre travail sera axé sur le client, l’utilisateur, les Canadiens et les personnes qui s’intéressent au Canada. Nous élaborons des approches stratégiques en matière de description et de métadonnées. Les documents bibliographiques sont absolument indispensables à l’intégrité et au contrôle de la collection; les pratiques de description des documents d’archives sont bien établies, ce qui permet d’en préserver la valeur de témoignage et la valeur contextuelle. Les descriptions sont importantes et nécessaires, mais ce ne sont pas des points d’accès. Les bibliothécaires et les archivistes se penchent sur cette question; leur défi consiste à concevoir un autre niveau de description qui permettrait à tous nos usagers d’avoir facilement accès à tous nos fonds et collections. La numérisation, c’est l’avenir l’Internet et la technologie Web ont révolutionné l’accès à l’information, et au fur et à mesure que nous améliorerons l’accès en ligne à nos collections, les Canadiens pourront plus facilement que jamais accéder à leur patrimoine à partir de leur domicile, de leur bureau ou de leur ordinateur mobile dans la paume de la main. Mais aucun de ces progrès ne se concrétisera sans un leadership renouvelé et un objectif stratégique qui rassembleront les bibliothèques, les services d’archives et leurs partenaires de tout le Canada.
En quoi consiste la collection de BAC? Après avoir regroupé les collections de la Bibliothèque nationale et celles des Archives nationales, BAC possède maintenant un patrimoine documentaire extraordinaire, composé de près de 19 millions de livres, périodiques, journaux, microfilms et publications gouvernementales; d’environ 150 kilomètres de documents textuels uniques; de plus de 20 millions de photographies; de 350 000 œuvres d’art; de thèses et de dissertations, ainsi que de gigaoctets de publications électroniques et documents officiels. On retrouve également dans cette incroyable collection des cartes et des dessins architecturaux, des films, des vidéos, des enregistrements sonores et des émissions diffusées, de la musique, des timbres, des caricatures politiques, des affiches et des brochures. Cette vaste collection constitue notre connaissance du Canada, de son histoire et de ses peuples. Notre priorité est de diffuser cette connaissance aux Canadiens et, pour y arriver, nous devons élaborer des programmes innovateurs qui feront connaître notre collection. C’est ce que nous faisons sur notre site Web (www.collectionscanada.gc.ca), dans le cadre de programmes destinés aux écoles et aux jeunes, par l’entremise du Centre canadien de généalogie et du Musée du portrait du Canada, pour ne nommer que quelques-unes des initiatives en cours.
Il y a énormément de diversité dans notre pays, et cette diversité se reflète chez nos usagers. Pour cette raison, nous nous efforçons de rejoindre les jeunes, les collectivités autochtones, les immigrants, les chercheurs et professeurs en milieu universitaire, les personnes ayant un handicap et les milliers de Canadiens qui veulent en connaître plus sur l’histoire de leur famille, sur les collectivités dans lesquelles ils vivent ou sur toute autre facette du passé de leur pays. Comment faire pour rejoindre les Canadiens efficacement? Comment faire pour leur transmettre une partie de nos ressources patrimoniales, aussi petite soit-elle? Pour BAC, la diffusion du savoir est une priorité, et nous sommes déterminés à faire en sorte que le vaste patrimoine documentaire préservé par notre institution soit accessible à tous les Canadiens.
En plus des services habituellement offerts par les services d’archives et les bibliothèques, il est important de se rappeler que l’information contribue au bien commun, c’est-à-dire à l’intégration sociale, à la démocratie et aux droits des citoyens, à l’accès universel et à l’alphabétisation. Les bibliothèques et les services d’archives font partie intégrante des mécanismes qui favorisent l’atteinte de ces objectifs publics. Mais comment influencer les politiques gouvernementales? Compte tenu de l’importance des bibliothèques et archives pour la société, nous devons renforcer nos capacités en matière de leadership et d’innovation. Nous devons travailler en collaboration avec des partenaires afin d’élaborer des stratégies nationales relatives à certains enjeux importants pour le Canada tels que l’alphabétisation, les Premières Nations, les minorités linguistiques et les programmes destinés aux personnes incapables de lire les imprimés. Par-dessus tout, nous devons faire connaître nos services et les rendre accessibles afin qu’ensemble, nous puissions relier les Canadiens à leur patrimoine. Les bibliothèques et les services d’archives peuvent contribuer à bâtir le pays, à promouvoir l’épanouissement de ses collectivités, à instaurer un sentiment d’identité et à améliorer la qualité de vie de tous les Canadiens de manière tangible et marquante.
Le patrimoine documentaire dont BAC a la garde est le bien le plus précieux que possèdent les citoyens canadiens plus précieux que nos ressources, que nos parcs nationaux, que notre souveraineté même. Ce bien n’appartient ni aux bibliothécaires ni aux archivistes, mais aux citoyens du Canada qui l’ont créé. Nous détenons ce patrimoine en fiducie pour tous les Canadiens. Arthur Doughty a eu raison de qualifier les archives de bien précieux, car c’est ici que l’on trouve les documents fondamentaux de notre démocratie des documents qui établissent nos frontières, qui protègent nos droits, qui racontent l’histoire de notre nation et de nos collectivités, et aussi notre histoire personnelle à travers les siècles. Nous sommes les gardiens de ces documents authentiques et inestimables; ce sont les archives que nous préservons au profit des générations futures. Le savoir dont nos bibliothèques et archives sont remplies est essentiel, car il nous aide à comprendre notre passé, jette de la lumière sur le présent et nous prépare à l’avenir. Le savoir est le capital intellectuel d’une société moderne.
Comment accomplirons-nous cela? Comment atteindrons-nous nos objectifs? BAC travaille à la création d’une structure d’organisation et de gouvernance qui nous permettra de progresser et de miser sur nos forces traditionnelles; nous pourrons surmonter les défis actuels et futurs afin de devenir l’institution du savoir du XXIe siècle au Canada. C’est un projet gigantesque, mais nous ne sommes pas seuls. BAC s’est engagé à établir des partenariats avec des bibliothèques, des archives et des musées à la grandeur du pays afin d’offrir un accès sans entraves au patrimoine documentaire du Canada. Nous devons élaborer une stratégie nationale afin d’acquérir et de préserver les précieuses collections des institutions culturelles, petites ou grandes, et d’en faciliter l’accessibilité. La préservation de ce patrimoine qui est le nôtre est d’une importance capitale, mais nous devons trouver des solutions durables, car nous sommes les administrateurs de ce bel héritage pour les générations futures de Canadiens. Ainsi pouvons-nous contribuer à renforcer notre sentiment d’identité nationale et à devenir plus sensibles à notre diversité culturelle; nous pouvons améliorer la qualité de vie de tous les Canadiens de manière réelle et durable par la création et le maintien d’une nation axée sur l’apprentissage.
Nous tous, qui faisons partie du milieu de l’information et du savoir, pouvons participer activement à la création d’une société démocratique cohérente, confiante et créative au Canada.