Comité sénatorial permanent des banques et du commerce

Rapport du comité

Le jeudi 9 juin 2016

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l’honneur de déposer son

QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé à étudier la teneur des éléments des sections 3, 4, 5, 6 et 10 de la partie 4 du projet de loi C-15, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d’autres mesures, a, conformément à la motion adoptée par le Sénat le 3 mai 2016, examiné ladite teneur du projet de loi et en fait maintenant rapport.

Le comité a tenu deux réunions et a entendu des représentants d’un ministère fédéral et d’autres entités fédérales, ainsi que du secteur des services financiers.

A. Section 3

La section 3 modifie les dispositions de temporisation contenues dans les lois habilitantes des institutions financières du Canada en prorogeant de deux ans, soit au 29 mars 2019, la date fixée par la disposition de temporisation actuelle. Ce projet de modification, qui modifierait la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés d’assurance et la Loi sur les associations coopératives de crédit, permettrait de mener un examen législatif.

Un représentant du ministère des Finances (le Ministère) a dit au comité que les dispositions de temporisation exigent du Parlement qu’il renouvelle les lois habilitantes des institutions financières tous les cinq ans et sont conçues de manière à ce que ces lois soient revues et mises à jour régulièrement. Il a en outre affirmé que la prorogation proposée de la date fixée par la disposition de temporisation actuelle permettrait de mener à terme certaines initiatives en cours concernant des modifications législatives récentes et proposées. Il a aussi précisé que le Ministère n’avait pas officiellement consulté les intervenants du secteur au sujet de la prorogation proposée.

Un autre représentant du Ministère a indiqué que d’autres prorogations à la date fixée par la disposition de temporisation, allant de six mois à un an, avaient été accordées dans le passé, notamment en 1990, 2006 et 2011. Les témoins étaient d’avis qu’une période de cinq ans est généralement considérée comme étant une période de temps appropriée entre les examens des lois habilitantes des institutions financières. Ils ont indiqué que des circonstances extraordinaires, comme les grandes modifications à la réglementation prudentielle pour les institutions financières et l’élection fédérale, ont entraîné le retard de l’examen législatif actuel.

Une représentante du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a fait part au Comité du soutien du BSIF à l’égard des sections 3, 4, 5 et 6 du projet de loi C-15, affirmant que les dispositions proposées renforceraient le cadre réglementaire des institutions financières. En outre, elle a indiqué que la section 3 prévoit suffisamment de temps pour la tenue d’un examen approprié des lois habilitantes des institutions financières.

Des représentants du secteur financier du Canada ont souligné leur désir de consulter le gouvernement fédéral et les parlementaires lors de l’examen à venir des lois habilitantes des institutions financières. Faisant état de l’examen du Groupe de travail sur l’avenir du secteur des services financiers canadien, communément connu sous le nom de Groupe de travail MacKay, l’Association canadienne des coopératives financières a demandé que l’examen à venir soit plus exhaustif que celui mené dans le passé. Elle a aussi laissé entendre qu’il faudrait tenir compte des répercussions de l’application de normes internationales visant les grandes banques aux coopératives financières.

B. Section 4

La section 4 modifie la Loi sur les banques afin de protéger les coopératives de crédit sous réglementation provinciale en voie de devenir des coopératives de crédit fédérales. Le représentant du Ministère a expliqué que la section conférerait au ministre des Finances le pouvoir d’exempter une coopérative de crédit effectuant une telle transition d’une exigence d’entrée procédurale technique dans la mesure où elle se conforme de manière substantielle à la Loi; d’exempter des coopératives de crédit fédérales de certaines exigences procédurales techniques relatives au processus de vote pendant tout au plus trois ans après leur entrée, dans la mesure où elles se conforment de manière substantielle à la Loi; d’offrir une garantie d’emprunt transitoire.

