Flux de travail en mode fichier

Gregg Antworth

Gregg Antworth a d’abord travaillé comme technicien général (caméra, montage, réalisation) chez des câblodistributeurs au Nouveau-Brunswick et en Ontario avant de se joindre à CBC Halifax en 1984 à titre de technicien occasionnel, remplissant divers rôles comme opérateur de régie centrale, technicien de téléciné et monteur. En 1986, il a obtenu un poste à temps plein et, depuis, a occupé plusieurs fonctions : Monteur de journalisme électronique; Premier monteur à la production et instructeur technique; Superviseur, Services de postproduction et Services de soutien techniques; et Chef, Exploitation technique. En 2006, Gregg est passé à CBC Toronto pour devenir Chef, Postproduction vidéo et diriger le projet de conversion à la haute définition du Centre de production de Toronto. En 2007, Gregg a été promu au poste de Premier chef, Postproduction et Graphisme.

Pierre Lemieux

Pierre Lemieux a commencé sa carrière à Montréal à titre de Technicien postproduction pour La Sette, Vision Globale et Pixcom, durant les années 1990. Il a par la suite fait partie de l’équipe qui a lancé Global Montreal en 1997, où il a occupé différents postes techniques avant d’être promu Coordonnateur de la production. En 2000, il est recruté par BCE/Téléglobe pour occuper le poste d’Agent technique du centre de radiodiffusion, où il étend son réseau de clients internationaux comme CNN, la BBC ou la NHK, entre autres. Pierre est entré à Radio-Canada Montréal en 2000, à titre d’Assistant à la production (Moyens de production) au service des Nouvelles, avant de devenir Directeur technique, Postproduction, en 2005, puis Conseiller principal et coordonnateur, Postproduction, en 2007, et enfin Directeur, Postproduction et sous-titrage, en 2009.

Introduction

Le projet de flux de travail en mode fichier actuellement en cours de réalisation à CBC/Radio-Canada est révolutionnaire, car il s'agit d'un projet de gestion du changement de grande ampleur qui touche la manière dont les employés des activités médias font leur travail, les outils qu'ils utilisent ainsi que les flux de travail qu'ils suivent. Ce projet leur simplifie la vie, ajoute de la valeur à nos activités et réduit les coûts pour le contribuable canadien en rendant le contenu plus accessible dans l'ensemble de la Société et des différentes plateformes médias que nous utilisons.

Avant la mise en place du flux de travail en mode fichier, lorsqu'on produisait du contenu, il fallait faire de multiples copies sur bande vidéo pour être en mesure de distribuer, de monter et de visualiser le contenu, ainsi que pour un certain nombre d'autres utilisations. Cette infrastructure était suffisante il y a un certain nombre d’années, quand CBC/Radio-Canada avait simplement une plateforme pour la radio, une pour la télévision et une petite plateforme pour Internet; toutefois, les temps ont changé. Aujourd'hui, nous distribuons notre contenu sur près de quarante plateformes différentes, ce qui comprend les plateformes traditionnelles, Tou.tv, les téléphones intelligents, les tablettes, Netflix et iTunes, entre autres. C'est pourquoi il fallait créer une nouvelle infrastructure et de nouveaux flux de travail pour rendre le contenu accessible sur toutes les plateformes avec un minimum de travail de duplication, ce que le flux de travail en mode fichier a permis de faire à CBC/Radio-Canada, tout en réduisant les coûts de production au passage.

Cet article vise à vous donner un aperçu de ce que le flux de travail en mode fichier a signifié pour les Services anglais de CBC/Radio-Canada, de ce qu’il va signifier pour les Services français, ainsi que de la manière dont les Services français et anglais collaborent pour s'assurer d'en tirer le plus de valeur et d'efficacité possible.

Perspectives

Services anglais

Infrastructure

Le flux de travail en mode fichier a été officiellement mis en œuvre au sein du réseau de la Télévision anglaise en septembre 2006, avec les émissions Air Farce et Rick Mercer Report. Depuis, notre infrastructure physique a été grandement réduite grâce à une très importante réduction du nombre de magnétoscopes et de l'infrastructure qui y est associée, c'est-à-dire les routeurs, les panneaux enfichables, les bâtis, etc. Les bâtis ont été supprimés dans toutes les cabines de montage, et il ne reste qu'une poignée de magnétoscopes pour faire face à d'éventuels imprévus. À la suite de tout ce travail, la consommation d'énergie du service de Postproduction et Conception a diminué, la superficie du service a été réduite d'environ 16 000 pieds carrés, et des tonnes de déchets électroniques ont pris le chemin de Barrie, en Ontario, pour y être recyclées.

