Une solution centralisée d’alertes au public pour les réseaux radio de CBC/Radio-Canada

Au cours de la dernière année, les alertes au public sont devenues un enjeu de grande importance pour les radiodiffuseurs canadiens, en particulier dans le secteur de la radio. La possibilité d'alerter la population canadienne en cas d'urgence est cruciale pour protéger le public contre les catastrophes naturelles et d'autres dangers qui menacent la vie humaine. Le système d'agrégation et de dissémination national d'alertes (système ADNA) est en fonction depuis plus de trois ans, mais, pour diverses raisons, ses alertes n'ont pas été diffusées par la vaste majorité des radiodiffuseurs canadiens.

Comme vous le savez sans doute, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) [1] a imposé comme condition de licence à CBC/Radio-Canada que les alertes d'urgence provenant du système ADNA soient diffusées par les émetteurs radio de la Société si elles répondent à certains critères. Les alertes à diffuser doivent :

  • être pertinentes pour une région desservie par l'un des émetteurs de CBC/Radio-Canada;
  • être désignées par l'expéditeur de l'alerte comme un message à diffuser immédiatement;
  • être fournies dans la langue du service de CBC/Radio-Canada; et
  • comporter un contenu sonore.

Notons, pour ceux à qui le système ADNA n'est pas familier, que ces deux derniers critères limiteront sensiblement le nombre d'alertes devant être diffusées. Environnement Canada[2] , de loin la plus importante source d'alertes pour le système ADNA, n'inclut pas de contenu sonore dans ses alertes. Toutefois, l'intégration de convertisseurs texte-parole dans l'équipement d'alerte permet aux radiodiffuseurs de produire une alerte audio à partir d'alertes du système ADNA dépourvues de contenu sonore.

Par ailleurs, certaines organisations de gestion des urgences (OGU) provinciales et territoriales n'émettent pas d'alertes dans les deux langues officielles. Comme il serait extrêmement irresponsable de la part de CBC/Radio-Canada d'omettre de diffuser une alerte de tornade parce qu'aucun fichier audio n'y est joint ou qu'elle n'est pas fournie dans la langue du service radio concerné, la Société diffusera les alertes même si elles ne répondent pas aux deux derniers critères.

Description du système ADNA

Le système ADNA est un système de distribution d'alertes d'urgence qui permet aux distributeurs de fin de ligne (DFL), comme les entreprises de radiodiffusion et de télécommunications, de surveiller une seule source pour l'arrivée d'alertes d'urgence, à l'échelle du pays presque en entier (l'Alberta a son propre système provincial). Le système ADNA est géré par Pelmorex Communications Inc., et ses serveurs d'alertes sont situés à Oakville (Ontario) et à Montréal (Québec). Les alertes d'urgence utilisées par le système ADNA sont conformes au Profil canadien du Protocole d'alerte commun (PC-PAC), qui est fondé sur le langage de balisage extensible (XML)[3] .

Les serveurs du système ADNA reçoivent leurs alertes d'organismes gouvernementaux autorisés (p. ex. OGU provinciales ou territoriales, Environnement Canada, autorités policières et autres organisations autorisées par les OGU). Dans le contexte des alertes au public, ces organismes gouvernementaux autorisés peuvent être appelés expéditeurs d'alertes, ou simplement expéditeurs.

Pour illustrer le fonctionnement du système ADNA, imaginons qu'une tornade se forme dans le sud du Manitoba. Comme il s'agit d'une alerte météorologique, Environnement Canada serait l'expéditeur, préparerait l'alerte en incluant l'information appropriée et soumettrait cette dernière aux serveurs du système ADNA.

Après vérification, l'alerte est mise à la disposition des DFL. L'équipement de décodage des alertes détecte l'arrivée de l'alerte et examine l'information contenue dans l'alerte pour déterminer si celle-ci doit être diffusée. Un fichier interne appelé filtre contient les critères qui doivent être respectés pour qu'une alerte soit transmise dans la chaîne audio. Si l'alerte répond à tous les critères du filtre, le son codé dans l'alerte est décodé et livré en sortie du décodeur d'alerte. Si l'alerte n'a pas de contenu audio, le décodeur utilise le texte inclus dans le code XML et, au moyen d'un convertisseur texte-parole, crée une alerte audio. L'alerte est alors diffusée par l'émetteur (ou les émetteurs) du DFL.

