Radio-Canada Est du Québec

Ces dernières années, une série de nouvelles initiatives technologiques ont été mises en œuvre sous l'égide du Conseil stratégique des technologies (CST) de CBC/Radio-Canada, afin de munir la Société des outils nécessaires pour rehausser considérablement la qualité et la pertinence de sa couverture des nouvelles locales[1] et de sa programmation, en particulier dans les régions éloignées de ses grands centres de production.

Parmi ces initiatives technologiques figure le Réseau convergent de nouvelle génération (RCNG) de CBC/Radio-Canada [2]. Nous exposerons dans le présent article comment le RCNG, le travail en mode fichiers[3] et d'autres outils révolutionnaires ont permis à la Société de relier ses stations de télévision et de radio régionales dans l'Est du Québec et de centraliser la collecte de l'information et les activités de production locale dans le contexte de Radio-Canada Est du Québec.

Le défi

Figure 1 – Stations et bureaux journalistiques de CBC/Radio-Canada dans l'Est du Québec

Comme dans bien des cas, l'étalement géographique qui caractérise le Canada et la distance représentent un défi particulier, surtout lorsqu'il s'agit d'améliorer la couverture des nouvelles locales et la programmation dans les régions éloignées de manière efficace et économique. Dans le cas présent, les défis étaient nombreux : nous voulions établir dans l'Est du Québec les installations de production nécessaires pour gérer le contenu créé dans un groupe de stations régionales, fournir à ces stations un centre d'archivage du contenu qu'elles créent ainsi que les outils nécessaires pour diffuser ce contenu, y accéder et le post-produire immédiatement, et enfin, entre autres possibilités de programmation et de production de contenu, permettre de produire l'intégrité des bulletins locaux dans l'Est du Québec et non plus à Québec, où se trouvait le centre le plus proche muni des installations appropriées pour accomplir cette tâche.

Radio-Canada Est du Québec réunit l'ensemble des stations et des bureaux journalistiques dans l'Est du Québec autour d'une infrastructure commune, une remarquable réussite compte tenu de la situation géographique des bureaux journalistiques de Baie-Comeau (à 92 km de Rimouski), de Carleton-sur-Mer (à 176 km de Rimouski) et de Gaspé (à 300 km de Rimouski), ainsi que des stations de Matane (à 86 km de Rimouski), de Rimouski (à 273 km de Québec) et de Sept-Îles (à 250 km de Rimouski).

Avec les anciennes infrastructures et les anciens processus de la Société, les échéances et la distance rendaient soit impossible, soit extrêmement coûteuse la livraison du matériel de ces stations à temps pour le bulletin de nouvelles locales produit chaque soir à Québec, puisque le transfert du contenu exigeait la location d'une liaison satellite en plus d'une série d'appels téléphoniques afin de coordonner les opérations avec la station de Québec et de s'assurer qu'une personne était disponible pour recevoir et enregistrer le signal satellite. Dans le cas du contenu moins prioritaire, la méthode la plus économique consistait à envoyer une vidéocassette par autobus à Québec; le contenu était alors livré à la merci de divers facteurs externes tels que les conditions météorologiques, l'heure à laquelle la nouvelle était annoncée et d'autres facteurs plus banaux comme la circulation routière ou l'horaire d'autobus. Évidemment, ces conditions causaient de sérieux problèmes dans le cas du contenu d'information urgente. Pour ajouter à la confusion inhérente à ces anciennes méthodes, CBC/Radio-Canada louait des liaisons vidéo unidirectionnelles de Carleton-sur-Mer et de Gaspé à Matane, et de Baie-Comeau à Sept-Îles, qui permettaient à ces stations d'envoyer du contenu à Québec, mais pas d'en recevoir; par conséquent, le transfert de contenu à partir de Québec était assuré au moyen du transport de cassettes d'une ville à l'autre.

La solution

La création du RCNG de CBC/Radio-Canada est essentiellement motivée par le besoin d'avoir un accès immédiat au contenu créé par les journalistes et les équipes de production et de le distribuer facilement dans l'ensemble de la Société, même dans les régions les plus éloignées. Le RCNG reliant les établissements cités plus haut a rendu possible la production quotidienne de bulletins de nouvelles télévisés par la Maison de Radio-Canada de l'Est du Québec.

Figure 2 – Maison de Radio-Canada Est du Québec, à Rimouski

Nous avons choisi de centraliser toutes les productions à Rimouski, suivant l'exemple des stations de Trois-Rivières, de Sherbrooke et de Saguenay. Les trois équipes de caméramans basées à Rimouski et les neuf autres équipes constituées dans les autres villes du réseau de l'Est du Québec assurent une couverture étendue dans l'ensemble de la région. Le serveur de fichiers de production du réseau peut être situé à Rimouski, mais la majeure partie des activités d'acquisition et de production du contenu a lieu à l'extérieur (dans d'autres villes).

