Diffusion vidéo en continu à débit adaptatif

Rob Fullerton

Rob Fullerton est en fonction depuis dix ans à CBC/Radio-Canada au sein du groupe des Services en ligne/numériques. Il a occupé plusieurs postes, dont ceux d’Administrateur de bases de données, d’Administrateur de systèmes, de Chef d’équipe, Développement, de Chef, Service de souscription, de Chef de projet et son poste actuel de Chef de produits, Plateformes. Son équipe gère la plateforme d’outils qui servent à publier du contenu et à le diffuser à l’auditoire par l’entremise de CBC.ca.

Besoins du marché

À l’heure actuelle, il est bien connu et bien documenté que le public consomme du contenu vidéo en ligne par l’entremise d’un écosystème d’interfaces de plus en plus complexe. Cela va de l’interface plus traditionnelle du navigateur Web d’un ordinateur personnel aux tablettes, aux téléphones mobiles et aux consoles de jeu, en passant par les télévisions connectées à Internet. Chacune de ces interfaces offre différentes capacités pour la prise en charge et l’affichage de contenu vidéo, et chacune peut fonctionner dans différentes conditions réseau. La diffusion vidéo en continu à débit adaptatif (en anglais : Adaptative BitrateABR) est une stratégie utilisée pour maximaliser l’expérience des auditoires quel que soit l’appareil choisi pour consommer le contenu.

Qu’est-ce que le débit adaptif ?

Qu’est-ce que débit ?

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, la qualité de la vidéo dépend de plusieurs facteurs :

  • La capacité de traitement de l’appareil affichant le contenu vidéo ;
  • La résolution de l’écran de l’appareil en question ; et
  • La vitesse de la connexion à Internet.

Ces différents facteurs peuvent varier d’un appareil de consommation à l’autre. Le fait que la vitesse de traitement et celle de la connexion Internet peuvent varier d’une seconde à l’autre rend le tout encore plus difficile à gérer. De plus, les appareils gèrent de nombreuses applications simultanément et l’utilisation de l’Internet augmente et diminue généralement en conséquence.

Pour une interface de qualité suffisante, la qualité de l’expérience de visionnement peut généralement être définie par la résolution audio et vidéo, ainsi que par la qualité du contenu audio ou vidéo. Pour ce qui est de la vidéo, la résolution repose sur le nombre de pixels décrits dans le signal et, pour l’audio, c’est la vitesse d’échantillonnage et le nombre de canaux (mono, stéréo, 5:1, etc.). Pour du contenu vidéo dans un format donné (codec), plus il est possible de fournir de données au cours d’une période de temps déterminée, plus élevées seront la résolution et la qualité qui peuvent être décrites dans un signal. Cela est vrai pour la radiodiffusion traditionnelle, et cette vérité s’applique toujours à la diffusion numérique. La terminologie numérique pour les données parle d’octets, et le volume de données qui peut être transmis au cours d’une période de temps déterminée est le débit binaire.

Débit adaptif vs multidébit

Afin de pouvoir gérer la multitude de conditions de consommation décrite ci-dessus, les producteurs de contenu ont élaboré une stratégie qui consiste à offrir plusieurs débits à leurs auditoires. Cette stratégie, appelée multidébit, permet à chaque membre de l’auditoire de recevoir le signal vidéo à un débit approprié en fonction des conditions mentionnées ci-dessus. Quiconque connaît YouTube (autrement dit, tout le monde) aura très probablement vu l’option offerte par leur lecteur standard qui permet aux utilisateurs de choisir le type de débit pour pratiquement toutes les vidéos.

Figure 1 – Sélecteur de débit dans YouTube

Pour un exemple pratique, essayez ce lien.

Le débit adaptatif va au-delà du simple producteur proposant différents débits à son auditoire, puisqu’il s’agit d’une fonctionnalité qui adapte constamment et automatiquement le débit en fonction des circonstances. C’est ce que permet le réglage Auto ajouté récemment par YouTube (voir la figure 1) et offert par de nombreux producteurs et agrégateurs de contenu, notamment CBC/Radio-Canada. Les sections qui suivent décrivent le fonctionnement de cette technologie et des interfaces qui la prennent en charge.

Comment fonctionne le débit adaptif ?