Comparaison entre le modèle centralisé et le modèle décentralisé

La radiodiffusion de toutes les alertes d'urgence répondant aux critères mentionnés plus haut sera effectuée sur les quatre réseaux de CBC/Radio-Canada : Radio One, Radio Two, ICI Radio-Canada Première et Espace Musique. Les divers signaux audio associés à ces réseaux sont envoyés par un système de distribution par satellite à 719 émetteurs radio AM et FM répartis dans l'ensemble du pays. Une approche décentralisée comporterait l'installation d'un équipement de décodage d'alertes aux sites de chacun de ces 719 émetteurs, ce qui serait une solution très coûteuse. La figure 1 montre une installation type à un site d'émetteur, selon l'approche décentralisée.

Figure 1 – Diagramme de mise en œuvre d’un système décentralisé PC-PAC

Actuellement, les 49 signaux audio associés à Radio One et les 15 signaux audio associés à Radio Two sont regroupés et transmis vers le satellite par une liaison montante à Toronto, au Centre canadien de radiodiffusion (CCR). De même, les 45 signaux audio associés à ICI Radio-Canada Première et les 14 signaux audio associés à Espace Musique sont regroupés et transmis vers le satellite par une liaison montante à Montréal, à la Maison Radio-Canada (MRC). Le modèle centralisé comporte l'installation d'un équipement de décodage d'alerte sur les 64 signaux radio de langue anglaise provenant du CCR et les 59 signaux radio de langue française provenant de la MRC. L'approche centralisée exigerait l'installation de 123 (64 plus 59) décodeurs uniques et équipements connexes à ces deux emplacements. Puisqu'un fabricant offre des unités de décodage d'alertes au public capables de traiter quatre signaux audio, le nombre de décodeurs nécessaires dans le modèle centralisé pourrait être réduit à 31 (123 divisé par quatre).

Le principal avantage de l'approche décentralisée par rapport à l'approche centralisée est qu'elle permet un ciblage plus précis des alertes, car l'équipement est installé au site de l'émetteur et ne vise que la région couverte par cet émetteur particulier. Les inconvénients comprennent le coût global plus élevé (719 décodeurs uniques par rapport à 31 décodeurs quadruples), l'accès difficile et coûteux à l'équipement en raison de l'éloignement géographique de ces sites et l'absence de connectivité Internet à la plupart de ces emplacements.

Le modèle centralisé réduit approximativement le coût par un facteur de sept et permet un accès facile à l'équipement, un rétablissement rapide du service grâce à une surveillance 24 heures sur 24, sept jours sur sept, l'insertion transparente des messages d'alerte, la connectivité IP et l'inclusion du format audio prescrit par le CRTC. Toutefois, son principal inconvénient est de rendre moins précis le ciblage des messages d'alerte, c.-à-d. d'élargir la région cible et, ainsi, d'accroître le nombre de résidents qui recevront l'alerte. La figure 2 illustre l'implantation du modèle centralisé au CCR et à la MRC.

Figure 2 – Diagramme de mise en œuvre d’un système centralisé PC-PAC – CBC Radio

Figure 3 – Affichage de mise en ondes de Radio One

L'insertion d'un message d'urgence s'effectuera dès la réception d'une alerte valide qui répond aux critères de filtrage précédemment téléchargés vers le décodeur d'alerte. Une fois l'alerte détectée, la fermeture d'un contact sec activera le commutateur de routage, substituant au signal de programmation transmis au satellite par liaison montante le message audio reçu, ou une conversion audio texte-parole si l'alerte n'avait pas de contenu sonore. Cette action est immédiatement affichée sur les écrans des centres de mise en ondes de Montréal ou de Toronto, et une alarme sonore est produite à l'intention des opérateurs en service. Une fois que l'alerte a été diffusée, le commutateur de routage revient à sa configuration normale, remplaçant le contenu audio de l'alerte par le signal audio de la programmation. La figure 3 illustre l'affichage de mise en ondes au moment où un message d'alerte est inséré dans les signaux de Radio One pour Sydney et Mulgrave, comme l'indiquent les barres bleues au sommet des indicateurs audio.

Filtrage des alertes

À ce stade, comme il a été mentionné plus haut, les alertes qui arrivent doivent répondre aux critères établis dans un fichier interne de filtrage. Il reste évidemment à déterminer quels sont ces critères. Plusieurs paramètres doivent être réglés dans le filtre de décodage des alertes, notamment les endroits touchés, l'urgence de l'alerte (p. ex. à diffuser immédiatement ou plus tard), la gravité de l'alerte, le degré de certitude (menace observée, probable, possible) et l'événement en cause. Il incombe au DFL de déterminer les types d'alertes devant être diffusées, et une variation des réglages influera grandement sur le nombre d'alertes transmises par le décodeur d'alerte. CBC/Radio-Canada ne retransmettra que les alertes justifiant une interruption de la programmation, c.-à-d. celles considérées comme annonçant une menace immédiate à la vie humaine. Il existe un tableau des alertes qui peuvent justifier une interruption de la programmation. Il s'agit des alertes les plus graves, par exemple celles qui concernent des incendies, des tremblements de terre ou des tornades ou encore les alertes Amber.

