DÉTERMINATION DE LA COMPÉTENCE POUR INSTRUIRE DES AFFAIRES



(Préparé dans le cadre du Programme de formation pour les
membres des tribunaux offert par le Conseil des tribunaux
administratifs canadiens en collaboration avec le Forum des
présidents des tribunaux administratifs fédéraux
5 – 9 novembre 2012)



TABLE DES MATIÈRES

Survol

Développement des tribunaux et organismes administratifs

Définitions

Pouvoir législatif

Pouvoir judiciaire

Tribunaux judiciaires et administratifs

Tribunaux judiciaires

Tribunaux administratifs

Pouvoir exécutif

Qu’est-ce que comprend le pouvoir exécutif?

Nature distincte des tribunaux administratifs

Tribunaux administratifs et primauté du droit

La question de la compétence

Un exemple récent

Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs

El-Helou 2011-TP-01 : Arguments

Motifs de la décision concernant la compétence : aperçu historique de la législation

Motifs de la décision concernant la compétence : statut quasi constitutionnel

Motifs de la décision concernant la compétence : cadre législatif de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles

Motifs de la décision concernant la compétence : examen de la Loi à l’égard du rôle du commissaire et du Tribunal

Interprétation de la Loi

Motifs de la décision concernant la compétence : étendue des pouvoirs et de la compétence du Tribunal

Motifs de la décision concernant la compétence : nature fondamentale du litige

Motifs de la décision concernant la compétence : autres observations

Autres exemples


Survol

  • Rôle des tribunaux au sein de l’appareil gouvernemental.
  • évolution des tribunaux, définitions et place des tribunaux dans le système.
  • Sens du terme « compétence ».
  • Recours à l’interprétation des lois pour déterminer la compétence.
  • Exemples.

Développement des tribunaux et organismes administratifs

  • Fin du 19e siècle et début du 20e siècle : Les tribunaux judiciaires perçoivent les tribunaux administratifs comme autocratiques.
  • Après la Première Guerre mondiale : Les tribunaux administratifs jouent un rôle élargi dans la réglementation de la population canadienne.
  • Après la Deuxième Guerre mondiale : En 1979, plusieurs, voire la majorité des aspects de la vie économique au Canada sont devenus réglementés.
  • Depuis l’an 2000 : Le système réglementaire et les réflexions se multiplient sur le rôle de ces tribunaux.

Définitions

  • Conseils, commissions, commissions d’appel et autres instances administratives créés par le gouvernement pour l’aider à exercer ses responsabilités décisionnelles.
  • Organismes de droit administratif qui ont une fonction spécialisée de prise de décisions et de règlement de différends, de manière indépendante des activités quotidiennes des ministères.

Pouvoir législatif

  • Les membres élus du Parlement exercent la branche législative du pouvoir.
  • Le pouvoir législatif a le pouvoir et la responsabilité d’adopter des lois.
  • Les tribunaux administratifs ne font pas partie du pouvoir législatif, mais…
  • Les tribunaux administratifs sont une création législative.

Pouvoir judiciaire

  • Composé des tribunaux judiciaires.
  • Juge les causes conformément à la loi et en fonction des faits.
  • Chargé de l’administration de la justice en interprétant et en appliquant la loi.
  • Les juges et les tribunaux judiciaires exercent le pouvoir judiciaire, lequel est indépendant des autres branches du pouvoir.
  • Les tribunaux administratifs ne font pas partie du pouvoir judiciaire, mais ils jouent un rôle de premier plan dans le règlement de différends.

Tribunaux judiciaires et administratifs

Tribunaux judiciaires

  • Pouvoir judiciaire.
  • Investis de l’autorité de régir leurs activités en vertu de leur statut de tribunal judiciaire.
  • Utilisent des règles formelles de la preuve dans leurs processus d’audience.
  • Utilisent des processus formels et des règles complexes.
  • Appliquent des procédures qui doivent être suivies, ce qui rend le système des tribunaux judiciaires complexe pour la personne moyenne qui n’a pas d’avocat.

Tribunaux administratifs

  • Pouvoir exécutif.
  • Tirent le pouvoir de régir leurs activités dans leur loi habilitante. Leurs pouvoirs se limitent à ceux qui sont énoncés dans leur loi habilitante ou qui sont raisonnablement nécessaires pour les exercer.
  • Ne sont pas liés par les règles formelles de la preuve utilisées par les tribunaux judiciaires. La preuve doit être pertinente et fiable, conformément aux principes d’équité procédurale.

