Lettre de mandat de la commissaire

Madame la Commissaire,

Félicitations pour votre nomination en tant que neuvième commissaire du Service correctionnel du Canada (SCC). L'intégrité et la cohérence des activités du gouvernement dépendent largement de la capacité des ministres de coordonner leurs portefeuilles respectifs de façon intégrée, tout en respectant les divers degrés d'indépendance nécessaires sur le plan opérationnel, tel que reconnu dans le document Pour un gouvernement ouvert et responsable (2015). Dans l'exercice des pouvoirs qui me sont conférés par l'article 5 de la Loi sur le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile et par l'article 6(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), je me fonderai sur vos conseils et vos commentaires pour déterminer les priorités stratégiques du SCC et pour anticiper et gérer les enjeux touchant la sécurité publique ainsi que la solidité du SCC. Je vous offrirai également des suggestions, comme dans la lettre qui suit, quant aux axes stratégiques à poursuivre.

Je reconnais que certaines de ces initiatives nécessiteront peut-être de nouvelles autorités en matière de politiques ou de financement, et nous pouvons travailler ensemble là-dessus. Je tiens également à vous féliciter du progrès déjà réalisé dans certains domaines importants, tels que la réduction du recours à l'isolement cellulaire, la mise en œuvre d'un programme d'échange d'aiguilles et le rétablissement des fermes pénitentiaires comme outil thérapeutique et moyen de réhabilitation.

À titre de commissaire, vous jouez un rôle prépondérant pour garantir que le SCC assure la sécurité des collectivités canadiennes au moyen de mesures carcérales appropriées, de la réhabilitation efficace, et de la réinsertion sociale sécuritaire des personnes purgeant une peine fédérale. Votre responsabilité envers les Canadiens et de veiller à ce que, lorsque les délinquants retournent dans leurs communautés, ils soient bien préparés pour mener des vies productives, en toute sécurité et dans le respect des lois; votre responsabilité envers les employés du SCC est de veiller à ce qu'ils aient un milieu de travail sûr et le soutien dont ils ont besoin pour remplir le mandat du service correctionnel; votre responsabilité envers les victimes d'actes criminels est de veiller à ce qu'elles reçoivent la compassion, le respect et l'information auxquels elles ont droit de la part du SCC; et votre responsabilité envers les personnes sous votre charge est de veiller à ce qu'elles reçoivent les programmes, les interventions et le traitement dont elles ont besoin, et ce, dans un environnement sûr, sécuritaire et humain.

Vos efforts à cet égard profiteront grandement de l'expérience et de l'expertise des nombreux partenaires du SCC, à la fois gouvernementaux et communautaires. La création et le renforcement de ces liens - par le biais, entre autres, de communications continues et d'accords de financement selon le cas - est un élément inestimable du succès en matière de réhabilitation et de sécurité publique.

Parmi les partenaires les plus importants du SCC sont les peuples et organisations autochtones. Bien que ce soient généralement d'autres ministères et organismes gouvernementaux qui doivent s'occuper des facteurs socioéconomiques menant à la surreprésentation des personnes autochtones dans les pénitenciers fédéraux, votre devoir est de faire en sorte que le SCC offre à celles et ceux qui sont entrées en conflit avec la justice une occasion réelle de reprendre leurs vies en main. Vu que le premier ministre m'a donné le mandat de combler les lacunes dans les services aux populations autochtones à l'échelle du système de justice pénale, je vous encourage à : collaborer avec vos partenaires autochtones afin d'accroître le nombre d'établissements créés en vertu de l'article 81 de la LSCMLC, ainsi que le nombre de mises en liberté avec soutien communautaire en vertu de l'article 84; veiller à ce que les délinquants autochtones aient accès le plus rapidement possible à des interventions correctionnelles efficaces, adaptées aux particularités culturelles et développées en collaboration avec des partenaires autochtones, afin de les préparer en temps opportun pour une mise en liberté réussie; et répondre aux besoins particuliers des femmes autochtones au sein du système correctionnel. De plus, en consultation avec vos partenaires autochtones, je vous encourage à réexaminer la structure de gouvernance du SCC et le rôle du Comité consultatif national sur les questions autochtones afin d'assurer une meilleure intégration des besoins et perspectives des personnes autochtones dans les décisions prises au niveau de la haute direction; j'aimerais recevoir de votre part une mise à jour sur ce processus d'ici décembre 2018, avec la mise en œuvre en 2019.

D'autres groupes de délinquants avec des expériences et des besoins particuliers incluent les Canadiens noirs, les femmes, les jeunes adultes, les personnes LGBTQ2, les personnes âgées et les personnes handicapées. Dans l'intérêt de la réhabilitation efficace, il est important que les services, les interventions, les outils d'évaluation et les approches correctionnelles soient bien adaptés à toute la diversité de la population du SCC, et que cette diversité soit reflétée au sein du personnel et de la direction. Je vous encourage à travailler de concert avec les organismes qui œuvrent au sein de ces diverses communautés afin de répondre aux besoins particuliers des délinquants, tant dans les établissements que lors de la mise en liberté. En ce qui concerne les services correctionnels pour les femmes, les principes énoncés en 1990 dans le rapport La création du choix : rapport du groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale restent, plus que jamais, pertinents et montrent la voie du progrès.