L'entrée du contenu a maintenant lieu au Centre de conversion média du réseau de la Télévision anglaise, où sont situés les postes de travail qui permettent l'entrée du contenu, qu'il provienne en direct des studios ou d'autres sources. En raison de la multiplicité des appareils utilisés pour créer du contenu aujourd'hui, le principal défi pour l'entrée du contenu réside dans la prise en charge d'un large ensemble de formats dans lesquels le contenu peut être présenté. Compte tenu de l'évolution constante de l'utilisation des formats de fichiers et la vitesse à laquelle la technologie se développe, il est impossible de prévoir ce que sera la « prochaine grande nouveauté ». C'est pourquoi nous nous devons d'être agiles, souples et préparés en tout temps à de nouveaux types de médias physiques et de codecs. Heureusement, l'infrastructure technologique du Centre de conversion média permet l’ajout de matériel standard et efficace afin de s'adapter aux changements de format.

Plus que de la simple souplesse, l'entrée de contenu au moyen du Centre de conversion média offre un autre avantage important, comparé à l'ancienne infrastructure de CBC/Radio-Canada basée sur des magnétoscopes : le facteur temps. Pendant le processus d'entrée du contenu, le transfert se fait de façon uniforme et pratiquement en un instant, dans la mesure où on connaît le format du contenu entré. À l'heure actuelle, la plupart du contenu est filmé en XDCAM 50 et, selon nous, il s'agit d'un format d'acquisition qui convient particulièrement bien aux besoins de CBC/Radio-Canada.

Une fois que le contenu a été entré, il est hébergé dans deux gros serveurs Avid ISIS à Toronto, l'un pour les nouvelles, et l'autre pour le contenu hors nouvelles, et le contenu y est accessible pour quiconque dispose d’un nom d'utilisateur et d’un mot de passe, ainsi que du droit d'accès au contenu, étant donné que la protection du contenu est une composante essentielle du flux de travail en mode fichier. Par exemple, lorsqu'il est question de programmation de journalisme d'enquête, comme l'émission The Fifth Estate, on ne soulignera jamais combien il est important que le contenu soit protégé d’intrusions de l'extérieur. Le contenu des serveurs est alors accessible à partir de n'importe quel établissement de CBC/Radio-Canada par l'entremise de notre Réseau convergent de nouvelle génération (RCNG).

Le plus grand défi auquel nous faisons face à l'heure actuelle est la mise en œuvre de la navigation dans du contenu Web à l'aide du logiciel Interplay Central, qui permet aux producteurs de contenu d'avoir accès à leur contenu où qu'ils se trouvent, dans la mesure où leur ordinateur, ou même leur iAppareil, dispose d'une connexion Internet. Ils peuvent alors voir leur contenu, prendre des notes en temps réel dans le serveur qu'un monteur recevra, et ce dernier pourra apporter les changements au contenu presque simultanément. Le processus est uniforme, et la version bêta est actuellement en exploitation à Edmonton, à Rimouski ainsi qu'à Montréal; cet outil est d'une grande facilité d'utilisation et ne demande qu'un minimum de formation pour ses utilisateurs.

Gestion du changement

On n’insistera jamais assez sur le fait que le flux de travail en mode fichier, contrairement à de nombreux autres projets menés à l’échelle de la Société, ne vient pas bouleverser l’infrastructure, puisque le processus est relativement simple; la véritable complexité de ce type de projet réside dans la gestion du changement.

Un projet de cette nature entraîne une foule de changement dans la manière dont les employés remplissent leurs tâches, ce qui n’est pas la chose la plus facile à faire lorsqu’ils suivent les mêmes processus depuis des dizaines d’années. Soudainement, on leur enlève leurs magnétoscopes, ils n’ont plus le droit de fonctionner avec des bandes vidéo, et ils sont invités à aller dans leur bureau, à se brancher et à regarder le contenu sur leurs ordinateurs.

Surmonter la résistance au changement peut sembler difficile au début, mais nous avons acquis assez d’expérience depuis six ans pour être en mesure de répondre à n’importe quelle question pouvant provenir des utilisateurs. Par conséquent, plutôt que de considérer les difficultés comme étant des obstacles, les producteurs peuvent facilement venir nous voir, nous parler de leurs problèmes, et nous pouvons leur fournir des solutions qui seront rentables pour eux, puisqu’il ne s’agit souvent que d’un câble ou d’un logiciel particulier.

Une fois la mise en œuvre, l’infrastructure et la gestion du changement menées à bien, il reste essentiellement à raffiner le flux de travail en faisant équipe avec les Services français au fur et à mesure de la mise en œuvre et de l’évolution de la technologie.

