<
 
 
 
 
×
>
Vous consultez une page Web conservée, recueillie par Bibliothèque et Archives Canada le 2007-11-15 à 06:26:12. Il se peut que les informations sur cette page Web soient obsolètes, et que les liens hypertextes externes, les formulaires web, les boîtes de recherche et les éléments technologiques dynamiques ne fonctionnent pas. Voir toutes les versions de cette page conservée.
Chargement des informations sur les médias

You are viewing a preserved web page, collected by Library and Archives Canada on 2007-11-15 at 06:26:12. The information on this web page may be out of date and external links, forms, search boxes and dynamic technology elements may not function. See all versions of this preserved page.
Loading media information
X
Bibliothèque et Archives Canada
Symbole du gouvernement du Canada

Liens de la barre de menu commune

Expositions en cours

Premières impressions, effets durables :
Les « quatre rois indiens »

Un essai de Johanna Mizgala, Conservatrice Expositions

Les premières impressions façonnent notre expérience. Elles installent le jeu de nos interactions les uns avec les autres et forment la base de nos souvenirs des événements passés. À une époque qui a précédé la photographie, et bien avant l'outil spontané de rappel et de réexécution qu'est le Web, le portrait dépeint servait à de nombreuses fins - non seulement contribuait-il à préserver une ressemblance, mais il saisissait aussi les interconnexions entre les gens et les événements importants.

Les peintures à l'huile datant du XVIIIe siècle et connues collectivement en tant que des « Quatre rois indiens » sont les les plus anciens portraits en pied de membres autochtones nord-américains peints de leur vivant. Les tableaux témoignent de vrais personnages en plus de consigner un « premier contact » historique qui s'est déroulé à la cour royale britannique, plutôt qu'en sol nord-américain.

L'idée d'envoyer une délégation autochtone en Angleterre pour une audience avec la reine Anne a été favorisée par trois leaders colonialistes : Samuel Vetch, Francis Nicholson et Peter Schuyler. Selon ce trio, il était essentiel au succès de leur offensive militaire contre les Français au Canada de nouer une alliance entre la Confédération des Cinq Nations — un groupe affilié d'Iroquois apparentés sur les plans linguistique et politique — et les Anglais. Afin de faire porter l'attention de la cour sur la situation critique des colonies, le trio croyait devoir fournir un argument convaincant en vue d'obtenir le soutien financier et militaire de la reine; la délégation des « quatre rois » constituait la manière idéale de gagner leur attention.

Sa Ga Yeath Qua Pieth Tow Ho Nee Yeath Taw No Row Etow Oh Koam Tee Yee Neen Ho Ga Row

En 1710, quatre hommes ont été choisis pour représenter la Confédération iroquoise de la vallée de la rivière Mohawk au cours d'un périple à destination de l'Angleterre : Etow Oh Koam (baptisé Nicholas) du clan de la tortue, Sa Ga Yeath Qua Pieth Tow (baptisé Brant) du clan de l'ours, et deux hommes du clan du loup, Ho Nee Yeath Taw No Row (baptisé John) et Tee Yee Neen Ho Ga Row (baptisé Hendrick). En présentant les quatre voyageurs à la cour royale en tant que « rois », on conférait à ces hommes iroquois un pouvoir de diplomates. Même si les Iroquois n'étaient pas les premiers visiteurs autochtones en Grande-Bretagne, leur présence à la cour et leurs échanges avec les Londoniens stimulèrent l'imaginaire des Britanniques et affectèrent les relations de pouvoir en Amérique du Nord.

Les quatre visiteurs nord-américains ont fait sensation à Londres. Ils ont été décrits dans des récits publiés comme des personnages imposants - plus de six pieds de hauteur (plus grands que le Britannique moyen de l'époque), avec des cheveux et des traits foncés, arborant des tatouages complexes et une scarification rarement vue en Europe. Les délégués ont été invités à visiter la ville et à prendre part à des activités officielles; ils ont frayé avec les plus riches et, dans une moindre mesure, avec Monsieur et Madame tout le monde. Lorsqu'ils ont assisté à une pièce de Shakespeare au théâtre Haymarket, l'auditoire était si fasciné par les visiteurs nord-américains qu'on a dû interrompre la prestation. Les Iroquois ont été invités à s'asseoir sur la scène pour que les Londoniens puissent les regarder voir la pièce.

Pour commémorer la rencontre, la reine Anne a commandé au peintre de la cour John Verelst de peindre un portrait de chacun de ses visiteurs d'outre-mer. Les portraits de Verelst diffèrent des autres images des Autochtones de cette époque : il les a peints avec tout le décorum de la royauté et des chefs d'État. Il a utilisé des poses statiques et majestueuses, révélant les hommes iroquois en pied; une pose habituellement réservée à la royauté et aux personnages militaires de haut rang. Les portraits illustrent chaque homme dans un paysage nord-américain imaginé, accompagné d'un animal « dodem », symbole de sa parenté et de sa collectivité.