Rendus

Voici le moment de passer aux explications techniques. Comme nous l’avons décrit ci-dessus, le multidébit est une condition préalable au débit adaptatif. À ce titre, la première exigence est de disposer de plusieurs fichiers vidéo (ou de plusieurs diffusions vidéo en continu et en direct) diffusés à différents débits. La première clé de la réussite de la diffusion vidéo multidébit/débit adaptatif est la sélection de versions aux débits appropriés (rendus) d’un segment vidéo pour l’auditoire d’un producteur. Le meilleur moyen est de se fonder sur la recherche des conditions de consommation (connexion réseau, puissance de traitement et résolution de l’affichage) de l’auditoire. Par exemple, si la diffusion se fait au moyen d’un Internet privé doté d’une grande capacité de bande passante, diffuser uniquement des options à débit élevé est probablement la méthode la plus judicieuse. D’un autre côté, si le contenu vidéo est diffusé dans des régions rurales ou pour un auditoire mobile qui captera le signal vidéo par l’entremise d’une connexion cellulaire instable et le regardera sur des écrans de plus petite taille, choisir des options à débit plus faible permettra une meilleure expérience de visionnement. Il n’y a pas de recette scientifique pour cela – c’est le cycle usuel des études de marché, qui peut être divisé en trois étapes :

  1. Estimation éclairée,
  2. Mise en œuvre, et
  3. Mesure de la consommation et commentaires des auditoires.

Il existe de nombreux autres détails techniques (comme la synchronisation des images clés) qui vont au-delà de la portée de cet article et qu’un producteur doit prendre en compte pour offrir la meilleure expérience à son auditoire. Voir la section « Lectures complémentaires » pour des liens vers cette information.

Un fichier manifeste est une autre condition préalable au débit adaptatif. Il s’agit d’un fichier texte qui contient au minimum une liste de tous les débits disponibles pour un contenu donné, ainsi qu’une est description de chacun d’entre eux, notamment le débit, l’emplacement des fichiers de rendu, etc.

Lecteurs intelligents

Si la première clé de la réussite du débit adaptatif est la sélection de rendus aux débits appropriés, la seconde est l’utilisation de lecteurs médias qui prennent des décisions intelligentes quant au débit approprié et sont en mesure de s’adapter continuellement aux changements. L’expérience idéale en est une où la lecture de la vidéo se fait en douceur et dans laquelle on utilise pleinement la bande passante disponible, les ressources de traitement et la résolution de l’affichage. Si le lecteur n’est pas intelligent, il passera soit à un débit trop faible, auquel cas la lecture se fera en douceur, mais les ressources ne seront pas utilisées de façon optimale, ou alors il passera à un débit trop élevé, ce qui causera des problèmes de mise en mémoire tampon ou de pixellisation.

Pour les lecteurs médias, il existe différentes manières de prendre des décisions quant au rendu le plus approprié à un moment donné. Certains se contentent d’analyser le temps nécessaire pour télécharger des parties de la vidéo : cette méthode ne tient compte que de la vitesse de connexion, sans utiliser les ressources de traitement ou la résolution de l’écran. D’autres essaient périodiquement des rendus à débit plus élevé et sont prêts à réagir rapidement aux problèmes de lecture de tout ordre (mise en mémoire tampon, pixellisation, etc.) en passant à des débits plus faibles. Cette méthode tient compte de toutes les ressources, mais amène nécessairement certains problèmes, puisque le lecteur « tâte le terrain » si l’on peut dire, en utilisant des rendus à débit plus élevé. Enfin, certains systèmes de lecture média plus perfectionnés effectuent des opérations plus complexes, comme la surveillance réseau basée sur serveur et l’analyse des tendances fondée sur l’emplacement géographique et le fournisseur de service Internet du membre de l’auditoire, la lecture anticipée, la commutation entre différentes sources physiques pour les rendus, etc. Dans tous les cas, la capacité du lecteur média de sélectionner de manière appropriée les rendus à afficher est essentielle pour assurer une bonne expérience de visionnement à l’auditoire.

Types of ABR

Il existe quatre applications principales de débit adaptatif[i]:

  • Adobe Dynamic Streaming (Flash),
  • Apple HTTP Adaptive Streaming (également appelé HTTP Live Streaming ou HLS),
  • Microsoft Smooth Streaming, et
  • Dynamic Adaptive Streaming over HTTP (DASH ou MPEG-DASH).

En substance, les différences entre ces implémentations reposent sur la technologie nécessaire pour les créer (codage), les interfaces de lecture qui les prennent en charge et d’autres fonctionnalités qu’elles facilitent, comme la gestion de la sécurité et des droits, le sous-titrage intégré, etc.

