Centralisation de la Radio

Michel Leduc

Michel Leduc est Chef, Ingénierie médias, au groupe Productions de Radio-Canada. Il s’est joint à CBC/Radio-Canada en 1988 à titre de Chef de projet, au Siège de l’Ingénierie nationale. Il a travaillé à de nombreux projets touchant la radio et la télévision, p. ex., la mise à niveau des studios 71, 72 et 76 (postproduction télévision - audio), des salles de postproduction Avid et des studios 14 et 16 (postproduction radio - audio) à Montréal, plusieurs studios de radio et de télévision au Centre canadien de radiodiffusion de Toronto, le projet RCI, etc. Il a été promu Chef de service en septembre 2001. Depuis, il a été responsable de la plupart des projets de postproduction en radio et en télévision aux Services français, notamment de projets comme la centralisation de la Radio.

Sanjeev Kharbanda

Sanjeev Kharbanda est Chef, Ingénierie médias, au groupe Exploitation et Technologies médias de CBC/Radio-Canada à Toronto. Ses responsabilités comprennent la mise en œuvre des projets touchant la radio, la télévision et les médias numériques aux Services anglais. Sanjeev est au service de CBC/Radio-Canada depuis 1988 et a travaillé à de nombreux projets (centralisation de la Radio, déploiements DaletPlus et Avid, studios de radio, etc.)

Philippe Aubé

Philippe Aubé, ingénieur et titulaire d’un MBA, a commencé sa carrière à CBC/Radio-Canada en 1999, comme Superviseur technique, Exploitation de transmission, dans les Provinces maritimes. En 2005, Philippe a déménagé à Halifax et est devenu Ingénieur de projet, Région de l’Atlantique, pour le groupe de l’Ingénierie de transmission de CBC/Radio-Canada. Depuis 2009, Philippe travaille à partir de Montréal comme Premier chef de l’Ingénierie de transmission. Il est diplômé de l’Université de Moncton au Nouveau-Brunswick, en génie électrique (1999) et il a aussi obtenu une maîtrise en administration des affaires de l’Université Saint Mary, à Halifax, en Nouvelle-Écosse (2008).

Jean-Marc Gellatly

Jean-Marc Gellatly est Directeur, Mise en ondes des médias, au groupe Productions de Radio-Canada. Il est responsable de la diffusion du contenu aux auditoires francophones à l’échelle du Canada. Jean-Marc et son équipe terminent actuellement la consolidation de toutes les activités et technologies de régie centrale (radio, télévision et numérique) dans un centre unique et intégré de mise en ondes des médias à Montréal. Spécialiste de la diffusion comptant plus de vingt-cinq ans d’expérience opérationnelle, Jean-Marc s’est joint à CBC/Radio-Canada en 2005.

Scott Stewardson

Scott Stewardson est Directeur, Mise en ondes des médias, Services anglais, au groupe Exploitation et Technologies médias de CBC/Radio-Canada à Toronto. Il est responsable du centre de mise en ondes radio, télé et numérique intégré et centralisé situé au Centre canadien de radiodiffusion de Toronto. Scott et son équipe, depuis deux ans, ont déployé la technologie et les processus qui permettent de diffuser le contenu aux auditeurs canadiens au moment et de la façon que ceux-ci préfèrent. Scott a aussi exercé des fonctions de leadership en production télé et radio, en ingénierie et en maintenance technologique, et a également été Chef des installations à CBC Vancouver.

Introduction

Avant le 31 mai 2011, la mise en ondes de la Radio à CBC/Radio-Canada avait comme point d’origine les têtes de réseau de Montréal et de Toronto et devait compter sur l’appui de plusieurs centres régionaux de mise en ondes ayant chacun son propre système d’automatisation. Le système permettant la diffusion des signaux mis en ondes à des centaines d’émetteurs appartenant à CBC/Radio-Canada reposait sur un réseau complexe et coûteux de liaisons satellite et de circuits terrestres loués auprès des entreprises de télécommunications. Les contrats relatifs à ces installations terrestres venaient à échéance en 2011 et, comme une majeure partie de l’infrastructure terrestre des entreprises de télécoms approchait de la fin de sa vie utile, était peu fiable et exigeait d’importants investissements, on s’attendait à ce que les entreprises de télécoms ne renouvellent pas certaines parties de ces contrats, ou à ce qu’elles exigent des frais plus élevés pour l’exploitation de ces réseaux.