Services français

Infrastructure

Le projet de flux de travail en mode fichier a pris une orientation différente dans le réseau de la Télévision française, étant donné la gamme de productions traitées par les Services français. La production sans bande a été introduite il y a près de six ans, mais il y avait des différences dans les niveaux entre les studios, la postproduction et les cabines de mise en ondes. Il existe de nombreuses « îlots » de production différentes, et le principal objectif de la migration vers le flux de travail en mode fichier dans les services de production du côté français de CBC/Radio-Canada réside dans la connexion de tous ces « îlots » ensemble. Ces îlots sont constitués de cinq grands groupes : Nouvelles, Actualités, émissions en studio, autopromotions et Mise en ondes. Chacun de ces groupes travaille sans bandes magnétiques et utilise le système selon ses propres besoins, mais nous avons découvert que, même si le flux de travail ne se fait plus au moyen des bandes entre le studio et la postproduction, il fallait toujours utiliser une bande magnétique pour présenter le contenu ou l’envoyer d’un « îlot » à l’autre. Nous nous sommes rendu compte qu’il ne s’agissait pas seulement de connecter les studios et la production vidéo légère (PVL) à la Postproduction, mais qu’il fallait en fait adopter une vue plus globale. Heureusement, nous avons été en mesure d’appliquer des solutions qui existaient déjà au sein de nos activités de collectes de nouvelles et du côté des Services anglais.

Nous avons donc adopté un point de vue global. Nous savions que nos serveurs étaient déjà liés les uns aux autres, il a donc fallu se doter d’une vision, déterminer ce que nous utiliserions pour le flux de travail principal, les règles opérationnelles qui s’appliqueraient, ainsi que la forme que la nomenclature prendrait d’un processus à l’autre. On a donc entrepris une analyse opérationnelle et on en est arrivés à des conclusions quant au coût du flux de travail actuel par rapport au flux de travail sans aucune bande magnétique, et les économies étaient assez importantes pour justifier l’adoption d’un projet de cette ampleur. Après avoir pris en compte tout ce qui précède, les Services français ont maintenant une vision, un calendrier et des jalons. Le premier de ces jalons consistait à éliminer les bandes magnétiques des studios et de brancher ceux-ci au système Avid pour la postproduction, ce qui a été fait. Le deuxième jalon, comme du côté des Services anglais, vise l’intégration de l’application Interplay Central dans le flux de travail, ce qui se fera au premier trimestre 2013. Par la suite, les Services français seront connectés numériquement à la Mise en ondes au printemps 2013, et les caméras pour les tournages en extérieur seront remplacées en 2014 pour compléter notre processus de normalisation.

L’application s’avère déjà un outil incroyablement utile pour rendre le contenu non seulement accessible, mais aussi pour le sécuriser. Essentiellement, Interplay fournit l’intelligence qui prend en charge notre serveur Avid et connecte toutes les parties ensemble. Il alimente les cabines de montage et gère la connexion entre elles; il fournit le contenu aux cabines de montage et assure le suivi de son emplacement et de sa destination; il le convertit d’un format à l’autre, et se charge même de l’envoi à Front Porch, l’intermédiaire qui communique avec notre serveur d’archives.

À mesure que nous approchons de la mise en œuvre complète d’Interplay, nous en voyons déjà les avantages financiers, et nous avons calculé que, une fois que nous aurons éliminé les dernières parties du flux de travail actuel qui nécessitent l’utilisation de bandes magnétiques, nous devrions atteindre le plein rendement du capital investi (RCI) dans les trois ans suivant la mise en œuvre. Ce RCI tient non seulement compte des économies de coûts, mais aussi de l’accès démocratique et en temps opportun à notre contenu fourni aux producteurs, aux réalisateurs et aux journalistes (entre autres), qui souhaitent faire le prémontage de leur contenu avant d’aller dans la cabine de montage pour le peaufiner.

Gestion du changement

Comme pour les Services anglais, le principal défi posé par le flux de travail en mode fichier est plus une question de gestion du changement qu’autre chose. Un comité directeur qui représente les principaux groupes du service de la Production dirige la construction des ponts qui connecteront les différents « îlots » concernées par ce projet.

Nous avons de la chance dans la mesure où nous possédons tout le savoir-faire nécessaire au sein de CBC/Radio-Canada et où nous pouvons obtenir exactement ce dont nous avons besoin de la part de nos fournisseurs, et ce, même si le niveau d’intégration au sein de la Société est quelque chose de rarement vu chez les radiodiffuseurs en général. Le processus de gestion du changement demande que tout le monde soit sur le même pied d’égalité. C’est moins difficile qu’au début pour nos employés; toutefois, maintenant qu’ils sont habitués aux technologies, non seulement tout fonctionne plus efficacement, mais le processus est également plus démocratique.

