Nous sommes enclins à voir le gouvernement comme une institution statique, un ensemble de rouages construit et mis en service depuis très longtemps. Or, il n’en est rien. Notre régime démocratique n’existe véritablement que grâce à l’ensemble des citoyens et, comme eux, il se développe et évolue sans cesse.
Le Canada d’aujourd’hui n’est pas celui de 1867, pas plus d’ailleurs que la loi qui lui a donné le jour. Cette loi a fait l’objet d’un grand nombre de modifications qui sont toutes l’œuvre des citoyens du Canada. De plus, la façon même dont nous nous gouvernons est fonction de l’interprétation donnée à la Constitution par les tribunaux, de nos us et coutumes et des accords intervenus entre les assemblées et les gouvernements fédéral et provinciaux quant à l’exercice de leurs pouvoirs respectifs. Ces éléments qui ont fait évoluer notre État et continuent de le faire évoluer lui donnent beaucoup de flexibilité et permettent de conclure, aux termes de la Constitution actuelle, une multitude d’accords visant certaines provinces ou régions, sans qu’il y ait risque de « cristalliser » une entente spéciale qui n’aurait peut-être pas bien fonctionné.
De nombreux autres changements se produiront sans doute. Dans certains cas, le processus est déjà en cours; dans d’autres, ou bien il a progressé lentement depuis 1867, ou bien il ne fait que poindre à l’horizon. Comme dans tous les régimes parlementaires, son exécution ne sera pas l’œuvre d’un seul gouvernement et donnera lieu à des débats orageux, mais il finira par rallier la majorité des suffrages.
D’autre part, nous nous préoccupons des relations entre Canadiens de langue française et Canadiens de langue anglaise et du partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces. Ces questions ont toujours été à l’ordre du jour, et les recherches pour trouver un terrain d’entente et le processus d’adaptation à la conjoncture n’ont jamais subi d’interruption. La reconnaissance du fait français, limitée en 1867, touche maintenant tout le Canada à des degrés divers. Si besoin est, tous les bureaux du gouvernement fédéral doivent être en mesure de servir les citoyens dans les deux langues officielles. Les tribunaux fédéraux, québécois et manitobains ont toujours dû être bilingues. Le Nouveau-Brunswick est maintenant une province bilingue en vertu de la Constitution, et aujourd’hui la justice pénale doit être rendue dans les deux langues partout où l’on trouve des installations qui le permettent et partout où il est possible d’en obtenir.
Les ressources du pays croissent, et les besoins des provinces et des territoires changent. Certaines provinces sont riches, d’autres relativement pauvres. Le fédéralisme fournit le moyen de réduire ces disparités, parce qu’il permet de mettre en commun les ressources financières. Néanmoins, il existe toujours des secteurs où l’on ne s’entend pas, des domaines qui nécessitent de nouvelles modifications et où surgissent des difficultés particulières. Même si elles sont relativement nouvelles dans notre histoire, les conférences fédérales-provinciales, qui réunissent tous les chefs de gouvernement, ont maintenant lieu très souvent et jouent un rôle important dans l’élaboration de solutions nouvelles. D’ailleurs, la Loi constitutionnelle de 1982 exigeait que, dans les 15 ans suivant l’entrée en vigueur de cette loi, le premier ministre convoque une telle conférence afin de revoir la procédure de modification de la Constitution.
Ce sont les Britanniques et les Français qui, nous apprend l’histoire, ont fondé le Canada. Aujourd’hui, toutefois, notre pays constitue un amalgame de plusieurs peuples, où les citoyens ont tous des droits et des besoins communs, mais aussi des exigences particulières à satisfaire dans le contexte général de la loi. Il faut reconnaître toutes ces réalités. Nous sommes encore loin d’avoir réalisé tous nos idéaux, mais nous avons fait du chemin.
En tant que pays, nous sommes devenus plus riches, certes, mais au prix de la pollution de notre environnement. Nous abandonnons nos fermes et nos régions boisées pour venir encombrer les villes. Nous sommes en train de devenir une société industrialisée, urbanisée et informatisée ainsi que de plus en plus multiculturelle, et nous éprouvons des difficultés à nous adapter, nous-mêmes et nos institutions, à nos modes de vie nouveaux.
Les changements survenus nous ont amenés à nous préoccuper d’un environnement que nos ancêtres tenaient pour acquis. Nous croyons en un partage juste et pacifique, mais comment y arriver? Nous avons réussi à procurer aux personnes âgées, aux malades et aux personnes sans ressources un certain degré de sécurité; pourtant, la pauvreté existe toujours et certaines disparités régionales subsistent.
Ce sont là tous les problèmes auxquels le gouvernement doit trouver des solutions, donc qui nous concernent au premier chef. Comme ils mettent en cause des millions de personnes, ils sont difficiles à régler. Dans la vie politique comme dans la vie de tous les jours, il n’existe pas de solution miracle, mais parlements et partis poursuivent un même objectif : se rapprocher davantage de nous, déterminer quels sont nos vœux véritables et tenter d’agir en conséquence. Voilà le travail que nous avons choisi de leur confier, travail qu’en fin de compte ils ne pourront accomplir sans notre aide. Quand on s’intéresse à sa collectivité, quand on adopte une opinion politique et quand on vote, on fait partie du gouvernement.