RECOMMANDATION 1
Que les sous-ministres soient désignés agents comptables chargés de
responsabilités semblables à celles qui incombent aux agents comptables en
Grande-Bretagne. Les éléments de ce régime comprennent, sans s'y limiter :
- le devoir personnel de signer
les comptes financiers décrits dans sa lettre de nomination;
- la responsabilité
personnelle de l'ensemble de l'organisation, de la gestion et de la dotation
du ministère, et des procédures financières et autres qui y ont cours;
- l'obligation de veiller à
ce que la gestion financière dans l'ensemble du ministère soit de haut
calibre;
- la responsabilité
personnelle pour l'ensemble des pouvoirs délégués ou exercés directement;
- l'obligation de veiller à
ce que les systèmes et procédures financiers favorisent une conduite efficace
et économique des activités et protègent la rectitude et la régularité
financières dans l'ensemble du ministère;
- l'obligation de veiller à
ce que le ministère respecte les exigences du Parlement en matière de
contrôle des dépenses et, en particulier, de veiller à ce que les fonds
soient dépensés dans la seule mesure et aux seules fins autorisées par le Parlement;
- à titre d'agents
comptables, les sous-ministres demeurent toujours responsables de toute
négligence et de tout acte répréhensible.
RECOMMANDATION 2
Qu'à titre d'agents comptables, les sous-ministres soient tenus de
rendre des comptes sur leur rendement, dans l'exercice de leurs fonctions et des
pouvoirs qui leur sont conférés par la loi, devant le Comité
permanent des comptes publics de la Chambre des communes.
RECOMMANDATION 3
Que les procédures suivantes s'appliquent lorsque les sous-ministres
(à titre d'agents comptables) sont en désaccord avec leur ministre
concernant l'administration et le fonctionnement de leur ministère.
- Le sous-ministre doit
informer le ministre de son désaccord concernant une décision qu'entend
prendre le ministre.
- Si le ministre maintient sa
décision, le sous ministre doit signifier son désaccord au ministre dans une
lettre qui précise les motifs du désaccord et rappelle leur obligation d'en
informer et le vérificateur général et le contrôleur général.
- Si le ministre maintient sa
décision, il doit en donner instruction au sous ministre par écrit.
- S'il en a reçu instruction
par écrit, le sous-ministre doit faire parvenir des copies de la correspondance
pertinente et au vérificateur général
et au contrôleur
général.
RECOMMANDATION 4
Que le gouvernement s'efforce de maintenir les sous ministres en poste
pendant trois ans au moins, ceux-ci demeurant toujours responsables de toute
négligence et de tout acte répréhensible si leur mandat dure moins des trois
ans prévus.
Le gouvernement salue l'apport du Comité au débat sur le renforcement de
l'obligation du secteur public de rendre des comptes et apprécie l'effort
et le souci du détail dont il a fait preuve dans son analyse de l'obligation
ministérielle et sous-ministérielle de rendre des comptes au sein du
gouvernement du Canada.
En réponse au
rapport du Comité, le gouvernement a décidé de ne pas donner de réponses
détaillées pour chaque recommandation émise par le Comité. Compte tenu des
autres activités connexes actuellement en cours, telles que la
Commission d'enquête dans le cadre du Programme de commandites et les
activités publicitaires
présidée par le juge John Gomery et la préparation d'un
examen des
responsabilités et des obligations de rendre compte des ministres et des hauts
fonctionnaires, le gouvernement étudie sérieusement diverses mesures visant à
renforcer l'obligation de rendre des comptes afin d'améliorer la gestion du
secteur public;
ces mesures seraient
élaborées au cours des prochains mois. Le gouvernement tient toutefois à en
profiter pour faire part d'observations générales sur le concept d'agent
comptable et ce qu'il se fait actuellement au Canada.
Le gouvernement est d'avis que le rapport du Comité renferme des idées
erronées au sujet du système actuel de l'obligation de rendre des comptes
des ministres et sous-ministres. Le rapport donne l'impression que le système
existant est ambiguë; toutefois, il ne l'est pas – les ministres sont
responsables de la gestion et de l'orientation globales de leur ministère
devant le Parlement, et ce, en matière de
politique et d'administration, de mesures prises par des ministres ou par des
fonctionnaires non élus sous l'autorité des ministres ou les pouvoirs qui
leur sont conférés directement.
Le gouvernement croit également qu'il n'y a pas d'ambiguïté dans l'obligation
de rendre des comptes des sous-ministres. Les sous-ministres relèvent de leur
ministre (et en bout de ligne, au Premier
ministre par l'entremise du greffier
du Conseil privé) pour s'acquitter de leurs responsabilités, comme le
stipule la loi ou les
politiques de gestion approuvées par le
Conseil du Trésor. Même lorsque les hauts fonctionnaires soutiennent l'obligation
de rendre des comptes des ministres en fournissant de l'information
publiquement, comme lorsqu'ils comparaissent devant les comités
parlementaires, ils le font au nom de leur ministre. Ces hauts fonctionnaires
doivent rendre des comptes au Parlement, car ils se doivent de l'informer et
de lui donner des explications. Ils ne relèvent pas directement du Parlement,
ne peuvent mettre en œuvre certaines mesures (ce qui nécessiterait l'approbation
des ministres) ni être assujettis aux conséquences personnelles que les
parlementaires peuvent infliger.