Considérations liées à la publication

Produire et diffuser de la vidéo à débit adaptatif est un processus délicat. Cette section décrit certaines des complexités liées au processus et comment les traiter.

Création de contenu à débit adaptatif

La création de contenu à débit binaire unique est un processus relativement simple. On utilise comme contenu de départ un signal vidéo de diffusion ou un fichier à haute résolution qu'on injecte dans un codeur (ou transcodeur), qui produit un fichier (ou un flux). La création de multiples rendus d'un vidéo est un processus beaucoup plus compliqué. Cela est dû en partie à la quantité de contenu à produire (habituellement de trois à dix fichiers, au lieu d'un seul), mais aussi parce que les rendus doivent être bien synchronisés les uns avec les autres, sans quoi le passage de l'un à l'autre ne fonctionnera pas bien. C'est pourquoi tous les rendus doivent être créés simultanément, et s'il y a un problème avec l'un d'entre eux (par exemple, un fichier corrompu pour quelconque raison), il faut tous les recréer. Il est donc nécessaire en général d'utiliser du matériel et des logiciels de codage de niveau professionnel. Cela signifie aussi que le processus est plus long et beaucoup plus dispendieux que pour le contenu à débit binaire unique. S'assurer de la qualité de contenu à débit adaptatif est également plus difficile, puisqu'il faut vérifier de trois à dix fichiers ou flux (plus le fichier manifeste) avant la publication finale, contrairement à un seul.

Un autre facteur important dont les producteurs de contenu doivent tenir compte lorsqu'ils envisagent d'adopter le débit adaptatif concerne la bibliothèque déjà existante de contenu à débit binaire unique. Remonter le temps pour remanier et republier de l'ancien contenu peut s'avérer complexe et coûteux pour les raisons mentionnées ci-dessus. Ne pas retravailler l'ancien contenu et le conserver signifie que les auditoires pourraient voir à la fois du contenu à débit binaire unique et du contenu à débit adaptatif, selon l'âge du contenu qu'ils consomment. Le problème se pose moins pour les producteurs qui ne proposent leur contenu à leur auditoire que pendant peu de temps.

Conséquences pour la gestion du contenu

Lorsqu'il prend en charge les modèles de contenu à débit adaptatif en particulier, un éditeur doit tenir compte de la manière dont les différents rendus du contenu vidéo (et les métadonnées connexes) seront stockés. Cela a des répercussions pour ce qui est de l'infrastructure de stockage et la complexité d'ensemble du système. Comparé à ce qu'il faut pour le contenu à débit binaire unique, les exigences de stockage pour le contenu à débit adaptatif peuvent être de trois à quinze fois plus importantes, et même davantage. Nonobstant les rabais de volume, les coûts du stockage augmentent habituellement en parallèle avec le volume, c'est donc un élément important à prendre en considération. Un système de gestion de contenu (SGC ou, en anglais : Content Management System, CMS) avancé et capable de traiter le contenu vidéo comme des objets avec de nombreux rendus et métadonnées, devrait être considéré comme une condition préalable à la mise en œuvre du contenu à débit adaptatif à l'échelle d'une entreprise. Assurer manuellement le suivi de ce contenu serait source d'erreurs et prendrait énormément de temps.

Technologies des lecteurs

Comme nous l'avons décrit ci-dessus, il faut un lecteur intelligent pour que le débit adaptatif puisse fonctionner. Cette fonctionnalité est communément prise en charge par les technologies mobiles et fondées sur la télévision (consoles de jeux, boîtiers décodeurs et téléviseurs connectés), bien que ces mêmes technologies ne prennent en charge qu'un seul type de débit binaire parmi ceux que nous avons mentionnés plus haut (Flash, HLS, Smooth Streaming, DASH, etc.). Cela signifie que, pour rejoindre les auditoires au moyen de nombreuses interfaces de lecture, le contenu doit être préparé dans ces multiples formats. Les lecteurs médias par navigateur des ordinateurs de bureau ont tendance à offrir plus d'options de configuration, mais cela ne veut pas forcément dire que trouver la configuration appropriée pour un auditoire particulier est une chose facile. En fait, offrir plus d'options peut parfois amener un éditeur à s'écarter davantage des configurations les plus idéales.

Mesures

Suivre l'utilisation du débit adaptatif est beaucoup plus difficile. Dans de nombreux contextes, les mesures d'auditoire sont habituellement effectuées en se fondant sur le nombre de fichiers visionnés. Dans le paradigme présenté par le débit adaptatif, un seul segment de contenu vidéo est représenté par plusieurs rendus, possédant chacun au moins un fichier. De plus, les rendus peuvent être créés dans différents types de débit adaptatif afin de convenir à toutes les plateformes. La corrélation de l'utilisation de tous ces fichiers peut être assez difficile et nécessiter une reconfiguration importante des systèmes de mesure et des flux de travaux.