Pouvoir exécutif

  • Il met en oeuvre et applique toutes les lois adoptées par le pouvoir législatif.
  • Il est exercé par la reine (représentée par le gouverneur général), le Cabinet (un organe composé des membres importants du gouvernement, dont le premier ministre) et l’administration publique.

Qu’est-ce que comprend le pouvoir exécutif?

  • Les ministères, les forces armées, les sociétés d’état et d’autres organismes.
  • Les tribunaux administratifs sont le « résultat d’une loi » et reçoivent leurs compétences exclusivement de cette loi.
  • Les tribunaux, organismes et conseils administratifs font partie du pouvoir exécutif.

Nature distincte des tribunaux administratifs

  • Les tribunaux, conseils et organismes administratifs :
    • doivent maintenir une neutralité totale;
    • sont distincts des ministères et fonctionnent indépendamment (« pare-feu ») de ceux-ci;
    • sont également distincts d’autres instances publiques indépendantes comme les sociétés d’état, les organismes consultatifs en matière de politiques, les conseils communautaires et les organismes subventionnaires.
  • Ils partagent certaines des caractéristiques des tribunaux judiciaires, s’ils ont un rôle quasi judiciaire.
  • On considère souvent qu’ils ont une compétence spécialisée pour interpréter leur loi habilitante. En théorie et en pratique, leurs décisions jouissent d’une certaine déférence.

Tribunaux administratifs et primauté du droit

  • Selon la primauté du droit, la loi représente l’autorité suprême.
  • Personne n’est au-dessus de la loi et la loi s’applique également à tous.
  • Les tribunaux administratifs sont assujettis à la primauté du droit; ils doivent donc respecter le cadre fixé par la loi.
  • Les tribunaux administratifs sont régis par plusieurs sources de droit, notamment :
    • la Constitution du Canada;
    • sa loi habilitante;
    • les règlements connexes à la loi habilitante, le cas échéant;
    • les principes d’interprétation des lois;
    • la jurisprudence (les précédents);
    • les principes de justice et d’équité.

La question de la compétence

  • Loi habilitante
  • Loi d’interprétation
  • Lois constitutionnelles
  • Historique législatif
  • Libellé de la loi dans l’autre langue officielle
  • Titres dans la loi
  • Présomptions dans les lois d’application criminelle ou de réglementation
  • Présomption de non-rétroactivité
  • Présomption d’absence de redondance
  • Présomption de non-insignifiance

Un exemple récent

El-Helou c Service administratif des tribunaux judiciaires 2011-TP-01

Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs

  • Première décision rendue par le Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs (TPFD) sur une question de compétence.
  • Procédure à deux volets pour les plaintes de représailles exercées à la suite de la divulgation d’actes répréhensibles.
  • Demande présentée au TPFD ne reprenant qu’une des allégations initiales du plaignant dans sa plainte au commissaire à l’intégrité du secteur public (le commissaire).
  • Plusieurs parties en cause.

El-Helou 2011-TP-01 : Arguments

Quelques arguments sur la compétence :
  • Statut quasi constitutionnel de la Loi;
  • Le Tribunal est « maître de sa procédure » et possède un pouvoir discrétionnaire pour garantir le caractère équitable et impartial des instances;
  • Nature fondamentale du litige.

Motifs de la décision concernant la compétence : aperçu historique de la législation

  • C-11, C-25, C-2.
  • Représente une approche différente des modèles de réparation traditionnels.
  • Définition élargie de l’acte répréhensible.
  • Création d’un nouveau tribunal administratif spécialisé, indépendant et ayant une expertise.
  • Le cadre fédéral confirme que la Loi n’a été mise en oeuvre qu’au terme d’une analyse et d’une étude minutieuses. Elle était planifiée et n’a pas été adoptée dans l’empressement. Les questions soulevées dans la requête doivent être examinées en tenant compte de ce contexte.

Motifs de la décision concernant la compétence : statut quasi constitutionnel

  • Préambule de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.
  • Article 13 de la Loi d’interprétation :« Le préambule fait partie du texte et en constitue l’exposé des motifs ».
  • Le Tribunal reconnaît qu’il doit jouer son rôle afin de s’assurer que ce nouveau régime législatif ne soit pas « affaibli ». Il faut interpréter la Loi de façon large et libérale, à la lumière de ses objectifs, de son préambule et de sa nature réparatrice.
  • Le statut quasi constitutionnel n’est pas abordé : une interprétation large de la Loi n’empêche pas l’application des règles ordinaires d’interprétation des lois (c’est d’autant plus vrai lorsque le libellé de la loi et l’intention du législateur sont clairs).