Le gouvernement note également des points précis dans le rapport du Comité
qu'il ne partage pas, où l'on
est en désaccord. Par exemple, le rapport stipule que « personne ne
peut, après qu'un ministre a quitté son portefeuille, être tenu responsable
par le Parlement de ce qui a été fait pendant le mandat de ce ministre »
(page 7, 1e paragraphe). En fait, il revient au ministre en
poste de prendre les mesures correctives nécessaires et de répondre aux
questions. Il ne serait pas logique que le Parlement tienne un ancien ministre
responsable de sa gestion puisque cette personne n'a plus les pouvoirs
nécessaires pour prendre les mesures correctives qui s'imposent. Ce point est
d'autant plus évident lorsqu'un ancien ministre n'est plus au pouvoir,
par exemple à la suite d'élections générales. Par ailleurs, si un ancien
ministre est accusé d'avoir commis un acte illégal, et non de mauvaise
gestion, il risque de devoir faire face aux mêmes actions en justice que n'importe
qui d'autre.
Selon le rapport, « les ministres ont, envers le Parlement, une
obligation de fournir des explications, mais non une obligation réelle de
rendre des comptes, sur les activités des organismes non ministériels et des
autres entités indépendantes exerçant des pouvoirs qui leur ont été
conférés par la loi » (page 7, 3e paragraphe). Il est vrai
que les ministres ne sont pas responsables des questions qui ne sont clairement
pas de leur ressort, mais plutôt tenus de fournir des explications à leur
sujet. Ils n'ont donc pas à rendre de comptes quant aux décisions des
tribunaux ou à la gestion quotidienne des agences
et des sociétés d'État. Cependant, ils doivent en rendre sur les entités
indépendantes qui font partie de leur portefeuille, au niveau systémique. Par
exemple, ils doivent s'assurer que les personnes nommées sont les bonnes, que
la loi cadre et le plan ministériel en place sont ceux qui conviennent le
mieux, que l'organisme a reçu de vastes directives conformes à son mandat et
qu'il respecte ce dernier.
De plus, selon le rapport, « les ministres ont l'obligation de rendre
des comptes sur les actes des fonctionnaires si ces derniers traduisent d'une
façon générale l'orientation du ministère tout comme ils ont également l'obligation
de rendre des comptes sur les mesures prises, et sur celles qui ne l'ont pas
été, pour prévenir des erreurs et des écarts de conduite raisonnablement
prévisibles, mais ils n'ont toutefois pas l'obligation personnelle de
rendre des comptes sur les erreurs et sur les écarts de conduite des
fonctionnaires » (page 8, 2e paragraphe). Ainsi, il assimile à
tort l'obligation de rendre des comptes au blâme. Les ministres doivent
rendre compte de toutes les mesures de leurs fonctionnaires du fait
qu'ils doivent les expliquer et apporter des correctifs au besoin, mais ils
risquent d'être
blâmés
(et de subir des conséquences personnelles)
seulement si la question peut être attribuée à une mesure inappropriée de
leur part ou à leur inaction.
Enfin, le rapport décrit comme étant une « lacune majeure » le
fait que les sous-ministres n'ont pas à rendre de comptes quant aux pouvoirs
qui leur sont confiés par la loi « à la source ultime de ces pouvoirs…
le Parlement du Canada » (page 16, 2e paragraphe). Mais
cet argument n'a aucun fondement dans la loi. Toutefois,
le Parlement crée bien des obligations imposées par la loi, en vertu de
la Loi de l'impôt
sur le revenu, par exemple, mais cela ne permet pas au Parlement de
veiller au respect ou à l'application de la loi. Cette tâche revient à l'autorité
exécutive.
Le gouvernement souhaite également formuler certaines observations
générales sur le modèle d'agent comptable et le système sous-ministériel
qui existe actuellement au Canada. Il note que les responsabilités d'un agent
comptable ressemblent beaucoup à celles qui sont confiées à un sous-ministre
au Canada en vertu de la Loi
sur la gestion des finances publiques et des politiques du Conseil du
Trésor. Un peu comme les agents comptables, les sous-ministres sont
responsables de la régularité et de la probité dans le domaine financier; de
l'économie, de l'efficience et de l'efficacité; ainsi que des systèmes
financiers et de gestion concernant les programmes ministériels et les biens
publics. Les sous-ministres comparaissent régulièrement devant des comités
parlementaires pour fournir des renseignements et des explications sur l'administration
du ministère et des programmes qui relèvent d'eux.
Sans d'autres éclaircissements, le
gouvernement est inquiet au sujet de la recommandation du Comité selon laquelle
les sous-ministres devraient rendre des comptes « devant » ledit
Comité. Il note la distinction qu'établit le Comité entre rendre des
comptes devant le Parlement et en rendre au Parlement.