La proposition d'affaires pour le débit adaptatif

Coûts

On a mentionné plus haut des coûts de stockage de trois à quinze fois plus élevés que pour le format à débit binaire unique. En outre, contrairement à la radiodiffusion traditionnelle, le coût de livraison du contenu à des auditoires numériques augmente en même temps que la consommation. Un producteur de contenu doit littéralement payer chaque octet de données livré à son auditoire. Généralement, les auditoires utilisant le débit adaptatif consomment deux à trois fois plus de débit que ce que les producteurs rendent disponible pour la consommation d'un débit binaire unique. Cela signifie que, pour la consommation du même contenu, les coûts de la transmission du débit adaptatif peuvent être deux à trois fois plus élevés. Étant donné que la transmission de la vidéo en continu est l'une des plus importantes dépenses fournisseur de l'Exploitation numérique de CBC/Radio-Canada, il s'agit d'un enjeu majeur.

Ajoutons à cela le fait que le débit adaptatif offre à l'auditoire une expérience de visionnement considérablement meilleure que le débit binaire unique, pour les raisons mentionnées dans les sections précédentes. Cela veut dire que, en général, la consommation de contenu augmente par rapport au même contenu en débit binaire unique. À ce titre, un producteur peut donc s'attendre à ce que les coûts de diffusion soient quatre à cinq fois plus importants que pour le débit binaire unique.

Il est vrai que les coûts ne peuvent être atténués qu'en offrant les rendus qu'un producteur est en mesure de diffuser, peu importe le débit maximum que l'auditoire peut consommer de façon fiable.

Revenus

Le modèle de revenus pour la diffusion en continu à débit adaptatif est similaire à celui de la diffusion à débit binaire unique. Habituellement, les revenus sont tirés de publicités au début et au milieu du visionnement avec impressions publicitaires associées, d'abonnements, de la télévision à la carte ou d'une combinaison de ces éléments. La différence entre la diffusion en débit adaptatif et en débit binaire unique réside dans le fait que, en raison de la meilleure qualité, les auditoires ont tendance à être plus intéressés par le débit adaptatif et que, par conséquent, les tarifs publicitaires, ainsi que ceux des abonnements et de la télévision à la carte peuvent être plus élevés. Quant au potentiel de profit net réel, il doit être calculé au cas par cas. Dans la mesure où le producteur dispose d'une marge de profit importante ou (idéalement) d'un modèle de revenus qui s'adapte à la consommation, cela peut être rentable.

CBC/Radio-Canada et l'avenir du débit adaptatif

Les divergences au sein de l'écosystème complexes décrites au début de cet article ne sont pas près de s'atténuer. La diffusion vidéo en débit adaptatif constitue de plus en plus une bonne stratégie pour répondre à cette complexité, puisqu'elle offre la meilleure expérience de visionnement possible pour les auditoires, quelles que soient les conditions de consommation.

CBC/Radio-Canada utilise le débit adaptatif pour présenter différents types de vidéo depuis plus de trois ans maintenant. Cela a commencé par la diffusion en continu des séries éliminatoires de la LNH (un service payant) sur périphériques iOS au printemps 2010. La deuxième réussite de taille était la Coupe du Monde FIFA 2010, diffusée en débit adaptatif pour les navigateurs Web. Cette diffusion à grand succès a prouvé la validité de l'offre de contenu spécial en débit adaptatif pour CBC/Radio-Canada. Depuis la fin de 2011, différents événements en direct, notamment les parties de la LNH, ont été présentés en débit adaptatif sur le site web de CBC/Radio-Canada. De plus, une sélection d'émissions de télévision scénarisées en débit adaptatif est maintenant offerte. À partir de cet automne (octobre 2012), CBC/Radio-Canada a l'intention de diffuser en débit adaptatif des épisodes entiers de ses émissions scénarisées et non scénarisées, ainsi que tous les événements en direct diffusés en continu sur toutes ses plateformes.

Lectures complémentaires

Pour en savoir davantage sur la diffusion en continu à débit adaptatif, n'hésitez pas à visiter les sites web suivants :



[i] http://en.wikipedia.org/wiki/Adaptive_bitrate_streaming (page disponible uniquement en anglais)

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