Flux de travail en mode fichier - Phase II

Comme nous l’avions démontré dans un numéro précédent de SYNC[1], le projet que mènent les Services français et les Services anglais de CBC/Radio-Canada sur le travail en mode fichier se démarque par sa portée et son importance. En raison de l’ampleur et de l’impact énormes de ce projet sur la façon dont la Société produit ses émissions pour les Canadiens, il est tout indiqué de revenir sur le sujet et de rendre compte des défis que nous avons dû relever en cours de route, ainsi que des solutions que les Services français et les Services anglais ont réussi à mettre en œuvre en collaborant et en travaillant en synchronisme.

Cet article a pour but de vous donner un aperçu du travail effectué ces derniers mois dans le cadre de la mise en œuvre de ce nouvel environnement de travail en mode fichier, des progrès qui ont été faits pour préciser les rôles et les responsabilités pour la gestion des médias au sein de la Société, des processus servant à établir l’organisation du travail en mode fichier, ainsi que ceux devant servir sur la future plateforme média de CBC/Radio-Canada et, finalement, du travail requis pour préparer le déploiement de notre solution de gestion des actifs médias.

Progression de l’environnement de travail en mode fichier

Au cours des derniers mois, il est devenu évident que la progression du travail en mode fichier à CBC/Radio-Canada se poursuit sur deux plans distincts : mise en œuvre des nouvelles solutions technologiques et peaufinage de l’organisation du travail en mode fichier.

Sur le plan technologique, les derniers mois ont été consacrés à centraliser et à déployer les systèmes de production vidéo numérique EVS[2] dans nos studios et à réaliser leur transition complète en mode EVS pour ainsi en finir avec les rubans. Outre ce travail, le lien permettant d’effectuer le transfert direct des fichiers, des studios vers la postproduction, a été mis en place grâce à l’ajout d’une solution de stockage de proximité[3].

L’adoption d’un système de stockage de proximité a été déterminante pour les activités quotidiennes de production, puisqu’un tel système permet aux équipes de production d’être plus efficaces lorsqu’elles utilisent des serveurs en ligne plus onéreux. Par exemple, une émission comme Dragons’ Den[4], diffusée par les Services anglais, est tournée sur une période de six semaines, ce qui représente environ 1 100 heures de contenu. Comme on peut l’imaginer, il n’est pas nécessairement souhaitable que tout ce contenu soit mis en ligne en raison des frais qu’occasionnerait le stockage d’un tel volume d’images pour une seule série. Toutefois, le système de stockage de proximité permet d’y placer ce contenu et d’y accéder au besoin. La nouvelle solution de montage permet aux réalisateurs de travailler avec des versions à baisse résolution, de sorte que ces fichiers peuvent être placés dans le système de stockage en ligne onéreux à un coût minime en raison de leur petite taille. Une fois le montage terminé, le contenu à haute résolution peut être retiré du stockage de proximité pour y appliquer les changements apportés au contenu à baisse résolution. Ainsi, le contenu monté peut alors être transmis à la mise en ondes ou n’importe où ailleurs.

Néanmoins, le principal développement à survenir ces derniers mois a été l’adoption, à l’échelle de la Société, de la famille d’outils de production Avid Interplay[5], incluant la suite d’outils de production média basés sur le Web et les appareils mobiles Interplay Central[6]. Cette solution plus conviviale vient remplacer les anciennes suites de montage. Ainsi, un réalisateur peut dorénavant accéder au contenu sur lequel son équipe travaille simplement en ouvrant une session à partir de n’importe quel ordinateur, pourvu qu’il ait l’autorisation de le faire. Aucun logiciel spécial autre qu’un fureteur n’est requis. Il n’est pas nécessaire non plus d’avoir accès à un ordinateur, puisque le contenu peut être vu à partir d’une tablette ou d’un autre appareil intelligent. L’interface utilisateur d’Interplay Central est à peine plus complexe que celle de YouTube : l’utilisateur n’a besoin que d’une courte formation pour apprendre, entre autres, à inscrire ses commentaires ou comment placer des repères sur le contenu visionné. Outre le fait que son utilisation soit remarquablement facile, cette technologie a été très bien acceptée par le personnel concerné. Avec le passage de CBC/Radio-Canada à Google Apps, Interplay Central s’inscrit tout à fait dans cette initiative nationale[7], puisque cet outil fonctionne avec Google Chrome.

Également, à la suite de changements radicaux, l’archivage en profondeur du contenu se fait dorénavant de manière identique dans les Services français et les Services anglais grâce à une solution fournie par Front Porch Digital[8].

Gestion des médias

Dans un avenir rapproché, tous les changements qui ont été mis en œuvre permettront de partager très facilement du contenu entre les Services français et les Services anglais. Une fois l’aspect technologique de la solution adoptée, le défi a consisté à figurer comment gérer tout ce contenu média, lequel peut maintenant être créé, monté, stocké et diffusé plus facilement que jamais. La gestion des médias ne se limite pas à relier quelques serveurs ensemble et à informer quelqu’un qu’un fichier lui est transmis. Il importe de pouvoir répondre à une série de questions différentes pour chaque contenu. Par exemple :

  • Qui envoie quoi et à qui?
  • Quand l’envoi aura-t-il lieu?
  • L’envoi est-il complet?
  • Qui s’occupe du contrôle de la qualité (CQ)?
  • Quels sont les besoins d’archivage?