Le fait de ne retenir que les alertes justifiant une interruption de la programmation simplifie le processus de filtrage, car le seul autre paramètre à établir est celui de l'endroit visé. Le filtrage à cette fin est effectué en superposant la région d'alerte concernée (habituellement la zone de rayonnement du signal) sur une carte des divisions ou subdivisions de la Classification géographique type (CGT)[4} de Statistique Canada. Ces divisions et subdivisions sont celles utilisées pour le recensement, et bien que les divisions soient stables, les subdivisions changent d'une année à l'autre.

Il n'y a pas de façon unique correcte de paramétrer les filtres déterminant les endroits de diffusion; il incombe au DFL de déterminer quels sont ces endroits. Le DFL peut décider de limiter la diffusion aux zones incluses dans ses contours officiels du CRTC, ou il peut se fonder sur son rayonnement sensible au terrain pour déterminer les endroits inclus dans le filtre. Il est également raisonnable d'inclure les zones en périphérie immédiate du rayonnement d'un DFL, afin de pouvoir alerter les auditeurs qui se déplacent en véhicule vers le lieu d'un événement ou d'une catastrophe. CBC/Radio-Canada a décidé d'utiliser ses contours officiels du CRTC pour la détermination des endroits à inclure dans les filtres d'alerte.

Comme il est mentionné dans la section précédente, CBC/Radio-Canada utilisera une solution centralisée pour l'insertion des alertes dans ses réseaux radio. Comme le même signal sera reçu par de multiples émetteurs, les alertes à destination d'émetteurs utilisant le même signal seront diffusées par tous ces émetteurs, même si l'alerte concerne seulement un émetteur. La figure 4 ci-dessous montre cinq signaux différents de Radio One en Nouvelle-Écosse superposés aux divisions de recensement. Le code de couleurs est établi de telle façon que les contours des émetteurs diffusant le même signal sont de la même couleur.

Figure 4 – Signaux de CBC Radio One en Nouvelle-Écosse

La figure 5 montre une vue rapprochée du signal de Radio One servant la région de Yarmouth (N.-É.). Puisque les zones ayant les codes CGT 1201, 1202, 1203, 1204 et 1206 sont partiellement ou entièrement recoupées par les contours en jaune, le filtre de Radio One à Yarmouth doit diffuser les alertes pour toutes ces zones. Ainsi, compte tenu de nos contours officiels, même si Chester (N.-É.) n'est pas servie par notre signal de Radio One de Yarmouth, toutes les alertes interrompant la programmation qui visent Chester seront diffusées par nos émetteurs de Liverpool, Shelburne et Yarmouth.

Figure 5 – Signal de Radio One servant Yarmouth (Nouvelle-Écosse)

Cette surdiffusion des alertes peut être considérée comme une sorte d'« erreur de quantification ». La surdiffusion pourrait être réduite par un filtrage selon les subdivisions de recensement, mais en raison de la nature quasi dynamique de ces dernières, il faudrait passer beaucoup de temps à reconfigurer tous les filtres pour chacun des signaux de chacun des services lorsque les subdivisions sont mises à jour. C'est pourquoi CBC/Radio-Canada utilisera la méthode moins précise basée sur les divisions de recensement. La perte de précision est plus problématique lorsque les divisions de recensement sont vastes, ou qu'une grande région géographique est servie par le même signal réseau. Toutefois, compte tenu du nombre relativement faible des alertes interrompant la programmation, la surdiffusion d'alertes ne sera pas excessive.

Conclusion

Cet article a présenté les avantages et les inconvénients d'une solution centralisée pour les alertes au public, dans le cas des services radio de CBC/Radio-Canada. En plus des économies évidentes découlant d'une telle solution, le fait d'avoir l'équipement d'alerte dans les studios de Toronto et de Montréal offre une accessibilité physique et une connectivité réseau à l'équipement, et permet une surveillance constante et, le cas échéant, un dépannage rapide. De l'avis de CBC/Radio-Canada, ces avantages l'emportent sur l'inconvénient d'une surdiffusion occasionnelle des alertes résultant du décodage des alertes au niveau du signal plutôt qu'à chacun des émetteurs.

Références

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