Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international

Rapport du comité

Le jeudi 11 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a l’honneur de présenter son

ONZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-30, Loi portant mise en oeuvre de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne et ses États membres et comportant d’autres mesures, a, conformément à l’ordre de renvoi du mardi 7 mars 2017, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

A. RAYNELL ANDREYCHUK

Observations sur le onzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (Projet de loi C-30)

Compte tenu des témoignages entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (« le comité ») pendant l’étude du projet de loi C-30, ainsi que du rapport du comité intitulé Les accords de libre-échange : Un levier de prospérité économique, déposé le 7 février 2017, le comité présente les neuf observations suivantes à l’attention du gouvernement du Canada :

1.  Une stratégie de mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global (AECG) devrait être élaborée et rendue publique. Cette stratégie devrait s’appuyer sur des consultations inclusives auprès des parties concernées, cerner les mesures fédérales destinées à aider les entreprises canadiennes à maximiser les retombées de l’AECG, et veiller à ce que les ministères et organismes fédéraux qui offrent des services de promotion du commerce soient prêts à appuyer les entreprises canadiennes dès l’entrée en vigueur de l’AECG. La stratégie de mise en œuvre de l’AECG devrait aussi identifier les mesures fédérales visant à atténuer les effets potentiellement négatifs de l’Accord, notamment les programmes d’ajustement pour les travailleurs, les secteurs et les régions du Canada qui subiraient ces effets.

2.  Le degré de transparence de la politique gouvernementale concernant l’AECG et d’autres accords de libre-échange (ALE) globaux, qui comportent notamment des engagements portant sur un nombre croissant de domaines liés au commerce, devrait être amélioré. Mener des consultations plus étendues et plus inclusives avant, pendant et après les négociations pourrait améliorer la qualité de l’information sur les intérêts commerciaux et économiques en jeu dont tiennent compte les négociateurs, en plus d’accroître la confiance des parties intéressées et de la population canadienne à l’égard du processus et du produit final.

3.  Le gouvernement du Canada devrait veiller à ce que les membres du milieu des affaires et d’autres parties intéressées touchés par les modifications réglementaires requises signalées dans le projet de loi C-30 (par exemple, en ce qui a trait à la propriété intellectuelle) soient consultés de manière transparente et inclusive sur les détails des modifications en question. Une ébauche des modifications réglementaires devrait faire l’objet d’une publication préalable dans la Gazette du Canada afin de donner aux parties intéressées la possibilité d’évaluer si les modifications proposées tiennent compte des consultations antérieures.

4.  Le comité transmet les préoccupations exprimées par des témoins à propos des ententes de non-divulgation et de la transparence du processus de consultation, particulièrement en ce qui a trait à la propriété intellectuelle. Selon des témoignages entendus par le comité, le recours à des ententes de non-divulgation par le gouvernement du Canada limite la capacité des groupes d’intervenants de participer pleinement au processus en les empêchant de se coordonner avec leurs membres. En plus de restreindre les observations sur d’éventuelles modifications à la réglementation, les ententes de non-divulgation font en sorte qu’il est pratiquement impossible pour les personnes visées par ces changements de s’y préparer, simplement parce qu’elles ne peuvent pas en connaître la nature. Bien que le comité reconnaisse la nécessité de protéger la confidentialité de certains renseignements lorsque cela est nécessaire, il recommande néanmoins l’instauration d’un processus de consultation publique plus transparent pour les futurs accords commerciaux.

5.  Les parlementaires et les comités parlementaires ont besoin de suffisamment de temps pour étudier les mesures législatives de mise en œuvre des ALE, comme celles-ci sont vastes, complexes et techniques. Pendant la négociation des ALE, les comités pertinents devraient aussi recevoir régulièrement des renseignements et des séances d’information sur l’avancement des travaux afin de faciliter l’étude des projets de loi de mise en œuvre d’ALE, tels que le projet de loi C-30.

6.  Le gouvernement du Canada devrait évaluer les effets de l’AECG et d’autres ALE, et en faire publiquement rapport, dans le cadre des engagements du gouvernement fédéral quant à la mise en œuvre et à la surveillance de ces accords. Ceux-ci s’ajoutent aux rapports qui devraient être préparés avant la ratification d’un accord de libre-échange afin d’en faire connaître les effets attendus, entre autres, sur l’économie, le marché du travail et l’environnement, ainsi que du point de vue social.

7.  Des témoins ont dit craindre que le projet de loi C-30 place certains secteurs de l’économie canadienne dans une situation désavantageuse par rapport à leurs concurrents de l’Union européenne. Le gouvernement du Canada devrait tenir dûment compte des préoccupations et des recommandations présentées au comité durant son examen du projet de loi C-30. Mentionnons celles des intervenants canadiens impliqués dans les activités maritimes de nature commerciale en eaux canadiennes, qui ont affirmé que les modifications apportées à la Loi sur le cabotage pourraient favoriser injustement les sociétés européennes exerçant des activités au Canada, incluant leurs navires battant pavillon de complaisance, au détriment des sociétés canadiennes. Par exemple, pour veiller à ce que les normes applicables aux navires canadiens s’appliquent aussi aux navires étrangers qui exercent leurs activités en eaux canadiennes, il a été suggéré qu’un seul ministère ou organisme soit responsable de superviser le respect et la mise en application de toutes les lois et tous les règlements régissant les navires qui exercent leurs activités au Canada. Ces préoccupations portent également sur le manque de réciprocité des concessions accordées aux sociétés européennes, ce qui signifie que les sociétés canadiennes ne bénéficieront pas d’un accès équivalent aux marchés européens. Par conséquent, le comité recommande que le gouvernement du Canada négocie une disposition compensatoire pour remédier à cet enjeu ou qu’il mette en œuvre d’autres mesures appropriées.

8.  L’obligation de longue date imposée aux citoyens bulgares et roumains de présenter une demande de visa avant de se rendre au Canada a été levée pour assurer l’appui de leur gouvernement respectif à l’AECG, et non parce que de véritables progrès ont été réalisés en ce qui concerne, par exemple, le taux de refus de visa et les violations des règles d’immigration par les voyageurs de ces pays. Le comité recommande que le gouvernement du Canada adopte pour la Bulgarie et la Roumanie une approche semblable à celle qu’il a appliquée pour les citoyens mexicains. Lorsque l’obligation imposée aux Mexicains de présenter une demande de visa a été abolie en 2016, le gouvernement du Canada s’est réservé le droit de la rétablir si le nombre d’infractions dépasse un seuil déterminé. Le Canada n’a pas imposé ce genre d’exigence à la Roumanie et à la Bulgarie, mais le comité recommande que le gouvernement du Canada informe ces pays du nombre de violations qui entraînerait automatiquement le rétablissement de l’obligation de présenter une demande de visa. Il incomberait ainsi à ces pays d’empêcher qu’une telle situation se produise.

9.  Le gouvernement du Canada devrait poursuivre les travaux en vue de rendre la répartition des retombées des accords commerciaux plus équitable parmi les Canadiens. Le comité est parfaitement conscient qu’il a étudié le projet de loi C-30 dans un climat d’inquiétude croissante par rapport au commerce international, notamment en raison d’une augmentation possible des mesures protectionnistes, et de mécontentement quant à la répartition des retombées des accords de libre-échange. Il souligne que l’AECG est un modèle d’ALE plus progressiste et que son entrée en vigueur illustre clairement l’engagement du Canada à faire preuve d’ouverture en matière de commerce et d’investissement.