Infrastructure et flux de travail

En ce qui concerne l'infrastructure, la plupart des stations et des bureaux journalistiques disposent d'outils et de ressources plutôt limités : une salle de montage (seulement à Matane et à Sept-Îles), un petit plateau pour les interventions en direct à l'antenne et un certain nombre de caméramans et de vidéojournalistes. Les vidéojournalistes qui travaillent dans de petits établissements ont été formés pour travailler de façon tout à fait autonome : ils filment, montent et rédigent les commentaires qui accompagnent leurs reportages avec pour seuls outils un ordinateur MacBook Pro et une caméra vidéo haute définition (HD) de Sony, à l'instar des correspondants à l'étranger de CBC/Radio-Canada ou des journalistes de Radio-Canada Rive-Nord et de Radio-Canada Rive-Sud, dans la région de Montréal.

Figure 3 – Flux de travail d'un vidéojournaliste téléchargeant du contenu vers le serveur Avid à Rimouski par l'intermédiaire du RCNG

Figure 4 – Flux de travail d'un caméraman-monteur téléchargeant du contenu vers le serveur Avid à Rimouski par l'intermédiaire du RCNG

Ce qui distingue Radio-Canada Est du Québec du reste de la Société, c'est son flux de travail entièrement en mode fichiers, un nouveau virage amorcé par CBC/Radio-Canada ces dernières années. Désormais, les seules bandes utilisées dans le processus proviennent des archives. Le flux de travail est essentiellement conçu pour permettre aux vidéojournalistes (voir la figure 3) et aux caméramans-monteurs (voir la figure 4) de tourner eux-mêmes leurs reportages sur le terrain à l'aide d'une caméra. Ensuite, ils téléchargent et montent le contenu enregistré sur leur ordinateur portable. Une fois leurs reportages bouclés, les vidéojournalistes les téléchargent vers le serveur de fichiers Avid à Rimouski en se connectant au réseau disponible à ce moment, soit le RCNG ou Internet (voir la figure 5).

Figure 5 – Flux de travail du téléchargement vers le serveur Avid à Rimouski par Internet

En outre, une fois que le vidéojournaliste ou le caméraman-monteur a téléchargé son reportage vers le serveur Avid à Rimouski en vue de sa diffusion, il peut, dès son retour au bureau, se connecter au RCNG afin de télécharger l'intégralité du matériel brut vers Rimouski, où il sera archivé. Précisons que le transfert de matériel brut vers un autre établissement à des fins d'archivage est un processus unique au sein de CBC/Radio-Canada et que, en dehors de Montréal et de Toronto, Rimouski est le seul centre d'archivage de contenu HD.

Figure 6 – Flux de travail pour la récupération de contenu du serveur des archives à Rimouski

Une fois que le matériel est traité et stocké dans le serveur des archives à Rimouski, tous les vidéojournalistes peuvent le récupérer et le réutiliser au besoin en suivant une simple procédure (voir la figure 6), et cela, à plus de 300 km de distance du serveur et sans l'aide du personnel des archives – ce que ne permettait pas l'ancienne infrastructure de la Société.

Mais par-dessus tout, nos flux de travaux sont conçus à l'intention des professionnels qui sont attachés aux technologies et à leurs appareils et qui souhaitent les utiliser à la maison comme au travail.

Avid et Interplay Central

Rien de tout cela n'aurait été possible sans le serveur Avid, qui stocke l'ensemble du contenu créé par Radio-Canada Est du Québec; en outre, CBC/Radio-Canada est à la fine pointe de la technologie avec son utilisation du serveur Avid, à un point tel que la station de Rimouski est la première dans le monde à avoir utilisé Avid et le logiciel Interplay Central dans un système de production en service.

Tandis qu'Avid gère les fichiers et le contenu au niveau dorsal, un autre outil essentiel de l'infrastructure, Interplay Central, permet à tout utilisateur autorisé de visionner et de monter le contenu du serveur Avid à l'aide d'un navigateur Web standard. Dans le contexte du projet, nous avons choisi d'employer Google Chrome ainsi que des iPhones et des iPads. Il va sans dire qu'Interplay Central est très pratique, puisqu'il permet aux employés d'utiliser le contenu à leur guise sans même se connecter au réseau de CBC/Radio-Canada; une connexion Internet 3G leur fournit la puissance et la bande passante nécessaire pour visionner et monter le matériel, puisque le serveur peut créer une copie de travail de faible résolution en temps réel.

