Le rôle essentiel des TI dans l'adoption des technologies émergentes

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Djamel Djemaoun

Djamel Djemaoun Hamidson, ing., B. Sc., Ph. D., architecte d’entreprise des TI et logiciels à CBC/Radio-Canada depuis février 2009, compte plus de vingt-cinq ans d’expérience dans les domaines des logiciels, de la technologie et de la gestion. Au cours de sa carrière, il a participé à des projets d’envergure dans divers secteurs (administration, secteur bancaire, assurance, haute technologie, etc.). Il est centré sur les activités opérationnelles/d’affaires avec beaucoup d’attention portée aux préoccupations des utilisateurs/clients et orientée sur les résultats finaux.

Synopsis

Le rythme auquel déferlent les nouvelles technologies, de plus en plus dicté par le marché de consommation (un processus dénommé consumérisation1 des Technologies de l’information, ou TI) pose un défi aux services des TI, qui doivent adopter une approche plus proactive de la gestion de la diversification des appareils et des technologies. Ces nouvelles technologies, très souvent mobiles, offrent aux utilisateurs une autonomie accrue et exigent des TI une plus grande souplesse d’exploitation et de gestion. Cette souplesse repose à la fois sur les technologies, les effectifs, les normes, les politiques et le soutien aux utilisateurs.

Le paradigme selon lequel les utilisateurs doivent se contenter des technologies uniquement prises en charge par les TI donne l’impression aux usagers que les TI ne sont plus dans le coup, alors qu’en réalité, c’est tout le contraire.

Pour relever ce défi, le Service des TI de CBC/Radio-Canada, de concert avec les autres groupes des Technologies membres du Conseil stratégique des technologies2 (CST), a lancé une série d’initiatives en vue de faire face à la « nouvelle vague » technologique. Ces initiatives offriront aux employés une plus grande souplesse en leur permettant de travailler sur divers types d’appareils à partir de divers lieux, de façon harmonieuse, cohérente et sécuritaire.

Analyse du contexte

Depuis 2010, une nouvelle révolution technologique est en marche au sein de l’entreprise, qui s’inscrit dans le mouvement de consumérisation des TI et entraîne son lot de défis. Cette révolution, ou ce mouvement, remet en question l’approche traditionnelle des solutions informatiques adoptée il y a dix ou quinze ans par les Technologies de l’information.

Aujourd’hui, les frontières entre la vie professionnelle et la vie personnelle s’estompent, de sorte que les employés veulent pouvoir utiliser au travail les technologies qu’ils emploient à la maison, et vice versa (appareils, navigateurs, applications téléchargées à partir de l’App Store ou de Marketplace, etc.).

Selon une étude d’Unisys3-IDC4, le consommateur/professionnel de l’information moyen utilise quatre appareils : un ordinateur de bureau, un ordinateur portable, un téléphone intelligent et une tablette. N’importe quel consommateur a la possibilité d’entrer dans un grand magasin d’électronique, d’y acheter un routeur sans fil N à cinquante dollars pour son système de divertissement à domicile et de l’installer en vingt minutes. Pourquoi s’en priver? Les consommateurs achètent des biens électroniques pour eux-mêmes, pour leurs enfants et pour leurs amis. Ils sont plus nombreux que jamais à acheter des ordinateurs plus performants que ceux qu’ils utilisent au travail et, selon Forrester Research5, ils connectent leurs appareils à ceux de l’entreprise dès qu’ils les achètent, au mépris des politiques en vigueur.

Après tout, qu’est-ce qui pousse les employés à investir personnellement dans des appareils qu’ils utilisent au travail? C’est en partie leur expérience d’utilisateur de ces appareils : ils aiment leurs tablettes, et certains vont jusqu’à dire qu’ils ne peuvent plus s’en passer. Puisqu’ils les utilisent à la maison, il est naturel qu’ils souhaitent les utiliser au travail.

Ce mouvement semble accorder aux employés un certain pouvoir décisionnel à l’égard des appareils :

  • selon le groupe Aberdeen6, 96 % des entreprises utilisent au moins un iPad; et
  • SAP AG7 possède aujourd’hui plus de trois mille iPhones et quatorze mille iPads.