Par ailleurs, CBC/Radio-Canada a commencé à distribuer le contenu par l’entremise de nouveaux canaux, par exemple la diffusion Web en continu, qui exigeaient que tout le contenu régional soit acheminé jusqu’à Toronto pour une distribution centralisée vers des réseaux de diffusion de contenu (RDC). Dans le cas de la Radio anglaise, cette exigence a été remplie par le déploiement dans les régions de codeurs MP3 à faible coût (Barix), dont le rôle était de coder la programmation régionale en format MP3 et d’acheminer cette programmation à une paire de serveurs IceCast redondants à Toronto, avant qu’elle ne soit transmise au RDC Abacast pour la diffusion Web.

Figure 1 – Topologie de mise en ondes : ancien modèle et nouveau modèle

Dans ce contexte, une étude a été commandée pour qu’on effectue une analyse coûts/avantages de l’option du maintien de la mise en ondes décentralisée, par rapport à une reconfiguration des systèmes de mise en ondes de la Radio selon une approche centralisée, avec distribution par satellite, comme on l’avait fait pour la télévision en 2001. L’analyse a clairement démontré qu’en raison des investissements considérables qu’il aurait fallu engager dans les régions pour moderniser l’infrastructure de mise en ondes, ainsi que de la hausse prévisible des coûts des contrats d’installations terrestres, il était préférable d’opter pour une « mise en ondes centralisée » avec distribution par satellite. À partir des résultats de cette étude, les réseaux de la Radio anglaise et de la Radio française ont convenu de mettre en œuvre des projets de diffusion centralisée.

Le concept de centralisation

Le modèle de centralisation de CBC/Radio-Canada consiste à recueillir le contenu en direct provenant des régions et à acheminer les fichiers préformatés contenant les émissions jusqu’à des centres de mise en ondes réseau (à Montréal et à Toronto) en utilisant le réseau convergent de nouvelle génération (RCNG). Ces centres de mise en ondes réseau intègrent la programmation pour que cette dernière puisse être transmise au satellite, puis distribuée directement aux émetteurs. Dans le but de faciliter la reprise du service dans l’éventualité d’un sinistre, il a été convenu que la liaison descendante du satellite acheminerait le signal vers de grandes installations (Vancouver, Calgary, etc.) et que le contenu serait distribué aux émetteurs principaux au moyen de liaisons locales.

Figure 2 – RCNG de CBC/Radio-Canada

Maintenant que le contenu est disponible centralement aux têtes de réseau (les centres de mise en ondes réseau), il peut être offert, depuis ces emplacements, à d’autres plateformes de distribution, p. ex. webdiffusion, vidéo sur demande, etc.

L’approbation et la réalisation du projet de RCNG ont ouvert la voie à la mise en ondes centralisée, car le RCNG permet d’acheminer facilement le contenu en direct provenant de l’ensemble des sites régionaux jusqu’aux têtes de réseau à Montréal et à Toronto. Voici un schéma de haut niveau de la structure du RCNG.

Les cases jaunes représentent les treize sites noyaux, auxquels se raccordent les sites périphériques et tous les autres types de sites.

Architecture du système

L’architecture de centralisation utilisée à la fois pour la Radio française et la Radio anglaise a été le fruit d’une collaboration étroite entre les équipes d’Ingénierie des réseaux français et anglais, et son déploiement a exigé environ deux ans. Des routeurs Lawo Nova 73 avec systèmes de contrôle « Virtual Studio Manager » (VSM) sont présents dans l’infrastructure d’acheminement principale aussi bien à Montréal qu’à Toronto. Les routeurs Lawo assurent le traitement de signaux numériques (en anglais : « Digital Signal Processing » ou DSP), ce qui permet les mesures à distance, les fondus audio et la détection des signaux (y compris des silences) à chacune des sources et destinations. Cet unique routeur (capacité maximum de 4 000 x 4 000, stéréo) remplace plusieurs routeurs utilisés précédemment (mise en ondes, surveillance, production, annonces d’excuses, atténuateurs externes, assistance, etc.).

Le système de contrôle VSM comprend des serveurs principaux et de secours et un serveur additionnel de réserve en cas d’urgence, et inclut divers panneaux virtuels, p. ex. état des alarmes, traitement des alarmes, XY, annonces d’excuses, mesures des signaux.

Au moment où le projet de centralisation de la Radio a été approuvé, Montréal avait déjà mis à niveau son système d’automatisation Harris pour passer à la version la plus récente, tandis que Toronto utilisait toujours une version plus ancienne de l’automatisation Harris. En conséquence, aux fins du projet de centralisation de la Radio, Montréal a ajouté des voies à son système d’automatisation Harris, tandis que Toronto a opté pour le déploiement de l’environnement Miranda iTX en tant que système d’automatisation intégré pour la radio et la télévision.

