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Des sénateurs exigent la fin de la détention d’enfants immigrants
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Des sénateurs exigent la fin de la détention d’enfants immigrants
21 avril 2017

De gauche à droite : Le 12 avril 2017, le sénateur Victor Oh et la sénatrice Mobina Jaffer ont tenu une forum de discussion sur la détention des enfants immigrants à Ottawa.

Un bébé prononce ses premiers mots dans un établissement de détention, faisant écho au vocabulaire utilisé par des gardiens durant la journée. Un enfant est témoin de l’humiliation de ses parents alors qu’ils sont menottés, emprisonnés et transportés sous ses yeux. Un adolescent, qui fuyait des terres où règnent enlèvements et emprisonnements, fait un long voyage pour sauver sa vie et à son arrivée est immédiatement renvoyé dans une cellule. Une mère, détenue et séparée de ses enfants, a des pensées suicidaires et se dit qu’elle aurait préféré mourir dans son pays.

Ces histoires d’horreur ne proviennent pas d’une zone de guerre de l’autre côté de la planète, elles se passent au Canada. C’est le 12 avril 2017, lors d’un forum de discussion organisé par le sénateur Victor Oh et la sénatrice Mobina Jaffer, que des experts en immigration ont partagé ces histoires troublantes. Le forum de discussion était tenu en collaboration avec le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCHUR) afin d’exiger la fin de la détention des enfants dans les établissements pour immigrants.

« Un seul enfant en détention, c’est déjà trop, » a mentionné le sénateur Oh.

À l’heure actuelle, des enfants sont détenus dans des établissements de détention pour immigrants où ils sont séparés de leurs parents, sans que les autorités ne se questionnent sur l’impact que cela aurait sur les enfants. Entre 2015 et 2016, au moins 200 mineurs étaient hébergés dans des établissements de détention pour immigrants et ce, pour une durée moyenne de deux semaines. Plus des trois quarts d’entre eux avaient moins de six ans. Ces enfants sont détenus pour des raisons administratives plutôt que criminelles, entre autres parce qu’ils sont incapables de prouver leur identité ou encore parce qu’il est peu probable qu’ils comparaissent afin de procéder à un examen qui réglerait leur statut d’immigrant.

« Même une courte période derrière des barreaux peut avoir des répercussions permanentes sur un enfant, » a ajouté le sénateur Oh. Ce dernier a récemment visité le Centre de surveillance de l'immigration de Toronto, où il a pu constater les conditions dans lesquelles les enfants étaient détenus. Il a également eu la chance de discuter avec deux enfants qui ont été détenus et ceux-ci lui ont expliqué comment cette expérience avait été stressante et traumatisante pour eux. 

Les participants au forum de discussion provenaient de divers milieux. De gauche à droite : Hanna Gros du programme des droits internationaux de la personne de l’Université de Toronto, Dre Rachel Kronick, Ph. D. du Centre de développement de l’enfance et de la santé mentale de Montréal,  Bryan Shone de la Société d’aide à l’enfance de Peel, Anne Woolger du refuge Matthew House de Toronto et Marian Shermarke du Centre de santé et de services sociaux de la Montagne.

« Qu’ont fait ces enfants pour être privés de leur liberté ? La plupart d’entre nous s’entendent pour dire que les enfants ne devraient pas être punis pour les actions de leurs parents. » 

Le sénateur Oh a comparé l’établissement à une prison malgré les efforts des autorités pour créer des espaces de jeu pour les enfants. D’ailleurs, même avec des investissements supplémentaires de 138 millions de $ par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) pour améliorer les conditions des immigrants détenus, seulement 3 % des fonds sont destinés à trouver des solutions alternatives à la détention. Une grande partie des investissements sont consacrés à l’amélioration des services de santé, mais cela ne tient pas compte du fait que la détention est souvent la cause d’une détérioration de la santé. Les symptômes observés chez les enfants détenus comprennent le mutisme, les problèmes de sommeil, le refus de s’alimenter et les reconstitutions d’événements traumatisants.

Pour être à la hauteur de sa réputation de champion des droits de la personne dans le monde, le Canada doit entreprendre une profonde introspection ou un changement de paradigme. Les Canadiens devraient se demander : comment devrions‑nous traiter les non-citoyens, particulièrement les enfants ?  Comment les frontières peuvent-elles être protégées de façon plus humaine, spécialement dans le cadre de la crise des réfugiés qui est toujours en cours ? Une chose est sûre : le moment est venu de laisser tomber la détention comme outil par défaut.

« Nous ne pouvons plus affirmer que nous accueillons les réfugiés et continuer à détenir les enfants, » a déclaré la sénatrice Jaffer. 

« Si nous voulons pouvoir vanter notre accueil des réfugiés, nous devons d’abord mettre fin à la détention d’enfants par nos agents de l’immigration. »

Au cœur de toute solution se trouve la promotion de ce que Rana Khan, participante au forum de discussion et juriste pour le HCHUR, appelle « l’éthique des soins et non l’application des lois qui guide l’ensemble des interactions avec les enfants qui font demande d’asile et les enfants migrants. » Madame Khan a déclaré qu’une « évaluation en fonction du meilleur intérêt de l’enfant » devait être effectuée avant que toute décision de détenir un enfant ne soit prise. Cependant, un tel processus n’existe pas à l’heure actuelle.

Les membres du forum de discussion ont convenu que le Canada doit identifier et adopter de meilleures pratiques telles qu’augmenter la formation des agents de l’ASFC en santé mentale et en sensibilisation culturelle. De plus, ceux-ci ont souligné la nécessité de développer des solutions de soins alternatives à la détention telles que trouver une famille d’accueil dans la communauté d’origine d’un enfant qui serait séparé de ses parents.

Bien que ces changements puissent être effectués facilement avec le soutien du gouvernement fédéral et de l’ASFC, un vaste engagement est également nécessaire de la part de différents intervenants, que ce soit des professionnels de la santé ou des experts du domaine de l’éducation.

Comme l’a déclaré Marian Shermarke du Centre de santé et de services sociaux de la Montagne : si nous pouvons envoyer des gens sur la Lune, nous pouvons sortir ces enfants de prison.

La sénatrice Jaffer remet en question la perception selon laquelle le Canada peut tracer un bilan positif en ce qui a trait aux réfugiés, rappelant que de nombreux enfants réfugiés se retrouvent dans des établissements de détention.

Le sénateur Oh a déclaré que des efforts considérables doivent être déployés pour trouver des solutions alternatives à la détention et ce, dans le meilleur intérêt de l’enfant. Jean-Nicholas Beuze et Rana Khan du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés écoutent le discours du sénateur.