Le représentant a informé le comité que le cadre applicable aux coopératives de crédit fédérales a été conçu en réponse aux demandes des coopératives de crédit sous réglementation provinciale et qu’il se conforme aux objectifs du gouvernement fédéral visant à promouvoir la concurrence au Canada. Il a en outre affirmé que le cadre sera modifié pour la troisième fois. Il a aussi indiqué que les modifications proposées découlent de consultations menées auprès de coopératives de crédit sous réglementation provinciale envisageant de devenir des coopératives de crédit fédérales; celles-ci ont fait savoir qu’elles avaient besoin d’une plus grande certitude en matière de procédures pendant la transition.

Décrivant le pouvoir du ministre des Finances d’exempter une coopérative de crédit des exigences liées au vote pendant les trois premières années suivant sa transition du régime provincial vers le régime fédéral, le représentant a laissé entendre que cette période permettrait à une coopérative de crédit en transition d’ajuster ses pratiques liées au vote, puisque les exigences provinciales et fédérales diffèrent à cet égard.

Le représentant a qualifié la garantie d’emprunt transitoire proposée comme étant un outil de liquidité ou une assurance temporaire, et il a insisté pour dire que la garantie serait offerte aux coopératives de crédit en transition moyennant des frais. Il a expliqué que cette mesure proposée fournirait, par exemple, une assurance à une coopérative de crédit sous réglementation provinciale dans une province garantissant 100 % des dépôts; une telle coopérative de crédit peut craindre les réactions des déposants au changement vers le régime d’assurance-dépôt fédéral, qui ne garantit pas les dépôts à 100 %. L’Association canadienne des coopératives financières a ajouté que les membres d’une coopérative de crédit sous réglementation provinciale en voie de devenir une coopérative de crédit fédérale pourraient faire face à de nouvelles restrictions quant à leur capacité de vendre des assurances dans leurs succursales; cette pratique est autorisée dans plusieurs provinces, mais elle ne l’est pas à l’échelle fédérale.

La représentante du BSIF a précisé que son rôle principal relativement aux futures coopératives de crédit fédérales consiste à effectuer un examen prudentiel des coopératives de crédit sous réglementation provinciale ayant demandé au ministre des Finances de devenir des coopératives de crédit fédérales et de déterminer si elles peuvent satisfaire aux exigences procédurales de la Loi ou si elles ont besoin d’être exemptées de certaines exigences.

C. Section 5

La section 5 modifie la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada et la Loi sur les banques afin de créer un cadre législatif en vue d’un régime de recapitalisation interne pour les banques nationales d’importance systémique et d’apporter les modifications corrélatives au cadre actuel sur la résolution bancaire. Dans l’éventualité peu probable de la faillite d’une banque nationale d’importance systémique, le régime de recapitalisation interne proposé permettrait à la Société d’assurance-dépôts du Canada (SADC) de convertir une partie de la dette de cette banque en actions ordinaires afin de faciliter sa recapitalisation et de lui permettre de demeurer en activité. On appelle parfois ce processus une conversion dans le contexte d’une recapitalisation interne.

En ce qui concerne la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada, le représentant du Ministère a dit que les modifications proposées donneraient à la SADC le pouvoir d’effectuer une conversion dans le contexte d’une recapitalisation interne et amélioreraient les dispositions actuelles liées à la gestion des faillites de banques.

En ce qui concerne la Loi sur les banques, le représentant du Ministère a dit au Comité que les dispositions proposées permettraient au surintendant des institutions financières de désigner les banques auxquelles le régime de recapitalisation interne s’appliquerait à titre de banques d’importance systémique. Ces dernières seraient aussi tenues de conserver un montant prescrit de capital réglementaire, et leur dette serait assujettie à une ordonnance de recapitalisation.