Le fait que nous avons pu présenter à nos employés des résultats tangibles pour la salle des Nouvelles françaises, qui n’utilise plus de bandes depuis 2001, ainsi que l’expérience de la mise en œuvre du flux de travail en mode fichier dans les Services anglais, nous ont donné une longueur d’avance pour obtenir leur aide afin que la transition se fasse en douceur. Après tout, le processus de gestion du changement est beaucoup plus facile lorsque les employés en voient les avantages et ont hâte de procéder au changement.

Coopération au sein de CBC/Radio-Canada

Les Services français ont eu l’avantage d’avoir un modèle de flux de travail sur mode fichier entièrement opérationnel dans la salle des Nouvelles françaises et dans les Services anglais de CBC/Radio-Canada, ainsi que la chance de pouvoir apprendre des défis qui ont dû être relevés pendant la mise en œuvre.

Au bout du compte, le processus mettra en phase les Services français et anglais en ce qui a trait à la manipulation et à l’accessibilité du contenu à l’échelle de la Société. La seule différence observable pour ce qui est du flux de travail sera la plus grande quantité de productions de variétés maison qui figurent au réseau de la Télévision française de CBC/Radio-Canada.

Métadonnées et Archivage

L’adoption d’un flux de travail en mode fichier entièrement exempt de bandes magnétiques, combinée au coup de pouce donné à la production de contenu par la distribution multiplateforme, facilitera l’archivage immédiat du contenu pour son utilisation sur le champ ou à une date ultérieure, ce qui en soi permettra des économies à long terme, mais apportera aussi un autre défi : celui de définir les métadonnées du contenu pour pouvoir le récupérer facilement par la suite.

Afin de faciliter ce processus, CBC/Radio-Canada a mis sur pied un comité qui cherche à définir comment la Société traitera les métadonnées. Nous connaissons bien la manière dont nous créerons du contenu et le chemin qu’il prendra dans notre système, mais nous devons contrôler ce processus et les métadonnées qui l’accompagnent. C’est pourquoi un des changements à apporter au processus consiste à placer les archivistes au début du processus, afin qu’ils puissent attribuer les métadonnées qui conviennent au contenu dès le départ.

En définitive, les archivistes sont les personnes les mieux placées pour décrire le contenu quand il est entré dans le système, le paysage linguistique du Canada venant encore compliquer un peu plus les choses. Le contenu ne sert pas à grand-chose s’il ne peut pas être récupéré et utilisé quand on en a besoin; par conséquent, la normalisation est nécessaire pour garantir que les métadonnées sont dans les champs appropriés quant au contenu, et que ces entrées dans les champs sont uniformes, peu importe la langue.

Le défi va même au-delà de tout cela, car il faut aussi distribuer notre contenu sur Internet. Le Web a des exigences bien particulières en matière de métadonnées pour la notification du contenu des sites web, la mise à jour des bases de données, etc.

Désormais, CBC/Radio-Canada a une vision de l’importance des métadonnées et de la manière dont elles seront traitées. Cette vision commence déjà à être appliquée et sera entièrement appliquée dans le contexte de la solution de gestion des actifs médias (en anglais : « Media Asset Management », MAM) à venir.

Conclusion

CBC/Radio-Canada a choisi d’adopter le flux de travail en mode fichier dans toutes ses activités télévisuelles et numériques en vue d’améliorer l’efficacité, de rendre le contenu accessible sur un ensemble de plateformes et de simplifier sa distribution et son archivage.

Enfin, il y avait de nombreuses bonnes raisons de nous lancer sur cette voie; au-delà de la simple élimination des bandes magnétiques, il fallait aussi changer la manière dont nous faisons les choses à titre d’entreprise. De nombreuses raisons nous ont poussé, et continuent de nous pousser à faire ce changement, mais la raison principale est l’optimalisation de nos processus pour nous permettre d’investir l’argent des contribuables dans ce qui ajoute de la valeur à notre programmation. Donner davantage accès à notre contenu produit aussi une dynamique de travail différente au sein de CBC/Radio-Canada. Grâce au flux de travail en mode fichier, nous sommes en mesure de réduire les coûts de postproduction de notre programmation de 20 à 30 % par émission, et de réinvestir le tout dans ce qui compte le plus pour les Canadiens : notre programmation.

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