Les peintures montrent l'un des quatre, Hendrick, vêtu de la tunique noire, de la culotte et des souliers bouclés que chaque homme avait été invité à porter pour leur audience avec la reine Anne. Puisque la cour était en deuil au moment de leur visite, quiconque était convié pour une audience avec la reine devait témoigner de son respect en s'habillant de circonstance. Pour sa part, le quatuor a été amené chez un costumier de théâtre qui a eu comme mandat de lui confectionner un habit convenable à porter. De la façon dont il est dépeint, on a suggéré que Hendrick assumait le leadership du groupe, et cela pourrait expliquer pourquoi il est le seul illustré en tenue européenne. De plus, Hendrick tient une ceinture wampum, un objet très important qui sert non seulement à commémorer la rencontre mais également à diffuser officiellement l'issue de l'échange.

Les trois autres hommes sont montrés portant des tuniques blanches attachées au moyen de ceintures tissées, chacun avec une cape rouge sur les épaules. Ils transportent des objets qui laissent entrevoir leurs habiletés, notamment un arc et un carquois ou un mousquet. En arrière-plan des peintures se trouvent des vignettes qui soulignent les réalisations des hommes. Les animaux dodems marquent à la fois les liens entre les hommes et leur collectivité et leurs rôles en tant qu'ambassadeurs. Le fait que Verelst ait inclus les animaux signifiait qu'il avait eu l'occasion de parler à chacun des hommes pour connaître l'importance de ce symbole, ne fut-ce que par l'intermédiaire d'un interprète. Le processus de traduction et sans doute une absence de connaissance de visu peuvent expliquer l'apparence plutôt non convaincante des ours et loups reconstitués.

Sa Ga Yeath Qua Pieth Ho Nee Yeath Taw No Row Etow Oh Koam Tee Yee Neen Ho Ga Row

Verelst n'a pas été le seul artiste à consigner le visage des ambassadeurs iroquois : pendant leur séjour à Londres, les quatre hommes se sont fait prendre en portraits par John Faber et Bernard Lens. La peinture de John Faber n'a pas survécu à l'épreuve du temps (malgré la présence de copies gravées), mais les miniatures de Lens sont conservées dans la collection du British Museum. Les délicates couleurs à l'eau sur papier vélin offrent une intéressante comparaison avec les peintures à l'huile, les deux pour leur style informel et à titre d'un autre exemple de ce à quoi auraient pu ressembler les Iroquois.

Qu'est-il advenu des voyageurs après leur très important voyage à Londres? Sa Ga Yeath Qua Pieth Tow (Brant) est mort peu de temps après son retour en Amérique du Nord. Son nom survit en la personne de son petit-fils Joseph Brant (Thayendanegea), le vénéré leader Mohawk et officier de la force militaire britannique durant la guerre révolutionnaire américaine. On connaît peu de choses d'Etow Oh Koam (Nicholas) et de Ho Nee Yeath Taw No Row (John) une fois revenus, mais Tee Yee Neen Ho Ga Row (Hendrick) a continué de jouer le rôle d'ambassadeur de son peuple, retournant en Grande-Bretagne plus tard au cours de sa vie et faisant l'objet d'un autre portrait commandé en son honneur.

Pendant plus de cent ans, les portraits de Verelst ont été conservés dans la collection royale. Au cours des années 1830, ils ont été cédés à la famille Petre de Kent. Ils sont demeurés la propriété de cette famille jusqu'en 1977, lorsque les Archives publiques du Canada (maintenant Bibliothèque et Archives Canada), avec l'aide d'une subvention spéciale du gouvernement du Canada, ont acheté les portraits, en les revendiquant comme des symboles inestimables de l'histoire sociale et politique du Canada.

Argenterie et bible Accueil réservé à sa majesté Photo de groupe

Le 16 octobre 1977, quelques mois après l'acquisition spectaculaire de ces rares exemples de l'histoire canadienne, Sa Majesté la reine Elizabeth II a inauguré l'exposition des portraits aux Archives publiques. Les portraits ont été installés aux côtés de gravures historiques, ainsi qu'avec l'argenterie et la bible de première communion que la reine Anne avait présentées à ses visiteurs en 1710. Dans un intéressant renversement des rôles, les chefs actuels de la nation mohawk de la Baie de Quinte et ceux de la Réserve des Six Nations, Ohsweken, Ontario étaient présents pour accueillir Sa Majesté en l'honneur de son jubilé d'argent, la visite connexe dans la Capitale nationale et la présentation officielle des portraits aux Canadiens.

En ce treizième anniversaire de l'acquisition historique, le Musée du portrait du Canada, sous l'égide de Bibliothèque et Archives Canada, est heureux de prêter les portraits à la National Portrait Gallery londonienne. Les peintures jouent un rôle dominant dans l'exposition Between Worlds: Voyagers to Britain 1700-1850, présentée du 8 mars au 17 juin 2007. L'exposition met en vedette quatorze différents voyageurs à destination de la Grande-Bretagne par une panoplie d'images et d'artefacts, explorant l'effet durable de ces rencontres sur la société britannique et son imaginaire.