Si rendre des comptes devant le Parlement signifie rendre compte, selon les
faits, de ce qui s'est passé et fournir des renseignements et des
explications en réponse à des questions devant un comité parlementaire, il
est difficile de voir en quoi cela différerait du système actuel, dans lequel
des sous-ministres ont l'obligation de tenir des explications aux comités
parlementaires.
Le gouvernement est préoccupé aussi par la recommandation selon laquelle il
faudrait adopter une « procédure spéciale » pour documenter et signaler les
cas où des ministres annulent les décisions de sous-ministres, en particulier
s'il fallait le faire dans le cadre de n'importe quelle « désaccord avec
le ministre pour ce qui est de l'administration et du fonctionnement de son
ministère ». Rien actuellement ne permet d'empêcher un sous-ministre de
demander des instructions écrites au ministre dont il relève lorsqu'il juge
que la situation le justifie. Cependant, officialiser systématiquement et
peut-être rendre public tout désaccord sur des questions d'administration ou
de fonctionnement fait courir le risque de miner sérieusement les relations de
travail entre les ministres et les sous-ministres, qui doivent absolument être
bonnes pour que les ministères fonctionnent bien.
La nomination des sous-ministres repose sur les besoins opérationnels et
politiques du gouvernement. La durée du mandat d'un sous-ministre à un poste
ne diminue en rien son obligation de rendre des comptes et sa responsabilité.
Les sous-ministres sont des leaders forts dotés d'une longue expérience et d'une
grande expertise, et ils doivent toujours rendre compte du rendement de leur
ministère, peu importe la durée de leur affectation. Toutefois, le
gouvernement met tout en œuvre pour qu'ils demeurent en poste un certain
nombre d'années pour assurer la stabilité et la continuité au sein de l'organisme.
Un examen des affectations sous-ministérielles qui ont eu lieu ces dix
dernières années a permis de découvrir que les sous-ministres ont resté en
poste presque trois ans et demi en moyenne pendant cette période.
Mis à part l'attention
particulière qui doit être portée au modèle d'agent comptable, bien
que certains éléments du modèle d'agent comptable puissent avoir un certain
mérite, une question fondamentale se pose au Canada, soit la nécessité
de clarifier les attentes relatives à la
responsabilité et à l'obligation de rendre des comptes des
sous-ministres et des ministres. –
aux niveaux ministériel et sous-ministériel. La question à savoir qui
est responsable de quoi, engendrant en partie la proposition d'un modèle d'agent
comptable comme solution, pourrait être résolue par deux projets du
gouvernement qui permettront de clarifier les attentes, d'évaluer le
rendement et d'assumer les conséquences : i) la consolidation et la
simplification de la série de politiques sur la gestion du Conseil du Trésor
et ii) l'élaboration et la mise en œuvre continues du Cadre
de responsabilisation de gestion.
Pour tenir les particuliers responsables de leur rendement lorsqu'ils
assument les responsabilités qui leur sont déléguées, les politiques sur la
gestion du Conseil du Trésor doivent clairement indiquer
les responsabilités de chacun. Le gouvernement simplifie la série de
politiques sur la gestion du Conseil du Trésor – en diminuant le nombre de
politiques et en simplifiant le contenu de chacune des politiques – afin de
porter une attention plus spécifique sur les principes fondamentaux d'une
saine gestion publique de la série de politiques sur la gestion. Le
renouvellement des politiques du Conseil du Trésor est en cours et renforcera
les systèmes essentiels de contrôle et de gestion que les sous-ministres
doivent mettre en place dans leur ministère.
Le Cadre de
responsabilisation de gestion (CRG) a été élaboré en 2003 afin de
décrire les attentes en matière de gestion des sous-ministres en ce qui
concerne les dix vastes aspects de la gestion. Le CRG est actuellement utilisé
de trois façons connexes. Premièrement, il clarifie les attentes en matière
de gestion qui concernent les sous-ministres et les normes sur lesquelles
devraient reposer les pratiques ministérielles. Deuxièmement, le
Secrétariat du Conseil du Trésor utilise le CRG comme un outil essentiel
pour le contrôle et la surveillance des ministères
en menant,
comme la base des
l'évaluations
du rendement en matière de gestion au
sein des ministères et
en s'en servant en
plus d'être utilisé durant des discussions portant
sur des questions en matière de gestion tenues entre le Secrétariat du
Conseil du Trésor et les sous-ministres et des ministères
pour établir les priorités en matière d'amélioration de la gestion.
Troisièmement, on se sert également du CRG pour déterminer les conséquences
du rendement de la gestion où le greffier du Conseil privé se sert de l'évaluation
du rendement ministériel et le CRG, entre autres, pour formuler des
recommandations sur les cotes du rendement des sous-ministres au premier
ministre. Enfin,
à l'avenir, le CRG servira
à rendre compte du
rendement
en matière de gestion pangouvernementale.
En conclusion, ces deux très
importants projets, à eux seuls, feront beaucoup pour
renforcer l'obligation de rendre compte qui soit conforme à l'approche
générale visant à améliorer la gestion du secteur public adoptée par le
gouvernement et qui respecte les traditions et les réalités canadiennes, pour
éviter que des situations similaires à celles des abus des commandites et de
la publicité se reproduisent.
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