Redondance

Figure 3 – Architecture du système de Toronto

Tous les principaux éléments du système ont des éléments miroirs (automatisation, routeur Lawo, VSM, Advocent KVM, stations de travail Dalet) et les systèmes de secours sont toujours prêts à prendre la relève en cas de panne d’un élément du système principal. Les éléments miroirs sont placés dans des endroits différents des installations, pour éviter les interruptions attribuables à un incendie ou à une inondation. Un serveur VSM de réserve pour situations d’urgence est en place afin de réduire au minimum le temps d’interruption en cas d’attaque de virus.

Figure 4 – Environnement Miranda iTX

L’environnement d’automatisation de Toronto comprend le système de mise en ondes automatisée Miranda iTX, un système intégré assurant la mise en ondes aussi bien de la radio que de la télévision. Ce système utilise une plateforme TI standard et offre de multiples fonctions pour tous les canaux de mise en ondes : automatisation, serveur de mise en ondes, identification/génération de caractères, aiguilleur de régie centrale/effets vidéo numériques et traitement vidéo/audio.

Figure 5 – Architecture du système de Montréal

L’environnement d’automatisation de Montréal est constitué d’un système Harris série 8200 configuré avec deux serveurs principaux et trois paires d’automatisation d’équipements, et pouvant prendre en charge jusqu’à vingt-quatre stations de travail Dalet et jusqu’à 225 destinations de diffusion (bus). De plus, un système KVM attitré a été mis en place, avec vingt et une stations de surveillance pouvant accueillir jusqu’à quinze utilisateurs simultanément.

Infrastructure de distribution (transmission)

Le projet de centralisation de la Radio exige d’importantes mises à niveau de l’infrastructure de transmission existante à Montréal et à Toronto, afin de soutenir la capacité accrue de transmission de canaux audio vers le satellite et de donner aux sites d’émetteur la possibilité de capter directement les signaux de la liaison descendante.

Dans le cas des Services anglais, une toute nouvelle installation de liaison montante a été mise en place à Toronto, et comporte quatre amplificateurs de grande puissance (en anglais : « High Power Amplifiers », soit HPA) en bande C entièrement redondants et un HPA en bande Ku entièrement redondant, avec les modulateurs et les convertisseurs ascendants requis. De nouvelles alimentations non interruptibles (en anglais : « Uninterrupted Power Supply », soit UPS), accompagnées des composants électriques nécessaires, ont été installées pour alimenter la salle de codage du sixième étage et la salle HPA du dixième étage.

La plateforme de codage Cisco a également fait l’objet d’importantes mises à niveau, pour permettre de multiplexer 75 signaux radio (Radio One et Radio Two) sur une liaison montante en bande C. De plus, un nouveau système de liaison montante « audio sur IP » en bande Ku a été conçu et installé pour offrir un moyen efficace d’acheminer quinze signaux radio à environ 80 sites d’émetteur AM et FM de faible puissance.

Pour recevoir les signaux de mise en ondes, plus de 400 récepteurs Cisco D9850 ont été installés à divers sites d’émetteur. De plus, environ 30 antennes de réception satellite en bande C de 4,5 m et environ 80 antennes en bande Ku de 1,8 m ont été installées à des sites d’émetteur qui étaient auparavant alimentés par des circuits terrestres.

Du côté des Services français, une expansion majeure de la salle de liaison montante à Montréal a été réalisée pour permettre la prise en charge des nouveaux HPA, modulateurs et convertisseurs ascendants entièrement redondants. De plus, d’importantes améliorations ont été apportées à la plateforme de codage Cisco/SA pour permettre de multiplexer quelque 60 signaux radio (Première Chaîne et Espace Musique) sur une liaison montante en bande C. Aucun système de liaison montante radio en bande Ku n’a été installé pour les Services français.

Pour la réception des signaux de mise en ondes, plus de 200 récepteurs Cisco D9850 ont été installés à divers sites d’émetteur. De plus, environ 30 antennes de réception satellite en bande C de 4,5 m ont été installées à des sites d’émetteur qui étaient auparavant alimentés par des circuits terrestres.

Par ailleurs, une antenne de réception satellite en bande C de 4,5 m et une antenne de réception satellite en bande Ku de 1,8 m sont installées au Centre national d’alerte (CNA), à Ottawa, pour la surveillance de nos signaux satellite.

Gestion du système (exploitation)

Du point de vue opérationnel, le modèle de distribution centralisée conjointement adopté par les réseaux radio français et anglais représentait un important changement de cap par rapport au modèle de distribution décentralisé qui était en place depuis une cinquantaine d’années. En fait, pour la première fois dans l’histoire de la Société, toutes les fonctions de contrôle et de surveillance de la radio étaient regroupées à un même endroit. L’adoption simultanée par les Services français et les Services anglais d’une approche, d’une technologie et d’une méthodologie communes a permis de maintenir une cohérence à l’échelle de CBC/Radio-Canada et d’offrir à tous les Canadiens un meilleur accès à notre contenu diversifié et à notre gamme de services toujours croissante.