Motifs de la décision concernant la compétence : cadre législatif de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles

  • L’intention du Parlement était clairement de prévoir une fonction de gardien.
  • Les dispositions de la Loi confèrent clairement au TPFD la compétence pour statuer sur des plaintes de représailles, mais seulement à la « demande » du commissaire.
  • Le plaignant n’a pas accès directement au TPFD
  • Examen d’autres sources de jurisprudence (dont des modèles similaires comme le Tribunal canadien des droits de la personne).

Motifs de la décision concernant la compétence : examen de la Loi à l’égard du rôle du commissaire et du Tribunal

Examen des décisions que doit prendre le commissaire :
  • La plainte est-elle recevable?
  • Le cas échéant, une enquête est-elle justifiée?
  • Si une enquête est menée, est-ce qu’il y a lieu de présenter une demande au TPFD?
  • Dans l’affirmative, quelle est la portée de la demande au TPFD? (une ou plusieurs allégations, défendeurs individuels, sanctions, etc.)

Interprétation de la Loi

  • Le paragraphe 78 de la décision porte sur l’article 20.4 de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.
  • Le Tribunal fait remarquer que le libellé des versions française et anglaise diffère quelque peu.
  • Il fait référence aux titres ajoutés à la loi pour en faciliter l’interprétation.
  • Les sous-titres dans les deux langues indiquent clairement que le renvoi dans l’article 20.4 a trait au processus de présentation d’une demande.

Motifs de la décision concernant la compétence : étendue des pouvoirs et de la compétence du Tribunal

  • Le Tribunal reconnaît qu’il est maître de sa procédure.
  • La Loi sur les enquêtes accorde au Tribunal de vastes pouvoirs pour décider si des représailles ont été exercées.
  • Les quatre décisions préalables que le commissaire doit prendre sont une expression de son rôle de « gardien ». La Loi sur les enquêtes limite la portée de ces décisions, mais ces dernières sont de nature définitive.
  • Rien dans la Loi n’autorise le réexamen des décisions prises dans le cadre de l’examen préalable. La seule façon de contester les décisions du commissaire est par voie de demande de contrôle judiciaire en Cour fédérale.
  • Les étapes du processus décisionnel du commissaire peuvent ou non aboutir à la présentation d’une demande. Les troisième et quatrième étapes de ce processus peuvent mener à la présentation d’une demande portant sur toutes les allégations de la plainte initiale déposée au Commissariat à l’intégrité du secteur public ou portant sur seulement certaines de ces allégations.

Motifs de la décision concernant la compétence : nature fondamentale du litige

  • Le Tribunal reconnaît les façons subtiles dont des mesures de représailles peuvent être exercées en milieu de travail.
  • Le Tribunal doit respecter l’intention du Parlement.
  • La Loi ne renferme aucune ambiguïté qui permettrait au TPFD d’adopter une approche intégrée faisant en sorte qu’il devienne l’instance de « compétence exclusive ».
  • La Loi établit clairement un processus à deux volets.

Motifs de la décision concernant la compétence : autres observations

  • La protection à toute épreuve des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles est une condition préalable au bon fonctionnement du régime de divulgation. L’établissement de ce régime découle, en partie, de l’importante reconnaissance du fait que, sans protection efficace, les fonctionnaires pourraient être réticents à divulguer des actes répréhensibles. (par. 92)
  • Il est donc possible que la preuve ayant trait à la plainte initiale et à l’ensemble des allégations puisse être examinée à l’audience après avoir été analysée à l’aune de principes juridiques comme la recevabilité, la pertinence et la valeur probante. Toutes les parties se sont entendues à cet égard. Il est cependant trop tôt pour tirer quelque conclusion que ce soit en ce qui concerne la preuve dans la présente requête. (par. 97)

Autres exemples

  • Pouvoirs implicites
  • Bell Canada c Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) [1989] 1 RCS 1722 (Bell Canada)

[…] Les pouvoirs d’un tribunal administratif doivent évidemment être énoncés dans sa loi habilitante, mais ils peuvent également découler implicitement du texte de la loi, de son économie et de son objet. Bien que les tribunaux doivent s’abstenir de trop élargir les pouvoirs de ces organismes de réglementation par législation judiciaire, ils doivent également éviter de les rendre stériles en interprétant les lois habilitantes de façon trop formaliste.