Les employés ne sont pas les seuls à l’origine de cette initiative. Dans les plus hautes sphères, les cadres dirigeants s’efforcent de promouvoir la culture BYOD (« Bring Your Own Device », apportez votre appareil) (50 % des dirigeants principaux de l’information achèteront des tablettes pour leurs employés en 2012, selon la société Morgan Stanley8). Les employés réclament une voix au chapitre en ce qui concerne le choix de la technologie qu’ils utilisent pour s’acquitter de leurs fonctions. Les experts du secteur ont forgé un terme pour désigner ce phénomène : la « consumérisation »1 des TI. Cette tendance croissante prend appui sur plusieurs facteurs clés :

  • Plus de choix : les utilisateurs finaux ont plus facilement accès à des appareils intelligents abordables, aux sites de réseautage social et aux services d’infonuagique.
  • Des technologies porteuses : les réseaux sans fil, les services d’infonuagique, la virtualisation, les appareils puissants et intuitifs et les autres technologies du même genre expliquent, voire alimentent cette tendance.
  • La disparition de la frontière entre le travail et la vie privée : le monde du travail a évolué à un point tel que la frontière entre la vie professionnelle et la vie personnelle s’estompe. Les utilisateurs veulent des technologies qu’ils peuvent utiliser à la maison et au bureau.
  • Les attentes des utilisateurs : enfin, les utilisateurs ont rehaussé leurs attentes; la technologie qu’ils emploient au travail doit être aussi performante que celle qu’ils ont à la maison.

Pourquoi se préoccuper du phénomène de la consumérisation ?

D’après Gartner Inc.9, la consumérisation est « la tendance qui aura de plus en plus d’influence sur le secteur des technologies au cours de la prochaine décennie ».

Les attentes des employés à l’égard des TI sont beaucoup plus élevées : ils réclament de meilleurs appareils et applications, plus d’options et de liberté, ainsi qu’un service accéléré et ininterrompu. Ces exigences croissantes accentuent la pression sur les TI afin qu’elles offrent des solutions complètes aux utilisateurs finaux tout en assurant la sécurité et la bonne gestion de l’environnement.

Le fait est que la tendance s’accélère. Il est de plus en plus fréquent de voir des employés prendre eux-mêmes les décisions concernant les appareils mobiles, et les services des TI des entreprises ont très peu d’influence sur ces décisions (Yankee Group10). De plus, 77 % des employés qui ont un compte dans Facebook s’y connectent durant leurs heures de travail (Nucleus Research11).

Le monde a changé ces dix dernières années. Une grande proportion du personnel non technique, animé par le puissant attrait qu’exercent les nouvelles technologies, a acquis les compétences suffisantes pour utiliser ces nouveaux appareils. À grande échelle, la prolifération des appareils a atteint un nouveau sommet. Cette tendance ascendante est irréversible, qu’elle soit ou non approuvée par l’entreprise, et elle est nourrie par les employés connaisseurs, les employés itinérants et les autres employés qui se procurent des technologies afin de satisfaire à leurs besoins de divertissement.

Inspirée des restaurants « apportez votre vin », une formule de plus en plus répandue qui offre une expérience conviviale, la culture BYOD pourrait bientôt être la norme, et non plus l’exception.

Le mouvement de consumérisation des TI repose sur la mobilité et le choix; si la conjugaison de ces deux facteurs représente certains risques qu’on peut généralement atténuer en adaptant les politiques, les lignes directrices et les activités, les possibilités offertes sont tout simplement trop intéressantes pour qu’on les ignore.

Les entreprises qui tirent parti du mouvement de consumérisation des TI peuvent en retirer des avantages sur le plan de la productivité. La possibilité pour les utilisateurs de choisir les technologies de consommation qu’ils connaissent peut augmenter leur productivité et favoriser l’entraide (notamment par l’intermédiaire des wikis ou des réseaux sociaux), ce qui représente un point positif.

Il y a des avantages à ouvrir la porte à la consumérisation de façon responsable. S’ils mettent en œuvre des solutions appropriées, les Services des TI de CBC/Radio-Canada pourraient être les artisans de cette transition.

Au-delà du désir d’adopter la tendance de consumérisation et la culture BYOD, les TI reconnaissent de façon réaliste l’autonomie accrue et la souplesse inhérentes au mouvement, et s’efforcent de les gérer efficacement afin de satisfaire aux demandes et aux préférences des employés, qui évoluent constamment.