Le représentant a décrit le régime de recapitalisation interne comme étant un outil supplémentaire pour aider les autorités à protéger la stabilité financière du Canada advenant la faillite d’une banque d’importance systémique. Il a souligné que les actionnaires et les créanciers de la banque seraient responsables des pertes et que la conversion de la dette en actions ordinaires ne viserait que les titres d’emprunt à long terme admissibles. Des témoins ont mentionné que la dette admissible à la conversion en actions ordinaires n’est pas précisée dans les dispositions proposées, mais qu’elle sera incluse dans la réglementation à venir. Malgré cela, aucun dépôt ni aucune dette actuelle ne seront admissibles à la conversion. Le représentant a expliqué que le processus de conversion de la dette en actions ordinaires, et la manière dont la valeur de la dette serait convertie en actions seraient aussi précisés dans la réglementation à venir.

Le représentant du Ministère et l’Association des banquiers canadiens ont mentionné que de vastes consultations ont été menées auprès des intervenants avant la rédaction des dispositions proposées sur le régime de recapitalisation interne. Selon eux, si les dispositions sont édictées, le régime de recapitalisation interne du Canada serait conforme aux pratiques exemplaires internationales et aux normes proposées par le Conseil de stabilité financière et adoptées par le G20.

La représentante du BSIF a fait observer qu’en mars 2013, six banques canadiennes ont été désignées comme étant des banques nationales d’importance systémique : la RBC, la Banque Toronto-Dominion, la Banque Scotia, la CIBC, la BMO et la Banque Nationale. Ces banques sont désormais assujetties à des exigences plus élevées en matière de capital, à une plus grande surveillance et à des exigences plus strictes en matière de divulgation. Selon elle, les dispositions proposées exigeraient des banques d’importance systémique qu’elles disposent de suffisamment de titres d’emprunt pouvant être convertis en actions ordinaires aux fins de la recapitalisation interne advenant une faillite. Elle a aussi indiqué que, au titre du régime de recapitalisation interne proposé et en consultation avec d’autres organismes fédéraux et le ministre des Finances, le rôle du BSIF consisterait à établir, à surveiller et à appliquer la capacité minimum des banques nationales d’importance systémique d’absorber les pertes.

Dans son témoignage, un représentant de la Banque du Canada a appuyé les dispositions proposées liées au régime de recapitalisation interne du Canada, affirmant qu’un tel régime renforcerait le système financier du Canada et assurerait la sécurité et la stabilité des marchés financiers nationaux.

D. Section 6

La section 6 remplace le président de la SADC par le premier dirigeant de la SADC à titre de membre du Comité de surveillance des institutions financières. Elle propose aussi des modifications à plusieurs lois afin que l’information obtenue au titre de ces lois puisse être mise à la disposition du premier dirigeant de la SADC au lieu de son président et que le ministre des Finances consulte le premier dirigeant de la SADC, et non son président, avant de formuler des recommandations au gouverneur en conseil.

Lors de leur témoignage, le représentant du Ministère et la représentante du BSIF ont laissé entendre que les membres du Comité de surveillance des institutions financières profiteraient de la participation du premier dirigeant de la SADC au comité compte tenu de son rôle actif dans les activités fondamentales de la SADC, et de ses connaissances à cet égard.

E. Section 10

La section 10 modifie la Loi sur les mesures spéciales d’importation afin d’apporter des modifications à la procédure sur les recours commerciaux relatifs aux partenaires de l’Accord de libre-échange nord-américain. Les modifications proposées prévoient, d’une part, la tenue d’une enquête complète sur les recours commerciaux même si, au stade de la décision provisoire, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) conclut que la marge de dumping est minimale ou que le montant de subvention est minimal et, d’autre part, le lancement des procédures de réexamen relatif à l’expiration deux mois avant la date d’expiration (le cinquième anniversaire) d’une mesure de droits antidumping ou compensateurs.

Un représentant de l’ASFC a expliqué que, dans le cadre des enquêtes sur les recours commerciaux, le rôle de l’Agence consiste à déterminer si les marchandises importées font l’objet d’un dumping ou si elles sont subventionnées et à fixer la marge de dumping ou le montant de subvention de ces marchandises. Selon lui, le rôle du Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) consiste à déterminer si les marchandises ayant fait l’objet d’un dumping ou d’un subventionnement ont causé ou menacent de causer un préjudice matériel à l’industrie canadienne. Le représentant a indiqué que le TCCE et l’ASFC échangent de l’information à certains moments pendant leur enquête respective.

