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Les systèmes de gouvernement canadien et américain

Les drapaux canadien et américain

Si le Canada et les États-Unis sont tous deux des démocraties et des États fédéraux, leurs systèmes de gouvernement présentent des différences importantes.

Une première différence réside dans le fait que les États-Unis ont une langue et une culture uniques. Le Canada possède au contraire deux langues officielles. Les Pères de la Confédération ont voulu qu’il en soit ainsi.

La reconnaissance du bilinguisme par les pouvoirs publics est encore limitée, mais elle progresse. Par exemple, c’est à la demande expresse du gouvernement du Nouveau-Brunswick que le français et l’anglais ont été reconnus par la Constitution comme les langues officielles de cette province. En Ontario, où vivent le plus grand nombre de francophones hors Québec, on trouve tout un réseau d’écoles où l’enseignement est donné en français; de plus, un nombre croissant de services en français sont offerts aux Franco-Ontariens. Plusieurs autres provinces se sont engagées dans la même voie.

En vertu de la Constitution, toutes les provinces, à l’exception du Québec, du Nouveau-Brunswick et du Manitoba, sont absolument libres d’avoir autant de langues officielles qu’elles le veulent, et ces langues peuvent même exclure le français et l’anglais. Par exemple, la Nouvelle-Écosse pourrait faire du gaélique sa seule langue officielle, ou l’adopter comme l’une de ses deux, trois, voire ses douzaines de langues officielles. L’Alberta pourrait choisir l’ukrainien seul, ou encore faire de l’ukrainien, du polonais et du grec classique, ses trois langues officielles. Pour leur part, le Québec, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba peuvent avoir autant de langues officielles qu’ils le désirent, mais celles-ci doivent inclure le français et l’anglais.

Deuxième distinction notable : le Canada est une monarchie constitutionnelle, alors que les États-Unis sont une république. A priori, on pourrait penser qu’il s’agit d’une distinction de pure forme. Or, ce n’est pas le cas. En effet, là où, au Canada, on trouve un Parlement, un Cabinet et un gouvernement responsable, on trouve aux États-Unis un système de gouvernement « présidentiel-congressionnel » .

On peut se demander ce que signifie cette distinction.

En premier lieu, aux États-Unis, le chef de l’État et le chef du gouvernement sont une seule et même personne. C’est le président qui assume ce double rôle. Au Canada, par contre, c’est la reine — ordinairement représentée par le gouverneur général — qui est le chef de l’État, tandis que le premier ministre est le chef du gouvernement. Une première conséquence importante de cette distinction réside dans le fait qu’au Canada, le chef de l’État peut, exceptionnellement, protéger le Parlement et la population face à un premier ministre et à des ministres qui oublieraient leur rôle de serviteurs du peuple et tenteraient d’asservir celui-ci. Le chef de l’État peut ainsi s’opposer à ce que le Cabinet dissolve une Chambre des communes nouvellement élue avant même qu’elle se soit réunie. Il peut également l’empêcher d’amener le peuple, par des élections générales répétées, à lui donner plein mandat. Aux États-Unis, le chef de l’État ne peut contraindre le chef du gouvernement parce qu’ils sont une seule et même personne.

En deuxième lieu, le gouvernement américain, constitué du président et du Congrès, se fonde sur le principe de la séparation des pouvoirs, c’est-à-dire que ni le président ni aucun des membres de son Cabinet ne peuvent être membres d’aucune des deux Chambres du Congrès, y déposer ou appuyer un projet de loi, répondre à des questions ou repousser des attaques contre la politique du gouvernement. Aucun membre du Congrès ne peut être président ou membre du Cabinet.

À l’inverse, le régime parlementaire repose sur la concentration des pouvoirs. L’usage (et non la loi) veut que les membres du Cabinet, y compris le premier ministre, soient membres de l’une des deux Chambres ou y obtiennent un siège peu de temps après leur nomination. Tous les projets de loi qui sont déposés par le gouvernement doivent l’être par un ministre ou son porte-parole; de plus, les ministres doivent défendre devant le Parlement les projets de loi gouvernementaux, répondre chaque jour aux questions portant sur les politiques et les initiatives du gouvernement ainsi qu’aux critiques formulées contre celles-ci.

Le Capitole à Washington, D.C.