En fait, la gestion des médias tourne autour de questions qui concernent le cycle de vie du contenu et la redéfinition de l’organisation du travail nécessaire pour permettre une utilisation maximale du contenu sur la plateforme média actuellement construite à CBC/Radio-Canada.

Élaboration et redéfinition des flux de travail

Dans une entreprise de la taille de CBC/Radio-Canada, l’élaboration et la redéfinition de l’organisation du travail sur telle échelle s’accompagnent de défis importants en matière de gestion du changement. Toutefois, pour une question d’efficacité et en raison de la nécessité de développer une organisation du travail pratiquement identique au sein des Services français et des Services anglais pour tirer le meilleur parti de notre nouvelle plateforme média, un niveau sans précédent de collaboration et d’échange d’informations entre ces deux services, ainsi qu’avec d’autres partenaires, comme les Services Internet, a été nécessaire et a impliqué diverses personnes de différents niveaux dans l’ensemble de la Société.

Le travail consistait à faire passer CBC/Radio-Canada d’un contexte où une phalange de personnes transportaient des rubans d’un endroit à l’autre et suivaient les instructions d’un plus petit nombre de personnes – lesquelles dirigeaient en fait la circulation – à un nouvel environnement. Le défi était aussi de trouver en même temps la façon de gérer le changement. Ainsi, on a donc pris le temps d’organiser dans une perspective différente le déroulement actuel du travail lié au contenu, en établissant précisément les responsabilités de chacun et ce qu’elles devraient être dans le cadre du passage d’un monde de contenu matériel à une nouvelle réalité virtuelle caractérisée par de nouveaux besoins, des responsabilités de travail différentes et moins d’intervention humaine directe. L’objectif était d’organiser nos méthodes de travail actuelles et à venir afin de permettre à CBC/Radio-Canada de faire des gains rapides, tant sur le plan de la productivité que du rendement du capital investi (RCI).

Pour notre part, nous avons été inspirés par le niveau de collaboration entre les Services français et les Services anglais, lorsqu’est venu le temps d’analyser la façon d’utiliser les solutions technologiques, ainsi que par les défis qui ont été relevés et les solutions trouvées pour les surmonter. Par exemple, nous avons eu droit récemment à un exposé qui analysait le niveau de trafic quotidien entre les différentes sections du système. Le fait d’avoir accès à ce type d’analyse en profondeur a permis de localiser avec précision et d’autant plus facilement les goulots d’étranglement. Aussi récemment qu’il y a dix ans, un tel niveau de coopération entre les Services français et les Services anglais n’aurait jamais été vu et encore moins envisagé; tous auraient peiné avec les mêmes problèmes, mais sans communiquer entre eux. Nous sommes maintenant dans la situation contraire, ce qui rend la vie de tous beaucoup plus facile, tout en améliorant la productivité et l’efficacité de la Société.

L’objectif ultime de ce processus d’élaboration et de redéfinition de l’organisation du travail est de s’assurer que, dans un avenir rapproché, tout contenu saisi dans les systèmes des Services français et des Services anglais sera pris en charge pour être distribué sur toutes les plateformes, dès le début du processus, et que les besoins en métadonnées seront établis en conséquence, pour la plus grande efficacité et souplesse possible. À l’heure actuelle, la Société établit ses critères avec l’aide de spécialistes de la logistique afin que CBC/Radio-Canada soit en mesure de saisir le contenu sous sa forme brute et de le spécialiser dès le départ pour le livrer de manière automatique et personnalisée sur de multiples plateformes, sans intervention humaine directe. Ce travail se fera dans le courant de l’année à venir. En définitive, il importe peu qu’une organisation produise des émissions de télévision ou qu’elle fabrique des autobus : tout repose sur sa capacité de planifier les options de distribution dès le début du processus et de s’assurer que les métadonnées sont fournies avec chaque unité afin de ne pas avoir à renouveler le plan chaque fois. C’est ce que plusieurs personnes au sein de l’organisation cherchent à faire – et même de déterminer la terminologie des divers éléments – afin de s’assurer que chaque étape n’est exécutée qu’une seule fois et que les émissions sont réalisées de telle façon qu’elles peuvent être distribuées sur diverses plateformes. Les besoins de Netflix peuvent être totalement différents de ceux d’iTunes. Il n’y a donc aucun gain d’efficacité à faire les choses deux fois.

Une fois que les changements organisationnels seront terminés, CBC/Radio-Canada sera en mesure de mettre en œuvre une solution complète de gestion des actifs médias (en anglais : « Media Asset Management », soit MAM).