Puisque la Radio était déjà un médium sans bandes magnétiques, utilisant Dalet comme principal outil de radiotique, et compte tenu des déploiements parallèles à la fois du nouveau RCNG (réseau numérique fourni par Rogers) et d’un système numérique intégré de routage et de contrôle (LAWO/VSM) dans notre régie centrale, tous les éléments étaient en place pour nous permettre de réinventer notre façon de distribuer la Radio à nos auditoires.

Alors que les têtes de réseau de Montréal et de Toronto n’avaient auparavant qu’une visibilité et une capacité de contrôle extrêmement limitées sur les insertions régionales, et qu’un tel contrôle reposait sur un ensemble disparate de fournisseurs et de technologies, elles exercent maintenant un contrôle et une surveillance complètes sur l’ensemble de la distribution, à l’échelle de tout le réseau. Cela a été rendu possible en grande partie grâce à l’intégration de la technologie IP dans l’environnement de diffusion. Il est devenu possible aux têtes de réseau de surveiller et de gérer les sources régionales comme s’il s’agissait de studios locaux, avec acheminement transparent et instantané de sources et de contenus particuliers vers des émetteurs et des marchés désignés.

Une approche non linéaire de surveillance et de contrôle (le contrôle par exception), qui repose sur des mesures systématiques et automatisées du contenu et de l’équipement couvrant l’ensemble des parcours et des nœuds critiques, aide les opérateurs en les informant instantanément des défaillances sur toute voie de diffusion particulière en direction de l’un ou de l’autre des sites d’émetteur de la Radio française (plus de 200) et de la Radio anglaise (plus de 400). Tous ces sites d’émetteur reçoivent maintenant leur contenu par l’entremise d’une source satellite multiplexée adressable plutôt que par voie terrestre. Ce nouveau modèle a réduit de beaucoup les efforts requis pour communiquer et coordonner de multiples horaires de mise en ondes/distribution entre les têtes de réseau et les régions, et permet aux opérateurs, en collaboration avec notre CNA, de se concentrer uniquement sur la résolution des problèmes critiques de diffusion, ce qui réduit sensiblement les délais de rétablissement du service. En bref, les systèmes surveillent maintenant l’état du réseau de façon constante, ce qui libère de précieuses ressources pour l’exécution de tâches à valeur ajoutée, plutôt que de confiner ces ressources à une surveillance « à l’ancienne », obligeant à tout voir et tout entendre!

La mise en ondes de la Radio à Toronto a franchi un pas de plus vers la centralisation et l’intégration grâce à l’introduction du système d’automatisation Miranda iTX. Ce dernier système est d’usage courant dans la mise en onde des médias (télévision, radio et numérique); il s’agit d’un système unique qui gère le contenu pour tous nos auditoires. L’interface avec le système de trafic-émissions Traffic Plus et le système de génération de contenu DaletPlus est un aspect clé de la réussite du projet.

La mise en ondes de la Radio est entièrement intégrée dans les installations du Centre de mise en ondes des médias, qui regroupe tous les processus de diffusion de contenu au sein d’une même installation fonctionnelle. Cette évolution nous a permis de perfectionner davantage les tâches intégrées de régie centrale, de diffusion de contenu et de surveillance.

Conclusion

La centralisation de la Radio nous procure un maximum de souplesse pour rassembler le contenu et mobiliser les canaux de distribution existants et nouveaux – émetteurs, flux Web, vidéo sur demande, etc. – afin de pouvoir répondre de façon optimale à l’évolution des besoins de nos auditoires et, ainsi, de satisfaire aux critères et aux objectifs propres à un « fournisseur de contenu ».

Globalement, le projet de centralisation a permis de diminuer sensiblement les investissements et les charges opérationnelles en réduisant l’infrastructure technique qui était déployée dans les régions (routeurs de mise en ondes, systèmes d’automatisation, mouchards, etc.). De plus, grâce à la présence constante, 24 heures sur 24, de techniciens aux centres de mise en ondes de Montréal et de Toronto, il est possible de mieux contrôler et surveiller nos canaux de distribution. Le contrôle, les communications, la maintenance des installations et les connaissances globales sont beaucoup plus uniformes et fiables. La technologie a été une pièce maîtresse, mais la vision du projet, la qualité du déploiement et la capacité de notre personnel de modifier fondamentalement son approche de la mise en ondes ont été les éléments clés du succès de ce projet.

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