Le Congrès se réunit dans
le Capitole à Washington, D.C.

Aux États-Unis, le président et les membres des deux Chambres sont élus pour une période fixe : le président pour quatre ans, les sénateurs pour six ans (dont le tiers des sièges sont contestés tous les deux ans) et les représentants pour deux ans. La seule façon de se défaire d’un président avant la fin de son mandat de quatre ans est d’entreprendre contre lui une procédure de mise en accusation, procédure très délicate à laquelle on n’a recouru que trois fois et qui n’a d’ailleurs jamais abouti.

La durée inégale des mandats respectifs du président, des sénateurs et des représentants amène fréquemment le président à être l’élu d’un parti, tandis que l’autre parti détient la majorité dans l’une des deux Chambres, voire dans les deux. Ainsi, pendant plusieurs années, le président pourrait voir ses projets de loi et ses politiques rejetés sans cesse par une majorité adverse dans l’une ou l’autre Chambre ou les deux. Le président ne peut faire appel au peuple par la dissolution du Sénat, de la Chambre des représentants ou les deux. Les deux Chambres remplissent, quoi qu’il arrive, la durée complète de leur mandat.

Tous les quatre ans a lieu l’élection du président, des représentants et du tiers des sénateurs. Il est alors possible que le président et la majorité des représentants soient républicains, tandis que la majorité des sénateurs sont démocrates; ou encore, il se peut que le président et la majorité des sénateurs soient républicains, tandis que les représentants sont majoritairement démocrates; d’autres combinaisons sont encore possibles.

De la même manière, le président peut présenter un programme cohérent au Congrès et faire en sorte que les sénateurs et les représentants déposent les projets de loi qu’il veut voir adoptés. Chacune des Chambres peut y apporter des modifications, y faire des suppressions ou les rejeter en bloc. Cet affrontement est susceptible d’aboutir à une loi qui n’a presque plus rien à voir avec le projet initial du président. Il en va de même lorsque la majorité de l’une des deux Chambres présente un projet de loi sur un sujet quelconque; l’autre Chambre peut y ajouter ou en retirer certaines dispositions, voire rejeter le projet en bloc; là encore, le résultat (éventuel) peut n’avoir qu’une très lointaine ressemblance avec le projet initial. Même en cas d’accord entre les deux Chambres, le président oppose souvent son veto à un projet de loi, qui ne pourra alors être adopté qu’avec l’assentiment des deux tiers des membres de chacune des Chambres.

Ainsi, à l’approche d’élections, un président accusé de n’avoir pas rempli ses promesses peut toujours soutenir que ce n’est pas sa faute, qu’il a soumis tel ou tel projet de loi au Congrès, mais que le Sénat ou la Chambre des représentants, ou encore les deux, l’ont rejeté ou rendu méconnaissable. Un sénateur pourra recourir au même argument pour se protéger contre semblables accusations : la Chambre des représentants aura rejeté son projet de loi ou l’aura mis en pièces, ou bien encore, le président y aura opposé son veto. Quant au représentant, il aura présenté son projet à la Chambre, mais le Sénat s’y sera opposé ou l’aura réduit à néant, ou bien, une fois encore, le président aura exercé son droit de veto.

Il s’ensuit que ni le président, ni les sénateurs, ni les représentants ne peuvent être vraiment tenus responsables d’une chose qu’ils auraient faite ou non. Chacun d’eux peut déclarer en toute légitimité et en toute honnêteté que ce n’est pas sa faute.

Certes, les insatisfaits peuvent toujours voter contre un président, un sénateur ou un représentant. Toutefois, quoi qu’ils fassent, la situation demeure essentiellement la même. Le président est en poste pour quatre ans, indépendamment des votes que prend l’une ou l’autre Chambre contre ses mesures. Si, à mi-chemin de son mandat de quatre ans, le résultat des élections au Sénat et à la Chambre des représentants est défavorable à son parti, il demeure quand même en place pour les deux ans qui restent à son mandat en conservant tous ses pouvoirs. Il ne lui est pas loisible, par ailleurs, de se défaire d’un Sénat ou d’une Chambre opposés à ses idées en ordonnant de nouvelles élections. Une majorité adverse dans l’une ou l’autre Chambre peut créer un empêchement à ce que voudrait accomplir le président, mais cela ne peut l’obliger à quitter ses fonctions. Le président peut opposer son veto aux projets de loi adoptés par les deux Chambres. Mais le Congrès peut annuler son veto par une majorité des deux tiers dans les deux Chambres. La Chambre des représentants est en mesure de récuser le président; par la suite, le Sénat le juge en tribunal et, s’il convient, selon une majorité des deux tiers, démet le président de ses fonctions. Aucun président n’a jamais été démis de ses fonctions et à trois occasions seulement a-t-on tenté de le faire. Dans le premier cas, la majorité au Sénat était trop faible, dans le deuxième, le président a démissionné de son poste avant qu’un vote de récusation ait lieu à la Chambre des représentants et, dans le troisième, le président a été acquitté par le Sénat même s’il avait été destitué.