Pour tous les délinquants, il est essentiel que le SCC puisse toujours démontrer l'efficacité de ses programmes de réhabilitation, analyses et recherches internes et externes à l'appui. Je vous encourage à vous associer à des organismes communautaires et à des bénévoles, et à leur offrir votre soutien, afin de fournir une variété accrue d'options de programmation, telles que des programmes liés aux arts, des programmes impliquant des animaux, et des programmes qui incluent le mentorat par les pairs.

Dans plusieurs cas, les interventions appropriées comprennent le traitement de problèmes de santé physique et mentale, et de toxicomanie. Le premier ministre m'a expressément donné le mandat de combler les lacunes associées aux services offerts aux personnes souffrant d'une maladie mentale à l'échelle du système de justice pénale. Par conséquent, je vous encourage à : améliorer la prévention, le diagnostic précoce et le traitement des conditions médicales et de santé mentale aigües et chroniques; poursuivre le progrès vers des taux plus bas de maladies infectieuses, notamment par le biais de mesures de réduction des risques; veiller à ce que la toxicomanie soit perçue et traitée principalement comme un problème médical; fournir une nutrition suffisante en termes de qualité et de quantité pour favoriser le bien-être; prendre toutes les mesures possibles pour éviter que les individus avec des problèmes de santé mentale soient placés en isolement, et continuer de réduire le recours à l'isolement de façon générale; et collaborer avec les organismes de santé publique et les services de santé provinciaux et territoriaux afin d'assurer la qualité des soins dans les établissements, et la continuité des soins lors de la mise en liberté.

Le succès en matière de réhabilitation est également lié étroitement à l'éducation et à l'emploi. Pour cette raison, je vous encourage à mettre l'accent, pour les délinquants, sur l'obtention d'un diplôme d'études secondaires, à rendre l'éducation post-secondaire plus accessible, et à tirer profit de partenariats communautaires pour relier les personnes qui se préparent à la mise en liberté aux possibilités d'éducation et d'emploi. Ces efforts comprendront l'examen d'options relatives à l'apprentissage à distance et à l'utilisation contrôlée des technologies de l'information. De plus, les programmes de formation professionnelle devraient être centrés sur le développement de compétences liées à l'employabilité; une analyse comparative entre les sexes des programmes de CORCAN aidera à atteindre cet objectif.

Je vous encourage aussi à travailler en étroite collaboration avec vos partenaires, dont les administrateurs des établissements résidentiels communautaires, dans le but de créer les conditions de réussite pour les personnes en liberté conditionnelle et en liberté d'office. Afin d'appuyer les agents de libération conditionnelle dans leurs efforts d'assurer la sécurité du public et de réduire les taux de révocation et de récidivisme, des approches novatrices telles que l'Initiative de formation stratégique en surveillance communautaire devraient être sérieusement envisagées.

Les liens familiaux et communautaires établis ou maintenus pendant la période d'incarcération sont un autre facteur qui favorise la réinsertion sécuritaire et réussie. Je vous encourage donc à promouvoir le développement de ces relations en minimisant, de façon sécuritaire, les obstacles aux visites et aux communications, et en examinant les options relatives à l'utilisation contrôlée du courrier électronique. En permettant de rester en contact avec le monde extérieur, les amis et les membres de la famille des détenus peuvent, d'une certaine manière, être des partenaires du SCC dans la préparation efficace pour la mise en liberté.

Bien sûr, en tant que commissaire, vos partenaires les plus importants sont les employés du SCC. Leurs efforts acharnés et leur dévouement sont fondamentaux à l'obtention de résultats correctionnels positifs; leur fournir un environnement de travail sécuritaire et le soutien dont ils ont besoin est donc une condition préalable pour le succès. Je sais que vous engagerez avec eux un dialogue constructif sur les enjeux qui les préoccupent, et que ce sera pour vous une priorité prépondérante de veiller à ce que le SCC soit un milieu de travail sans intimidation, harcèlement ou violence sexuelle.

Finalement, je vous encourage à instaurer dans le SCC une culture d'autoréflexion continue. Cela inclut : réexaminer régulièrement les politiques et les opérations afin d'identifier ce qui fonctionne, et de changer ce qui ne fonctionne pas; veiller à ce que les incidents où il y a recours à la force soient enquêtés de façon compréhensive et transparente, et que les leçons qui en découlent soient appliquées; chercher des idées et des approches novatrices, fondées sur les expériences du SCC, de même que celles d'autres juridictions au Canada et ailleurs dans le monde; faciliter le travail de chercheurs indépendants au sein du SCC; et accueillir les critiques constructives, offertes de bonne foi, comme étant des moteurs indispensables du progrès. En particulier, il ne faudra ménager aucun effort pour maintenir des relations de travail coopératives avec le Bureau de l'enquêteur correctionnel (BEC) dans le but de résoudre des questions d'intérêt commun.

Avec vos 35 ans d'expérience dans le domaine des services correctionnels, vous savez très bien que la tâche que vous assumez s'agit d'un énorme défi, et qu'elle est d'une importance capitale. Vous aurez tout mon soutien dans vos efforts visant à réaliser les priorités de votre mandat et défendre la sécurité publique, ayant toujours à l'esprit que celle-ci dépend de la réhabilitation réussie.

Veuillez agréer, Madame la Commissaire, l'assurance de ma très haute considération.

L'honorable Ralph Goodale, C.P., député
Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile

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