En tant que fournisseur de services, les TI sont à l’affût des tendances technologiques et évoluent aussi en adoptant de nouvelles tendances et en créant les infrastructures nécessaires pour les nouvelles technologies, en vue d’aider CBC/Radio-Canada à remplir sa mission, à réaliser sa vision et à créer de la valeur tout en offrant aux employés le milieu de travail le plus productif possible.

En réponse à la tendance croissante de la consumérisation, CBC/Radio-Canada prend actuellement les mesures suivantes :

  1. Évaluer et comprendre ce que font les utilisateurs et pour quelle raison ;
  2. Gérer les éléments essentiels, notamment la sécurité des données, la gestion des appareils et des applications, etc. ;
  3. Mettre à jour les politiques organisationnelles, non pas seulement celles des TI, mais également celles des Services juridiques, des RH, etc. ;
  4. Utiliser les technologies porteuses, telles que la virtualisation et l’infonuagique ; et
  5. Tester et adopter des scénarios de consumérisation et s’en servir en vue d’accroître les résultats de la Société.

Les TI ouvrent la voie à l’entrée des technologies personnelles au bureau. De concert avec les autres groupes des Technologies membres du CST2 de CBC/Radio-Canada, les TI prennent part à diverses initiatives en vue de créer un environnement adapté à tous les types d’appareils, afin de simplifier l’utilisation des technologies dans le cadre des activités quotidiennes du personnel de CBC/Radio-Canada. Voici quelques exemples de ces initiatives.

  • La stratégie axée sur les points d’extrémité, une approche unique pour tous les types d’appareils, qui englobe :
    • un modèle BYOD (apportez votre appareil) ;
    • l’expansion de la virtualisation des applications existantes, afin de donner accès aux applications à tous les types d’appareils ; et
    • la virtualisation des ordinateurs de bureau, pour une plus grande souplesse d’utilisation des ordinateurs de bureau et portables.
  • L’adoption des tendances d’avenir telle l’infonuagique (applications, courriel, etc.), la gestion des postes mobiles (GPM) et les outils de collaboration sociale ; et
  • La communication collaborative unifiée (CCU)12, qui améliore la communication humaine en regroupant dans une interface unique et uniforme l’ensemble des appareils et des voies de communication.

Pour assurer le succès de la mise en œuvre de la consumérisation, les TI donnent le ton en encourageant les pratiques suivantes :

  • La normalisation grâce à la mise en œuvre d’un ensemble cohérent de contrôles de sécurité dans les différentes plateformes, sans modifier le niveau de service ;
  • Le mode de prestation commun, qui peut être très utile pour diffuser le contenu à de multiples appareils sans devoir assumer les coûts engendrés par les divers services adaptés à des types d’appareils spécifiques (applications mobilisées spécifiques) ; et
  • Les contrôles d’accès intelligents qui assurent la sécurité des données d’entreprise sur les appareils grâce à une gestion intelligente des droits et des profils d’accès en fonction de facteurs supplémentaires de contrôle d’accès, notamment le type d’appareil, le profil de contrôle d’accès au réseau et la géolocalisation, entre autres.

En tant que promoteur de l’innovation technologique et créateur de valeur pour l’entreprise, le groupe des TI de CBC/Radio-Canada a pour rôle d’offrir aux employés un réseau mobile qui leur donne accès aux applications dans un environnement productif et sécuritaire.

BYOD – Politique d’utilisateurs

Puisque les employés prennent de plus en plus de libertés à l’égard de l’environnement des TI de leur entreprise en utilisant leurs appareils mobiles personnels pour accéder aux applications et aux données de l’entreprise, CBC/Radio-Canada pourrait établir ses propres politiques et règles (admissibilité, utilisation acceptable, remboursement, sécurité, soutien aux utilisateurs finaux et infractions aux politiques) afin de créer un environnement adapté à cette nouvelle réalité.

À cette fin, le plan BYOD doit au moins comporter les éléments suivants :

  1. Établissement d’un contrat BYOD : il est plus prudent de faire signer aux utilisateurs finaux un contrat avec leur employeur, qui a plus de poids qu’un simple clic confirmant l’acceptation des conditions du programme BYOD.
  2. Admissibilité : la détermination de l’admissibilité au programme doit s’appuyer sur une évaluation des risques liés au poste de l’employé au sein de l’organisation.
  3. Choix des appareils : quels types d’appareils à utiliser pour les différentes tâches? Un bon plan BYOD ne doit pas forcément prendre en charge tous les types d’appareils.
  4. Propriété, utilisation, remboursement et notification en cas de perte d’un appareil.
  5. Accès aux ressources et aux applications de l’entreprise au moyen d’appareils personnels.
  6. Sécurité et protection des renseignements personnels et des données d’entreprise.
  7. Outils de soutien du plan BYOD.