Préparation pour la mise en œuvre de la gestion des actifs médias

Pour les non-initiés, une solution de gestion des actifs médias est un moteur de recherche chapeautant une plateforme média numérique complète, qui regroupe toutes les autres solutions technologiques pour en faire une expérience utilisateur à la fois simple, cohérente et intégrée. Le contenu peut ainsi être utilisé facilement dans l’ensemble de la Société par quiconque ait les autorisations appropriées et qui soit équipé des métadonnées lui permettant de trouver le contenu dans ses propres productions.

La mise en œuvre de la gestion des actifs médias entraînera l’élimination des derniers « îlots » dans les processus de la production, de la mise en ondes et de l’archivage. Ainsi, un utilisateur qui se trouve à Vancouver et qui sait qu’une nouvelle émission est produite à Moncton pourra accéder à son contenu sans avoir à communiquer avec qui que ce soit à Moncton. L’utilisateur pourra utiliser la gestion des actifs médias, entrer une description de ce qu’il cherche et le système le récupérera pour lui sur le serveur pertinent pour ensuite l’importer à Vancouver.

Autre exemple de scénario démontrant toutes les capacités de la gestion des actifs médias : cette solution sera très utile à CBC/Radio-Canada pendant les prochains Jeux olympiques, puisqu’un peu partout au pays, les établissements de CBC/Radio-Canada réaliseront des portraits des athlètes canadiens, héros locaux dans leur région. Cela créera une situation où le contenu (interviews, interviews non montées, images de tournage, etc.) sera stocké un peu partout au pays. Si un réalisateur fait un reportage sur un athlète de Regina, dont la mère vit à Halifax, le fait que le contenu soit à deux endroits différents n’aura aucun impact, puisqu’il sera entièrement accessible de partout. Il sera également facile à monter et à « distribuer » partout au Canada, grâce à notre principal réseau de données, le réseau convergent de nouvelle génération (RCNG)[9]. Avec la gestion des actifs médias, l’utilisateur n’aura qu’à taper le nom de l’athlète pour savoir qu’il y a des images à Regina, à Halifax, à Toronto ou ailleurs. Le système le récupérera pour l’utilisateur.

La gestion des actifs médias est un outil organisationnel et de recherche très puissant qui sera mis en œuvre dans la dernière phase de l’adoption du travail en mode fichier. Une équipe multidisciplinaire de CBC/Radio-Canada travaille actuellement à la sélection de la meilleure solution pour les besoins de la Société.

Conclusion

Comme mentionné plus tôt, CBC/Radio-Canada est déterminée à adopter le travail en mode fichier pour l’ensemble des activités de ses services de télévision, de radio et numériques, et ce, dans le but d’accroître son efficacité économique, de rendre accessible son contenu sur une variété de plateformes et de simplifier sa distribution et son archivage. Ce processus ne saurait aboutir sans l’engagement pris par les Services français et les Services anglais de travailler en synchronisme, ainsi qu’avec d’autres services, pour étendre l’environnement de travail en mode fichier, redéfinir l’organisation du travail et les opérations de gestion des médias, et préparer le terrain pour la future solution de gestion des actifs médias de CBC/Radio-Canada.

En cette période de restrictions budgétaires, la Société est consciente que ses ressources financières sont plus que jamais réduites, mais l’accès à des technologies plus démocratiques et conviviales nous permet d’en faire davantage avec moins, selon les mêmes critères de qualité auxquels les contribuables canadiens ont été habitués de la part de leur radiodiffuseur public national[10]. En tant qu’organisation, CBC/Radio-Canada en est rendue au point où elle est davantage intéressée à investir dans les personnes et dans la créativité, que dans la technologie en raison de l’importance de ces mêmes personnes et des compétences générales dans le cycle de vie du contenu.

Tout cela permet de réaliser des économies de coûts substantielles à tous les niveaux, que ce soit sur le plan de l’adoption de nouveaux outils, d’une meilleure allocation des ressources et de la formation, ainsi que d’une infrastructure moins onéreuse. Pour que ce processus réussisse, il est essentiel de pouvoir compter sur un investissement important. Il s’agit toutefois d’un coût unique qui est amorti comme tout autre coût d’infrastructure. CBC/Radio-Canada n’est plus en mesure d’acheter des systèmes extrêmement coûteux qui risquent d’être obsolètes en l’espace de trois ans. Bienvenue dans une réalité nouvelle.


[3] http://en.wikipedia.org/wiki/Nearline_storage (page Web disponible uniquement en anglais)

[4] http://www.cbc.ca/dragonsden/ (page Web disponible uniquement en anglais)

[5] http://www.avid.com/US/products/family/Interplay (page Web disponible uniquement en anglais)

[6] http://www.avid.com/US/products/Avid-Interplay-Central (page Web disponible uniquement en anglais)

[7] Pour plus d’informations sur cette initiative, consultez l’article Du courriel à la collaboration dans notre numéro précédent.

[8] http://www.fpdigital.com/default.aspx (page Web disponible uniquement en anglais)

[9] Pour plus d’informations concernant le RCNG, veuillez consulter notre premier numéro.

[10] Veuillez conbsulter l’article sur Dejero à CBC/Radio-Canada pour plus d’informations à ce sujet.

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