CBC/Radio-Canada a déployé il y a quelques années l'outil Interplay Access d'Avid, qui permet de transférer à distance du matériel vidéo d'un serveur Avid à un autre. Cependant, il est impossible d'utiliser Interplay Access dans un établissement qui n'est pas équipé d'un serveur Avid local en vue d'importer dans un ordinateur portable du matériel provenant d'un établissement éloigné. Interplay Central offre une solution ingénieuse à ce problème. Comme tous les journalistes de CBC/Radio-Canada, un utilisateur situé à Carleton-sur-Mer peut, à l'aide d'Interplay Access, visionner du contenu de n'importe quel serveur Avid de la Société et le transférer à Rimouski. Interplay Central permet ensuite de parcourir, de visionner et de monter le contenu dès qu'il est transféré dans les serveurs Avid de Rimouski, au moyen de n'importe quel navigateur Web pris en charge (nous utilisons Google Chrome, mais les iPads sont également pris en charge), ou encore transféré vers un lecteur réseau partagé, d'où l'on peut aisément le télécharger dans un ordinateur portable à l'aide des protocoles FTP ou CIFS. Ainsi, un processus qui exigeait autrefois deux ou trois heures s'exécute aujourd'hui en temps réel, sur demande, à l'aide de n'importe quel serveur Avid de CBC/Radio-Canada.

Étant donné que tous les flux de travail de Radio-Canada Est du Québec se basent sur Interplay Central, nous sommes en mesure de couvrir les nouvelles de dernière heure dans toutes les régions de l'Est du Québec avec une équipe de trois journalistes Web (un à Rimouski, un à Matane et un autre à Sept-Îles), même lorsqu'un seul d'entre eux est de service, puisqu'ils ont tous accès au même contenu.

Architecture basée sur le protocole Internet

Comme nous l'avons indiqué dans un autre article[4], une architecture basée sur le protocole Internet (IP) constitue un élément essentiel de la nouvelle stratégie de communications unifiées de CBC/Radio-Canada, mais son utilisation ne se limite pas aux besoins de communication de la Société et, dans le contexte de Radio-Canada Est du Québec, le protocole Internet joue un rôle crucial dans les activités de radiodiffusion et pour le contenu audio.

À des fins pratiques, tout le contenu audio, de la télévision et de la radio de la Maison de Radio-Canada de l'Est du Québec est basé sur IP et transmis par le réseau local de téléphonie et la connexion Internet de l'établissement.

L'un des avantages de ce type d'infrastructure réside dans le fait qu'il nécessite une empreinte physique réduite par rapport à un système plus traditionnel. Dans n'importe quelle partie du bâtiment d'où une émission est diffusée en direct, qu'il s'agisse d'un studio de télévision ou de radio, les signaux audio des microphones sont transformés en mode IP, ce qui permet de les commander à distance à partir de n'importe quelle console dans l'établissement.

Du point de vue de l'ingénierie, l'aspect le plus intéressant de ce système est la réduction considérable du temps nécessaire pour l'installation des câbles, étant donné qu'il n'exige pratiquement pas de câbles audio spécialisés, ceux-ci étant remplacés par de simples câbles réseau qu'on peut se procurer dans le commerce. Les quelques câbles spécialisés employés sont très courts et relient les microphones à leurs convertisseurs IP. Mais les avantages de l'architecture basée sur IP ne s'arrêtent pas là : elle permet de gérer simultanément un nombre pratiquement illimité de sources, puisqu'un câble réseau gigabit fournit généralement une bande passante suffisante pour 500 canaux; en outre, cette architecture permet l'intégration complète de l'ensemble des activités. Elle est révolue, l'époque où nous devions nous préoccuper de déterminer si un signal provenait d'un microphone de télévision ou de radio; les mêmes sources sont disponibles simultanément pour la radiodiffusion et la télédiffusion et s'assemblent parfaitement.

Outre les avantages opérationnels de cette infrastructure, elle est de surcroît beaucoup moins coûteuse qu'un système conventionnel et permet la mise en œuvre d'une architecture ouverte (physique et réseau) qui, à son tour, réduit les coûts de construction et d'installation et favorise une meilleure intégration du personnel de la radio et de la télévision.

Conclusion

Le contexte et les défis géographiques uniques des activités de CBC/Radio-Canada dans l'Est du Québec ont obligé la Société à faire preuve d'initiative et à trouver une solution novatrice pour relever le défi. Ainsi, à l'instigation du CST et au terme d'une analyse approfondie, nous avons conçu l'infrastructure et les flux de travaux de Radio-Canada Est du Québec en fonction des meilleures pratiques mises en œuvre dans l'ensemble de la Société, de même que ses serveurs uniques pour les nouvelles HD et les archives à Rimouski. Nous avons réalisé tout cela dans le but d'offrir aux résidents de l'Est du Québec un véritable bulletin de nouvelles local, tout en resserrant la collaboration entre les stations et les bureaux journalistiques de CBC/Radio-Canada dans la région.

Grâce à l'accès aux nouvelles technologies et à l'évolution rapide des applications et des appareils de consommation, CBC/Radio-Canada est en mesure d'offrir un service qui correspond à ses normes d'excellence, à un coût bien inférieur à celui que nous aurions dû assumer il y a seulement quelques années. La Société peut désormais offrir à moindre coût aux contribuables canadiens des solutions beaucoup plus rapides, dynamiques et efficaces, qui lui permettent de faire plus avec moins et de se concentrer non plus sur son infrastructure, mais sur la diffusion du contenu aux canadiens.

Références

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