À CBC/Radio-Canada, seule la concertation des Technologies de l’information (TI), des autres groupes membres du CST, des Ressources humaines, des Finances et des Services juridiques – en étroite collaboration avec l’équipe de la haute direction et les chefs des unités d’affaires – permettra de déterminer quelles politiques institutionnelles ou sectorielles sont les mieux adaptées à l’environnement de la Société, satisfont à ses objectifs financiers et tiennent compte des aspects liés à la sécurité, au droit, à la réglementation ou à tout autre élément ou exigence propres à CBC/Radio-Canada et à ses activités.

Conclusion

Au lieu d’élaborer une politique rigide et universelle pour la prise en charge de toutes les technologies de consommation des utilisateurs finaux, il est temps de choisir le type d’équipement et de plateforme le mieux adapté au profil des employés et de leurs équipes, en tenant compte du mode de travail, du lieu de travail, des compétences techniques, des données démographiques et d’autres facteurs.

La consumérisation et la formule BYOD13 font partie de la stratégie triennale en cours, et dans le cadre du mandat du programme de gestion des points finaux, les TI s’efforcent de rationnaliser et d’optimiser l’utilisation des appareils et des technologies, afin de permettre aux travailleurs d’utiliser n’importe quel appareil, en tout temps et en tout lieu.

Remerciements

L’auteur remercie chaleureusement toutes les personnes qui ont révisé et commenté le présent article et qui ont remis en question certains passages.


  1. Néologisme reconnu désignant la tendance des nouvelles technologies de l’information à s’étendre aux entreprises après leur apparition sur le marché de consommation : http://en.wikipedia.org/wiki/Consumerization (site disponible uniquement en anglais).
  2. Organe de gouvernance de CBC/Radio-Canada en matière de technologies (qui englobe les TI, les Télécommunications ainsi que l’Exploitation et les Technologies médias anglais et français), responsable de tous les aspects liés à l’orientation stratégique et aux décisions en matière de technologies.
  3. Une société américaine d’envergure mondiale de technologies de l'information basée à Blue Bell, Pennsylvanie, Etats-Unis. La société propose une gamme de services de TI, des logiciels et de la technologie, http://www.unisys.com/unisys/ri/topic/researchtopicdetail.jsp?id=700004.
  4. http://idc.cycloneinteractive.net/unisys_iview/en
  5. Une compagnie indépendante de technologie et d'études de marché qui offre à ses clients et au public des conseils sur l'impact actuel et potentiel de la technologie.
  6. Un fournisseur de recherche en intelligence d'affaires. Aberdeen réalise des études primaires et de sondages des individus quant à leurs décisions et leurs expériences dans le domaine des affaires.
  7. Une société allemande qui conçoit des logiciels d'entreprise pour gérer les opérations commerciales et les relations des clients. Elle compte 54 589 employés (2011) et réalise un chiffre d'affaires de 14 232 € milliards (2011).
  8. Une société mondiale de services financiers dont le siège est à New York au service d'un groupe diversifié de sociétés, de gouvernements, d’institutions financières et de particuliers. Morgan Stanley opère dans 42 pays, et compte plus de 1 300 bureaux et 60 000 employés.
  9. Une entreprise de conseil et de recherche dans le domaine de la technologie de l'information offrant un aperçu des technologies et des conseils connexes d’une manière impartiale.
  10. Une société du Massachusetts qui fournit des conseils et des informations relatives aux technologies de l'information.
  11. Une firme de recherche dans le domaine des technologies de l'information. Elle est spécialisée dans la recherche d'enquête et l’analyse de retour sur investissement (ROI) des déploiements technologiques.
  12. Les Communications unifiées (CU) sont l’ensemble intégré de services de communication en temps réel, tels que la messagerie instantanée (clavardage), la téléphonie (voix sur IP), la vidéoconférence et le partage de données ou d’écrans, dans une interface utilisateur universelle adaptée à de multiples appareils et types de médias.
  13. Obtenez des conseils experts pour établir une stratégie BYOD efficace (site disponible uniquement en anglais).

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