Il n’en va pas de même au Canada. Ici, personne n’est élu pour une période donnée. Les principaux projets de loi, ainsi que tous ceux qui ont un caractère financier, doivent être présentés par le gouvernement, et ni le Sénat ni la Chambre des communes ne peuvent majorer les sommes en cause. Tant qu’un gouvernement est soutenu par une majorité à la Chambre, il peut faire voter les lois qui lui semblent bonnes à moins qu’une majorité adverse au Sénat ne refuse d’accepter le projet de loi (ce qui n’arrive que très rarement). S’il perd l’appui de la majorité, il peut soit laisser un autre parti former le gouvernement, soit décréter la tenue de nouvelles élections. S’il se contente de céder le pouvoir à un parti différent, ce nouveau gouvernement peut faire adopter les lois qu’il juge bonnes tant qu’il détient la majorité; s’il la perd, il doit à son tour céder la place ou déclencher de nouvelles élections. Aux États-Unis, les affrontements entre le président et le Congrès peuvent durer des années, alors que chez nous, un tel conflit entre le gouvernement et la Chambre des communes ne peut guère excéder quelques semaines. En cas de désaccord sur une question d’importance, un nouveau gouvernement est rapidement formé ou la tenue d’élections est décrétée.

La Colline du Parlement, vue du nord
Le Sénat et la Chambre des communes siègent
dans les édifices du Parlement.

Dans le système « présidentiel-congressionnel » , le gouvernement n’est ni responsable ni sensible à l’opinion publique. Peu importe le nombre de fois qu’une Chambre ou l’autre vote contre les mesures du président, celui-ci demeure en poste. Il peut opposer son veto aux projets de loi adoptés par les deux Chambres, mais il ne peut en appeler à la population en déclenchant des élections pour avoir un Congrès qui l’appuiera. Par contraste, le régime de type parlementaire est à la fois responsable et sensible à l’opinion publique. Si la Chambre des communes vote une motion de défiance à l’égard du Cabinet, celui-ci doit résigner ses fonctions, puis permettre à un parti de l’opposition (normalement l’Opposition officielle) de former sans délai un gouvernement, ou encore décréter la tenue d’élections afin que le peuple décide du parti qui gouvernera.

Aux États-Unis, le président peut livrer une bataille stérile à l’une des deux Chambres ou aux deux pendant des années. Au Canada, le premier ministre, s’il est empêché d’agir par la Chambre des communes, doit soit laisser la place à un autre premier ministre, soit permettre à la population d’élire une nouvelle Chambre propre à régler la question, dans un sens ou dans l’autre, en deux ou trois mois tout au plus. Voilà un système où le gouvernement est vraiment responsable.

La troisième différence fondamentale entre les systèmes de gouvernement canadien et américain tient au fait que, chez nous, la coutume, les usages et les « conventions » tiennent une place bien plus importante dans la Constitution. Ainsi, la Constitution américaine définit noir sur blanc les compétences que le président doit posséder, les modalités de sa nomination et de sa destitution et ses principales attributions. Et seule une modification en bonne et due forme du texte constitutionnel peut modifier ces règles.

Ce n’est qu’en 1982 qu’il a été question du premier ministre du Canada dans notre texte constitutionnel. La Loi constitutionnelle de 1982 lui a conféré le pouvoir de convoquer, au cours de l’année suivante, une conférence constitutionnelle à laquelle participeraient, en plus de lui-même, les premiers ministres des provinces et (à certaines fins) les représentants élus du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest et, dans les 15 années suivantes, une deuxième conférence ne réunissant que les premiers ministres.