En ce qui concerne la modification proposée à l’égard de la décision suivant laquelle la marge de dumping est minimale ou que le montant de subvention est minimal, ainsi que de l’enquête complète sur les recours commerciaux, le représentant de l’ASFC a informé le comité que, même si les droits provisoires sont généralement applicables après l’étape préliminaire d’une enquête, soit à l’étape finale, aucun droit ne sera évalué sur des marchandises pour lesquelles l’ASFC estime que la marge de dumping est minimale ou que le montant de subvention est minimal. Selon lui, la modification proposée visant la poursuite des enquêtes sur les marchandises pour lesquelles l’ASFC conclut, au stade de la décision provisoire, que la marge de dumping est minimale ou que le montant de subvention est minimal donnera plus de temps aux enquêteurs pour vérifier s’il y a eu un dumping ou un subventionnement avant de conclure leur enquête à l’étape finale.

Selon des témoins, depuis 2004, l’ASFC a conclu à quelques reprises que la marge de dumping ou le montant de subvention était minimal à l’étape de la décision provisoire. Une représentante a soutenu que l’Agence aurait pu, dans ces cas, réaliser une analyse plus approfondie et une vérification de l’information si elle avait disposé de plus de temps. En outre, elle a constaté que la marge de dumping ou le montant de subvention déterminé par l’ASFC à l’étape préliminaire d’une enquête est souvent rajusté à l’étape finale. Selon elle, c’est l’Association canadienne des producteurs d’acier qui a demandé la modification proposée.

En ce qui concerne l’exigence proposée selon laquelle la procédure de réexamen relatif à l’expiration devrait être lancée deux mois avant la date d’expiration (le cinquième anniversaire) d’une mesure de droits antidumping ou compensateurs, le représentant de l’ASFC a affirmé qu’elle donnerait plus de temps à l’ASFC, soit 150 jours au lieu de 120, pour déterminer si l’expiration d’une ordonnance est susceptible de causer la poursuite ou la reprise du dumping ou du subventionnement. Elle a précisé que les droits antidumping et compensateurs ne s’appliquent pas aux services.

Le représentant du Ministère a fait observer que le gouvernement fédéral a lancé des consultations publiques sur un plus vaste ensemble de modifications possibles du mécanisme de recours commerciaux.

ANNEXE – Liste de témoins

Réunion du 2 juin 2016

Jean Bédard, c.r., président intérimaire (Tribunal canadien du commerce extérieur)

Michèle Govier, chef, Règles du commerce international, Direction des finances et échanges internationaux (Ministère des Finances Canada)

Darryl Larson, directeur, Droits antidumping et compensateurs, Produits de consommation, Direction générale des programmes (Agence des services frontaliers du Canada )

Marc-André Pigeon, directeur, Politique du secteur financier (Association canadienne des coopératives financières)

Chris White, vice-président, Relations gouvernementales (Association canadienne des coopératives financières)

Réunion du 19 mai 2016

Judy Cameron, directrice générale, Approbations et précédents (Bureau du surintendant des institutions financières)

Glenn Campbell, directeur, Institutions financières, Direction générale de la politique du secteur financier (Ministère des Finances Canada)

Michèle Govier, chef, Règles du commerce international, Direction des finances et échanges internationaux (Ministère des Finances Canada)

Darren Hannah, vice-président, Finances, risques et politique prudentielle (Association des banquiers canadiens)

Daniel Robinson, chef principal de projet, Direction de la politique du secteur financier (Ministère des Finances Canada)

Steve Thomas, avocat général adjoint, Services à la Haute Direction et Services juridiques (Banque du Canada)

Jeremy Weil, économiste principal, Direction générale de la politique du secteur financier (Ministère des Finances Canada)

Chantal Richer, vice-présidente, Affaires générales, et conseillère générale (Société d’assurance-dépôts du Canada)

Le président,

DAVID TKACHUK