Mais le texte constitutionnel ne dit rien de ses attributions, de la façon dont il est choisi ou destitué ni de ses pouvoirs (exception faite de celui de convoquer les conférences constitutionnelles). Rien n’est prévu sur ces divers sujets dans les lois, abstraction faite d’une disposition concernant le salaire, la pension de retraite et la résidence de la personne occupant le poste reconnu de premier ministre. Tout relève de l’usage établi, des « conventions » . Aucune disposition juridique ne prévoit que le premier ministre, ou tout autre ministre, doit appartenir à l’une des deux Chambres; seule la tradition veut qu’il ait un siège au Parlement ou en obtienne un dans des délais raisonnables. Aucune loi ne dit qu’un gouvernement qui perd sa majorité à la Chambre des communes, après l’adoption d’une motion de défiance, doit démissionner (et laisser ainsi le pouvoir à un autre parti politique) ou déclencher des élections générales.

Par ailleurs, c’est dans le type de fédéralisme que réside la quatrième différence essentielle entre les systèmes politiques des deux pays. Au début de leur histoire, les États-Unis se caractérisaient par une décentralisation très poussée qui ménageait au Congrès fédéral très peu d’attributions. Tous les pouvoirs que la Constitution ne confiait pas expressément au gouvernement fédéral étaient du ressort des États, ou du « peuple » , c’est-à-dire qu’ils ne relevaient ni du Congrès ni des législatures des États. Les « droits des États » étaient fondamentaux. Les Pères de la Confédération, pour leur part, étaient horrifiés par le spectacle de la guerre civile américaine, dont ils imputaient la cause aux droits dévolus aux États.

C’est ce qui explique que le Canada adopta un « système différent » , selon les termes de Sir John A. Macdonald. Tous les domaines d’intérêt général qui ne sont pas expressément attribués aux gouvernements provinciaux et à leurs assemblées relèvent du gouvernement fédéral et du Parlement. Ce système permet d’éviter la grave faiblesse qui a été si néfaste aux États-Unis. Le Canada s’est doté d’un Parlement fédéral fort et a fait avec la Confédération « un seul peuple et un seul gouvernement, au lieu de cinq peuples et de cinq gouvernements » qu’un lien trop ténu réunirait.

Les Pères de la Confédération dressèrent, comme on l’a vu, une longue liste de domaines relevant exclusivement du gouvernement fédéral. Ils décidèrent en outre que la nomination des sénateurs et des juges des cours supérieures et des comtés (à l’exception des juges des tribunaux de vérification de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick) serait du ressort du gouvernement fédéral, et qu’il en serait de même de la nomination, de la direction et de la destitution des lieutenants-gouverneurs provinciaux. De plus, ils ont donné au gouvernement fédéral (le Cabinet et le Parlement) des pouvoirs qui lui permettent de défendre les droits à l’éducation des sujets de la reine appartenant aux minorités protestante et catholique. Enfin, ils ont donné au gouvernement central le pouvoir de désavouer purement et simplement toute loi provinciale dans l’année qui suit son adoption.

Aux États-Unis comme au Canada, toutefois, ce sont les tribunaux qui, en définitive, interprètent le texte constitutionnel. Chez nos voisins du Sud, le pouvoir judiciaire a jusqu’ici, en règle générale, interprété la Constitution de façon à élargir les compétences du gouvernement fédéral et à diminuer celles des États. Dans notre pays, par contre, les tribunaux (notamment le Comité judiciaire du Conseil privé britannique, qui, jusqu’en 1949, était notre plus haute instance judiciaire) ont eu tendance à interpréter la Loi constitutionnelle de 1867 dans le sens d’un accroissement des pouvoirs des provinces au détriment de ceux du gouvernement central. Résultat : à l’heure actuelle, la fédération que constituent les États-Unis est, dans les faits, beaucoup plus centralisée que la fédération canadienne, laquelle est peut-être même la plus décentralisée du monde. Néanmoins, comme il est prévu dans notre Constitution que les compétences non attribuées sont dévolues automatiquement au Parlement fédéral, celui-ci a une force et une flexibilité qui lui ont permis de faire face aux changements passés et récents.



© Sa Majesté la Reine
aux droits du Canada, 2005
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